Nous sommes actuellement le 28 Mars 2024 21:04

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 21 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2
Auteur Message
 Sujet du message :
Message Publié : 29 Sep 2005 16:07 
Hors-ligne
Thucydide
Thucydide

Inscription : 19 Sep 2005 14:54
Message(s) : 59
Localisation : paris
Bonjour, voici la suite de nos aventures..

Louis X Roi de France, hiver 1314


Le 29 novembre 1314, Louis X, dit le Hutin, a succédé à son père Philippe le Bel. Le Royaume de France, lui, voit lui peu à peu s’effriter les piliers mis en place par son père Philippe le Bel. Les Grands du royaume, menés son oncle , Charles de Valois, hostiles à la toute puissance des légistes qui dominaient le gouvernement sous le règne précédent, entre en guerre ouverte Enguerrand de Marigny , grand argentier du Royaume, qui n’a plus Philippe le Bel pour l’appuyer.
Les barons et seigneurs de provinces n’ont eux cesse de rétablir les coutumes en cours sous Saint Louis, soit principalement le droit de guerroyer entre eux et de frapper monnaie.
Louis X va devoir négocier avec eux des chartes provinciales qui préservent le droit de la noblesse à mener des guerres privées et des duels judiciaires. Ces chartes, qui resteront sans véritable portée, limitent en outre l'action des officiers royaux. Ces mesures suffiront à désamorcer la révolte, et c’est la principal ‘fait d’arme’ de son règne.

Louis X n’a pourtant pas le tempérament à régner, tout entier à ses plaisirs, dont la boisson et le jeu, ce qui lui a valu entre autre surnom « le roi de paume ». Inappliqué, voire apathique, mais aussi batailleur à ses heures, (ce qui lui aurait valu son surnom de "Hutin", qui signifie querelleur), il est plus préoccupé de retrouver femme que de s’occuper des affaires du royaume.
Pour ce faire la condition première est nous l’avons vu, de dissoudre son mariage avec Marguerite. Malheureusement pour lui l’adultère n’est pas un motif de dissolution du mariage. Seule une requête spéciale au Pape pourrait faire avancer ses affaires. Encore fallait il que Pape il y eut !! Car depuis la mort de Clément V cette même année, les Cardinaux n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur le nom d’un nouveau Pape, et Louis reste donc officiellement marié à Marguerite.
Son deuxième problème est de trouver une nouvelle épouse, pour le cas ou son mariage fut cassé. C’est Charles de Valois son oncle qui va se charger de l’affaire en lui proposant sa nièce Clémence de Hongrie. Ainsi Louis X va envoyer son chambellan Hue de Bouville à Naples avec pour mission de ramener en France la future reine Clémence. En même temps Louis envoya des ambassadeurs en Avignon pour hâter l’élection d’un pape. Au printemps 1315, les cardinaux refusent toujours de se réunir et Clémence peut arriver d’un moment à l’autre


La Mort de Marguerite

Nous sommes maintenant en Avril 1315. Marguerite et Blanche ont passé un premier hiver à Château Gaillard, soit déjà presque un an de détention. Comment ont elles supporté cette réclusion ?
A priori, c’est Marguerite qui a été la plus affectée. Dans la chronique rimée de Geoffroi de Paris, c’est elle qui souffre le plus :

Si estoit jor et nuit em plor
En tristece et en doulor
.

Ou chez Marcellin Boudet qui nous offre une traduction des propos de Geoffroi de Paris :

Après avoir fait des aveux complets, elle ne cessa dans sa prison de s’humilier et de s’accuser. Elle pleurait nuit et jour, et il en fut ainsi jusqu’à sa mort , « non sur son sort , mais sur sa faute » disant sans cesse « qu’elle avait mérité tous ses tourments », qu’ils n’étaient rien selon le mal et le méfait, se désolant à fendre l’âme de ceux qui venaient la visiter d’être la cause que tant de nobles et honnêtes femmes et tant de gentilshommes fussent livrés au mépris public à cause d’elle.

Nous avons vu plus haut les différentes hypothèses sur le logement des deux princesses. Seul Geoffroi de Paris évoque le fait que Marguerite ait pu se trouver dans une cellule plus en hauteur , et plus ouverte au vent et au froid que celle de Blanche. Dans ce cas, et c’est ce qui prime chez tous les chroniqueurs de l’époque, il est admit que Marguerite n’a pas supporté l’hiver et est morte le 30 Avril 1315, suite à ses conditions de détention. Y a-t-il eu pneumonie, pleurésie, une quelconque maladie ? Il n’en est fait mention nulle part. On peut aussi supposer que, comme le dise les textes, elle eut plus de mal que Blanche à supporter sa faute et que ceci ait grandement influé sur sa condition physique et mentale. En outre si Blanche était elle autorisée à recevoir, et ceci sûrement grâce à sa sœur Jeanne revenue en grâce et libérée de Dourdan, Marguerite devait elle se sentir d’autant plus abandonnée.


Chez Geoffroi de Paris, voici comment cet évènement est décrit :

Après Pasques, en cele année
Fu la royne trespassée
Qui, por le cas desus dité
Grant temps i avoit habité
Dedans Gaillart, a Andili

Et dans les Grandes chroniques de France :

En ycest an vraiement, la veille de l’Ascencion dessus dicte, derrenier jour d’Avril, fu morte Marguerite, jadis folle et diffamée royne de de Navarre, qui au chastel de gaillart en Normandie estoit emprisonnée

On le voit, nulle explication n’est fournie sur cette mort, que les chroniqueurs vont considérer comme « naturelle »

Marguerite Etranglée?

Ce n’est que bien plus tard, au dix huitième siècle, que l’on commence à trouver dans les récits des historiens de l’époque, l’hypothèse que Marguerite n’est pas morte de mort naturelle mais aurait été étranglée, sur ordre du roi. Nous avons vu plus haut que cette mort n’aurait pas pu mieux tomber pour les affaires de Louis : pas de pape pour annuler son mariage, l’épouse qu’on lui a choisi sur le point d’arriver en France. Sans parler de la situation fort inconfortable pour le royaume d’avoir une Reine emprisonnée, qui même si elle n’est plus sur le devant de la scène, reste fort encombrante.
Louis X aurait il pu décider de sang froid de faire assassiner son épouse ? Aurait il été poussé par son entourage, par Charles de Valois pressé de voir régner sa nièce, par Robert d’Artois, soucieux de faire avancer ses pions dans l’optique d’un procès contre sa tante Mahaut ?

On ne trouve aucun indice dans les chroniques de l’époque. Il est vrai qu’il aurait été fort malvenu pour un chroniqueur de l’époque de soupçonner le Roi d’avoir fait étrangler Marguerite. Même si certain l’ont pensé, il n’allaient pas le dire et encore moins l’écrire. On a vu le sort que Louis avait réservé à tous ce qui de près ou de loin avaient permis à Marguerite de mener à bien son intrigue avec Philippe d’Aunay. Il est clair que le silence a prévalu et que ce n’est que beaucoup plus tard, à la relecture des faits que cette hypothèse a pu refaire surface.



Le Père Anselme, généalogiste des de Rois de France, écrit en 1712 :

En 1314 elle (Marguerite) fut confinée au Château Gaillard d’Andeli, ou elle fut étranglée avec un linceul, en 1315

L’historien local Edouard Gachot, nous en fait lui un récit très romancé qui est loin d’être un témoignage historique, mais qui illustre bien le parti pris de l’époque :

….Nous n’avons pas un instant à perdre. Le Roi exige que vous fassiez amende honorable en présence des officiers de sa suite…Ce soir, vous entendez madame ?
Un nuage passa sur le front de la prisonnière. Elle dit :
--Veuillez m’instruire.
Dom Luc lui traça ses devoirs. Sa chaîne tomba. Elle se confessa, se laissa lier les mains. Comme elle se dirigeait vers la porte, le moine l’arrêta :
--Vos cheveux sont épars. Veuillez, Madame, vous arrêter ici, je vais les natter.
Elle parut s’étonner.
Il répéta l’invitation, cette fois sur le ton d’un ordre.
Elle obéit, non sans une certaine répugnance.
Avec ses cheveux très longs, le moine fit deux tresses et les enroula promptement autour du cou, pressé d’en finir avec la mission qu’on lui imposait.
La malheureuse comprit.
Ses mains étaient liées ; toute résistance devenait impossible. L’homme sinistre, un sbire déguisé en moine, mit un genou sur la poitrine de la femme renversée et serra des deux mains la cordelière de cheveux, en grinçant des dents.
Avant que les suprêmes angoisses ne vinssent, la malheureuse put articuler encore :
--Jeanne …ma fille…Philippe..
Elle resta bientôt inerte, morte, effrayante.


A la lecture de la totalité du récit, on notera tous les anachronismes et liberté avec l’histoire, mais cela reste un document intéressant.

Dans le Dictionnaire Historique du Père Louis Moreri qui date de 1712 on peut lire à Marguerite de Bourgogne :

La Reine Marguerite, accusée de quelque amour secrète et ensuite convaincue d’adultère, fut enfermée dans le château Gaillard d’Andely, ou elle fut étranglée avec un drap de lit , l’an 1314

Pour terminer, voyons ce qu’en dit Marcellin Boudet :

Il n’est pas prouvé que Louis Le Hutin l’ait fait étouffer ou étrangler dans sa prison, comme on l’a dit. Les contemporains constatent seulement qu’au retour de son sacre (30 Avril 1315) il la « trouva morte » au Château Gaillard


A demain!!


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 29 Sep 2005 16:14 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Avr 2004 17:38
Message(s) : 10623
Localisation : Région Parisienne
Je ne sais pas si l'on peut faire de grandes nattes avec des cheveux d'un an.

Là, je m'adresse aux belles lectrices pour avoir un avis autorisé. (Je n'ai pas de filles, que des garçons :wink: )

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 29 Sep 2005 16:43 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 30 Mars 2005 10:28
Message(s) : 93
des tresses africaines à la rigueur, les cheveux poussant d'environ 1 cm par mois...

_________________
"Se mettre à plat ventre, c'est bien. Toutefois cette position est incommode pour lécher la main de celui qui vous donne des coups de pied dans le derrière." (Satie)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 29 Sep 2005 17:34 
Hors-ligne
Plutarque
Plutarque
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 25 Déc 2004 14:13
Message(s) : 164
deNangis a écrit :
L’historien local Edouard Gachot, nous en fait lui un récit très romancé (...)

Avec ses cheveux très longs, le moine fit deux tresses et les enroula promptement autour du cou, pressé d’en finir avec la mission qu’on lui imposait.

8O :lol:

Voilà qui est intéressant... J'ai moi-même les cheveux très longs et en ce moment-même "moyenageusement" attachés en deux tresses! Il serait fâcheux que quelqu'un ait la triste idée de venir m'étrangler avec! :lol:

Jean-Marc Labat a écrit :
Je ne sais pas si l'on peut faire de grandes nattes avec des cheveux d'un an.

Je dirais qu'avec des cheveux d'un an on peut peut-être faire deux tresses, mais elles ne seraient certainement pas assez longues pour permettre d'être étranglée avec. Même pour quelqu'un dont les cheveux poussent rapidement.

Ceci étant dit, de Nangis a bien écrit du récit d'Edouard Gachot qu'il était très romancé... :wink:

Vivianne a écrit :
des tresses africaines à la rigueur, les cheveux poussant d'environ 1 cm par mois...

1 cm par mois... cela dépend des personnes... :) :wink:


Amicalement,

Edit: Ce n'est pas important du tout mais je tiens tout de même à préciser que par "moyenageusement" j'entends simplement deux longues tresses! Je ne les porte pas "enroulées" ou je ne sais quoi... Je ne voudrais pas qu'on me prenne pour une folle tout de même! :oops:

_________________
And the heart that is soonest awake to the flowers / Is always the first to be touch'd by the thorns. -Thomas Moore


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 30 Sep 2005 9:18 
Hors-ligne
Thucydide
Thucydide

Inscription : 19 Sep 2005 14:54
Message(s) : 59
Localisation : paris
Bonjour et bienvenue chez nos trois princesses..

L'épisode conté par Edouard gachot l'a été dans la tradition du théatre romantique poularisé par la version d'Alexandre Dumas de 'la Tour de Nesle', pièce dans laquelle il mets en scène la légende des brus du roi. On pourra lire à ce sujet les "Mémoires d'Alexandre Dumas Père" dans laquelle il nous parle de la mort de Marguerite: " de cette prison on les transféra au Chateau Gaillard, forteresse de Normandie. La, par ordre de Louis X, Marguerite fut étranglée avec une serviette, selon les uns; avec ses propres cheveux, selon les autres.
Voila pour les cheveux de Marguerite!! :wink:

Reprenons le cours de notre étude:

Les Cordeliers de Vernon


Quelque fut la façon dont elle trouva la mort, il semble acquis que Marguerite mourut donc ce 30 Avril 1315. Qu’est il advenu de son corps, quelqu’un s’en est il émut, y a-t-il eu funérailles royales ?

Toutes les chroniques sont d’accord sur un point : le corps de Marguerite fut transporté dans la nuit du 30 au couvent des cordeliers (ou frères mineurs) de Vernon ou elle fut enterrée, vraisemblablement dans la chapelle même.

Voyons Geoffroi de Paris :

A Vernon fut enseveli
Son cors, chez les Frères Menors,
Qui li firent assez d’onnors ;
Sa sépulture noblement
Firent et molt devotement.


Dans les Grandes Chroniques de France :

Et à Vernon en l’église des frères meneurs fu enterrée

Chez le Père Anselme

Son corps fut enterré dans l’église des cordeliers de Vernon, selon le continuateur de Nangis

Pourquoi fut elle enterrée à Vernon, dans ce couvent des Cordeliers ?

Ce couvent, ou reposa un temps son père Robert II de Bourgogne, avant d’être déplacé à Citeaux, est un endroit appréciée de Marguerite, qui ne l’oublions pas, s’est mariée à quelques pas de la, dans la chapelle du Château. L’historien de la ville de Vernon Edmond Meyer fait référence aux liens qui liaient Saint Louis et son aïeule au couvent des Cordeliers et au château de Vernon :
« Saint Louis se plaisait à venir assister dans ce monastère à la célébration de l’office divin. Il s’y rendait du Château, en traversant la rue Etoupée qui longeait les Cordeliers (voir le plan de Vernon dans les illustrations), a l’exemple sans doute de son aïeule Marguerite de Bourgogne qui dans ses longs séjours aux château, se rendit maintes fois aux Cordeliers »
En outre, une Reine même en disgrâce, ne pouvait qu’être enterrée dans une abbaye ou un couvent. Or celui des Cordeliers de Vernon en est le plus proche. On peut aussi imaginer que sentant sa fin venir, Marguerite ait réclamée à être inhumée dans ce couvent . Que sait on de ce couvent ?

Il faut ici de nouveau lire Emond Meyer qui nous en parle dans son Histoire de Vernon et de sa chatellerie
« Saint François d’Assise avait institué l’ordre des Franciscains, dits Frères Mineurs, qui fut approuvé en 1223 par le pape Honorius iii. Ces moines étaient encore appelés Cordeliers à cause de la corde dont ils se ceignaient la taille.
Les Frères mineurs s’établirent à Vernon au commencement du règne de Saint Louis, et y bâtirent un beau couvent qui semble avoir été tout d’abord destiné à l’ordre entier. Jean de Surci, écuyer, renonça en leur faveur à la rente de 60 s. p. qu’il percevait, dans le municipe de Vernon, sur la maison qui avait appartenu au « maître des sarcophages » et dans laquelle les frères s’étaient logés.
Matthieu de Crèvecoeur ‘illustre héros et célèbre chevalier’ pour accroître l’aumône faite par sa mère, abandonna en 1248 un joug de terre. Jean de Portmort, bourgeois de Vernon, donna une maison en 1260. Philippe le Hardi confirma ces diverses donations et y ajouta de nouvelles concessions. Des privilèges assez grands furent accordés par les rois et confirmés par les papes. L’église du couvent fut placée sous le vocable de Saint Eloi, pontife, et le pape Alexandre IV , à la prière sans doute de Louis IX, accorda cent jours d’indulgence à tous ceux qui visiteraient cette église aux fêtes de l’ordre. Ce fut l’origine des pèlerinages qui s’y firent depuis cette époque. »

Si nous reprenons le plan de Vernon on voit que l’on peut localiser le couvent le long des murs de la ville, avec un accès à la chapelle par la rue des cordeliers et la rue Etoupée . Son emplacement est précisé dans les notes de l’article de Jean Baboux sur le Matrologue de la Charité du Saint Sacrement dans les Cahiers Vernonnais :
Les Cordeliers étaient un Couvent urbain dont l’église occupait l’emplacement du parking du garage Seat au 11 de la rue Ricquier.(voir photo) La nef était parallèle à la rue des Cordeliers, qui a été élargie sous le Second Empire pour donner la rue d’Albuféra. Le Chevet de l’église conventuelle touchait la rue Etoupée. A la fin du XVIIIeme Siècle les édiles abattirent les rempart pour donner naissance à la rue Riquier Une rue pavée, donnant dur la rue des Cordeliers, permettait d’entrer dans l’église sans passer par le couvent.


Maintenant que nous avons localisé le couvent, que sait on de ce que l’on pouvait y voir, et surtout, à t’on retrouvé la sépulture de Marguerite ?

Edmond Meyer nous fait visiter le couvent et note plusieurs sépultures intéressantes « Celle de Marc Antoine Segizzo, Sr de Bouges, dont le tombeau était placé dans le chœur, à la droite de l’autel. A coté de cette tombe on pouvait aussi voir une plaque de marbre portant les armes des familles Jubert et Maignart, qui indiquait qu’ici reposait le cœur de marie Maignart, décédée en 1610 »
La sépulture la plus remarquable, selon Millin qui parle du couvent dans ses antiquités nationales était celle de Montmorenci du Hallot et de sa femme.
Voici ce qu’il dit sur le couvent qu’il visite en 1792 :
« Les Cordeliers de Vernon etoient une fondation fort ancienne : on y voit plusieurs épitaphes de 1400. L’église n’avoit rien d’extraordinaire : il n’ y avait qu’un tombeau remarquable, celui de François de Montmorenci et son épouse »

Meyer nous dit encore : « Millin recueillit dans cette église quelques épitaphes peu remarquables »

On ne peut donc que s’étonner que dans aucunes des visites de Millin ou aucune des descriptions recueillies par Meyer on ne trouve la mention de la sépulture de Marguerite de Bourgogne. De tous les personnages enterrés dans cette église, c’est elle qui de loin était la plus importante, car Reine de France. Or pas la plus petite épitaphe, pas de buste, pas de statue.
Y aurait il eu une crypte, que Millin n’aurait pas visité ? On peut en douter, il en aurait fait mention. Marguerite fut elle enterrée à la sauvette, en dehors de l’église, son statut de prisonnière et d’adultère la condamnant à ne pas avoir de sépulture ?
Millin parle d’épitaphes datant de 1400, mais pas plus tôt. Or Marguerite fut inhumée en 1315.
Il existait il un petit cimetière attenant, pour y ensevelir les frères eux-mêmes, et que Marguerite du fait de son statut de Reine adultère, n’ai pas eu droit à être enterrée dans l’église ?

Geoffroi de Paris dit pourtant que :

Sa sépulture noblement
Firent et molt dévotement

Ce qui semble indiquer une sépulture décente. Un fait pourtant est en mesure de nous éclairer. Comme nous le verrons plus loin, Blanche, peu avant sa mort, est autorisée à se retirer à l’abbaye de Maubuisson. Elle y meurt en 1326 et on retrouve sa tombe non dans l’église ou sont enterrés son mari Charles IV et sa fille Jeanne, mais dans la salle du chapitre, avec les autres religieuses.

On peut donc raisonnablement en déduire qu’il en fut de même pour Marguerite, et que leur statut de Reines adultères ne leur donna pas droit à une sépulture dans l’église conventuelle. Il est donc possible qu’elle fut elle aussi enterrée dans la salle du chapitre du couvent.

Nous en sommes malheureusement réduits aux conjectures, en l’absence de toute preuve formelle. Ce qui est sur c’est que, pour citer Meyer , vers 1790, les frères quittèrent définitivement le couvent. Celui-ci servi d’atelier pour la fabrication du salpetre et que le propriétaire des lieux mit à la disposition du gouvernement les bâtiments et terrains qui pouvaient lui être utiles.
Enfin, tout ceci, monastère, église, tombeaux, fut détruit quelques années plus tard.



Marguerite de Bourgogne et le Château de Couches



Une autre hypothèse sur la fin de Marguerite est développée par des historiens locaux Bourguignons, et mérite d’être mentionnée. Nous retrouvons dans l’ouvrage de J Taupenot « Les Marguerite de Bourgogne », la thèse suivant laquelle Marguerite ne serait pas morte à Château Gaillard, mais aurait été recueillie au Château de Couches en Bourgogne, chez sa cousine Marie de Beauffrémont. Cette thèse aurait été développée par l’Abbé Berthollet, qui la mentionne en effet dans son livret sur le Chateau de Couches.

« , Marguerite de Bourgogne ne serait pas morte en 1315 à Château-Gaillard comme nous l'apprend l'histoire, mais elle aurait été recueillie par sa cousine Marie de Couches et tenue secrètement prisonnière au château.
Certains documents attesteraient de sa mort en 1333 »

Il est vrai que Marie de Beauffrémont était bien cousine de Marguerite (au 10eme degré…voir arbre de parenté), mais un transfert de Marguerite vers Couches parait assez improbable, est en tout cas n’a pas laissé de trace chez les chroniqueurs de l’époque.

Une légende étonnante du pays de Couches: la Vivre de Couches prend pour fondement la présence supposée de Marguerite de Bourgogne à Couches et vaut la peine d’être contée . La Vivre de Couches était une bête apocalyptique, ayant des allures de serpent et de monstre de la préhistoire. Se méfaits auraient été innombrables, elle aurait dévoré de enfants et semé la terreur dans toute la région.
Des battues auraient été organisées pour traquer la bête, mais à chaque fois celles-ci auraient échoué. La population fit alors appel à un magicien nommé « Yoata » qui réussit à envoûter le monstre par le son de sa flûte et à le conduire vers un four spécialement construit pour lui.
Depuis la tradition se perpétue à travers les siècles et une fête grandiose est organisée tous les 20 ans.
Cette légende aurait pu prendre corps avec le fait que Marguerite, selon les locaux, vécut au château de Couches en 1315 et 1333. Si en effet Marguerite vécu cachée au château, le secret de son existence devait être bien gardée et de multiples précautions devait être prises. La Reine côtoie en effet chaque jour les Couchois employés au château. La nouvelle se répand à travers le village, mais gare à celui qui en parlera. En 1333 Marguerite de Bourgogne s’éteint. Sa mort ne doit pas être connue mais les Couchois, fiers d’avoir en leurs murs un personnage de ce rang, avaient pris Marguerite en pitié et désiraient perpétuer son souvenir. Chacun à leur façon, les seigneurs du Château et le peuple de Couches entendent témoigner de sa présence par un symbole, qui sera Sainte Marguerite. En effet celle-ci vit le démon sous la forme d’un dragon qu’elle mit en fuite en faisant le signe de croix.
Ainsi la Vivre aurait été l’incarnation des malheurs de Marguerite.

J Taupenot, dans ses « Marguerite de Bourgogne » va au bout de la démarche et se mets à la recherche d’une sépulture royale pour Marguerite.

« Il existe dans la région de Couches un Saint Denis local, ancien Prieuré dépendant du Val des Choux , nommé prieuré du Val Saint Benoit, située dans la foret des battées, à proximité d’Epinac, lieu d’inhumation des seigneurs de Couches. Celui-ci est flanqué d’une chapelle du XVeme dont la richesse monumentale contraste avec l’ascétique austérité du reste du vaisseau. Peut être parmi les nombreux gisants dispersés au Val saint Benoit se trouvait autrefois celui de cette Reine au destin tragique »

En conclusion, il est quand même étonnant de voir qu’il existe une version « non historique » du destin de Marguerite liée à la ville de Couches et ses environs. On peut se demander comment est née cette version des faits et de quoi elle s’est nourrie. L’abbé Berthollet, qui a le premier officialisé cette version ne s’est il appuyé que sur cette tradition orale ou bien a-t-il retrouvé des preuves plus concrètes ? Nous n’en savons rien. Il est probable que Marguerite de Bourgogne, étant enfant, ait séjourné au Château de Couches chez sa cousine Marie de Beauffrémont. Ceci a sûrement constitué un élément en faveur de cette version des faits.

A lundi pour la conclusion!!


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 04 Oct 2005 9:51 
Hors-ligne
Thucydide
Thucydide

Inscription : 19 Sep 2005 14:54
Message(s) : 59
Localisation : paris
Bonjour, suite et fin de l'histoire de nos princesses.

Les dernières Années de Blanche et de Jeanne


Une fois Marguerite morte, Blanche continue sa captivité à Château Gaillard. Aucune mesure de clémence ne vient alléger sa peine.
Par contre à la lecture des chroniques de l’époque, on apprend qu’après les rigueurs des premiers jours, on se relâche peu à peu des sévérités du début.
On a vu que Blanche recevait déjà des visites du temps de Marguerite mais la
Situation devient encore plus favorable en 1316, à l’arrivée sur le trône de Jeanne.
En effet, Louis X décède le 5 Juin 1316 :

En cest an, vraiment, le jour de samedi après la feste de pentecoste, le cinquième jour de Juin au bois de Vincennes, Louys roi de France clot son dernier jour. Et l’endemain en suivant, à savoir le jour de la trinité, sixième jour en Juin, à St Denis en France fut porté.

Nous avons vu dans ce document que c’est le frère de Louis, Philippe de Poitier, qui est monté sur le trône, pour devenir Philippe V Le Long. On se rappelle que celui-ci avait repris Jeanne dès la fin de 1314. En 1316 Jeanne devient donc Reine de France. En ce qui concerne Blanche , sa garde est désormais confiée à Jean de Croisy, du 16 Août 1319 au 21 mai 1321 ( cf Anselme).

Ainsi, selon MB « Les portes de Château Gaillard s’ouvrirent plus grand encore » et les visites les plus assidues seront celle de son mari Charles de la Marche mais aussi de son cousin Philippe de Valois . On a vu plus haut que les doutes sur les responsables des deux grossesses de Blanche en 1316 et 1321/22 n’étaient pas totalement levé mais que Charles fut considéré par les généalogistes (cf Père Anselme) comme le père de Jeanne de la Marche et Philippe celui de Thomas de la Marche. Avec comme différence le fait que Thomas ne fut pas reconnut par Philippe alors que Jeanne le fut par Charles.


« Cette deuxième grossesse acheva de troubler les relations renaissantes entre Blanche et Charles » (cf Marcellin Boudet) . Des 1314, Charles avait comme son frère Louis couru solliciter Clément V pour obtenir l’autorisation de divorcer. Celui-ci avait refusé. Charles avait alors laissé l’indulgence s’installer. Mais cette dernière faute rendait une rupture définitive nécessaire , ainsi sans doute qu’on imaginait mal une future Reine de France passer de Château Gaillard à la cathédrale de Reims, contrairement à Jeanne qui elle fut ‘officiellement’ acquittée. De concert avec les conseillers de la couronne il imagina de faire dissoudre l’union elle-même dans son principe. La cause invoquée fut que la mère de Blanche, Mahaut d’Artois, avait tenu le prince Charles sur les fonts baptismaux et qu’il y avait donc ‘parenté’ entre les deux époux ( !)

La Roue du temps continuant de tourner, le Roi Philippe V va s’éteindre le 2 ou 3 Janvier 1322 (Anselme dit 1321) . Le Roi commença a se sentir malade à Conflans les carrières, puis il se fit transporter à Paris et de la à Longchamps. Atteint de dysenterie et de fièvre quarte, il languit pendant cinq mois dans de cruelles souffrances. « Son beau corps petit à petit se consuma comme à néant, si que enfin l’en ne vit sur lui fors la peau et les os » (anc. Chronique de Flandre). Son frère Charles, mari de Blanche va alors lui succéder en tant que Charles IV.

Son sacre eut lieu le 21 Février 1322. En revenant de Reims Charles députa Pierre Mortimer, évêque de Winchester, au souverain pontife (Jean 22) pour faire dissoudre son union avec Blanche. Le 19 Mai 1322, Jean XXII prononça la nullité dans un consistoire tenu en Avignon auquel assistèrent tous les cardinaux et presque tous les jurisconsultes de la cour pontificale .

Blanche fut ainsi reine sans couronne pendant trois mois et demi. Mais à compter du 19 Mai, elle retomba dans le sombre anonymat de sa cellule de Château Gaillard et les chroniqueurs se sont désintéressés d’elles. Cependant, du coté de la cour, on ne la perdit pas de vue, ni ne la relâcha. Au moment de l’annulation de son mariage elle était sous la garde du bailli de Gisors et de Geoffroy Le Cauchois. Puis on retrouve sa trace en 1325 dans le château de Gavray , baillage de Coutances, ou elle fut confiée à la surveillance de Jean d’Aumont, huissier d’armes du Roi et de Jean de Granvilliers (Cf Anselme) . Ce château, construit par les Ducs de Normandie , était sous les ordres du Roi de France depuis 1204.

Pourquoi Blanche fut elle tirée de Château Gaillard pour être emmenée au Château de Gavrai ? En 1325 Charles est toujours au pouvoir. Il vient de se remarier avec Jeanne d’Evreux, le 5 juillet 1325. Veut il par ce geste alléger les souffrances de Blanche ou l’éloigner encore plus de la cour ? Les chroniqueurs sont muets sur le sujet.
Quoiqu’il en fut, l’année suivante, en 1326, Blanche est finalement autorisée à se retirer à l’abbaye de Maubuisson ou elle va finir ses jours dans un douloureux repentir (cf Anselme) au même endroit ou en avril 1314 tous ses malheurs commencèrent.


Blanche de Bourgogne et l’abbaye de Maubuisson


Différents documents ainsi que des fouilles ont permis de retrouver la tombe de Blanche de Bourgogne à l’abbaye de Maubuisson. Celle-ci a été localisée dans la salle du chapitre parmi les tombes d’autres religieuses grâce au Registre de l’Abbé Millet, qui en fait ainsi la description :
La huitième tombe est une grande pierre blanche, fortement historiée, semée de roses et sans aucune inscription ….qui pourrait être véritablement celle de Blanche de Bourgogne fille de la comtesse Mahaut mariée en 1306 …à Charles de France qui monta sur le trône après la mort de Philippe dit le Long le 8 Janvier 1322 sous le nome de Charles IV dit le Bel dont elle eut deux enfants , et après l’annulation de son mariage en la même année 1322 elle se retira en ce monastère , y prit l’habit de religieuse en 1329 et y mourut l’année suivante et fut enterrée dans le chapitre.

On retrouve aussi dans cette même abbaye mais dans l’église cette fois ci les tombeaux suivants :

Les Gisants d’entrailles de Charles IV, mari de Blanche et de sa troisième épouse Jeanne d’Evreux. Selon la description de Dutilleux et Depoin :
Etendus sur une dalle de marbre noir gravée d’une inscription en lettres d’or, ils étaient surmontés de deux dais à trois pignons et encadrés par trois colonnettes. Ils étaient rehaussés d’or et leurs têtes reposaient sur des oreillers. Aux pieds de la Reine, deux chiens symbolisaient la fidélité ; aux pieds du Roi, un Lion et une lionne symbolisaient la force.
On notera bien sur que l’on a choisi de glorifier la fidélité chez Jeanne d’Evreux, comme en contrepoint de l’infidélité de Blanche.

Le tombeau de Mahaut d’Artois, mère de Blanche et jeanne :

Au dessus du tombeau de Robert II comte d’Artois était celui de Mahaut, sa fille, comtesse d’Artois et de Bourgogne, fort grand, couvert de plaques de cuivre fort historiées avec plusieurs fleurs de Lys et ses armes , pareilles à celles de Brienne : d’Azur au lion d’or semé de billettes de même et cette inscription autour du milieu :
Ci gît Mahaut, comtesse d’Artois et de Bourgogne, fille de très haut prince Robert, jadis comte d’Artois, neveu du Roi Saint Louis, et femme du comte de Bourgogne. Priez pour l’âme de elle, qui trespassa l’an 1329, le 27 décembre.

Enfin le tombeau de Jeanne, fille de Blanche :

Au dessous du tombeau de l’abbesse Blanche, et de la représentation en marbre noir de la comtesse Mahaut, était un tombeau de marbre noir haut élevé de deux pieds, avec la figure relevée en bosse de marbre blanc d’une petite fille. On a cru pendant longtemps, sans aucun fondement, que c’était une fille de Saint Louis ; mais il parait certain que c’était Jeanne, fille du Roi Charles IV dit le Bel et de Blanche de Bourgogne, sa première femme, morte le jour de la pentecôte, 17 mai 1321, comme le prouve un rouleau de la Chambre des comptes de Paris, ou il est fait mention, sous le 6 Juillet 1324 d’un don que fit le Roi à la nourrice de cette princesse en ces termes : « Donicella Maria de Montibus quondam nutrix defunctae Joanna Filiae Reis,pro dono ei facto de sigillo cujusdam litterae de viginti libris redditus quas idem Rex eidem dederat dum erat comes Marchiae »


La Mort de Jeanne

Jeanne, après la mort de son mari Philippe V, va se retirer en Bourgogne au château de Gray.

Gray, bourg castral, possession des comtes de Bourgogne s'est installé sur le rebord du plateau au XIème siècle, protégé par un fossé. Au bord de la Saône une ville basse s'organise au pied du bourg. L'acte de fondation de l'hôpital du Saint Esprit atteste que cette ville basse est déjà fortifiée en 1238. La ville se développe ensuite de façon très importante par l'action d'Othon IV et Mahaut d'Artois, parents de Jeanne. Une université se met en place. Jeanne de Bourgogne continue l'œuvre de son père, fonde une corporation de marchands, accorde une charte aux habitants et reconstruit la ville après l'incendie de 1324.

En 1329, elle est appelée à Paris auprès de sa mère Mahaut d’Artois, mourante, qui décède en Novembre. Voulant régler les problèmes de succession de sa mère en Artois, elle continue son voyage en plein hiver mais est soudain prise de maladie et meure à Roye dans la somme le 17 Janvier 1330. Elle est enterrée le 27 suivant en l’église des Cordeliers de Paris.

Voila!! Ceux qui désirent reçevoir une version augmentée, reliée, avec illustrations et tables généalogiques peuvent me contacter.

A bientot! :wink:


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 21 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 5 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB