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Les recluses
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Auteur :  Faget [ 12 Jan 2019 18:54 ]
Sujet du message :  Les recluses

Dans un recensement ( censier) ordonné par le Vicomte Gaston Febus de Béarn , au XIV° siècle, dans certaines communes (mais peu) il est question de "la recluse" sans nom de famille. Wikipédia donne quelques éclaircissements sur cette pratique et cite quelques exemples de lieu à Paris. Est-ce que la pratique était plus ou moins répandue dans d'autres régions de France ou d'Europe :?:

Auteur :  Hugues de Hador [ 12 Jan 2019 20:01 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Bonjour

En allant voir sur wiki les réclusoirs, j'ai bien l'impression que de nombreuses villes en France en possédaient et que c'était très répandu au Moyen Age.

Il y a eu des "recluses" en Angleterre.

PS :

La première fois que j'ai entendu parler des "recluses' c'est dans un roman : "Quand sort la recluse" de Fred Vargas, un thriller policier.

La "Recluse" est aussi une araignée (Loxosceles reclusa), mais originaire d'Amérique (et donc, rien à voir avec le Moyen Age)

Bien à vous.

Auteur :  Pouzet [ 12 Jan 2019 20:15 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Mais les recluses étaient-elles volontaires ou étaient-elles punies ?

Auteur :  Faget [ 12 Jan 2019 20:35 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

En cherchant un peu plus sur Google, j'ai trouvé un article apparemment très rigoureux de Paulette L'hermite-Leclercq ayant pour titre "Le reclus dans la ville au Bas Moyen Âge", archivé chez Persée.
Il semble que dans la majorité des cas, c'étaient des femmes qui demandaient cette sorte d'enterrement de leur vivant en pleine connaissance de cause et le clergé n'avait rien contre. Il y a quelques cas, aussi, où ça a valeur de punition, mais cela semble une minorité. Pour notre structure mentale moderne, c'est très difficile à imaginer ce masochisme des emmurées qui durait jusqu'à la mort.

Auteur :  Pouzet [ 12 Jan 2019 21:51 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

D'après Wiki, (article sur les reclus, https://fr.wikipedia.org/wiki/Reclus_(moine))
Citer :
Le 6 février 1990 décédait à Rome, après près de 44 années de réclusion à l'intérieur du monastère camaldule de l'Aventin, l'une des dernières recluses, sœur Nazarena.

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Voir https://fr.aleteia.org/2017/08/09/lincr ... -laventin/
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Auteur :  Barbetorte [ 13 Jan 2019 1:16 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

La mère d'Esmeralda, du roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo est devenue recluse après que sa fille eut disparu enlevée par des Gitans.

Auteur :  Jean-Marc Labat [ 13 Jan 2019 1:42 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Il existait un reclusoir au cimetière des Innocents à Paris. La plus connue de qui occupa celui-ci fut Alix la Burgotte qui y resta 46 ans.

Le roi Louis XI lui fit faire un tombeau et sur la pierre tombale était gravé:

En ce lieu gist sœur Alix la Burgotte,
A son vivant récluse très dévotte.
Rendue à Dieu femme de bonne vie
En cet hostel voulut être asservie,
Où a régné humblement et longtemps
Et demeuré bien quarante et six ans,
En servant Dieu augmentée en renom
Le roi Loys, onsièsme de ce nom,
Considérant sa très grande préfecture,
A fait élever icy sa sépulture.
Elle trépassa céans en son séjour,
Le dimanche vingt-neuvième jour,
Mois de juin mil quatre cent soixante et six,
Le doux Jésus la mette en paradis.
Amen !

Auteur :  Unagi [ 13 Jan 2019 9:13 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Bonjour,

A ce sujet, ce beau roman de Carole Martinez:
Image

Auteur :  Jerôme [ 13 Jan 2019 9:32 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Sans être un expert, je me demande s'il n'y a pas une forme de parenté des recluses avec les "stylites" byzantins.

Quant au roman de Carole Martinez, je ne l'ai pas lu mais mon épouse uni l'a fait à été fort déçue. Elle y a vu une œuvre anticléricale fondée sur une psychologie féminine très contemporaine et donc très éloignée du Moyen Âge.

Auteur :  Hugues de Hador [ 13 Jan 2019 11:41 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Pouzet a écrit :
Mais les recluses étaient-elles volontaires ou étaient-elles punies ?


Ben justement, si j'ai bien compris l'affaire, une partie d'entre-elles se punissaient volontairement.
D'autres étaient plutôt à mettre dans la catégorie des "mystiques".
Les "recluses" avaient un rôle social important.

J'ai trouvé un site qui explique pas mal de choses sur les "reclus" et les "recluses" -> http://www.abbayesetmonasteres.fr/Les-Reclus

Thèmes abordés :

- L’émergence des Pères du Désert…
- Seul mais pas solitaire
- L’origine ecclésiastique, avant le Xème siècle .
- Le changement de mentalité du nouveau millénaire : les laïcs deviennent des reclus.
- Les reclus sont des…recluses, en général, d’origine modeste.
- La volonté d’encadrement de l’Eglise.
- La mort au monde, célébrée sous l’autorité de l’évêque.
- Le reclusoir, une maisonnette ouverte sur le monde.
- L’implantation du reclusoir.
- Le financement des reclusoirs.

Etc ...


Bien à tous.

Auteur :  Rémy N. [ 13 Jan 2019 12:05 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Faget, je vous remercie pour la création de ce sujet, qui me permet de découvrir un sujet que je ne connaissais pas. Une fois encore certaines pratiques (comme celle des sanctuaires à répit) du christianisme leur survivances récentes me fascinent!

Auteur :  Unagi [ 13 Jan 2019 12:39 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Jerôme a écrit :
Sans être un expert, je me demande s'il n'y a pas une forme de parenté des recluses avec les "stylites" byzantins.

Quant au roman de Carole Martinez, je ne l'ai pas lu mais mon épouse uni l'a fait à été fort déçue. Elle y a vu une œuvre anticléricale fondée sur une psychologie féminine très contemporaine et donc très éloignée du Moyen Âge.


Toute littérature (de même que toute histoire) me semble contemporaine, ou en tout cas toute littérature parle d'aujourd'hui (même pour le Nom de la rose). Je n'ai pas vu d'anticléricalisme pour ma part et la psychologie me semble au contraire un remplacement du "vide" historique (comment une femme à cette époque se comportait après un viol?). La réponse n'est pas celle de cette période historique, mais d'une romancière d'aujourd'hui sur un passé.

Auteur :  Faget [ 13 Jan 2019 12:56 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Rémy N. a écrit :
Faget, je vous remercie pour la création de ce sujet, qui me permet de découvrir un sujet que je ne connaissais pas. Une fois encore certaines pratiques (comme celle des sanctuaires à répit) du christianisme leur survivances récentes me fascinent!

C'est une des raisons de mon post. D'abord, découvrir d'autres informations sur le sujet de la part de "forumeurs" compétents. Ensuite, déclencher la curiosité de membres qui ont des connaissances historiques solides (comme vous) mais qui n'ont jamais entendu parler du sujet. Personnellement, c'est par hasard , en m'intéressant à ce "Dénombrement général des maisons de la vicomté de Béarn en 1385 par ordre du Vicomte Gaston Febus " que j'ai découvert le mot.
Salutations cyrardes.

Auteur :  Jean-Mic [ 13 Jan 2019 18:42 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Le phénomène des reclus est une des formes de celui des ermites ou anachorètes. Dans la tradition chrétienne, ce sont des personnes, hommes ou femmes, qui se retirent du monde pour vivre une vie de prière, et souvent aussi de pénitence.

Très vite, dans le christianisme, des hommes et des femmes est apparue la vie érémitique. On situe habituellement son apparition au tout début du IVe siècle, dans le désert d'Égypte (comprenez : suffisamment loin de la ville d'Alexandrie pour être seul). Le premier de ces ermites semble être un certain Paul, saint Paul l'ermite, mais celui qu'on considère comme le père de l'érémitisme est plutôt Antoine, saint Antoine le Grand, le saint Antoine qu'on représente habituellement avec un cochon (à ne pas confondre avec saint Antoine de Padoue, franciscain du XIVe s., représentée en bure, portant l'enfant Jésus, avec une fleur de lys). Tout aussi vite, malgré leur quête de solitude, certains de ces ermites ou anachorètes ont été rejoints par des disciples désireux de profiter de leur exemple, de leur enseignement, et plus largement de leur rayonnement. Ainsi est né le cénobitisme, source du monachisme communautaire (les moines et moniales telles que nous les voyons habituellement, autour d'un cloître).

Voila pour les deux grands courants du monachisme, tels qu'ils sont apparus au premier millénaire chrétien. Le phénomène concerne aussi bien les hommes que les femmes, mais des nuances apparaissent pour des raisons assez évidentes de sécurité ou, au contraire, de vulnérabilité. Les monastères d'hommes des premiers temps sont tous installés au désert (notion qui dans nos contrées peut prendre la forme d'îles, de forêts, de marais, etc., toujours loin des lieux habités). Inversement, les monastères de femmes s'implantent majoritairement en périphérie des villes, parfois sous les murs de la ville, (les monastères urbains n'apparaîtront qu'au XIIIe s.), plus rarement dans la ville (exemple rare : Radegonde à Poitiers, au VIe s.). Pour des raisons similaires, les ermites du premier millénaire sont exclusivement des hommes, et, par définition, ils laissent peu de trace de leur séjour ou de leur passage. Notez au passage que jusqu'à l'an mil (Odilon de Mercœur, 5ème abbé de Cluny), ces moines ou ces ermites ne sont pas prêtres, mais (selon l'expression actuelle) frères (non ordonnés).

Toutefois, la distinction entre cénobites (moines ou moniales vivant en communauté) et anachorètes (ermites) est rarement aussi claire. Tantôt, c'est un moine qui quitte sa communauté pour vivre en ermite, définitivement ou temporairement. Tantôt c'est un laïc (un non-moine) qui fait ce choix pour toujours ou avant de rejoindre une communauté ... ou d'en fonder une. Certains se cachent vraiment des hommes. D'autres, ayant renoncé à jouer à cache-cache avec des candidats-disciples, s'installent dans un arbre, sur un rocher, ou sur une colonne dans les ruines d'un temple païen ; ce sont les stylites, dont l'un des rares exemples dans nos régions est (saint) Walfroy qui s'installe sur une colonne dans la forêt des Ardennes (il faudra que l'évêque lui-même vienne le raisonner pour qu'il renonce à affronter un nouvel hiver ardennais presque nu sur sa colonne). Dans tous les cas, selon la tradition chrétienne (catholique aussi bien qu'orthodoxe), l'ermite reste toujours sous l'autorité de son abbé s'il est moine, de son évêque s'il ne l'est pas. De tout temps (et aujourd'hui encore), nul ne peut se faire ermite au sens chrétien du terme sans l'accord de l'un ou de l'autre.

A partir du XIIIe siècle, le monachisme commence à s'implanter en ville. Tout d'abord de manière éclatante avec les couvents des ordres mendiants, essentiellement franciscains et dominicains, masculins et féminins (Comme leur nom l'indique, ces communautés vivent de l'aumône, publique, édilitaire, ecclésiastique, ou princière, par opposition aux ordres anciens -et ruraux- dont les ressources sont basées sur la propriété foncière.) Et puis, épisodiquement, apparaît aussi une forme urbaine de l'érémitisme : ce sont les reclus et les recluses. En théorie ce pourrait être aussi bien des hommes que des femmes, mais dans la pratique le phénomène est presque exclusivement féminin, les hommes privilégiant les ermitages campagnards ou forestiers. Tout comme les ordres mendiants, ils ou elles vivent de l'aumône.

Elles (puisque ce sont presque toujours des femmes) sont des laïques qui choisissent volontairement ce mode de vie. (D'ailleurs, il aurait été impensable qu'une religieuse cloîtrée puisse quitter sa clôture pour une autre vie quelle qu'elle soit.) Après avoir prononcé des vœux simples devant l'évêque lui-même, elles se réfugient dans un espace clos et exigu, muré aussitôt après leur entrée. Un guichet leur permet de recevoir les dons et en particulier la nourriture que la Providence (et les âmes charitables) voudra (voudront) bien leur accorder. Selon l'accord et les permissions données par l'évêque (ou le prêtre délégué par lui), le guichet peut également servir à communiquer avec le monde extérieur, et à se confesser. Beaucoup plus rarement, certaines semblent avoir été autorisées à apporter des conseils ou avis spirituels. Selon les cas, la réclusion pouvait être temporaire ou définitive. Seul l'évêque pouvait mettre fin à la réclusion avant son terme, fin des vœux temporaires ou décès. On comprend que ce choix de vue extrême, exposé au vu et au su de tous ait pu marquer les esprits. Les exemples cités dans les messages précédents le montrent bien.

Précisons en conclusion que l'érémitisme existe toujours, même s'il demeure par essence-même discret. Ermites "forestiers" attachés d'un monastère, tel dom Adalbert de Voguë, attaché au monastère de la Pierre-qui-Vire, ayant vécu en ermite de 2008 à 2011 dans la forêt morvandelle. Ermites "dans la ville", telle cette femme dont je ne dirai rien de plus par respect de son vœu.

Espérant vous avoir apporté quelques éclaircissements.
Jean-Michel

PS : Pour une vision moderne et drôle de l'érémitisme "dans la ville", vous pouvez lire "Monsieur le Curé fait sa crise" de Jean Mercier, paru en 2017. Ceux qui ont quelques connaissances de l'histoire récente de l'Église apprécieront ...

Auteur :  Faget [ 13 Jan 2019 20:10 ]
Sujet du message :  Re: Les recluses

Merci pour ce développement très intéressant. Personnellement ce qui me surprend le plus c'est la notion d'emmurée à laquelle, sauf erreur de ma part, vous ne faites pas allusion. D'après ce que j'ai compris après ma lecture sur divers sites la cellule est close jusqu'à la mort et il n'y a que deux ouvertures : une pour recevoir un minimum de vivres et l'autre pour voir la messe . Il y a un cas où l'on parle d'une troisième ouverture qui permet de sortir ses déchets naturels, dans d'autres cas, il semble que les excréments restent dans la cellule :rool: . Rien ne semble prévu pour passer des vêtements chauds pour l'hiver (et par quelle ouverture ?), ni de soins en cas de maladie. On cite les cas où des recluses restent jusqu'à leur mort. Je persiste à dire que cela parait très différent de ces ermites qui s'isolent, mais peuvent au moins bouger.
L'article très rigoureux de Paulette L'hermite-Leclerq que j'ai cité le 12 janvier à 20.35 heures doit être lu avec application.

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