Les guerres de Bourgogne eurent d’importantes conséquences, autant en Suisse qu’en France et même on pourrait presque dire en Europe puisqu’elles touchèrent plusieurs régions : Allemagne, Autriche, duché de Bourgogne, France, Savoie et Suisse Rappelons les faits brièvement, bien que cette affaire soit compliquée du point de vue alliances et diplomatie :
Du côté de la Bourgogne de Charles le Téméraire.
On est vers 1470. Le Duc dépendait de la couronne de France sous Louis XI mais avait une grande tendance à vouloir s’affranchir, autant du roi de France que de l’empereur. L’Etat comprenait deux groupes essentiels : La Bourgogne et les Flandres. Au nord, tout le vaste territoire s’étendant de Lille à la Haye, de la mer au Luxembourg; au sud, la Franche-Comté et le duché de Bourgogne. Seul ce duché dépendait du roi de France, le reste de l’empereur. Il voulait encore la Lorraine dépendant du roi de France. L’empereur d’Allemagne, Frédéric III l’encourageait, pour des raisons de mariage entre leurs enfants, pouvant étendre l’empire, mais les promesses de mariage ayant rompu, l’appui tomba. Quoi qu’il en soit la perspective d’un nouvel Etat indépendant allant de Bruxelles à Dijon, en passant par la Lorraine et même au-delà avec la Savoie, avait de quoi inquiéter Louis XI. Par contre pour l’instant rien n’opposait encore Le Téméraire et Les Suisses, les relations étaient bonnes. Par contre relations tendues entre la France et le duc de Bourgogne. Mentionnons encore le fait que le Téméraire possédait une puissante armée. Contrairement à ce que l’on prétend Le Téméraire n’était pas un tendre, bien des villes qui lui résistaient furent détruites avec une rare cruauté, Liège par exemple.
Du côté de la France
Les Français ayant chassé les Anglais, Louis XI succède à son père Charles VII. Après 100 ans de guerre, l’autorité du roi avait bien souffert, Louis XI petit à petit la rétablit. Mais il y avait encore un ennemi : L’ambitieux Charles le Téméraire qui avait séquestré Louis XI dans son château de Péronne, lequel s’en était sorti par un lot de promesses… qu’il ne tint pas. Ça sentait donc la poudre mais avec un incontestable avantage militaire au Téméraire. Mais Louis XI était un rusé diplomate, carrément la référence en la matière et il sut manœuvrer, brillamment et…sans combattre. Louis XI, envoyé par son père et à la demande de l’empereur, avait été combattre les Confédérés, en guerre contre Zurich. A la tête des Armagnacs il participa en 1443 à la bataille de St Jacques sur la Birse, près de Bâle. L’enjeu était donc gigantesque quant à l’avenir de la France avec le duo Louis XI et le Téméraire.
Du côté de la Suisse et de l’Autriche
On sait que les Suisses, c’est-à-dire en tout premier les Waldstaetten menés par Schwyz, s’étaient affranchis des Habsbourg par trois batailles décisives : Morgarten 1315 (et pacte de Brunnen), Sempach 1386 et Naefels 1388. Bien que devenus libres les luttes entre premiers Suisses et l’Autriche persistaient dans le sud de l’Allemagne en raison du soulèvement des villes désireuses elles aussi sortir du pouvoir autrichien et donc tentées de s’appuyer sur le nouveau pouvoir militaire de ces Suisses. Lesquels venaient volontiers leur prêter main-forte. Ainsi plusieurs batailles eurent lieu. Les Autrichiens se rendaient compte que seule une alliance forte pouvait mettre fin à ces envies de liberté de ces villes du sud. Et c’est donc du côté du duc de Bourgogne qu’ils firent alliance. Ainsi la Suisse se voyait avec deux redoutables ennemis prêts à en découdre. Cependant pour se mettre le duc de Bourgogne de son côté, l’Autriche dû mettre en gage tous ses territoires en danger, or le Téméraire en profita pour y étendre son autorité et cela brutalement comme d’habitude avec lui. Cette fois ce n’est plus contre les Autrichiens que ces villes se rebellaient mais contre le pouvoir bourguignon, ce qui amena les Autrichiens à dénoncer le 6 avril 1474 le traité de Saint Omer conclut avec le duc de Bourgogne.
Négociation française
Louis XI flaira la bonne affaire, sachant pour s’y être frotté à Bâle lors de la bataille de St Jacques sur la Birse, il connaissait la force des Suisses et su en jouer. Ainsi donc Suisses et Autrichiens se réconcilièrent et se liguèrent contre le Téméraire. Le 30 mars 1474, à Constance, sous l’inspiration du roi, les Confédérés concluaient avec l’Autriche l’alliance perpétuelle. Mais du côté suisse l’affaire avait été traitée avant tout par les Bernois, lesquels représentaient le côté bourgeois des Suisses, l’autre côté, celui des Waldstaetten étant majoritairement paysan. Mine de rien cette réconciliation austro-suisse représente à elle seule un événement extrêmement important dans l’histoire de la Confédération
L’enjeu bernois Il était simple c’était celui de s’étendre au sud, du côté du lac Léman et donc du Pays de Vaud, ce qui se passait au sud de l’Allemagne ne les intéressait guère. Le Pays de Vaud était savoyard et donc allié au duc de Bourgogne. Jusque là les relations avec Berne ne posaient guère de problèmes. Par contre le Pays de Vaud n’intéressait nullement les cantons de Suisse centrale qui eux se battaient avant tout pour la possession du duché de Milan, lequel duché intéressait peu les Bernois. Marignan 1515 mit fin à ce rêve.
Début de la guerre
On pouvait donc admettre d’un côté le duc de Bourgogne et de l’autre la Suisse, l’Autriche, la France, la Ligue des évêques de Bâle et d’Alsace. C’est en Alsace que débuta l’acte originel de la guerre par un soulèvement à Brisach contre l’autorité bourguignonne, le bailli fût exécuté. Immédiatement après les Autrichiens appuyés par 400 Confédérés reprirent des territoires qu’ils avaient hypothéqués à la Bourgogne. Bâle déclara la guerre à la Bourgogne. Le Téméraire réagit faiblement en envoyant un petit détachement qui alla dévaster le comté de Ferrette, lui-même était occupé à combattre la ville impériale de Neuss, ce qui entraîna la déclaration de guerre de l’empereur Frédéric III qui vint donc se mettre du côté des alliés. Ce dernier épisode donna un prétexte aux Suisses, l’appui de l’empereur, pour aussi déclarer la guerre. Louis XI s’engageait de son côté financièrement et avec une promesse de fournir 6000 mercenaires, promesse jamais tenue par la suite. Tout de suite 8000 Confédérés se mirent en marche en direction de la Franche-Comté, avec 10'000 Autrichiens, Bâlois, Rhénans et Souabes. Ils firent le siège de la forteresse d’Héricourt, lieu stratégique. Le duc de Romont, qui était en charge du Pays de Vaud, vint avec quelques milliers d’hommes pour défendre le comte de Neufchâtel qui défendait la forteresse mais il fût mis en déroute. Au final Héricourt céda et les Suisses rentrèrent chez eux chargés de butin. La Savoie, mais surtout ses représentants voulaient rester neutres et pour ce faire s’adressèrent à Berne qui posa des conditions extrêmes et impossibles. Durant toutes ces opérations Charles n’intervint pas, guerroyant toujours du côté de Neuss. Cependant le mariage revint à l’ordre du jour ce qui entraîna la double réconciliation de Charles avec l’empereur mais aussi avec Louis XI. Ainsi le roi qui avait tout fait, y mettant le prix, pour opposer les Suisses au Téméraire, rompit l’alliance et changea de camp, ce qui ulcéra les Suisses. Louis XI s’en fichait, manifestement il voyait plus loin et savait que les Suisses ne renonceraient pas au combat. Il alla même plus loin, autorisant le Téméraire à reprendre l’Alsace et à marcher contre les Suisses. Cependant le Téméraire voulu engager des négociations de paix, Berne le renvoya à la Diète qui ne s’en occupa pas.
Dévastation du Pays de Vaud
Berne avait pour objectif la possession du Pays de Vaud et rien n’aurait pu la faire changer. Les offres de paix étant restées sans réponse le Téméraire demanda au duc de Romont d’alarmer le Pays de Vaud. Le 16 octobre il alerta les milices mais ce jour là il reçu la déclaration de guerre bernoise avec un prétexte futile. Au final l’armée confédérée rentra à Berne le 2 novembre après avoir pris 16 villes et 43 châteaux, ramassé un butin formidable et beaucoup massacré. A l’est du canton de Vaud les Haut valaisans, alliés aux Confédérés pénétrèrent d’abord dans le Bas valais puis dans la région d’Aigle. Les Bernois occupèrent la région d’Aigle. Cette fois s’en était trop le Téméraire réagit et monte une armée que l’on évalue de 11 à 20'000 hommes. Berne recule et se retire du Pays de Vaud en laissant toutefois une garnison à Grandson. Laquelle se fit massacrer par les troupes du Téméraire. On en a beaucoup parlé en oubliant un peu les massacres perpétrés par les Confédérés. Mais oublions ce petit jeu de plaindre les uns et d’encenser les autres, les victimes d’un jour savent très bien devenir plus tard des bourreaux …ainsi en est-il en histoire, cela a-t-il changé ? Dans cette première phase d’occupation du pays de Vaud il est intéressant de mentionner que les Bernois désiraient également occuper Genève mais que ce sont les Fribourgeois qui s’y sont opposés. Genève dû toutefois en payer le prix, en monnaie. L’occupation complète du Pays de Vaud par Berne eut lieu après les guerres de Bourgogne, en 1536. Elle prit fin en 1798 avec l’arrivée des troupes françaises. Ce qui fait quand même 262 ans d’occupation bernoise.
La perte du Téméraire : Grandson, Morat puis Nancy
L’armée du Téméraire comprenait beaucoup de mercenaires, anglais, italiens, c’est d’ailleurs à un Italien que l’on doit le récit des batailles de Grandson et Morat. Il ressort de ces défaites du Téméraire que cette personne refusait tous les conseils de son entourage, qu’elle prenait seule les mauvaises décisions qui finirent par lui coûter la vie. Le Téméraire disposait d’une armée puissante mais il est faux de croire, comme cela s’est dit, que le nombre joua en faveur des Confédérés et de leurs alliés, ils disposaient eux aussi d’une armée importante. Suite à Grandson et à Morat on voit Charles le Téméraire, toujours vivant mais passablement affaibli. Tout le monde le voyait fini…sauf lui. Il voulu mettre sur pied une armée de 150'000 guerriers en engageant 10'000 archers de Picardie, 6000 piquiers des Pays-Bas. Par une réorganisation de ses méthodes de combat, Charles voulait être à même de tenir tête à la tactique de l’infanterie suisse. Cette grande activité eut pour effet de le réconforter et de lui rendre toute sa confiance. Les choses pourtant ne se présentèrent pas si facilement, beaucoup de résistance et de refus de s’engager… peut-être que Grandson et Morat avaient refroidis l’enthousiasme…et puis même ses intimes finirent par perdre confiance. La défaite de Grandson avait déjà donné l’envie de liberté aux Lorrains, le comté de Vaudémont reconquit sa liberté avec l’appui de la France (décidément bien versatile…). Lunéville et Epinal se libérèrent aussi. Ces mauvaises nouvelles décidèrent Charles à renoncer à une vengeance contre les Suisses et à s’occuper de la Lorraine. Les Suisses de leur côté se déclarèrent prêts à signer un pacte d’assistance aux Lorrains, ce qui fût fait le 7 octobre. Le 11 Charles se trouvait devant Toul donc près de Nançy où le duc René de Lorraine se préparait au siège. Il comptait plus sur les Suisses dont il avait admiré les prouesses à Morat, que sur ses propres troupes. Avant cela il était venu en Suisse pour solliciter une aide, ce ne fût pas facile, les Suisses rechignaient un peu mais finirent par accepter après quelques garanties pécuniaires mais surtout pour éviter le risque de voir à nouveau l’ennemi en Alsace. Le renfort Suisse devait être de 5'000 hommes mais l’enthousiasme d’une nouvelle bataille fit que l’on arriva à 8'000 hommes. La troupe suisse se mit en marche depuis Bâle le 26 décembre. Des faits peu honorables de pillages eurent lieu sur le chemin, la population en souffrit beaucoup, hélas ! Les troupes suisses rencontrèrent celles de la Ligue rhénane à Lunéville. Finalement les troupes alliées comptèrent vers les 20'000 hommes, donc supérieures à leur adversaire La bataille eut donc lieu et fût fatale à Charles le Téméraire qui fût tué, par qui exactement ? Personne ne le sait. Son corps fût transporté à l’église de St Georges à Nançy où eut lieu sa sépulture.
Les conséquences des Guerres de Bourgogne
Résumé concernant la France sur Wikipédia : La plus importante des conséquences de ces guerres fut la chute de l’Empire Bourguignon, dirigé par Charles le Téméraire. Louis XI profita pleinement de la mort du duc, car il put ainsi être à l’abri des attaques que le roi d’Angleterre prévoyait sur la France après avoir fait une alliance avec Charles le Téméraire. Louis XI récupéra plusieurs terres bourguignonnes : le duché de Bourgogne, la Picardie, l’Artois et la Flandre. Dans le même temps, Marie de Bourgogne, la fille de Charles de Téméraire, épousa Maximilien de Habsbourg qui récupéra le comté de bourgogne (Franche-Comté). C'est ainsi que commença le litige entre les rois de France et la maison des Habsbourg.
Histoire de la Suisse Grandjean et Jeanrenaud p. 55 La France et l’Empire se partagèrent les vastes Etats bourguignons : l’Empereur prit les Pays-Bas et la Belgique actuels, ainsi que la Franche-Comté ; La France occupa la Bourgogne proprement dite. Les cantons se contentèrent d’une indemnité de guerre. Du côté suisse
La paix avec l’ennemi fondamental de la Suisse, l’Autriche. Et là il faut bien reconnaître que c’est l’œuvre de Louis XI. Je me demande si on le cite dans des cours de diplomatie, il a quand même fait fort dans ces guerres de Bourgogne, gagner autant uniquement par la diplomatie et quelque argent il est vrai…
Mais tout ne fût pas si rose en Suisse après ces victoires et ce fabuleux butin : querelles internes etc. envie continuelle de se battre, plus seulement pour le pays, mais pour de l’argent, par le mercenariat.
Sources : Maxime Raymond, Histoire de la Suisse, Tome I Rudolf von Fischer, Histoire militaire de la Suisse, Vol I cahiers 1 - 3
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