Plus Oultre a écrit :
Ah, les saints !
Il ne me semble pas que les saints martyrs disparaissent avec la reconnaissance par l'Empire romain du christiannisme comme religio licita. Exemple avec les saints martyrs de Cordoue au IXème siècle (saint Euloge en particulier). Y'en a-t-il encore au bas Moyen-Âge ? Sûrement, non ?
J'ai évoqué les tendances lourdes de l'évolution des modèles de sainteté. Il y a toujours des exceptions en marge. Mais étant donné le lieu (Cordoue), on peut imaginer la possibilité d'un saint martyr. Mais il faut tout de suite distinguer la sainteté officielle, de la sainteté locale ou populaire. Ne connaissant pas Saint Euloge, je ne saurais vous dire, vous préciserez sans doute, si son culte était local ou pas.
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Ensuite, l'idée de "modèles" en ce qui concerne ces saints laïcs du XIIIème : ces saints mariés sont-ils vraiment des "modèles" au sens de l'Eglise ? Vauchez le dit explicitement ? (il faudrait que je le relise).
Il me semble qu'ils sont canonisés davantage du fait de la pression populaire (sancto subito !) que d'une réelle "reconnaissance" écclésiastique : après tout, sainte Elisabeth de Thuringe à abandonné les oripeaux de la richesse pour vivre d'errance, de pauvreté et de prédication, à la manière d'un François d'Assise, et se gagne de la sorte les faveurs populaires ; cette même revendication de pauvreté qui, si elle rapproche aux yeux de l'Eglise cette conduite de l'attitude christique, est encore fermement condamnée par Innocent III début XIIIème qui voit dans la charité "l'opprobre du clergé" [sic] (et si elle est l'opprobre du clergé, elle est donc une bassesse réservée aux laïques), cf. aussi le débat de fond sur la pauvreté - ou non - du Christ.
Tout dépend de l'époque dans laquelle vous vous placez. L'histoire en ce domaine, comme d'en d'autres va beaucoup plus vite qu'on ne ne le croit généralement, et rien n'est fixé sur ce thème non plus.
Vous parlez de plusieurs choses à la fois.A noter que ceci est un simple forum, pas la place de développer comme on pourrait le faire dans un travail écrit ...
Je n'ai pas évoqué la manière de constituer un dossier de canonisation. Alors oui la vox populi est un critère pour le début d'un culte, mais il n'est pas suffisant à lui seul pour faire d'un individu un saint, et parfois même, le peuple ne participe pas.
Car, depuis la fin du XIIè siècle, on ne devient saint qu'après l'enquête de canonisation, qui est un processus long et coûteux. Les cas de Saint Dominique et de Saint François d'Assise sont exceptionnels. Surtout pour le second, c'est un peu la mains forcée que la papauté a du le reconnaître comme tel, par la presson populaire. Mais au départ, même les Franciscains étaient semblent-ils hostiles à la canonisation de ce "nouveau Christ" à cause de leur humilité, mais leurs réticences furent vite balayées.
Mais, ce n'est pas le cas pour l'ensemble. La voix de peuple est un premier élément. Les miracles doivent être constatés, avérés. Car la puissance de Dieu se manifeste, de son vivant, mais aussi et surtout après la mort du candidat aux autels. Par les miracles donc. Les miracles de guérison surtout.
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Bref, ces saints populaires ne sont-ils pas plutôt canonisés "à reculon" par l'Eglise (l'institution, le Dogme, la conscience de la chrétienté, très prompte à condamner toute déviance - quand saint François se proclame ioculatore Dei, "jongleur de Dieu", il n'est pas loin de l'hérésie !), qui met en avant, "pour compenser" et faire passer tout de même un message plus orthodoxe, le motif de la chasteté ?
Je viens de répondre pour ce cas précis. Qui reste un cas exceptionnel, par l'image, le rayonnement, et l'influence considérables de ce "poverello" dans toute la chrétienté, et dans son histoire.
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Le discours étant alors beaucoup plus intéressé : "les voilà canonisés non pas tant du fait de leur vie publique 'apostolique' que de leur chasteté, modèle d'abstinence dans le mariage qu'il vous faudrait suivre".
Enfin, excusez-moi si j'ai mal compris et si vous ne dites pas autre chose, mais ces saints n'ont clairement pas les mêmes valeurs au regard de l'Eglise/du "peuple", non ? La vox populi a son importance, encore, et l'Eglise suit en mettant en avant ce qui l'intéresse.
En dehors de figures exceptionnelles, l'Eglise n'est pas obligée de suivre la voix du peuple. Celui, ou celle qui va jusqu'au bout du processus de canonisation (sur plusieurs décennies, voir plusieurs siècles, rappelons-le) devient un saint officiel. Et c'est à ce titre que l'Eglise choisit ses modèles. Autrement, elle accorde un statut de bienheureux, ou autorise un culte local.
Mais elle se méfie des mouvements populaires, et tente donc, par ses enquêtes, de rationaliser le culte des saints. Il n'y a pas plus grand sceptique face aux miracles que l'institution ecclésiastique elle-même.
En ce qui concerne cet exemple de chasteté dans le mariage, en modèle de perfection, je pense aussi que ce modèle était très peu suivi, car plus proche de l'état clérical. Modèle provenant aussi d'une certaine aristocratie. Du moins pouvait-il constituer un horizon.
Je vais donc citer Vauchez pur répondre à votre question précise : " On ne peut manquer d'être frappé par le fait que les saints laïcs qui on retenu l'attention du Saint-Siège à partir de la fin du XIIIè siècle, ne sont pas des saints populaires-du moins à l'origine- et qu'ils doivent leur célébrité à l'action des clercs de leur entourage et du pouvoir laïc ou écclésiastique, plus qu'à l' entousiasme des foules", La sainteté en Occident..., p 447.
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D'ailleurs, quelqu'un connaît-il les trois conditions de l'époque requises pour être canonisés (que j'ai oubliées, mais il me semble bien qu'il y en ai trois, parmi lesquelles la vie apostolique et les miracles, me semble-t-il) ?
Grosso modo (après enquête):
1/ Une
virtus irrépochable : fuite des vices et pratique des vertus :
2/ Le merveilleux physiologique qui exprime une présence divine, du vivant du saint, mais aussi attestée à partir de son cadavre (imputréscibilité du corps, chair tendre, apparence de vivant, bonne odeur, écoulement de sang parfois qui donne à penser qu'il reste vivant malgrè sa mort, écoulement d'huile...=
3/D'autre critères variés comme :
_ le don des larmes : indice de l'ouverture sur la souffrance des autres (Saint Louis souffrait de ne point y parvenir !)
_ Perte de sensibilité corporelle pendant les périodes d'extase, de méditation.
_ Un capacité extrême à la souffrance , mortifications, l'inédie ...
4/ Et bien sûr : les miracles. Du vivant du saint (pas obligatoire) mais surtout, des miracles sur son tombeau, et même à distance. Il n'est plus nécessaire, au seuil du XIVè siècle, de toucher directement une relique du saint pour que sa manifestation miraculeuse agisse.
Il y aurait bien d'autre choses à dire, mais ce serait très long...