Voici Monsieur, frère du Roi:
Malgré ses airs efféminés, Philippe ne manquait pas de courage et le prouva au feu lors de la campagne de Flandres (1672). Il s'exposa beaucoup, partagea la vie de camp des soldats et battit les Anglais.
Il fut acclamé par l'armée.
Louis XIV vint illico sur place et fut mortifié d'entendre le peuple et les soldats crier : "Vive le Roi et Monsieur, qui a gagné la bataille !"
Le Soleil ne supportait pas qu'on lui fît de l'ombre : malgré les demandes de son frère, jamais plus il ne lui accorda de commandements militaires. Philippe fut cantonné dans une vie oisive à Versailles et Saint-Cloud.
Mais, un prince français, qu'il fût gay ou non, se devait de procréer. On maria donc Philippe à Henriette d'Angleterre, soeur du très catholique Charles II. Henriette est belle, capricieuse et ne supporte guère le favori de Monsieur, le comte de Guiche. Monsieur et Madame ne cessent de se quereller à ce propos. Henriette meurt en 1670, brutalement. On parla même d'empoisonnement. C'est pour elle que Bossuet écrivit le célèbre passage : "Madame se meurt, Madame est morte !"
Henriette à peine "froide", on cherche à remarier Philippe et on lui trouve, Charlotte-Elisabeth de Bavière (27 Mai 1652-8 Décembre 1722), Princesse Palatine.
Jamais couple ne fut plus mal assorti : Monsieur est très "Fashion Victim", couvert de rubans, poudré, maquillé, les doigts recouverts de pierreries, les habits de même, un langage châtié...etc.
Madame est une bonne Allemande, un peu hommasse, laide, qui ne se plaît qu'à la chasse et en tenue de chasse, chique son tabac, dit ses 4 vérités au Soleil son beau-frère...etc, bref une sorte de Madame Sans-Gêne de la Cour louisquatorzienne.
Philippe, en la voyant pour la première fois, s'écrie : "Oh ! Comment pourrai-je coucher avec elle ?!"
Rassurez-vous, il y parviendra puisque "Liselotte" lui donnera le futur Régent. Et pour cette grande oeuvre, le frère du Soleil avait une méthode infaillible, que son épouse, infatiguable épistolière, a narré à l'une de ses amies allemandes. Laissons-lui la parole :
"Monsieur a toujours paru dévot. Il m'a fait rire une fois de bon coeur.
Il apportait toujours au lit un chapelet d'où pendait une quantité de médailles et qui lui servait à faire ses prières avant de s'endormir.
Quand cela était fini, j'entendais un gros fracas causé par les médailles, comme s'il les promenait sous les couvertures. Je lui dis :
-Dieu me pardonne, mais je soupçonne que vous faites promener vos reliques dans un pays qui leur est inconnu.
Monsieur répondit :
-Taisez-vous, dormez; vous ne savez pas ce que vous dites.
Une nuit, je me levai tout doucement, je plaçai la lumière de manière à éclairer le lit et, au moment où il promenait ses médailles sous la couverture, je le saisis par le bras et lui dis en riant :
-Pour le coup, vous ne sauriez plus le nier.
Monsieur se mit aussitôt à rire et dit :
-Vous qui avez été huguenote, vous ne savez pas le pouvoir des reliques et des images de la Vierge. Elles garantissent de tout mal les parties qu'on en frotte.
Je lui répondis :
-Je vous demande pardon, Monsieur, mais vous ne me persuaderez pas que c'est honorer la Vierge que de promener son image sur les parties destinées à ôter la virginité.
Monsieur ne put s'empêcher de rire et dit :
-Je vous en prie, ne le dites à personne."
On remerciera Liselotte de ne pas avoir tenu sa promesse et d'avoir livré à la postérité cette tranche de vie versaillaise.
Voici Liselotte, en 1715, par Rigaud (cliquez pour agrandir la vignette.
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