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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 22 Mars 2013 11:31 
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Salluste
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Alain Guerreau : Le féodalisme, un horizon théorique.
Paris, Le Sycomore, 1980. (page 74).

Arrivé à ce point, il me paraît possible de présenter une première esquisse de la dynamique féodale, qui me paraît fondée essentiellement sur la conquête, alternativement externe et interne.
L'arrivée des Francs en Gaule fut l'aboutissement d'un processus de désagrégation du système romain : disparition du commerce, de l'autorité publique, éclatement du pays en une poussière de domaines. Clovis, s'appuyant sur l'Église, reconstitua un semblant d'organisation générale fondée sur les principes tribaux germaniques, et, dans son élan, écarta les Wisigoths, écrasa les Burgondes et les Alamans et repassa de l'autre côté du Rhin ; après lui, et pendant deux siècles, la patrimonialité complète du pouvoir sur les terres et les hommes provoqua une succession infinie de partages et de guerres durant lesquels s'instaura ce qu'on pourrait appeler une première logique féodale : des grands domaines presque autonomes, aux mains d'aristocrates groupés en des sortes de confédérations très lâches, fondées sur la fidélité et des liens de parenté aussi peu nets les uns que les autres.
Au VIIe siècle, cette situation se dégrada, la logique tendant à isoler et à appauvrir de plus en plus les domaines, cependant d'ailleurs que l'Église prospérait relativement ; peut-être même la dégradation de l'autorité domaniale fut-elle l'occasion d'un certain essor démographique aux VIIe-VIIIe siècles. Au début du VIIIe siècle, un groupe de Francs non latinisés, s'emparant d'une grande partie des biens de l'Église, réussit ainsi à revitaliser le système en plaçant des membres du groupe familial (large) à la tête de domaines importants dans toute la Gaule et en leur confiant ce qui pouvait subsister de pouvoir et d'autorité générale. La reprise des expéditions guerrières contre l'extérieur, le resserrement très vigoureux du lien avec l'Église, l'utilisation même de celle-ci à des fins d'éducation et d'administration, permirent de restaurer une certaine cohérence. Mais la patrimonalité citée plus haut s'étant maintenue, partages et guerres intestines reprirent le dessus. Cependant, diverses modifications étaient intervenues : l'Église, sensiblement renforcée, avait à peu près réussi à imposer la fin de la personnalité des lois et la pratique du mariage et de l'exogamie que j'ai déjà évoquée ; l'endogamie et/ou les marques de fractionnement ethnique disparaissant, la société devenait beaucoup plus homogène, et les seules distinctions réelles subsistantes étaient les statuts attachés aux terres en même temps qu'aux pouvoirs. Dans la partie centrale du système, de la Loire au Rhin à peu près, ainsi que dans une bonne partie des zones méridionales du système, la logique de la guerre extérieure se bloqua, par effondrement d'une autorité générale, telle que celle qu'avaient incarnée les Carolingiens, de Charles Martel à Louis le Pieux ; la logique tribale ayant également cessé de fonctionner, plus rien ne liait efficacement les aristocrates, et le système du grand domaine se trouva lui-même ébranlé, se morcela, d'où un nouvel essor démographique dû aux installations //196// incontrôlées dans des zones jusque là non cultivées : les grands domaines, encore visibles au Xe siècle, disparurent au XIe.
L'aristocratie se réorganisa sur la base de la guerre interne à petite échelle, provoquant ainsi une sérieuse anarchie apparente, cependant que l'augmentation de la population nécessitait de plus en plus le recours aux échanges, d'où les heurts immédiats et brutaux entre les féodaux et les premiers marchands. Cependant l'Église, seule force organisée, prospérait plus que jamais et réussit, au XIIe siècle, à l'apogée de sa puissance, à ressusciter à son profit la logique des guerres externes, en l'occurrence les diverses croisades.
L'essor économique fut le plus précoce et le plus rapide en France du Nord et en Angleterre à la fois parce que les conditions naturelles étaient relativement favorables et parce que c'est là que s'étaient mises le plus tôt en place des structures différentes du grand domaine du Haut Moyen Age, plus souples, beaucoup moins orientées sur l'autarcie. L'organisation générale et solide des Normands en Angleterre montra son efficacité, de même que la monarchie capétienne, dès la seconde moitié du XIIe siècle. Au XIIIe siècle naquit l'État féodal : monnaie royale, tribunal supérieur, administrateurs locaux délégués, universités, langues vernaculaires élevées à la dignité de l'écrit.
Vue par en haut en quelque sorte, l'Europe féodale du Ve au XIIIe siècle me semble avoir été secouée par des phases successives d'anarchie interne et de guerres extérieures, ces dernières correspondant à des périodes de cohésion et de force plus grande de l'aristocratie ; cependant, d'une phase à l'autre, les rapports sociaux évoluaient notablement : un phénomène paraît à peu près continu, le renforcement de l'Église et de son influence ; la phase mérovingienne, introduisant, en la superposant au système romain, une structure de distinctions ethniques, revivifia de fait le grand domaine soutenu par des liens de cohésion ethnique et les pratiques de tutelle et de fidélité germaniques. Les Carolingiens s'appuyèrent sur des liens plus claniques qu'ethniques et surtout sur l'Église, ce qui leur donna une efficacité considérable et leur permit d'unifier un ensemble de territoire considérable. Mais cette construction ne réussit à se maintenir, en se transformant, qu'en Allemagne ; ailleurs, la cohésion aristocratique s'effondra, et du même coup le système domanial. C'est cet effondrement du carcan domanial qui me semble la cause immédiate des initiatives massives de la population rurale dans de nombreuses régions, qui entraînèrent le fameux essor des XIe - XIIe siècles. I1 s'agit donc là d'une logique de tout le système faisant intervenir la parenté, la guerre, l'Église, le système domanial et même certaines propriétés de l'écosystème (taille, facilité plus ou moins grande des cultures) ; l'évolution technique joua sans doute un rôle, mais secondaire ; la lutte des classes aussi, mais seulement dans la mesure où l'on désigne de cette expression la pression permanente des agriculteurs sur les limites sociales du système et le fait qu'ils surent profiter rapidement du relâchement des contrôles sur les terres.


Ouvrage en Accès libre : http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs ... alisme.pdf


Sa théorie sur la croissance des XI _XIIIe s se démarque de toutes celles que j'ai lu.Merci pour vos réflexions.


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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 22 Mars 2013 11:41 
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Salluste
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Il faut bien entendu lire en intégralité l'ouvrage pour en savourer correctement un extrait!


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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 22 Mars 2013 14:44 
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Des choses intéressantes, d'autres beaucoup plus discutables. J'essaierai une critique dimanche, je n'ai pas vraiment le temps de développer maintenant.

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 22 Mars 2013 14:58 
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Désolé footstep je vais peut être paraitre un peu sec mais tout ce que j’ai pu lire depuis 6 mois va à l’encontre de votre théorie. Mais je vous remercie pour risquer pareille synthèse et je salut votre travail même s’il faut maintenant que je le dégomme sur certain point.

footsteps a écrit :

L'arrivée des Francs en Gaule fut l'aboutissement d'un processus de désagrégation du système romain : disparition du commerce, de l'autorité publique, éclatement du pays en une poussière de domaines. Clovis, s'appuyant sur l'Église, reconstitua un semblant d'organisation générale fondée sur les principes tribaux germaniques, et, dans son élan, écarta les Wisigoths, écrasa les Burgondes et les Alamans et repassa de l'autre côté du Rhin ; après lui, et pendant deux siècles, la patrimonialité complète du pouvoir sur les terres et les hommes provoqua une succession infinie de partages et de guerres durant lesquels s'instaura ce qu'on pourrait appeler une première logique féodale : des grands domaines presque autonomes, aux mains d'aristocrates groupés en des sortes de confédérations très lâches, fondées sur la fidélité et des liens de parenté aussi peu nets les uns que les autres.

En désaccord avec Bruno Dumezil et Karl F Werner qui voient au contraire une domination franque dans le cadre d’une administration qui reste essentiellement romaine avec un partage des tâches et du pouvoir entre les différentes ethnie romaine, franque, wisigothe et burgonde, avec une mode d’adopter les coutumes locale barbares qui brouille complétement les pistes et qui fait croire à tord à ce que vous citez ci-dessus. Il y a continuités des institutions, même si les cartes de partages des différents royaumes semblent prouver le contraire il faut bien voir que ces cartes ont été crée par les historiens du XIX ème et que pour le gaulois moyen il y a toujours son curé référend, son évèques et son Princeps au dessus.

Le point que l’on peu observer pendant cette phase et que vous assignez à l’an mille, est le dépeuplement des villes dues à la peste Justinienne et la création des proto village par des colons à partir des déplacements ethniques lièes aux « invasions » ainsi que l’autonimisation des habitats des esclaves des grands domaines.
Comme le révèle de plus en plus l’archéologie préventive, la création des villages tel que nous les connaissons date de la période mérovingienne.

footsteps a écrit :
Au VIIe siècle, cette situation se dégrada, la logique tendant à isoler et à appauvrir de plus en plus les domaines,


Attention Footstep, vous tombez là dans le mythe des rois fainéant largement diffusé par la propagande carolingienne.

footsteps a écrit :
Au début du VIIIe siècle, un groupe de Francs non latinisés, s'emparant d'une grande partie des biens de l'Église, réussit ainsi à revitaliser le système en plaçant des membres du groupe familial (large) à la tête de domaines importants dans toute la Gaule et en leur confiant ce qui pouvait subsister de pouvoir et d'autorité générale. La reprise des expéditions guerrières contre l'extérieur, le resserrement très vigoureux du lien avec l'Église, l'utilisation même de celle-ci à des fins d'éducation et d'administration, permirent de restaurer une certaine cohérence.

Je plussois totalement sauf sur le mot revitalisé je dirais plutôt re-personnifie le pouvoir et revalorise le concept de Princeps crée par Auguste.

footsteps a écrit :
L'aristocratie se réorganisa sur la base de la guerre interne à petite échelle, provoquant ainsi une sérieuse anarchie apparente, cependant que l'augmentation de la population nécessitait de plus en plus le recours aux échanges, d'où les heurts immédiats et brutaux entre les féodaux et les premiers marchands.

Ok cela explique le « comment » de l’effondrement Carolingien (888 qui pour moi est bien la date ultime de l’effondrement de l’empire romain) mais comme dirait Spalding cela n’explique pas le pourquoi de cet effondrement.

footsteps a écrit :
L'essor économique fut le plus précoce et le plus rapide en France du Nord et en Angleterre à la fois parce que les conditions naturelles étaient relativement favorables et parce que c'est là que s'étaient mises le plus tôt en place des structures différentes du grand domaine du Haut Moyen Age, plus souples, beaucoup moins orientées sur l'autarcie.

Les conditions naturelles du nord ne sont pas terribles (voir le film bienvenue chez les chti  ). Je privilégie plutôt votre deuxième hypothèse avec en plus une certaine niaque chez les populations autochtones : il faut voir qu’on assiste à l’édification des polders et carrément à la naissance d’une province : les Flandres qui sort carrément de la mer à cette époque. Il faut imaginer ce travail colossal et le dynamisme des populations qui jusque là avait été périodiquement saccagées par les vikings. Je pense aussi que l’apport de l’organisation du commerce scandinave, la façon de compter, leurs structures démocratiques (le Thing) et leur façon d’honorer un contrat, n’a pas été étrangère à ce dynamisme relatif.

footsteps a écrit :
Vue par en haut en quelque sorte, l'Europe féodale du Ve au XIIIe siècle me semble avoir été secouée par des phases successives d'anarchie interne et de guerres extérieures, ces dernières correspondant à des périodes de cohésion et de force plus grande de l'aristocratie

Il n’y a pas de féodalité avant la fin du IX ème mais plutôt une forme de continuité institutionnelle sur le plan juridique de l’empire romain.

footsteps a écrit :
Mais cette construction ne réussit à se maintenir, en se transformant, qu'en Allemagne ;

Peut être faites vous allusion au Saint Empire Romain Germanique ?
Il faut noter que c’est les saxons qui recueillent le pouvoir impérial.

Mis à part ces légers différents pour la suite j’approuve.

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 23 Mars 2013 13:18 
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Almayrac, ce livre est d'Alain Guerreau!Disons qu'il s'éloigne assez nettement d'autres travaux d'historiens de ces cinquante dernières années. Du reste il est fâché avec pas mal de monde , et ne trouve qu'en Le Goff et Fossier des médiévistes dignes d'intérêt!


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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 23 Mars 2013 15:23 
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Ah c'est pour ça.
Le problème c'est que les historiens occidentaux se sont spécialisé sur des périodes dont les découpages qui s'avèrent éronnés ou plutot contredite par l'archéologie : antiquité / bas empire / Haut moyen age / bas moyen age. Alors qu'il faudrait plutot : antiquité / antiquité tardive / féodalité.

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 24 Mars 2013 4:39 
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footsteps a écrit :
L'arrivée des Francs en Gaule fut l'aboutissement d'un processus de désagrégation du système romain : disparition du commerce, de l'autorité publique, éclatement du pays en une poussière de domaines.


Le domaine acquirt une certaine autonomie déjà au IVème siècle, ils deviennent responsables de la perception des impôts sans que l'exactor ne puisse y pénétrer. La civilisation romaine étant urbaine, l'affaiblissement des curies pour des raisons d'appauvrissement des élites citadines laisse un vide.



Citer :
Clovis, s'appuyant sur l'Église, reconstitua un semblant d'organisation générale fondée sur les principes tribaux germaniques, et, dans son élan, écarta les Wisigoths, écrasa les Burgondes et les Alamans et repassa de l'autre côté du Rhin ; après lui, et pendant deux siècles, la patrimonialité complète du pouvoir sur les terres et les hommes provoqua une succession infinie de partages et de guerres durant lesquels s'instaura ce qu'on pourrait appeler une première logique féodale : des grands domaines presque autonomes, aux mains d'aristocrates groupés en des sortes de confédérations très lâches, fondées sur la fidélité et des liens de parenté aussi peu nets les uns que les autres.


Voir une organisation générale me parait être un peu exagéré. La domination est lâche, basée sur le comte et surtout sur l'évêque, seul élément permanent et de relative sécurité. Le roi franc s'est emparé des domaines impériaux, les autres sont soit tombé aux mains de Francs au nord, soit resté dans celles de l'aristocratie sénatoriale romaine ailleurs. Nous avons des exemples de domaines de milliers d'hectares, ce qui n'empêche pas la survivance de vici en de nombreux endroits.


Citer :
Au VIIe siècle, cette situation se dégrada, la logique tendant à isoler et à appauvrir de plus en plus les domaines, cependant d'ailleurs que l'Église prospérait relativement ; peut-être même la dégradation de l'autorité domaniale fut-elle l'occasion d'un certain essor démographique aux VIIe-VIIIe siècles. Au début du VIIIe siècle, un groupe de Francs non latinisés, s'emparant d'une grande partie des biens de l'Église, réussit ainsi à revitaliser le système en plaçant des membres du groupe familial (large) à la tête de domaines importants dans toute la Gaule et en leur confiant ce qui pouvait subsister de pouvoir et d'autorité générale.


Je ne crois guère à l'hypothèse de Francs non latinisés, en rapport avec l'église, ils l'étaient forcément tous un peu. Je ne crois guère non plus à la dégradation du domaine, il n'y a aucune raison objective à ce fait. Ce qui est certain, c'est que le Mérovingien n'a plus de terres à distribuer pour récompenser ses fidèles, et que Charles Martel trouve le seul moyen pour en récupérer, spolier l'église d'une partie de ses domaines pour assoir son pouvoir.

Citer :
. Cependant, diverses modifications étaient intervenues : l'Église, sensiblement renforcée, avait à peu près réussi à imposer la fin de la personnalité des lois et la pratique du mariage et de l'exogamie que j'ai déjà évoquée ; l'endogamie et/ou les marques de fractionnement ethnique disparaissant, la société devenait beaucoup plus homogène, et les seules distinctions réelles subsistantes étaient les statuts attachés aux terres en même temps qu'aux pouvoirs.


Il me semble que c'est parce que les peuples se sont fondus que la personnalité des lois disparait, et que l'Eglise n'a pas grand chose à voir là-dedans, les coutumes naissent pour remplacer des codes qui ne correspondent plus à la réalité quotidienne. Pour le mariage, il faudra longtemps avant que l'Eglise s'en mêle, c'est une affaire privée, et le passage à l'église n'est pas obligatoire et l'union n'est pas célébrée à l'autel, mais sous le porche.

Il y a un point qui me parait important, c'est l'effet bénéfique des invasions Vikings sur la circulation monétaire. En pillant les monastères, en exigeant des tributs, ils ont mis fin à la thésaurisation du métal précieux. C'est peut être aussi une des raisons de ce décollage économique.

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 24 Mars 2013 8:33 
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ALMAYRAC a écrit :
Ok cela explique le « comment » de l’effondrement Carolingien (888 qui pour moi est bien la date ultime de l’effondrement de l’empire romain)



Bah, en cherchant un peu, on pourrait aller jusqu'à 1806, non ?

L'empire Romain est définitivement mort bien avant cela. A partir du moment où les rois Francs mettent leurs noms sur les pièces de monnaie, à partir du moment où ils ne reconnaisent pas les modifications du droit effectuées par Justinien, c'est le signe qu'ils ne se reconnaissent pas sujets de l'empereur et qu'ils sont pleinement indépendants. Allez, soyons large, milieu du VIème siècle.

Mais l'idée de l'universalité de l'empire demeurera longtemps bien vivante.

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 24 Mars 2013 10:46 
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Merci pour vos remarques sur cet extrait d'un ouvrage qui me paraît important.
Ce qui m'intrigue et relance ma réflexion, c'est l'importance de la disparition de la "villa" carolingienne, coïncidant avec d'une part le développement de la féodalité et d'autre part la grande croissance médiévale.


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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 24 Mars 2013 10:59 
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Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Je ne crois pas en la disparition de la villa, elle s'est transformée, elle a évolué. De faire valoir direct, on est passé au stade indirect. Il est plus efficace de confier des lopins de terre que de faire travailler des groupes.

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 24 Mars 2013 11:33 
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Jean-Marc Labat a écrit :
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Je ne crois pas en la disparition de la villa, elle s'est transformée,

Pourrait-on dire que la "Villa" (habitation ouverte et sans enceinte ou mur de protection) se transforme en "chateau" ??

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 24 Mars 2013 13:26 
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C'est vrai que les villa disparaissent dans la société laique mais elle continue de plus belle dans la société cléricale avec le mouvement clunisien et la multiplication des abbayes et plus tard des commanderies. On a des regroupement de productions multiples, capable de vivre en autarcie avec tout les corps de métier représentés.
Pour la disparition des villa laïque je tenterai l'explication suivante :
Un gros recul de la culture classique et technique chez les nobles.

tant que le noble était à la cours carolingienne, il devait avoir une certaine culture pour pouvoir être influent, c'est vrai que Charlemagne ne savait pas lire le latin mais les études étaient valorisée. On est encore dans la tradition latine : un noble doit savoir organiser le travail des domestiques, metre en place des ruches, assêcher des marais etc...
D'autre part le noble qui avait en charge un domaine devait le gérer comme une entreprise car il avait des compte à rendre à ses accionnaire que sont la hiérarchie vassalique avec le roi ou l'empereur au sommet et un controle de l'imperium via les missi dominici.

Le témoins de cela est la profusion des écrits sur les modes d'emplois pour bien gérer un domaine : le manuel pour mon fils de Duohda, les écrit d'hincmar comme de ordine palatii, le capitulaire de villis du grand Karl etc...

Aprés l'effondrement carolingien, plus de controle, plus de responsabilité, chez les nobles la culture guerrière remplace la culture du potagé (sauf la culture du vignoble dans le bordelais peut être?). Les nobles préfèrent externaliser les activités du domaine vers les villages au alentours avec l'apparition de village spécialisé : polycultures et élevage en fond de vallée et céréales en openfield sur les plateaux. Le noble se spécialisant lui vers les services à la personne dans le domaine de la sécurité, voire vers le racket organisé. Ce que je dis est trés shématique et il y a de grosse variantes locale entre le nord et le sud.

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 24 Mars 2013 15:48 
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Encore une fois, il n'y a pas de nobles aux temps carolingiens.

Remontons au codification du service militaire au temps de Charlemagne. Seuls les libres peuvent aller à l'armée, mais ce n'est pas nouveau, c'était déjà le cas sous les Mérovingiens. Que constate t'on ? Les propriétaires de plusieurs manses doivent le service lourd, avec cheval, broigne, épée, tout l'armement. Les plus petits propriétaires doivent se grouper et désigner l'un d'eux pour aller faire la guerre, armé plus légègement, en cavalerie légère ou en infanterie.

Où voit on la villa ? Nulle part. On peut supposer, sans aucune certitude, que le propriétaire de plusieurs manses deviendra un noble, et que les petits deviendront, soit serfs, soit allotier.

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 24 Mars 2013 17:15 
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Guerreau toujours:

Citer :
A propos des grands domaines, il apparaît, en effet, clairement qu'il s'agissait d'un mode de culture extensif, reposant peut-être en partie sur une agriculture semi-itinérante, c'est-à-dire la mise en exploitation chaque année de quelques parcelles dans un terroir énorme, et une lente rotation. Un tel mode de culture, combiné à l'usage de variétés résistantes, permettait d'obtenir des récoltes faibles, mais dans n'importe quelles conditions. La grande variété de statuts, en même temps que la diversité ethnique, empêchait toute homogénéisation des habitants de la villa, quoi qu'ils fussent tous, à des titres divers, des dépendants. Cette diversité ne doit pas être tenue pour négligeable, comme certains historiens ont une fâcheuse tendance à le croire. L'opposition simple libre-esclave, même si on la retrouve dans quelques textes, était incompatible avec le fonctionnement de domaines relativement isolés. Le problème des rapports de parenté est assez délicat : il me semble que, si l'on fait l'hypothèse d'une endogamie approximative du domaine, en tout cas pour les dépendants, et si l'on tient compte du fait que les mariages entre catégories devaient être plutôt rares, il faut, si l'on veut pratiquer une certaine exogamie, que chaque domaine comporte plusieurs milliers de personnes, ce qui semble contradictoire avec l'idée d'une Europe assez peu peuplée ; ou alors il faut supposer des domaines immenses, ce qui paraît n'avoir été qu'exceptionnel ; on est donc conduit à choisir plutôt l'hypothèse d'une très faible exogamie, particulièrement pour les serfs dont on sait combien le mariage extérieur leur était difficile. De toute manière, l'extension par l'Église des degrés de parenté prohibés n'a pu avoir qu'une influence dissolvante sur le système domanial. (p 75 )


Dernière édition par footsteps le 24 Mars 2013 17:24, édité 1 fois.

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 Sujet du message : Re: Le travail au Moyen-âge
Message Publié : 24 Mars 2013 17:17 
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Jean-Marc Labat a écrit :
Encore une fois, il n'y a pas de nobles aux temps carolingiens. (sources?)

Remontons au codification du service militaire au temps de Charlemagne. Seuls les libres peuvent aller à l'armée, mais ce n'est pas nouveau, c'était déjà le cas sous les Mérovingiens.(sources?) Que constate t'on ? Les propriétaires de plusieurs manses doivent le service lourd, avec cheval, broigne, épée, tout l'armement. Les plus petits propriétaires doivent se grouper et désigner l'un d'eux pour aller faire la guerre, armé plus légègement, en cavalerie légère ou en infanterie.

Où voit on la villa ?(sources?) Nulle part. On peut supposer, sans aucune certitude, que le propriétaire de plusieurs manses deviendra un noble, et que les petits deviendront, soit serfs, soit allotier.
(sources?)


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