Oliviert a écrit :
Par ailleurs, je suis assez étonné que vous rapprochiez Théodore de Bèze et François Hotman. En dehors du fait qu'ils ont vécu à la même époque, qu'il étaient tous les deux calvinistes, qu'il ont passés quelques années à Genève, il me semble que presque tout les oppose. [...] comme Scaliger ou Du Plessis-Mornay qui impressionnent leur auditoire avec des effets dramatiques mais qui ne sont pas très rigoureux.
Bonjour Oliviert !
Le rapprochement est justifié par la problématique du sujet : les traités monarchomaques. De Bèze et Hotman (respectivement auteurs de
Du droit des magistrats sur leurs sujets (Genève 1574) et
Francogallia /
La Gaule française (1573 / 1574) font partie de la liste très "select" des auteurs monarchomaques français, dont les plus célèbres sont :
-
Le réveille-matin des français et de leur voisins (1574), attribué à Nicolas Barnaud.
-
Vindiciae contra tyrannos (traduit ensuite en
De la puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple sur le prince) (1579), de Duplessis-Mornay.
Cette page de la BnF propose une liste comprenant les titres d’auteurs espagnols et anglais.
http://gallica.bnf.fr/themes/PolXVI6.htm Néanmoins, P.-A . Mellet, dont la thèse porte sur les traités monarchomaques, en propose la définition suivante, plus restrictive puisqu’elle exclut les auteurs non calvinistes :
Mellet a écrit :
le monarchomaque est l'auteur calviniste qui, dans les guerres de religion, fait valoir le rejet de la tyrannie, l'obéissance conditionnelle, la double alliance – qui se distingue du contrat social –, la souveraineté du peuple – mais sans préfiguration des républiques modernes – et, surtout, la résistance armée légitime. Ce dernier critère est central, car il permet de redéfinir la guerre juste pour finalement justifier l'appel aux princes étrangers.
(recension de sa thèse :
http://www.fabula.org/actualites/article21419.php)
Lors d’un colloque sur le sujet, Robert M. Kingdon a fait une intervention précisément intitulée « Théodore de Bèze : était-il vraiment « monarchomaque » ? » (cf.
http://umr6576.cesr.univ-tours.fr/collo ... olloque=58) mais je dois avouer que je n’ai pas consulté les actes, sortis en 2006 chez Droz (cf.
http://satyrique.zipe-education.com/act ... maques.htm), je ne sais donc pas quelle est sa réponse !
Quant à Duplessis-Mornay, je vous trouve sévère à son endroit ! La thèse de Hugues Daussy
Les huguenots et le roi (Droz, 2002), où l’auteur démontre d’ailleurs que les
Vindiciae contra tyrannos sont bien de la main de Duplessis*, révèle l’originalité de la pensée du fidèle d’Henri de Navarre, présente dans le quatrième chapitre des
Vindiciae : le soutien que les princes protestants doivent s’apporter à l’échelle supranationale. Duplessis-Mornay en est convaincu, puisqu’il est l’organisateur, depuis le sud de la France, d’une mission diplomatique vers les princes protestants d'Europe qui se déroule de 1583 à 1588. Hugues Daussy écrit : « propre aux
Vindiciae, cette internationalisation de la question correspond bien à la conception que Mornay a alors de la lutte qui oppose papistes et réformés » (p. 252).
(* : il évoque notamment comme "pièce à conviction" un témoignage savoureux : lorsqu'il recevait dans sa bibliothèque à Saumur, Duplessis-Mornay faisait toujours au préalable retirer l'exemplaire des
Vindiciae qu'il possédait !).