Alceste a écrit :
Pédro a écrit :
Oui enfin ils sont 150000 tout de même. Leur avance n'a été possible que par des lignes de ravitaillements sophistiquées.
J'ai l'impression que nous faisons un dialogue de sourds car pour moi la guerre c'est de la politique et de la vie des peuples. Je ne lirai jamais Klauswitz et je me tape des merveilleux dons d'un général à soumettre un maximum de territoire. En revanche j'apprécie ceux qui savent s'arrêter. Et les "lignes de ravitaillement sophistiquées" c'est toujours le ravage du pays. Sur leur propre sol les russes ont pratiqué la politique de la terre brûlée, mais s'il faut en croire Tolstoï avec l'accord de la population qui voulait à toute force rejeter ce corps étranger. Une fois passé leur frontière dans une Europe de toute façon plus fertile, ils ont dû aussi se servir aussi.
Nous sommes déjà sortie du grand siècle alors tant qu'à faire je me permettrai de vous rappeler qu'au XXe et XXI siècle on s'aperçoit tous les jours que la technique militaire se casse les dents contre un peuple qui ne veut pas d'elle.
Je sais que votre chère Rome semble donner des contre exemples, mais il me semble en fait que beaucoup de peuples voulaient bien des romains, mais quand certains comme les germains n'en voulaient pas, ça se compliquait sérieusement.
C'est un problème assez récurrent dans la recherche de voir la guerre détourner, rebuter. Au sortir de la seconde guerre mondiale, la recherche en sciences humaines pratiquement dans son intégralité a jeté un voile pudique sur ce fait universel, comme si rien se s'était passé. On a lu un Lévi-Strauss faire de la guerre un dérèglement dans l'échange commercial et forcément courtois... L'Histoire finissait de crucifier l'histoire bataille, et rejetant l'histoire militaire, pensait avoir découvert une vérité transcendantale. Or la guerre demeurera un affrontement violent, avec des massacres, des viols, des pillages... Cela a été, cela sera invariablement. Je comprends que vous mettiez en avant la politique, les dynamiques de peuplement, les consciences populaires, mais tout cela n'est mis en rapport qu'après le suprême déchainement de la violence humaine. La guerre est pour Stéphane Audoin Rouzeau un véritable instantané d'une civilisation, d'un Etat, puisque ses forces, son idéologie, sa techniques, sont mises à l'oeuvre dans un espace géographique et temporel restreint. Nier la guerre, nier la bataille, c'est être touchée par une myopie singulière quand on parle de la guerre ne pensez-vous pas? On peut bien évidemment ne pas être intéressé le moins du monde par des boucheries innommables et par des corps pourrissant à l'air libre. Mais il est difficile d'en faire l'économie quand on essaie de comprendre ce qu'est la guerre. Vous nous montrez combien la guerre asymétrique, la ferveur populaire pourrait-on dire, est une force faisant échec aux conquérant. C'est un fait... qui ne se comprend qu'à travers la compréhension de ces sociétés, qui ont très souvent la guerre au centre de leurs préoccupations. A l'opposé de Rousseau, les peuples que l'on qualifiait à l'envi de primitifs sont avant tout guerrier, et la guerre est un jalon indispensable de leur structuration sociétale. Les Germains ou je ne sais quel autre peuple étaient animés par bien autre chose qu'une ferveur libertaire. Ils se battaient parce que c'est ce qui déterminait leur statut d'homme libre.
Tout cela pour dire qu'il ne faut pas trop vite jeter l'anathème sur un domaine de l'histoire et des sciences humaines que l'on rejette un peu trop facilement par des formulations rhétorique un peu trop rapides et qui nient complétement des réalités. Je comprends que l'on n'ai que peu d'accointance avec la guerre, je comprends moins que l'on veuille en faire un objet mineur et marginal de l'histoire.