Voici les informations que vous m'avez demandé.
Joutes et Tournois
Le goût des armes et des prouesses guerrières, la nécessité d’un entraînement régulier et le désir de démontrer en public habilité et force physique développèrent très tôt les jeux martiaux.
La joute, ou combat à la lance entre deux cavaliers, dut certainement être la première forme, puisque la plus la plus simple, de ces combats courtois. L’emploi de fers de lance spéciaux ou de hampes légères dont le bois se brisait plus facilement apparut sans doute avec les premières joutes, car on voit mal pourquoi des chevaliers, désireux de briller certes, mais aussi de s’entraîner tout en pratiquant un sport violent, n’auraient pas eu cette élémentaire prudence.
Il est néanmoins évident que de telles rencontres pouvaient prendre une toute autre allure lorsque les antagonistes y mêlaient des rancunes personnelles, ce qui devait être fréquent, mais même dans ces circonstances les règles de la joute et de la chevalerie imposaient de ne frapper que le heaume ou le bouclier. Il est infiniment plus probable de penser que deux ennemis mortels choisissaient un endroit plus discret pour y vider leur querelle, quand ils ne transformaient pas le duel loyal en vulgaire guet-apens ! Se faire une image trop sublime de l’esprit chevaleresque serai une lourde erreur : cette époque que chantent tant de romans courtois était pétrie d’ignominie.
Les illustrations montrent l’évolution de la joute à travers le moyen Âge ainsi que son perfectionnement : il alla jusqu’au raffinement, tout en garantissant de mieux en mieux la sécurité du jouteur, ai point de l'enfermer dans une sorte de blockhaus à la fin du XV ème siècle. A cette époque, la joute était devenue un véritable sport, et c’est sans doute pour s’insurger conte cet « embourgeoisement » que de jeunes contestataires allemands imaginèrent la « course à la poêle » ou « au rost », consistant à jouter nu-tête et sans armure avec un gril fixé sur la poitrine, « poêle » ou « rost » que le rochet de la lance devait décrocher avec les risques mortels que l’on imagine ! On avait d’ailleurs coutume de disposer un cercueil ouvert dans les lices avant la rencontre.
Très prisées par les spectateurs, les joutes précédaient ou clôturaient les tournois. En de ceux-ci, ces affrontements se nommaient « joutes à tous venants, grandes et plénières ».
Le maniement de la lance s’apprenait évidemment ailleurs que dans ces dangereuses et cérémonielles occasions. On pratiquait la joute à la quintaine, un mannequin armé d’un écu et d’une masse. Mal touché , tournait sur lui-même et frappait le cavalier d’un revers fulgurant.
Le trournoi, nommé aussi jadis tournoyement, trespignée, tupineis (le wallon hennuyer a conservé le verbe turpiner, trépigner, s’agiter, tourner en rond) ou combat à la foule, passe universellement pour avoir une origine française. Au IX ème siècle, l’historien Nithard, petit-fils de Charlemagne, nous a laissé une description du tournoi de Strasbourg au cours duquel s’affrontèrent, vers 842, deux partis égaux de Saxons, de Basques, d’Austrasiens et de Bretons. On trouve néanmoins mention d’une rencontre du même genre dès 811, à Barcelone, et la plupart des tournois importants, entre le Xème et le XII ème siècle, se déroulèrent en Allemagne où Henri Ier l’Oiseleur (876-936) passe pour être le promoteur.
Ces brutales évolutions étaient si souvent meurtrières qu’au IX ème siècle le pape Eugène II les frappa d’anathème, imité par ses successeurs Innocent II, Eugène III et Alexandre III au XII ème siècle, Innocent IV au XIII ème, et Clément V au début du XIV ème, qui excommunièrent tous les « tournoyants » et interdirent l’inhumation des victimes en terre sainte. Rien n’y fit, et l’hécatombe se poursuivit en dépit des règles strictes instaurées par Geoffroy de Preuilly au début du XI ème siècle.
Les chroniques ont conservé les noms des victimes les plus illustres de cette dangereuse passion : Geoffroy de Magneville, comte d’Essex, en 1216 ; Florent, comte de Hainaut, et Philippe, comte de Boulogne, en 1223 ; le comte de Hollande en 1234 ; Gilbert de Pembroke en 1241 ; Hermand de Montigny en 1258 ; Jean de Brandebourg en 1269 ; Jean duc de Brabant , en 1294. En 1240, au tournoi de Nuys, près de Cologne, soixante chevaliers et écuyers avaient péri, piétinés ou écrasés par leur chevaux. Le drame le plus lamentable fut la mort de William Montagu, tué par son propre père en 1382. Mais à coté de ces malchanceux évoluaient déjà des spécialistes, tout à fait comparables à nos champions de tennis modernes. Ils parcouraient l’Europe et y gagnaient lauriers et fortune par leur seule adresse à ce jeu périlleux. Au XIII ème siècle, Guillaume le Maréchal, futur régent d’Angleterre pendant la minorité de Henri III, réalisa de substantiels profits par ce moyen.
Après les papes, les rois eux-mêmes interdirent parfois les tournois, mais pour un temps seulement. En Angleterre, au XII ème siècle, ils furent proscrits par Henri II puis rétablis par son successeur Richard Ier. Supprimés à nouveau par Edouard Ier en 1299, alors qu’il avait lui-même emmené quatre-vingts chevaliers au tournoi de Châlons en 1274, les tournois réapparurent avec plus de vigueur que jamais sous Edouard III, lequel distribua des sauf-conduits aux français désireux d’affronter ces chevaliers en un combat courtois, en pleine guerre de cent ans, deux ans avant de les écraser à Crécy, en 1346. C’est un peu plus tard que devait être créé le fameux ordre de la Jarretière, au cours d’un nouveau tournoi.
En France, Philippe le Bel en 1313 et Philippe le Long en 1318 prohibèrent les « tupineiz », d’autant plus que l’habitude s’était installée d ‘y sacrer chevaliers les vainqueurs, intolérable atteinte à une noble institution.
Les règles et le cérémonial de ces fêtes guerrières s’étaient compliqués avec le temps. L’influence grandissante des femmes réduisit de beaucoup le danger et dès le XV ème siècle transforma le tournoi en une fête mi-galante, mi-sportive.
( Ces « trépignées » si bien nommées groupaient souvent un beaucoup plus grand nombre de participants. La chaleur du combat était telle que les tournoyeurs continuaient parfois à s’affronter après la clôture de la fête, sur le chemin de leur logis. Le règlement les y autorisaient)
Extrait du livre : Le costume, l’armure et les armes au temps des chevaliers
Tome 1 du huitième au quinzième siècle
De Liliane et Fred Funcken
Juste pour information l’extrait qui va suivre est du tome 2 du précédent livre, mais celui-ci est sur la renaissance.
Au XVI ème siècle, les tournois et les joutes se développèrent d’une façon extraordinaire, adoptant à la fois des règles plus précises et des variantes innombrables, particulièrement en ce qui concerne la joute ou combat à la lance.
Alors que la France lui conservait son caractère guerrier, l’Allemagne et les Pays-Bas imaginèrent toute une gamme d’exercices dont nous allons tenter de dégager les types essentiels.
Très apprécié, le Welsches Gestech ou Welsches Rennen, joute ou course « à l’étrangère » dite aussi « à l’italienne », consistait à charger l’adversaire en suivant une barrière de séparation et à briser une lance légère faite en bois de peuplier. La coutume était de rencontrer, au plus, trois adversaires successifs. Anodine en apparence, cette performance n’était pas facile à réaliser, car le fer dérapait facilement sur les surfaces fuyantes de l’armure. Pointer et diriger son cheval lancé au galop, ajuster et toucher le point d’impact idéal demandait une somme d’expérience considérable.
C’est au cour d’une couse à l’italienne que le roi de France Henri II fut mortellement blessé le 30 juin 1559. Ayant déjà brisé avec succès les trois lances traditionnelles, le souverain voulut affronter un adversaire supplémentaire, Gabriel de Montgomery seigneur de Lorges, mais une esquille de la lance de ce dernier pénétra dans la « vue » du casque royal, entrant profondément sous le sourcil droit de Henri et provoquant sa mort le 10 juillet suivant.
Pareil accident était devenu extrêmement rare dans cette espèce de joute. Par contre, d’autre variantes en usage en Allemagne faisaient courir d’énormes risques. Les courses à la targe futée, à la poêle, au bourrelet, à queue (la targe est comme la rondache), mais en plus brutale et se pratiquaient le plus souvent avec des fers de lance acérés.
Il semble que ces subtils »amusements » se raréfièrent au cours de la première moitié du XVI ème siècle pour faire place à un seul type de « joute lourde » tout différent de la « joute légère » à l’italienne et beaucoup spectaculaire. On la nommait Scharf-rennen_ de scharf, aigu, et rennen, course_, et comme le nom l’indique, on se servait de lances aiguës montées sur une hampe solide. Le but de la joute était de désarçonner l’adversaire, purement et simplement, avec ces lances aussi meurtrières qu’une arme de guerre. Signalons cependant que nous avons relevé pour ce type de joute des rochets de lance infiniment moins dangereux.
Afin d’éviter au vaincu d’avoir les reins brisés, la selle n’avait pas de troussequin. Aucun obstacle ne s’opposait donc à la chute, mais il y a lieu de s’interroger sur les résultats fâcheux que pouvait avoir le contact brutal avec le sol d’un corps ayant une armure de torse qui pesait parfois cinquante kilos !
Le terme stechen (piquer) était également employé à l’époque du gothique tardif, à propos des jouteurs qui portaient le heaume à tête de crapaud et la forte targe souvent recouverte de cuir(qui était bouilli pour le durcir). On utilisait en général une lance à fer émoussé, mais de nombreuses traces observées sur les armures et les targes ont indubitablement été portées par des fers aigus.
Vers 1515 apparut un type d’armure nouveau, constitué d’un buste et d’un casque puissamment renforcés par un manteau d’arme, mais qui laissait les jambes complètement sans défense. Il est vrai que la barrière avait considérablement augmenté d’importance : on la fabriquait en bois plein et sa hauteur atteignait parfois 1,70mètre. La nette tendance à garantir une sécurité de plus en plus grande est confirmée par le poids de certaines armures : jusqu’à soixante-dix et même quatre-vingts kilos ! il fallait résister aux coups d’une lance énorme, qui pesait de douze à quinze kilos.
La joute lourde à l’allemande se mua en une joute classique avec armure complète, manteau d’armes et casque renforcé, mais il est évident que le but poursuivi se limitait au bris de la lance. Pour se livrer à la joute légère, on endossait une armure classique sur laquelle on appliquait des suppléments. Ces renforts étaient enlevés pour le tournoi à l’épée et à la masse.
Le Freiturnier des allemands ou « tournoi libre », sans barrière, se faisait paires contre paires. Les participants brisaient puis combattaient à l’épée.
La lance ayant beaucoup perdu de son prestige au cours de la première moitié du siècle, les tournois disparurent rapidement. Ils furent définitivement abandonnés en France en 1591, après que le roi Charles IX eut été blessé dans une rencontre avec le duc de Guise. On utilisait alors des lances cannelées et creuses nommées bourdonnasses.
Aislinn
_________________ Oncques ne rebrousse
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