Le_Slynx a écrit :
L'histoire n'est pas faite de périodes distinctes enchaînées les unes aux autres. C'est une évolution perpétuelle, pas vraiment continue, mais formée en général de minuscules sauts qui restent imperceptibles, mais qui finissent par changer en profondeur les sociétés et les hommes.
Boo a écrit :
On pourrait dire aussi : quand commence la Renaissance ? Car une chose est certaine : quand le Moyen Age s'achève, c'est ce que l'on appelle la Renaissance qui prend le relais.
[...]
Si en Italie la Renaissance débute dès le XIVe siècle, il n'en est pas de même dans toutes les régions.
Tout à fait d’accord avec cette idée de « minuscules sauts » dont parle Le_Slynx, et aussi sur le fait que l’Italie a été le foyer d’une nouvelle vision du monde ; mais la réalité est probablement plus complexe encore, car ces « sauts » sont tellement imperceptibles qu’il faudrait les appréhender à une échelle encore plus réduite que l’Italie toute entière, et les additionner les uns aux autres pour en tirer une perspective d’ensemble.
Un exemple de l’un de ces sauts (manqué en fait comme vous allez le constater), est donné par Ghiberti dans ses
Commentarii ; il relate la découverte à Sienne dans la première moitié du XIVème siècle d’une Vénus portant une attribution à Lysippe ; elle suscite tant d’admiration qu’on l’érige au milieu de la ville. Mais la ville subit bientôt des revers contre Florence, qu’on attribue à l’idolâtrie exprimée envers cette statue païenne ; elle est donc (en 1357) brisée et on enterre ses morceaux en territoire florentin pour qu’elle y porte le même malheur aux ennemis de Sienne. Cette anecdote, que j’ai relevée dans E. Pommier,
Comment l’art devient l’art dans l’Italie de la Renaissance, Gallimard 2007, en recherchant de la documentation sur un autre thème (voir
ici) me semble très intéressante : elle montre comment en plein Trecento, une oeuvre antique peut à l’échelle d’une ville être à la fois objet d’admiration (l’esprit renaissant) et de défiance d’ordre religieux proche de la superstition (une mentalité encore médiévale).
Pour moi, il est clair que ce ne sont pas les évènements bruts qui décident du passage d’une époque à une autre, mais ces innombrables glissements profonds des mentalités, quasi imperceptibles par leur discrétion, et par les régressions provisoires dont ils s’accompagnent.