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Message Publié : 13 Juin 2012 17:52 
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Polybe
Polybe

Inscription : 19 Déc 2007 18:08
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Bonjour B)

j'aimerais que des connaisseurs de la période jettent la lumière sur un sentiment diffus que j'ai d'éprouvr à plusieurs lectures, que la guerre de succession d'Espagne fut un tournant entre les rapports de l'Etat aux financiers - à savoir,éque les financiers à cette occasion ont acquis un pouvoir qu'ils ne possédaient pas auparavant. Il est connu que la Régence fut un moment de boursicotage et d'expériences troubles en la matière, mais plusieurs indices me suggèrent que la montée en puissance des milieux d'argent date de la fin du règne de Louis XIV. Cette intuition cependant ne procède pas d'une étude approfondie, je vous livre quelques textes qui m'ont mis sur cette voie :

-Le marquis de Sade commence ainsi "l'Ecole du libertinage" :

Les guerres considérables que Louis XIV1 eut à soutenir pendant le cours de son règne, en épuisant les finances de l’État et les facultés du peuple, trouvèrent pourtant le secret d’enrichir une énorme quantité de ces sangsues toujours à l’affût des calamités publiques qu’ils font naître au lieu d’apaiser, et cela pour être à même d’en profiter avec plus d’avantages. La fin de ce règne, si sublime d’ailleurs, est peut-être une des époques de l’empire français où l’on vit le plus de ces fortunes obscures qui n’éclatent que par un luxe et des débauches aussi sourdes2 qu’elles. C’était vers la fin de ce règne et peu avant que le Régent3 eût essayé, par ce fameux tribunal connu sous le nom de Chambre de Justice, de faire rendre gorge à cette multitude de traitants, que quatre d’entre eux imaginèrent la singulière partie de débauche dont nous allons rendre compte.

-Le Duc de Saint-Simon, dans ses mémoires, évoque avec outrage l'abaissement du roi soleil quémandant un prêt au riche banquier Samuel Bernard :

« Le roi sur les cinq heures, raconte Saint-Simon, sortit à pied et passa devant tous les pavillons [...] Au pavillon suivant, le roi s'arrêta. C'était celui de Desmarets qui se présenta avec le fameux banquier Samuel Bernard qu'il avait mandé pour dîner et travailler avec lui. C'était le plus riche d'Europe et qui faisait le plus gros et le plus assuré commerce d'argent. Le roi dit à Desmarets qu'il était bien aise de le voir avec M. Bernard, puis, tout de suite, dit à ce dernier :

– Vous êtes bien homme à n'avoir jamais vu Marly, venez le voir à ma promenade, je vous rendrai après à Desmarets.[...]

J'admirais, et je n'étais pas le seul, cette espèce de prostitution du roi, si avare de ses paroles, à un homme de l'espèce de Bernard » prostitution, le mot est fort :!:

-Enfin plus récemment, je suis de nouveau tombé sur un avis très négatif concernant l'intérêt national de la guerre de succession d'Espagne, dans une lettre de Georges Sorel, esprit peu dogmatique s'il en est :

"Les Bourbons d'Espagne et d'Italie ne peuvent non plus être cités comme des modèles. Ceux de France, au moins depuis 1702 (guerre de succession d'Espagne), ont très peu tenu compte des intérêts de leur pays ; leur politique a été une politique d'antichambre et d'alcôve". C'est un lieu commun de désigner le régent et surtout Louis XV comme des dirigeants coupés du pays et du peuple. Mais Sorel tend ici à dire, de façon plus original, que la cassure du lien entre la monarchie et le peuple a lieu au cours même du siècle de Louis XIV, et à nouveau au moment de cette fameuse guerre d'Espagne. Malheureusement il n'explicite pas son idée, sur laquelle je! suis tombée dans sa correspondance : http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... um_6_1_963


Bref, j'avoue que mes indices sont bien hétéroclites, et j'en oublie d'autres. J'ai cependant l'impression que derrière l'image d'épinal du Roi Soleil se cache des rapports de force bien loin de l'idée qu'on se fait de la "monarchie absolue." L'ouvrage de Sade m'a fait immédiatement pensé aux messes noires qui faisaient scandale au Grand Siècle. Peut-être s'en est-il réellement inspiré.
J'espère que des historiens ou des amateurs plus renseignés que moi pourront approfondir ce "pressentiment", le détruire, le confirmer ou le discuter. Je n'ignore pas par ailleurs qu'il recouvre des sujets variés, comme la géopolitique, la finance et l'élite parisienne. Allons-y donc pour dévider cette écheveau

Bien à vous ! :wink:


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Message Publié : 23 Oct 2012 22:50 
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Tite-Live
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Inscription : 10 Mars 2006 4:35
Message(s) : 317
Dans l'ensemble, Louis XIV a été tout aussi impécunieux que ses prédécesseurs et que ses successeurs. En fait ses conditions d'emprunt étaient plutôt bonnes dans les 20 premières années de son règne et il est parvenu à abaisser le taux d'intérêt des emprunts nouveaux. Mais dans le même temps ses demandes d'argent frais ont explosé ce qui fait que l'Etat était toujours au bord de la banqueroute.

En substance, en 1661, il y a un défaut partiel sur les dettes d'Etat ce qui en rabat à de nombreux financiers mais les vrai gros intermédiaires, les fermiers, les gabelleurs, ne sont que peu touchés car le roi a besoin d'eux et des grands nobles qui à travers eux prêtent leur argent au roi. Donc fondamentalement, la relation du roi aux financiers n'évole guère sous Louis XIV. Bien sûr la Guerre d'Espagne longue et coûteuse le pousse un peu plus vers eux, mais c'est une évolution quantitative, non pas qualitative.

En fait, si vous voulez trouver des changements radicaux de la relation de l'Etat à la banque, il faut remonter à François Ier qui créé les grande lignes du système où des fermiers avancent l'argent des taxes au roi et où ce même argent sert de garantie pour l'émission des dettes d'Etat. Le système est renforcé sous Henri III et surtout par Sully, puis ne change plus jusqu'à Louis XV et la création de la ferme générale et finalement la révolution.

Cependant, il faut faire très attention à ne pas se tromper. Les financiers ne sont que des intermédiaires, ils sont riches certes mais leur vrai puissance vient de leurs contacts avec la très haute noblesse et les très riches institutions religieuses. En gros, il y a quelques dizaines de familles et de couvent qui tiennent peut-on dire le roi par la bourse. Ce sont les ducs et pairs et quelques abbés et abbesses qui tiennent dans l'ombre les rennes de la monarchie.

_________________
Labore Fideque


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