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Les deux termes sont très loin d'être les synonymes que vous sous-entendez
Moi qui voulais prendre des précautions et désamorcer une polémique sur les termes (après l’avoir observé sur un autre sujet), c’est gagné
! Mais vos précisions sont tout à fait justifiées. De même, d’accord avec vous sur la vision de Rome qu’ont les protestants ; il y a une sorte de légende commode qui daterait du voyage de Luther à Rome sa prise de conscience (« Rome, cette pute immonde »), ce qui est en fait bien plus complexe.
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Pour être tout à faut complet, il faut dire que la construction de Saint-Pierre elle-même, le choix de Bramante comme architecte et la découverte de vestiges archéologiques datent de pontificats bien antétieurs (c'est Jules II qui choisit Bramante) et, pour les découvertes, remontent même au XVe siècle.
On ne peut donc pas lier de façon aussi nette que vous le faites Contre-Réforme, Réforme catholique et redécouverte du passé chrétien de Rome, puisque cette redécouverte était, à mon sens du moins, antérieure à la Réforme elle-même.
Effectivement, on peut remonter beaucoup plus loin pour dater les premiers efforts de reconstruction. De Nicolas V à Jules II, les papes ont compris le danger que fait courir à leur pouvoir l’abandon de la ville à ses ruines. Mais leur action est selon moi extrêmement différente dans sa nature de celle de Paul III et de ses successeurs, de part le statut donné aux vestiges découverts.
Redonner à Rome sa grandeur, pour ces précurseurs, c’était plutôt reprendre les formes anciennes, rivaliser avec l’ancien, une forme de « Renovatio Imperii » en fait : restaurer la Rome constantinienne ; par exemple, Nicolas V restaure les murailles, les églises et projette de créer un palais pontifical agrémentée d’un théâtre antique). Cette volonté est encore plus nette avec Jules II: il est vrai qu'il choisit Bramante, mais c'est aussi pour la villa du Belvédère, réminiscence des palais impériaux du Palatin ou de la Domus Aurea. Bref, même si une impulsion est donnée, elle propose une Rome qui découvre, préserve et imite, mais qui tourne ainsi le dos au présent.
Le point de rupture, à mon avis, avant même la Réforme, est le sac de la ville en 1527 : il prouve que cette rénovation de l’antique ne fait pas de Rome une ville sacrée, et qu’il est illusoire de restaurer l'autorité de Rome par l’imitation du passé.
Puis, à partir de Paul III, les succès de la Réforme font de l’utilisation de ces découvertes et de ces vestiges un véritable enjeu, plus seulement de pouvoir, mais de dogme (voir G. Labrot,
L'image de Rome, Champ Vallon, 1987). Les vestiges antiques découverts ne sont plus alors intouchables et dignes d’imitation : au contraire, on en détruit beaucoup, pour faire la place aux constructions nouvelles. La lutte contre le paganisme du passé devient une sorte de métaphore de la lutte contre le paganisme dans le présent (le plus grand « vandale », si l’on peut dire, fut Sixte V !). Par exemple, on peut s'interroger sur la véritable manie des humanistes de « recopier » le maximum d’inscriptions antiques, alors que le support ne semblait pas les intéresser. En fait, la pierre finissait souvent débitée ou réutilisée dans d’autres monuments. La vision de la Rome antique devenait plus intellectuelle que véritablement concrète.
Quand on ne détruit pas, on christianise à tout prix les vestiges antiques : Urbain VIII dépeçant le Panthéon de ses poutres de Bronze pour en faire les colonnes du baldaquin de Saint-Pierre ne le fait-il en vérité que pour une raison pratique, ou veut-il aussi symboliquement marquer la victoire du sacré sur le païen ? Même idée, me semble-t-il, dans la réutilisation des colonnes des temples, ou encore dans l’aménagement, entre autre, de l’église de Santa Maria degli Angeli dans les thermes de Dioclétien (Dioclétien, précisément, ce ne doit pas être indifférent...).
Par contre, et permettez-moi de persister dans mon interprétation, quand le péril protestant devient moins inquiétant, au XVIIème siècle, les thèmes païens ressortent, sont à nouveau utilisés largement, mais sans danger idéologique cette fois, dans le décor : c’est alors que Rome se peuple de tritons (Piazza Barberini), dauphins, nymphes, allégories mythologiques (ex : la fontaine des Fleuves de la Piazza Navone), etc...
Enfin, pour revenir aux catacombes, une image à la fois « géologique », psychologique et historique, et qui peut être discutée : la concomitance de la redécouverte des catacombes (1578) et de l’achèvement de la coupole de Saint-Pierre (1593 si je ne me trompe pas : d'après Wikipedia en tout cas) n’ont-elles aucun rapport ? La strate païenne détruite ou christianisée, la couche chrétienne des catacombes magnifiée, les constructions pontificales triomphantes ne devaient-elles pas recevoir leur couronnement par une dernière strate, juste en-dessous du ciel ?
Edit:
cette page intéressante (en anglais) sur la redécouverte des catacombes