Comme le livre de Troubat est épuisé, voici un extrait concernant Roosebeke. C'est surtout vu en fonction de Bourbon, mais cela a son intérêt. Si vous voulez les suites de la bataille, dites-le moi.
TROUBAT a écrit :
ROOSEBEKE
C’est une grande armée qu’on réunit en Artois et Flandres en ce mois de novembre 1382. Grande, certes, par le nombre de ducs, comtes et barons qui s’y trouvent –tous les grands de toutes les parties du royaume- mais certainement pas la plus grande armée qu’ait réunie le règne. En tout cas, une armée d’au moins 6000 hommes, 10 00 au très grand maximum, certainement pas plus. On est très loin des dizaines de milliers de Froissart et de quelques chroniqueurs flamands. N’oublions pas que nous sommes au bout de deux années de résistance populaire, pendant lesquels les impôts ne sont pas rentrés. Les caisses sont vides pour la guerre et on est bien loin du temps où l’ost réunissait sans solde.
« Bourbon le fidèle » -comme l’appelle une chronique flamande qui ne nomme que ce prince français- arriva à très grande compagnie. Il avait mandé « tous les nobles de son païs, armés et montés, et ceux qui en feroient refus, que son lieutenant les punist ».
Puisque le roi voulait se lancer dans cette folie, il fallait lui donner toutes les chances de gagner et Louis II avait bien fait les choses. Dans sa compagnie, qu’il amène à Lille vers le 18-19 novembre 1382, à la veille d’entrer en Flandres, on compte près de 230 gentilshommes, dont pas moins de 4 bannerets, 38 chevaliers, bacheliers, 184 écuyers et 3 archers. [...]
Lille atteinte, il fallait à présent forcer les passages de la Lys, tenus à grand-force par les Flamands, à quelques kilomètres au nord de la ville. La besogne était à la charge du connétable de Clisson, du maréchal de Sancerre et du sire de Sempy, hardi chevalier du pays.
Ce sont d’ailleurs des seigneurs du pays qui trouvèrent le passage. Ils tirèrent trois barques qui avaient été coulées dans la rivière. Après les avoir réparées, ils commencèrent à passer de nuit la Lys. Rejoints par le sire de Sempy et le maréchal de Sancerre, ce furent bientôt 600 hommes qui purent passer outre au cours de la nuit.
Ils attendirent l’aube et, assurés de la surprise, ils assaillirent les Flamands à Comines, dont le pont avait été démantelé. . L’attaque était combinée avec l’ost bourbonnais. Robert de Châlus, qui le menait, abattait pendant ce temps un pont au travers de la rivière et attaquait à son tour les Flamands. Le pont et la ville de Comines étaient gagnés avec de très lourdes pertes pour les Flamands, qui furent massacrés. Une possible tentative de reprise de la place se solda par un nouvel et cuisant échec pour l’armée inexpérimentée des communes du pays de Flandres. (les Flamands auraient perdu à Comines 3000 des leurs).
Anecdote curieuse, rapportée par plusieurs chroniqueurs : une femme portait au combat la bannière de St Georges, choisie comme étendard par les révoltés. Elle encouragea ses compatriotes au combat et compta parmi les morts. Les chroniqueurs parlent d’elle comme d’une « ignoble sorcière », montrant bien à quel point cette présence les choque. [...]
La campagne commençait bien pour Charles VI. Dès lors, les velléités de résistance se firent plus discrètes en Flandre occidentale. Le roi était d’essence sacrée. C’était autre chose de porter les armes contre lui que contre le comte de Flandre. La peur des soudards y faisant beaucoup, quelques villes s’ouvrirent. A l’approche de l’ost, Ypres apporta ses clés au roi, le 21 novembre, et fit ouverture. La ville ne fut pas pillée – peut-être voulut-on encourager d’autres redditions – l’ost logé hors des murs et ce qu’on y prit fut payé. Seule une forte amende y fut levée. Le lendemain, les gens de la vallée de Cassel se rendaient et en général tout le pays de West était acquis au comte.
Cette clémence fut malheureusement rare et le reste du pays subit un tout autre sort : Wervick et Menin sur la Lys le 21 novembre, puis Poperinge le 22, furent dévastées. Les pillages, commencés par les Bretons sur la Lys, furent le fait de tous les autres gens d’armes à Poperinge et plus particulièrement de leurs compagnons d’armes de ces dernières années les Bourbonno-Foréziens, mais aussi des voisins Artésiens et Picards.
Ils surprirent la ville de Poperinge dans son sommeil, massacrèrent peut-être 4000 de ses habitants « et furent tous riches des joyaulx des femmes, de vaisselle d’argent, de draperie et d’autres biens qu’ils y trouvèrent, que ce fut merveille ». On raconte qu’on voyait apporter à Lille, Béthune et Douai, à dos d’hommes, de chevaux et par charrettes entières, d’énormes richesses que les marchands de ces villes achetaient pour presque rien. D’autres pillard envoyaient leurs valets mener leur pillage hors du pays, pour pouvoir en tirer encore un meilleur prix.
Malgré tout, la puissance flamande est encore là. Ils se sont vite remis de leur défaite de Comines. Le pays est loin d’être en coupe réglée et l’ost du roi ne circule pas dans le pays comme il veut. Les Français d’ailleurs sont prudents0 Poperinge pillée, ils n’y restent pas et rejoignent le gros de leurs troupes. [...]
Le chef de l’ost flamand, Philippe d’Artevelde, avait mandé d’énormes troupes, qu’il avait amenées à Roulers, à une vingtaine de kilomètres d’Ypres. Au minimum, on pouvait compter sous son commandement 30 000 hommes, peut-être 40 000. Comparés aux 6 à 10 000 hommes du roi, la différence est énorme et une chronique flamande dit même que les Flamands cachèrent au mieux leur nombre, de peur de voir fuir les Français.
On n’est pas forcé d’en être convaincu et Artevelde lui-même vit venir cette bataille avec inquiétude. Il ne pouvait pas l’éviter, contrairement à ce que disent plusieurs historiens, qui pensent que l’hiver était son allié : en effet, il avait lui-même combattu les Brugeois les années précédentes, et après sa victoire contre eux, il avait fait abattre les portes de la ville et miné les murailles. Bruges était sans défense à une journée de cheval d’Ypres. Et après la bataille, qui verra Artevelde tué, le roi s’approchera à moins de 20 kilomètres de la ville.
Inégaux par leur nombre, les deux osts le sont moins par leur valeur. Si chacun défend un idéal auquel il croit – libertés urbaines contre soumission féodale – les communes flamandes n’ont ni la valeur militaire, ni l’armement de leurs adversaires.
On devait s’en rendre compte le 27 novembre 1382, près du village de Roosebeke, entre Ypres et Roulers, non loin de Passendale où campe le roi. Ce jour, les deux armées firent ace en une bataille qui sera une très grande victoire pour l’armée de Charles VI. [...]
Artevelde avait campé ses hommes sur la colline de Goudbergh – le Mont d’ Or des chroniques – près de Roosebeke. Ils présentèrent une ordonnance sans faille, au coude à coude, serrés au plus près les uns des autres. Trop serrés. Les hommes étaient enclos et seuls ceux de la périphérie pouvaient combattre. Beaucoup devaient mourir, étouffés par leurs compagnons, sans même avoir pu tirer leurs armes.
En face d’eux, un ost royal moins important de deux tiers, voire même de trois quarts, mais remarquablement bien équipé. [...] Enfin, cette armée, elle marche derrière l’oriflamme. [...] Chargée d’une immense valeur passionnelle, elle ne peut qu’assurer la victoire.
Les Flamands sont sur un flanc de colline. L’ost de France est menée en avant-garde par le connétable et les maréchaux, suivis sur un flanc arrière droit de la bataille du roi où se trouvent les ducs de Berry et de Bourgogne et le comte de Flandre. Sur l’arrière-gauche, une autre bataille est commandée par deux capitaines, de grande valeur tous les deux, et qui vont décider de l’issue de la bataille : Bourbon et Coucy. Enfin, le comte d’Eu commande l’arrière-garde.
Les Flamands avaient des canons, qui au début firent forte impression sur les Français. Au contact même des deux osts, le pire fut même pour ces derniers, qui commencèrent à céder le pas. Il n’y avait alors que l’avant-garde qui combattait. Bourbon et Coucy se trouvaient, comme la bataille du roi, bloqués à l’arrière sans voir les ennemis.
Les deux hommes sont d’intelligents stratèges [...] Bonne entente et perception intelligente des évènements vont leur faire décider très vite du sort de la bataille.
« - Beau cousin de Coucy ! Voyez que nous ne faisons rien que regarder le dos de notre avant-garde. Resterons-nous donc ainsi sans rien faire ?
- Vous dites vrai, monseigneur, Il me semble que nous devrions contourner la montagne. M’est avis que nous aurions là une belle journée.
- Beau cousin, c’est aussi mon avis ».
La bannière fleurdelysée au bâton de Bourbon se mit devant. La troupe du duc et d’Enguerrand de Coucy contourna la colline, l’escalada et fondit dans le dos des Flamands. Le bruit et le mouvement de l’arrière furent perçus à l’avant de leur troupe, où un mouvement d’affolement fit reculer les premiers. Devant Bourbon et Coucy, les Flamands reculaient de dix pas. Plus personne ne pouvait fuir. Sur les flancs, les coups pleuvaient.
Bourbon [...] s’avança si avant que les Flamands l’entourèrent et le jetèrent à terre. Blessé, le duc dut son salut à ses hommes qui accoururent pour le dégager, pendant que Châteaumorand et Michaille relevaient leur chef, cloué au sol par sa lourde armure.
De nouveau debout, Louis II galvanisa ses troupes et se remit au combat [...] La panique gagna bientôt les Flamands. Attaqués de toutes parts, ils refluaient vers le centre de leurs troupes, où des centaines d’hommes – bientôt des milliers – lourdement chargés de leurs armements, bousculés par leurs suivants, tombaient à terre. Dans l’affolement, la bousculade tourna au cauchemar. Ceux qui s’écroulaient étaient condamnés, foulés aux pieds par leurs compagnons. Des milliers vont ainsi mourir étouffés, les uns sur les autres, formant des tas humains « hauts d’une lance ».
Pendant la poursuite, on fut sans pitié et les morts se comptèrent encore par milliers. Le Bâtard de Flandres demanda ses hommes à Bourbon pour devancer les fuyards à Courtrai, où il craignait qu’ils se réfugient. Ils combattirent de forts partis sur la route et pénétrèrent en même temps qu’eux dans Courtrai. Ils s’emparèrent des plus belles maisons pour loger leurs seigneurs et pillèrent la ville.
POUR LES Flamands ? le bilan était effroyable. Selon la chronique du duc –qui donne les chiffres les plus bas et qui est dictée par un témoin oculaire- 16 000 à 18 000 mille moururent sur le mont de Roosebeke et 7000 autres dans la poursuite. La plupart des chroniqueurs s’accordent autour d’un chiffre de 26 000 morts flamands à la bataille et à la poursuite de Roosebeke dont une grande part auront été étouffés par leurs compagnons.
L’ost royal pour sa part n’aurait pas perdu 100 hommes, malgré une combativité indéniable des Flamands.