Bonjour
j'aimerais que des connaisseurs de la période jettent la lumière sur un sentiment diffus que j'ai d'éprouvr à plusieurs lectures, que la guerre de succession d'Espagne fut un tournant entre les rapports de l'Etat aux financiers - à savoir,éque les financiers à cette occasion ont acquis un pouvoir qu'ils ne possédaient pas auparavant. Il est connu que la Régence fut un moment de boursicotage et d'expériences troubles en la matière, mais plusieurs indices me suggèrent que la montée en puissance des milieux d'argent date de la fin du règne de Louis XIV. Cette intuition cependant ne procède pas d'une étude approfondie, je vous livre quelques textes qui m'ont mis sur cette voie :
-Le marquis de Sade commence ainsi "l'Ecole du libertinage" :
Les guerres considérables que Louis XIV1 eut à soutenir pendant le cours de son règne, en épuisant les finances de l’État et les facultés du peuple, trouvèrent pourtant le secret d’enrichir une énorme quantité de ces sangsues toujours à l’affût des calamités publiques qu’ils font naître au lieu d’apaiser, et cela pour être à même d’en profiter avec plus d’avantages.
La fin de ce règne, si sublime d’ailleurs, est peut-être une des époques de l’empire français où l’on vit le plus de ces fortunes obscures qui n’éclatent que par un luxe et des débauches aussi sourdes2 qu’elles. C’était vers la fin de ce règne et peu avant que le Régent3 eût essayé, par ce fameux tribunal connu sous le nom de Chambre de Justice, de faire rendre gorge à cette multitude de traitants, que quatre d’entre eux imaginèrent la singulière partie de débauche dont nous allons rendre compte.
-Le Duc de Saint-Simon, dans ses mémoires, évoque avec outrage l'abaissement du roi soleil quémandant un prêt au riche banquier Samuel Bernard :
« Le roi sur les cinq heures, raconte Saint-Simon, sortit à pied et passa devant tous les pavillons [...] Au pavillon suivant, le roi s'arrêta. C'était celui de Desmarets qui se présenta avec le fameux banquier Samuel Bernard qu'il avait mandé pour dîner et travailler avec lui. C'était le plus riche d'Europe et qui faisait le plus gros et le plus assuré commerce d'argent. Le roi dit à Desmarets qu'il était bien aise de le voir avec M. Bernard, puis, tout de suite, dit à ce dernier :
– Vous êtes bien homme à n'avoir jamais vu Marly, venez le voir à ma promenade, je vous rendrai après à Desmarets.[...]
J'admirais, et je n'étais pas le seul, cette espèce de prostitution du roi, si avare de ses paroles, à un homme de l'espèce de Bernard » prostitution, le mot est fort
-Enfin plus récemment, je suis de nouveau tombé sur un avis très négatif concernant l'intérêt national de la guerre de succession d'Espagne, dans une lettre de Georges Sorel, esprit peu dogmatique s'il en est :
"Les Bourbons d'Espagne et d'Italie ne peuvent non plus être cités comme des modèles. Ceux de France,
au moins depuis 1702 (guerre de succession d'Espagne), ont très peu tenu compte des intérêts de leur pays ; leur politique a été une politique d'antichambre et d'alcôve". C'est un lieu commun de désigner le régent et surtout Louis XV comme des dirigeants coupés du pays et du peuple. Mais Sorel tend ici à dire, de façon plus original, que la cassure du lien entre la monarchie et le peuple a lieu au cours même du siècle de Louis XIV, et à nouveau au moment de cette fameuse guerre d'Espagne. Malheureusement il n'explicite pas son idée, sur laquelle je! suis tombée dans sa correspondance :
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... um_6_1_963Bref, j'avoue que mes indices sont bien hétéroclites, et j'en oublie d'autres. J'ai cependant l'impression que derrière l'image d'épinal du Roi Soleil se cache des rapports de force bien loin de l'idée qu'on se fait de la "monarchie absolue." L'ouvrage de Sade m'a fait immédiatement pensé aux messes noires qui faisaient scandale au Grand Siècle. Peut-être s'en est-il réellement inspiré.
J'espère que des historiens ou des amateurs plus renseignés que moi pourront approfondir ce "pressentiment", le détruire, le confirmer ou le discuter. Je n'ignore pas par ailleurs qu'il recouvre des sujets variés, comme la géopolitique, la finance et l'élite parisienne. Allons-y donc pour dévider cette écheveau
Bien à vous !