Il me semble que ce terme de "Francs" était une expression générique utilisée par les Musulmans pour désigner les Chrétiens en tant qu’ennemis armés.
Une petite recherche dans
Voyageurs arabes, Gallimard la Pléiade, 1995 montre en effet une distinction qui m'avait échappé jusque là (merci
): Ibn Jubayr, dans sa
Relation de voyages (fin du XIIème siècle), utilise presque toujours le terme "Chrétiens" pour désigner ceux-ci chez eux en Europe (il n’emploie jamais « Franc » lorsqu’il voyage en Sicile ou en Sardaigne), ou lorsqu'ils sont soumis (par exemple esclaves), ou si ce sont des orientaux vivant en terre d'Islam, ou encore les marchands, alors qu'il emploie le terme de "Francs" pour les nommer ou qualifier leurs territoires, villes, constructions, etc... conquis en Terre Sainte, ou lorsqu'ils sont en armes. Quant aux Byzantins, ce sont toujours les "Rûm".
Ex: p. 72:
"Durant notre séjour dans ce mouillage [sur une côte de Sardaigne], nous renouvelâmes les provisions d'eau, de bois et de vivres. Un musulman qui connaissait la langue du pays, descendit à terre avec un groupe de
chrétiens pour se rendre aux habitations les plus proches."
p. 74:
"Nous naviguâmes en haute mer, espérant que nous étions très proches de la Crète, île aux mains des
Rûm, sous la dépendance du souverain de Constantinople."
p. 279:
"Le mont Liban est la frontière entre le pays des musulmans et celui des
Francs."
Mais p. 285, à propos de chrétiens de Syrie au début du VIIIème siècle:
Ce fut le même al-Walid qui s'empara de la moitié de l'église qui avait été conservée par les
chrétiens et l'annexa à la Mosquée [...] les
chrétiens en appelèrent à la décision de Umar ben Abd al Aziz [...] le calife proposa alors aux
chrétiens de les dédommager."
p. 321:
"Chose singulière à dire, dans ce monde, les caravanes musulmanes se rendent en pays
franc, et les captifs
francs sont ramenés en pays musulman."
p. 326, à Akka (Acre), il nomme différemment les marchands et les soldats:
"C'est la capitale des
Francs en Syrie [...] le lieu de rencontre des marchands musulmans et
chrétiens venus de tous les horizons."
Il serait intéressant mais très long de faire un relevé systématique des termes désignant les Européens dans les relations arabo-musulmanes pour confirmer cette hypothèse, d’autant plus que d’autres termes sont parfois (plus rarement) utilisés, comme «
Occidentaux » ou «
Infidèles », et je ne pense pas que cela soit indifférent, mais dépend du contexte.