Je ne suis pas certain que la volonté d'améliorer la qualité de la vie ait été le ressort essentiel de l'émigration (vous le dites d'ailleurs).
Je crois que nous ne parlons pas exactement de la même chose, ou plutôt des mêmes gens. Les exemples que vous prenez - et me semble-t-il vos centres d'intérêt et de recherches - vous portent vers des individus à la fois intellectuellement équipés et socio-économiquement capables de chercher un ailleurs, disons un lieu et un espoir de progrès.
Je pense que pour l'essentiel de la population, la meilleure façon de se procurer une vie agréable, c'est de ne pas trop s'en occuper et de limiter leurs espoirs à des objectifs atteignables et pratiques. Ce que j'ai appelé le fatalisme, même si le mot n'est pas forcément adéquat.
Je vais ici me permettre de vous raconter une histoire dont j'ai bien peur qu'elle ne soit pas très rigoureuse sur le plan scientifique. Je n'ai jamais rencontré (malheureusement
) d'hommes d'Ancien régime, mais je connais un vieux Monsieur, un paysan d'un village de ma région qui est une espèce de conservateur de traditions ancestrales. A lui tout seul, il illustre
la Vie quotidienne des paysans français de Goubert. Il a connu son village avant-guerre sans l'électricité ni l'eau courante, a vu des reliquats de pratiques agraires communautaires, etc. Son rapport à la notion de vie agréable est très simple. Une vie agréable c'est quand on a un toit qui ne fuit pas sur la tête et de quoi manger en suffisance dans son assiette. Le reste, c'est bien si c'est là (il apprécie les avantages matériels du monde moderne), mais on s'en passe si ce n'est pas là. Ce qui le rassure, c'est que les choses soient à leur place et il déteste l'imprévu (de ce point de vue, il n'est pas loin de "l'aubainphobie" que vous évoquez). Je ne crois pas qu'au cours de sa vie il ait jamais cherché à améliorer son confort de vie (c'est sa femme qui a été à l'origine des quelques timides apparitions des objets modernes), réservant ses efforts à son outil de travail (sa ferme), conçu comme patrimoine à transmettre.
Alors bien sûr, bien que très âgé, il n'est pas né au XVIIe siècle
mais il me semble l'héritier (sans doute le dernier de sa lignée) d'une conception de la vie pour qui la qualité de la vie ne passe certainement pas par le confort. Ce n'est pas du stoïcisme, simplement l'acceptation de la vie telle qu'elle passe et la certitude qu'on ne peut pas changer grand chose. Me trompe-je en pensant que cet état d'esprit n'est pas très éloigné de celui des populations d'AR ?
EN écrivant, je m'aperçois que j'ai négligé, mais que vous avec un peu abordé : le rôle (consolateur ?) de la religion. peut-on évoquer la qualité de vie de l'AR sans elle ?