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Message Publié : 19 Avr 2011 14:01 
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Encore une fois cela dépend d'où vous vous placez.

Peut-être(surement) avez-vous raison au moment où nous parlons, mais la "gloire" louis quatorzienne est constituée de strates accumulées par des époques différentes et il y a eu des temps où la connaissance des régions conquises était répandue.


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Message Publié : 20 Avr 2011 9:33 
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Bergerac a écrit :
Je me permets d'exprimer un désaccord. Tout d'abord parlant de gloire au cours du temps, il serait important de définir "aujourd'hui". Les Raubkriege de nos amis allemands ont été le B.A.BA des leçons d'histoire de bien des générations. Alors que les écoliers français s'entendaient rabacher la sempiternelle Revanche sous prétexte de la dangerosité guerrière du Prussien, l'écolier allemand voyait les Français au travers d'un Louis XIV non pas glorieux mais essentiellement violent et sanguinaire (image largement diffusée en Hollande au XVIIe siècle et que les Dragonnades ne firent que confirmer aux yeux de l'Europe).


Que Louis XIV (ou ses ministres, mais compte tenu de l'organisation de l'Etat absolu, c'est du pareil au même au final) ait pris des initiatives moralement discutables, il faudrait être fou pour ne pas en convenir. Qu'il ait été violent et sanguinaire est un autre débat, mais on peut comprendre l'image. Et ? Je répète que la guerre n'a jamais été une partie de plaisir, et qu'à l'époque, en particulier, elle est extrêmement brutale. Justement, la brutalité est une "qualité", puisqu'elle amène l'obéissance des sujets (relisez Machiavel...) en les empêchant de penser que le monarque est faible.

Bergerac a écrit :
Quant à dire que toute les guerres du XVIIe siècle sont des guerres de rapine, désolé mais c'est vous qui faite un contre-sens. Vous confondez la tactique, sur ce point d'ailleurs vous avez entièrement raison et la théorie de la violence d'Etat.


C'est du pareil au même en l'occurrence. La violence débridée dont ont fait preuve les armées royales entre 1672 et 1713 (en très gros, parce qu'il y en eut bien avant et bien après), y compris - et même surtout - sur les propres sujets de leur roi, ont pour explication des causes tactiques. La brutalité est une arme de pouvoir, se montrer magnanime peut aussi être vu comme de la faiblesse. Quant il s'agit de sujets révoltés, ils n'ont guère de mansuétude à attendre, le propre père du roi a bien montré quelle était la politique royale à ce sujet (voyez Chalais ou Montmorency...). Quant aux adversaires extérieurs, qu'on me prouve que cette violence était sciemment entretenue pour des causes idéologiques et non tactiques.

Il y a d'autres choses à dire mais je n'ai pas le temps maintenant. Je reviendrai dès que possible sur ce débat très intéressant.

Cordialement,

CNE503

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Message Publié : 20 Avr 2011 14:00 
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Georges Duby
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Latone a écrit :
Que pensez-vous de la grande popularité dont jouit encore aujourd'hui Louis XIV? Il est présent partout : en littérature (romans, ouvrages scientifiques), mais on le retrouve aussi au théâtre, au cinéma ou à la télévision, dans diverses expositions... Il a un certain prestige que sont loin d'avoir Louis XIII ou Louis XV, par exemple. J’aimerais comprendre cet engouement. Est-il dû aux méthodes d’enseignement instaurées durant la IIIe République, qui cherchait des modèles dans le passé? Ou aux legs du monarque tels que Versailles? Quel est votre avis?
Une caractéristique de Louis XIV, il met en scène son règne d'une manière magistrale, tout est communication, même ses repas, son lever, le château de versailles conçu pour plaire et étonner. Pour passer à la postérité, rien n'est laissé au hasard, les hommes de lettres qui sont protégés comme les peintres, les sculpteurs, architectes, musiciens. Protecteur des arts, il devient l' Art lui-même. Il créée son mythe, le soleil.
Napoléon agit de même. Allez au résultat, il est identique ! Il part en Egypte comme général avec des artistes, des savants, veillant à ce que tous ses faits d'armes soient connus, un peu comme César, un autre maitre de la communication. Empereur, Napoléon se fait peindre abondamment. Tout un travail pour passer à la postérité. Il ne pense qu'à cà !
Voyez par contre Louis XV et Louis XVI: rien de tel. Communication nulle. Ils multiplient au contraire les gaffes sur ce plan. Tous deux cherchent à passer inaperçus, ils viennent au théatre en cachette à Paris, se replient sur leurs seuls plaisirs personnels. Résultat, l'impopularité et ... la Révolution au bout; celle-ci ayant évidemment d'autres causes.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 21 Avr 2011 14:07 
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C'est du pareil au même en l'occurrence. La violence débridée dont ont fait preuve les armées royales entre 1672 et 1713 (en très gros, parce qu'il y en eut bien avant et bien après), y compris - et même surtout - sur les propres sujets de leur roi, ont pour explication des causes tactiques. La brutalité est une arme de pouvoir, se montrer magnanime peut aussi être vu comme de la faiblesse.


C'est là que je ne suis pas d'accord avec vous: oui tactiquement l'utilisation de la violence (ou sa non-utilisation comme Corneille l'a montré dans Cinna) est une expression de pouvoir. Mais il n'en est pas moins que les guerres aux yeux de l'opinion publique (resterait à définir ce qu'était l'opinion publique !) étaient classées selon des critères directement issus de la Bible, en guerre juste ou non. Il est intéressant de voir que côté français toutes les guerres louis-quatorziennes ont un nom qui cherche à en expliciter la "justesse" (Dévolution, Guerre de Hollande, Guerre de la Ligue d'Augsbourg...) alors que côté allemand, elles sont toutes incluses dans un même sac : guerre de bandits.Il n'entre pas que des considération techniques de comment se déroulent les opérations, mais aussi un concept philosophique (cette guerre devait-elle avoir lieu ? avait-elle une cause juste?).

Louis XIV était essentiellement guidé par le problème récurrent de la Succession d'Espagne et ce très tôt. Qu'il ait été un Roi de Guerre, vous avez entièrement raison et Joël Cornette en a fait un livre. Maintenant sa gloire, l'aura qui l'entoure, a été largement organisée par quelques clans(dont on peut se demander, comme Daniel Dessert pour Colbert, s'ils ne détenaient pas la réalité du pouvoir) et je ne suis pas sûr que la politique qu'il applique soit d'une originalité puissante.


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Message Publié : 21 Avr 2011 17:50 
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Jean Mabillon
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Son règne fut un spectacle permanent,il en fut l'inlassable organisateur.Comme pour tout ce qui est à grand spectacle,la facture fut salée mais il entra dans la légende,peut-être les ressources de la grande nation en furent -elles durablement altérées mais il n'en demeure pas moins que la France était plus grande à la fin du règne qu'à son début......et parée d'une incomparable aura


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Message Publié : 21 Avr 2011 19:02 
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Georges Duby
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Alain.g a écrit :
Une caractéristique de Louis XIV, il met en scène son règne d'une manière magistrale, tout est communication, même ses repas, son lever, le château de versailles conçu pour plaire et étonner. Pour passer à la postérité, rien n'est laissé au hasard, les hommes de lettres qui sont protégés comme les peintres, les sculpteurs, architectes, musiciens. Protecteur des arts, il devient l' Art lui-même. Il créée son mythe, le soleil.
Et l' Europe subjuguée, regarde admirative, imite tout ce qui est français et transmet cette admiration aux générations futures.
Frédéric II et Catherine II en tirent la leçon et font de même, construisant, démontrant leur culture et écrivant aux hommes de lettres français, les invitant, leur envoyant des fonds, pour qu' ils chantent leurs louanges. Très efficace.
Roi, c'est un métier, n'est-ce pas !

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Message Publié : 21 Avr 2011 19:29 
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Bergerac a écrit :
C'est là que je ne suis pas d'accord avec vous: oui tactiquement l'utilisation de la violence (ou sa non-utilisation comme Corneille l'a montré dans Cinna) est une expression de pouvoir. Mais il n'en est pas moins que les guerres aux yeux de l'opinion publique (resterait à définir ce qu'était l'opinion publique !) étaient classées selon des critères directement issus de la Bible, en guerre juste ou non.


Nous ne sommes effectivement pas d'accord : je ne crois pas que la "guerre de rapines" tant décriée soit une volonté délibérée de Louis XIV ou même de ses ministres en charge de la guerre, mais bel et bien une conséquence de la manière de faire la guerre d'alors. Je reprends l'exemple de la Guerre de Trente Ans en Allemagne : est-ce que Louis XIV est le responsable du sac de Magdebourg ou du fait qu'un tiers de la population allemande meurt durant ce laps de temps ? En gros, s'il y a des pillages, viols, massacres, sacs, dévastations, c'est parce que c'est ainsi que la soldatesque agit alors, faute d'un encadrement capable de la brider, et que les généraux n'ont d'ailleurs aucun intérêt à modérer de tels instincts destructeurs, puisqu'ils satisfont pleinement les objectifs qu'ils se fixent eux-mêmes - ainsi de Turenne qui "interdit" le passage par le Palatinat en 1674 en siphonnant toutes ses ressources logistiques*.

Par ailleurs, je maintiens fermement que l'"opinion publique" allemande d'alors ne s'est très probablement pas plus insurgée contre la seconde dévastation du Palatinat que contre le sac de Magdebourg ou tout autre incident un peu violent irritant sa "germanité", mais qu'une floraison de penseurs romantiques n'ont par contre pas manqué de ressortir cette épisode à l'époque où cela importait vraiment pour des causes de propagande nationale voire nationaliste (au début du XIXe mais peut-être dès le milieu du XVIIIe). Bref, qu'à part quelques lettrés (quelle influence au-delà des cercles universitaires peut avoir un Grotius ?) qui s'en sont offusqués, essentiellement pour des raisons culturelles et/ou religieuses (je répète que la dévastation de villes telles que Heidelberg ou Speyer ont plus choqué que le pillage en règle de toutes les campagnes palatines quinze ans avant), à l'époque, cela faisait partie des "malheurs de la guerre", ni plus ni moins quand celle-ci était apportée par les Français que quand elle l'était par les... Allemands (ah, les mercenaires bavarois de Tilly et le duc Maximilien au début de la décennie 1630...), Hollandais, Espagnols (ah, la campagne de Spinola dans la vallée du Rhin vers 1625...), Italiens, Bohémiens, Suédois (je reviens à Magdebourg) et tutti quanti.

CNE503

* Il est d'ailleurs intéressant de rapprocher le fait que sa victorieuse campagne de l'hiver 1674-1675 qui s'achève si brillamment à Turckheim le 4 janvier 1675 est une conséquence de cette dévastation qui a obligé les armées impériales à prendre leurs quartiers d'hiver vers Mulhouse et non au nord, dans le Palatinat, ce qui permet à Turenne de s'intercaler entre elles et Strasbourg, leur coupant la voie et les forçant après un bref combat à évacuer l'Alsace.

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Message Publié : 24 Avr 2011 15:27 
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Je suis en train de finir le livre L'invasion de la Franche-Comté par Henri IV, de P. Delsalle (http://livre.fnac.com/a2815295/Paul-Del ... r-Henri-IV). Il est extrêmement intéressant dans le cadre d'une analyse des conflits au tournant du XVIe et du XVIIe siècles. Ainsi, et même si l'auteur semble avoir un parti pris pro-comtois (donc anti-"béarnais"), on peut comprendre que l'armée royale a subsisté pendant tout l'été sur la comté de Bourgogne, alors territoire de Philippe II d'Espagne, y a levé moultes contributions (dont le détail est donné par l'auteur et qui permettent de financer l'intégralité des troupes pour la saison), y a commis un certain nombre de dévastations (troupeaux, arbres fruitiers, céréales, greniers) en sus qui ont contribué à l'entretien des troupes et a obtenu au final un traité de neutralité de la comté, qui accepte qu'en échange de l'indifférence du roi de France, aucune troupe d'Espagne ne soit encasernée dans la région.

Bref, le roi de France a amené une armée qui a pillé, torturé, violé, saccagé, rançonné, trucidé, pendu, un territoire à la neutralité historique (garantie par les cantons suisses, entre autres), cortège d'horreurs qui n'avait d'autre intérêt que de : 1) financer et ravitailler son armée pendant la haute saison ; 2) "siphonner" les ressources pour au moins une année en les dévastant à son profit ; 3) empêcher l'armée de secours hispano-italienne de subsister sur la Franche-Comté, neutralisant ainsi toute menace sur le Lyonnais ou la Champagne par cette voie d'invasion et permettant les années suivantes de se concentrer sur la frontière picarde.

Bref, ce n'est certes pas Louis XIV ou Louvois qui ont inventé le concept, un roi "bon" comme Henri IV ayant déjà appliqué le concept de la "raubkrieg" aux sujets comtois du roi d'Espagne 94 ans avant la seconde dévastation du Palatinat...
Je persiste et signe : la guerre, à l'époque, est une guerre de subsistance, dans laquelle les armées vivent sur le pays, avec tout ce que cela implique d'excès, d'abus, de ruines... La seule différence à la fin du XVIIe, c'est qu'une conscience nationale étrangère à la France en a cultivé le souvenir à des fins de propagande.

Bref, le reprocher à Louis XIV, c'est être injuste par rapport à ses prédécesseurs qui ont commis les mêmes excès (l'armée de Louis XIII lors de la campagne de 1622, Henri IV en Franche-Comté en 1595, etc), par rapport à ses homologues qui ont accepté les mêmes pratiques. C'est prendre en compte une critique contemporaine nouvelle de pratiques anciennes, essentiellement motivée par l'apparition d'un sentiment germaniste anti-français dans le sillage des traités de Westphalie de 1648. Cela n'enlève rien aux horreurs commises, mais à l'époque, elles étaient acceptées comme faisant partie de la guerre, et bien peu s'élevaient contre de telles pratiques, sinon les victimes pour s'en plaindre.

CNE503

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Message Publié : 26 Avr 2011 8:39 
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J'entends tout ce que vous dîtes, cher CNE053, mais vous persistez à vous placer sur un point de vue purement opérationnel, alors que le concept de Raubkrieg s'applique au caractère injustifié de la guerre, dans le sens biblique de la guerre juste. Et là, oui Louis XIV et plus encore ses ministres sont responsables d'avoir conduit des guerres injustes, c'est d'ailleurs ce que le roi aurait dit lui-même en prétendant avoir trop aimé la guerre, manière élégante de reconnaître qu'elles n'ont pas été toutes justifiées


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Message Publié : 26 Avr 2011 13:54 
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Cette confession, cet aveu au futur Louis XV d'une inclination trop poussée pour la guerre ne doit pas nous méprendre: on trouve certes dans ses Mémoires un célèbre mot selon lequel il était le maître de la guerre en Europe, libre ou non de la déclarer lorsque cela lui chantait. Mais à plusieurs reprises, certains de ses proches ont blâmé sa magnanimité en temps de guerre.


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Message Publié : 26 Avr 2011 19:27 
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Bergerac a écrit :
J'entends tout ce que vous dîtes, cher CNE053, mais vous persistez à vous placer sur un point de vue purement opérationnel, alors que le concept de Raubkrieg s'applique au caractère injustifié de la guerre, dans le sens biblique de la guerre juste. Et là, oui Louis XIV et plus encore ses ministres sont responsables d'avoir conduit des guerres injustes, c'est d'ailleurs ce que le roi aurait dit lui-même en prétendant avoir trop aimé la guerre, manière élégante de reconnaître qu'elles n'ont pas été toutes justifiées


Nous nous rejoignons alors ;)
La "guerre juste", concept existant dès la chrétienté médiévale mais revigoré dans la première moitié du XVIIe (sous l'impulsion d'un Grotius, par exemple), n'est "réactivée" après les traités de Westphalie que parce que ça correspond au ressenti de peuples qui commencent à s'unir dans une germanité auparavant éclatée et remplie d'antagonismes. C'est bien l'apparition d'une conscience nationale qui pousse les Allemands - et encore, surtout les lettrés, je le rappelle - à s'insurger contre les excès français de 1689.

Ces excès, et bien pires encore, étaient monnaie courante dans la guerre des XVIe et XVIIe (et avant, aussi, bien sûr). La question est de savoir pour quelle raison leur contestation éclate avec une telle vigueur à la toute fin du XVIIe. Est-ce un caractère précis de la "Way of War" louisquatorzienne qui la provoque ? Je n'y crois pas (bien que la fréquence et l'échelle des guerres, signes d'une volonté hégémonique continentale, amènent forcément une réaction défensive de rejet viscéral - mais ce n'est pas en rapport avec le mode opératoire des armées en campagne), je pense vraiment que c'est essentiellement l'apparition d'une conscience nationale allemande qui en est la cause.
Les Franc-Comtois de 1595 n'ont guère tenu grief à Henri IV ou plus largement à la monarchie française, parce qu'ils ont été assimilés et étaient culturellement proches dès l'époque de leurs agresseurs ; leurs défenseurs, italo-espagnols, ont même commis des excès pires encore. De la même manière, les Allemands n'ont guère gardé le sac de Magdebourg ou les exactions françaises des années 1640 en mémoire - alors que ce sont les mêmes actes sur une échelle similaire ! - parce qu'à l'époque, ils n'étaient pas allemands mais brandebourgeois, prussiens, saxons, bavarois, palatins, mecklembourgeois, hansois, brunswickois, hanovriens, franconiens, bref, pas allemands. L'écho de tels actes était infiniment moins fort au-delà de la communauté concernée (encore que Magdebourg...).

Bref, Louis XIV plus injuste que ses homologues d'alors ? J'en doute beaucoup. Il s'est juste mis tout le monde à dos par une politique agressive essentiellement dictée par un complexe d'encerclement - récurrent jusqu'à 1713 dans la diplomatie française - et une volonté de protéger de manière définitive et irrémédiable son royaume (résultat qui génère aussi la gloire du monarque, même s'il est complètement illusoire), dusse-t-il mener des actions préventives dévastatrices et horrifiant le "concert des nations". Il n'a de ce fait guère trouvé de gens pour le défendre au-delà de ses propres sujets ou de ses clients politiques les plus dépendants, parce que cette agressivité stratégique - pourtant motivée par des conceptions essentiellement défensives - a trouvé son pendant, son illustration cruelle, dans les excès des armées françaises. Mais ces excès ne sont qu'un raccourci facile fait par les détracteurs de la puissance française ; ce sont les mêmes que ceux commis par les autres armées (à part peut-être l'échelle, qui provient de la massification et de la rationalisation de la guerre opérées justement sous Louis XIV).

A titre personnel, dans le contexte d'alors bien sûr, je trouve qu'il y a une certaine cohérence à vouloir à tout prix protéger son royaume et ses sujets des excès mêmes que l'on peut par contre trouver licites et ordonner sur les populations voisines. Les Français qui n'ont plus guère connu la guerre sur leur territoire - exception faite de la courte parenthèse 1709-1712 - entre 1652 et 1792 auraient sans doute pu trouver les conceptions de Louis XIV très justes, et Louis XIV s'en enorgueillir et en tirer une gloire qui était sa motivation principale.

CNE503

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Message Publié : 27 Avr 2011 11:00 
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Bref, Louis XIV plus injuste que ses homologues d'alors ? J'en doute beaucoup. Il s'est juste mis tout le monde à dos par une politique agressive essentiellement dictée par un complexe d'encerclement - récurrent jusqu'à 1713 dans la diplomatie française - et une volonté de protéger de manière définitive et irrémédiable son royaume (résultat qui génère aussi la gloire du monarque, même s'il est complètement illusoire),


Effectivement nous nous rejoignons. La question que vous posez dans le passage que j'ai copié ici est très intéressante. A ce complexe d'encerclement, s'ajoute aussi, je pense, l'obsession de récupérer une partie des dépouilles espagnoles lors du partage que la France guette en permanence. Sur ce point les victoires impériales sur les Turcs à partir de l'automne 1683 ne rend pas service à Louis XIV; j'ai fait l'hypothèse ailleurs [voir profil] que c'était une des explications de la Révocation de l'Edit de Nantes.


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Message Publié : 27 Avr 2011 20:50 
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Je pense que plus que ce qu'on peut considérer comme les "dépouilles espagnoles", Louis XIV a la volonté, dès le début de son règne (même s'il attend 1667 pour passer à l'acte), de faire retrouver au royaume de France des territoires qui lui étaient historiquement rattachés (Franche-Comté, Hainaut, Flandre, Savoie) et qu'il estimait être siens de droit (logique des Réunions après 1678).
Bien sûr, en dépit de ces exigences, il oubliait que jamais l'Alsace n'avait fait partie du royaume (et plus loin dans le temps, le Roussillon)...

Pour la révocation de l'Edit de Nantes, c'est un postulat intéressant, mais j'avoue mon manque de connaissance sur le sujet.

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Message Publié : 28 Avr 2011 9:25 
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Pierre de L'Estoile
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Une caractéristique de Louis XIV, il met en scène son règne d'une manière magistrale, tout est communication, même ses repas, son lever, le château de versailles conçu pour plaire et étonner. Pour passer à la postérité, rien n'est laissé au hasard, les hommes de lettres qui sont protégés comme les peintres, les sculpteurs, architectes, musiciens. Protecteur des arts, il devient l' Art lui-même. Il créée son mythe, le soleil.

évidemment.Quelle oeuvre d'art du XVIIe siècle illustre mieux l'autorité royale que le tableau de Charles le Brun 1661 : le roi gouverne seul ? Ce tableau exposé encore l’année dernière au château de Versailles se veut représenter la scène emblématique du 10 mars 1661, lorsque Louis XIV , au lendemain de la mort de Mazarin, affirma devant les plus grands représentants du royaume qu'il incarnait désormais seul l'autorité royale. Et cela n'y ait pas pour peu.
Bien à vous.

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Message Publié : 28 Avr 2011 9:42 
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Pierre de L'Estoile
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.. L'épisode de 1661 est très largement représentatif de la volonté d'absolutisme de Louis XIV dès le départ. En effet, à la mort de Mazarin, Louis XIV affirme qu'il n'aura plus de principal ministre. Cette volonté a une portée hautement symbolique. En plus de cela, il décide d'écarter du gouvernement les princes du sang, les ducs et pairs (traditionnellement associés au pouvoir) et même sa mère Anne d'Autriche. Il finira par se débarrasser du surintendant des finances, Nicolas Fouquet, car avec la magnificence de ces fêtes au château de Vaux-le-Vicomte (perle de Le Vaux, Lenôtre etc.) il faisait de l'ombre à l'autorité royale - une des explications retenues par les historiens mais pas la seule. La lecture des mémoires de Louis XIV à l'intention du dauphin sont révélatrices de ses velléités de tout contrôler à l'égard de l'autorité royale.

Pour illustrer l'autorité royale vue par Louis XIV, on peut penser aux différentes entrées triomphales qu'il a faites à cheval dans des villes en reddition. Après avoir maté ce genre de rebellions, il était de coutume d'édifier une statue royale sur la grand-place de la ville. Mais généralement, pas avant d'avoir détruit les murailles de cette dernière. Ce roi a su mettre au service de sa suprématie les symboles souvent les plus humiliants. Si son autorité devait s'exercer au détriment des autres, alors ainsi soit-il.

En 1674, Louis XIV a retiré au parlement de Paris le droit de remontrance préalable l'enregistrement de loi. Le contre-pouvoir est muselé. L'absolutisme est à son comble.
Je crois que la communication, en plus de l'historiographie bien sur, est au coeur du problème de ce sujet... Certains y voient des rapprochements avec De Gaulle, j'en vois avec Napoléon.
Bien à vous.

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