Il y a la en effet un phénomène, une "aventure" pour paraphraser le professeur Neveux, assez étonnante, mais qui peut s'expliquer, sinon se comprendre, par le fait que les deux évènements, conquête de l'Angleterre en 1066 par le duc Guillaume, et conquête de l'Italie du sud puis de la Sicile par les Hauteville, sont historiquement concomittants, mais n'ont aucun lien direct.
Je ne reviendrai pas sur les raisons et les circonstances qui ont mené à la bataille d'Hastings le 14 octobre 1066. Il s'agit là d'un évènement politique, avant d'être une aventure militaire, et qui trouve ses racines dans le contexte géo-politique de l'europe du nord de l'époque, et l'intelligence politique du duc de Normandie.
L'aventure italo-sicilienne, pour sa part, est particulièrement surprenante, et fascinante, dans la mesure ou elle ressort par certains aspects d'un véritable western !
Je rappellerai aussi, avant même que les Hauteville, fils d'un petit seigneur de la région de Coutances, deviennent à plusieurs frères et neveux, à la fois la terreur des byzantins, des romains, des arabes, bref de tous ceux qui ont eu la mauvaise idée de se trouver sur leur passage, la figure de Roussel de Bailleul, en quelque sorte leur prédécesseur, et dont l'aventure personnelle est digne d'un western spaghetti : parti de rien (c'est-à-dire de son patelin), Roussel entra dans la garde varègue du Basileus comme mercenaire. Visiblement compétent, on lui confia une unité, puis deux puis trois, et finalement une armée. Il fit subir quelques roustes aux seldjoukides, avant que l'idée phénoménale lui vienne de se construire avec ses troupes son propre royaume, au sud de la mer noire (nord de l'Arménie). Et il y parvint .. enfin, un certain temps.
Pour le ramener à la raison en effet, et nous sommes là encore en plein western, voire dans un album des tuniques bleues, les byzantins et les turcs durent nouer une alliance totalement contre nature, afin de virer ce normand qui s'était taillé un domaine aux dépens des deux belligérants !
Plus sérieusement, et plus techniquement, Pédro évoque avec raison la cavalerie lourde normande. Gardons présents à l'esprit qu'au XIème siècle la chevalerie telle que nous l'envisageons habituellement n'existe tout simplement pas, non plus que l'héraldique et les blasons.
Les cavaliers lourds normands, "milites" selon les écrits du temps tout simplement, ont constitué des unités dont la particularité était d'être regroupées en "conrois", en quelque sorte des escadrons pour faire simple, dont l'efficacité première venait de leur discipline, c'est-à-dire de leur capacité à réagir avec ensemble sur le terrain.
Ainsi, en pleine féodalité naissante, se situe ici une sorte d'anomalie, puisque nous sommes là aux antipodes du désordre de Crécy ou d'Azincourt : ces cavaliers combattent en bande, obéissent au cordeau, et sont capables de manoeuvres en plein combat qui font la différence à une époque ou le combat individuel est souvent la règle.
Ainsi par exemple des manoeuvres de repli et de retour de charge menés par les conrois lors de la bataille d'Hastings, qui supposent des corps de troupes coordonnés et commandés avec précision. Par qui et comment, la nous manquons cruellement de détails, et c'est bien le problème !
_________________ "Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".
Yves Modéran
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