Pouzet a écrit :
Le fait certainement que la guerre ait duré 30 années doit l'expliquer en partie, mais y a t-il eu des spécificités propres à cette guerre qui expliquent l'importance du nombre de victimes ?
La Franche-Comté a perdu 50% de sa population, et pourtant, vu de France, il ne s'agit que de la Guerre de Dix Ans.
Il y a effectivement le fait que les soldats vivent sur le pays, ce qui signifie concrètement meurtres, viols, pillage et éventuellement incendie. De toute façon le simple fait de réquisitionner toutes les récoltes suffit à condamner à mort les paysans, qui auront de la chance s'ils passent l'hiver.
Dans le cas de la Franche-Comté la France a fait appel à un contingent suédois, sous les ordres de Bernard de Saxe-Weimar, qui a laissé durablement un souvenir d'épouvante.
Au 19ème siècle, un roman local, qui mettait en scène les résistants du Haut-Jura, a connu un grand succès :"Le médecin des pauvres" de Xavier de Montépin. Il mettait en scène le fameux Lacuzon, un chef de bande qui a réussi à regrouper un nombre significatif de partisans pour s'en prendre aux bandes de suédois chargés très explicitement de ravager le Haut-Jura et le Haut-Doubs. On en trouve encore les traces dans certains noms de lieux-dits. Il existe par exemple dans le Haut-Jura une forêt du Massacre, lieu supposé d'une embuscade contre les Suédois.
Dans le cas de la Franche-Comté il s'agit d'une politique de la terre brûlée destinée à réduire la résistance populaire, et sans doute aussi à rendre la Franche-Comté impropre à ravitailler une armée impériale qui se dirigerait vers la France. (Une technique qui sera reprise des années plus tard par Louvois qui ravagera le Palatinat avec le même objectif stratégique.)
On sait que dans la Bible les 4 cavaliers de l'apocalypse sont l'orgueil, la conquête, la famine et la maladie : la guerre pratiquée au détriment des civils se traduit effectivement par la famine, conséquence à la fois des pillages et de l'impossibilité de continuer à cultiver la terre. Sur cette population affaiblie, la guerre qui déplace avec les soldats ou les réfugiés les virus toujours présents dans les populations de l'époque, déclenche des épidémies meurtrières.
Dans la quadrilogie qu'il a consacrée à la vie à cette époque, le romancier jurassien Bernard Clavel met en scène une épidémie de peste. Je ne sais pas si c'est attesté par les historiens, mais il y a d'autres candidats : le typhus, le choléra...
il faut se représenter ce que signifie une perte de 50% de la population : même la Pologne, l'Ukraine ou la Biélorussie de 45-48 n'ont pas atteint un score pareil.
La guerre de Dix ans se termine en 1644, mais le traité de Westphalie la laisse aux Habsbourgs. La conquête suivante aura lieu en 1678, sans difficultés pour les Français, et cette fois la Franche-Comté sera rattachée à la France.
Louis XIV punira la ville de Dole, capitale de la province, qui avait une fois de plus résisté aux Français et subi un siège : l'université et le parlement de la province seront transférés à Besançon, qui avait eu le bon goût d'ouvrir ses portes après quelques coups de canon. La Franche-Comté change de capitale.
Irréductibles Dolois ! En 1636 il avaient déjà soutenu avec succès le siège du prince de Condé.
Pendant des années les vieux Francs-Comtois qui n'avaient pas oublié se faisaient enterrer sur le ventre, pour tourner le dos au soleil. (Louis XIV, Roi Soleil.)