Arvernes a écrit :
Bonsoir, ne pas le lire c'est aussi fermer les yeux sur l'histoire contradictoire, c'est vrai que le livre n'apporte rien de nouveau. Une bergère qui prend les armes comme un chevalier expérimenté avec un bon langage, la grande question est là ! mais bon il y a de la pertinence partout.
Je suis d'accord pour dire qu'il ne faut pas fermer les yeux sur "
l'histoire contradictoire". Mais les auteurs qui prétentent que les autres historiens se trompent (ils les traitent parfois avec une nuance de mépris plus ou moins marquée) devraient être moins péremptoires.
Par exemple cette "
bergère qui prend les armes comme un chevalier expérimenté", dont ils tirent argument pour affirmer que Jeanne d'Arc était d'origine noble : je ne suis pas historien, mais je sais, pour l'avoir vu et fait moi même, que monter à cheval était à la portée de n'importe quel paysan ou paysanne de la campagne. De plus, on peut voir une Jeanne d'Arc porter les armes comme un chevalier dans plus d'un défilé.
Je sais aussi lire les actes des procès de Jeanne d'Arc. Voici le témoignage du duc d'Alençon (procès en nullité-1450) :
"...et le roi conduisit Jeanne dans une chambre, et j'étais avec lui et le seigneur de La Trémoïlle que le roi retint, disant aux autres qu'ils se retirent. Alors Jeanne fit au roi plusieurs requêtes [...] et beaucoup d'autres choses dont je ne me souviens pas furent dites jusqu'au repas ; et après le repas, le roi alla se promener dans les prés, et là Jeanne courut avec la lance et moi, voyant Jeanne se comporter ainsi, porter la lance, et courir la lance, je lui donnai un cheval".
Je ne vois pas là ce qui permet d'affirmer que Jeanne sait prendre les armes "comme un chevalier expérimenté". Pour moi, Alençon dit simplement qu'il voulait vérifier si Jeanne était apte à jouer le rôle qu'elle voulait jouer et qu'on était prêt à lui confier. Ben oui, quoi ! On n'allait quand-même pas donner un cheval à une fille qui se casserait la g.... au premier trot du canasson
Un autre témoignage (je ne sais plus de qui) relate le fait que le duc de Lorraine, que Jeanne était allé trouver à Nancy pour qu'il lui donne escorte et cheval, lui a fait amener un cheval, un harnais et l'a fait armer ; le témoin indique (toujours dans le procès en nullité) que "
sans mettre le pied en l'étrier, dedans la selle se rua". Je demande à voir le chevalier armé capable de faire ça. De toute évidence, on est dans le style épique, où le portrait de Jeanne (morte depuis 20 ans) doit nécessairement susciter l'admiration. Et de fait :
on lui donna une lance et elle la courut, toute la noblesse en fut ébahie.
En ce qui concerne
"le bon langage", les "bâtardisants" le soulignent parfois comme une preuve que Jeanne d'Arc était d'origine noble ou avait été élevée dans un milieu noble. Balivernes ! On n'a aucune indication sur la façon de parler de Jeanne. Quand les minutes deu procès ou les témoignages la font parler directement, ses propos sont retranscrits en latin ou en "bon français" (dans la minute dite française), dans le style des clercs istruits.
La seule citation apparemment directe -la seule qui soit en Français dans le texte latin- est de Pasquerel qui témoigne en 1450 :
"Et iterum reversa est ad invasionem seu insultum, clamando et dicendo : "Clasdas, Clasdas, ren-ti, ren-ti Regi coelerum. Tu me vocasti Putain ; ego habeo magnam pietatem de tuo anima et tuorum". Traduction : Ensuite, elle retourna derechef à l’assaut, en criant : Clasdas, Clasdas, ren-ti, ren-ti (=rends-toi) au Roi des cieux! Tu m’as appelée putain ; j’ai grand’pitié de ton âme et de celle des tiens."
Vous ne trouvez pas que ce "rends-ti" ressemble à la façon de parler qu'on entendait dans les campagnes d'autrefois ?