Avant propos.L’Edit de Nantes, promulgué le 13 avril 1598 par Henri IV, est à replacer dans le contexte des guerres de religion qui ravagèrent le royaume de France de 1562 à 1598. Cet acte de pacification vise à faire coexister deux confessions ayant les mêmes droits au sein d’un Etat catholique et de mettre fin aux troubles qui déchirent le royaume. Cependant l’édit n’offre en aucun cas une égalité entre catholiques et protestants. Il y a bien liberté de conscience, mais pas égalité dans la liberté de culte. Les protestants ont droit à un culte public restreint. Il s’agit en quelque sorte d’une charte, d’un code qui réglementera la vie des Réformés pendant un siècle.
L'Édit de Fontainebleau, signé par Louis XIV le 18 octobre 1865, révoque l’Édit de Nantes. Dès le début de son règne, Louis XIV chercha à réduire le protestantisme en prenant des mesures vexatoires (suppression des écoles protestantes, interdiction aux protestants d’acheter des offices, augmentation de leurs impôts…). L’Edit de Fontainebleau est la décision suprême destinée à supprimer le culte réformé.
Très brièvement résumé, l’édit de Fontainebleau ordonne la destruction de tous les temples et interdit l’exercice du culte réformé et les écoles pour enfants protestants. Il donne le choix aux pasteurs entre la conversion et l’exil mais interdit aux protestants non-convertis de quitter le royaume sous peine de galères pour les hommes, de prison avec confiscation de corps et de biens pour les femmes. De fait, il contraint les protestants français attachés à leur foi à l’exil. Cette décision politique de Louis XIV a pour conséquence de provoquer l’une des plus grandes migrations européennes. Au total, on estime à près de 300.000 le nombre de ceux qui ont fuit le Royaume de France ; 40.000 s’établirent dans des états allemands dont 20 000 pour l'unique état de Brandebourg.
L’Edit de Postdam, promulgué. 26 octobre 1685 par le Prince de Brandebourg Frédéric Guillaume 1er de Hohenzollern, dit le Grand Electeur, est une offre d’accueil faite aux protestants français. Bien avant la révocation de l'édit de Nantes, l'attitude intolérante et répressive de Louis XIV vis à vis de ses sujets calvinistes choquait déjà bien des puissances européennes protestantes, à commencer par le Grand Electeur de Brandebourg. Cette prise de position tolérante voire charitable s'explique aussi par le fait qu'en 1685 le Brandebourg ne s'était pas encore remis des ravages causés par la guerre de Trente Ans (1618-1648): le pays était dépeuplé, les campagnes abandonnées, le commerce et l'industrie ruinés. De même que l’on savait que les fugitifs français appelés à être accueillis seraient pour la plupart des hommes actifs, industrieux qui donneraient leurs talents et leur savoir-faire en échange d'un asile sûr et des avantages qui leurs seraient accordés.
Extrait de l’Edit de Postdam :
"Comme les persécutions qu'on exerce depuis quelque temps en France contre ceux de la religion réformée (protestante) ont obligé bien des familles de sortir de ce royaume et de chercher à s'établir dans les pays étrangers, [...], par le présent édit nous avons bien voulu offrir aux Français une retraite sûre et libre dans toutes les terres te provinces de notre domination et leur déclarer de quels droits, franchises et avantages nous prétendons les y faire jouir pour les soulager..."L’exode à Berlin.La révocation de l'Edit de Nantes est enregistrée par le Parlement de Metz le 22 octobre 1685. De nombreux protestants, qui exerçaient un rôle de premier plan dans la banque, le commerce et l'artisanat, quittent Metz dès le lendemain du jour où la révocation de l'édit de Nantes est connue. Les livres sont saisis, les temples détruits, les pasteurs et beaucoup de réformés commencent à fuir vers le Brandebourg. Ainsi, dans le sillage de David Ancillon, doyen des pasteurs de la ville, 426 familles originaires de Metz, encouragées par l‘Edit de Postdam, vont suivre majoritairement leur pasteur. Ils trouveront refuge à Berlin, ville où David Ancillon avait été recommandé par le Grand Electeur. Dès lors on comprend pourquoi les Messins préférèrent Berlin où ils allaient retrouver leur pasteur, leur guide spirituel bien connu, bref de quoi atténuer leurs appréhensions fort légitimes
Des mesures sont prises afin de juguler ce phénomène (emprisonnement des réfugiés rattrapés, gardes aux portes de la ville), mais le nombre des abjurations reste très faible. Le 26 août 1686 les dragons du comte de Bissy, appelés du Languedoc, entrent à Metz ; les protestants récalcitrants doivent loger chez eux et à leurs frais jusqu'à 18 dragons. Six jours de persécutions amènent une abjuration quasi générale à Metz et dans les villages, des fugitifs sont envoyés aux galères.
La plupart des abjurations ne sont pas sincères: certains réformés n'attendent qu'un moment favorable pour s'enfuir. D'autres "nouveaux convertis" pratiquent la résistance passive (absence à la communion, instruction religieuse des enfants en secret, mariages clandestins à l'étranger).
Récit-témoignage d’Othon Cuvier : Jean Dozet dans la chaîne des galériens :"Le dimanche 29 juillet 1687, une chaîne de galériens quitta Metz par la porte St-Thiébaut. Le dernier se trouvait être un vieillard infirme, Jean Dozet, condamné le 7 juin pour avoir voulu sortir du royaume. Son gendre, Daniel Valleroy donnait le bras à son beau-père pour l'aider à marcher et à porter sa chaîne, il comptait l'accompagner ainsi jusqu'à Dijon. A Montigny (commune située à 5 km au sud de Metz) on s'arrêta chez Pierre Goeury Vosgien qui malgré son abjuration était néanmoins réformé (il tenait des réunions de Nouveaux Convertis chez lui, avait encore sa bible et son fusil chargé. C'était un opiniâtre et sans lui les autres réformés de Montigny n'auraient pas persévéré. Chez lui on avait préparé du vin et des viandes qu'on pût offrir à leur passage à ces martyrs de la foi (les galériens).Mais au moment de se remettre en route, sept ou huit des galériens furent pris de vives douleurs. Dozet mourut au delà de Montigny, trois autres expirèrent sur la route avant d'arriver à Jouy-aux-Arches(commune située à 12 km au sud de Metz). "La révocation de l'Edit de Nantes fut catastrophique pour la ville de Metz. Le commerce chuta considérablement. Une part de ses meilleurs marchands, artisans, magistrats, militaires, s'installèrent à l'étranger A la fin du XVIIème siècle, un tiers des habitants de Berlin étaient des huguenots émigrés de Lorraine.