En lisant les "Lames du Cardinal" (un livre que si l'on ne peut l'appeller historique, s'attache en général à être pointu sur ce genre de détail), l'auteur mentionne que les rues de Paris étaient seulement envahies par la boue, mais que celle-ci était utilisée par des cultivateurs pour fertiliser leurs champs.

Alors, c'est sur que faute de nettoyage d'ordure, les rues de Paris devaient être un beau bouillon de culture : de là à en faire une denrée que l'on vient chercher de la campagne, c'est déjà autre chose.
Merci d'éclairer ma lanterne.

Les excréments font un excellent engrais. Comme ceux-ci étaient balancés par la fenêtre, des vidangeurs les ramassaient pour servir de fertilisants, sans oublier le crottin de cheval, les bouses des bêtes que l'on amenait abattre. Paris devait être très odorant

Le sens de boue a évolué depuis cette époque, la première édition du dictionnaire de l'Académie donne cette définition;

BOUE. s. f. Fange, crotte.

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)

Il me semble que les "boues" des villes ont été utilisées très longtemps pour fertiliser les champs des campagnes. Et même après la mise en place de services d'égouts cela a continué. Les "boues" ne sont interdites dans les vignes que depuis moins d'une dizaine d'années (de mémoire).

_________________
@+
Skipp

Louis Delamare dans son Traité de la police, donne des détails très précis sur la gestion des boues parisiennes. Il était interdit aux payasans alentour de venir se servir individuellement en boues . En effet,si ce genre de produit est intéressant comme engrais, encore faut-il le laisser reposer trois ans avant de l'utiliser, au risque de brûler toute culture que l'on cherchera à booster! Et donc tout stockage intermédiaire (obligatoire) faisait craindre la propagation de conditions sanitaires dangereuses pour la ville elle-même.On cherchait donc à le contrôler.

On trouve d'ailleurs dans cet ouvrage une idée qui n'était ni plus ni moins que le schéma d'une station d'épuration : un stockage dans quatre cuves successives, la boue passant de l'une dans l'autre après un délai d'un an et la quatrième servant de stock tampon pour les cultivateurs qui souhaitaient utiliser le produit obtenu comme engrais.

J'ai sur mon blog un entretien avec Gérard Béaur qui parle de l'utilisation de ces boues parisiennes pour soutenir la culture autour de la capitale : elles ont permis une exploitation très intensive des moindres lopins de terre et notamment des champs "bigarrés" où se mélangeaient des cultures basses et des arbres fruitiers (cerises par exemple).

Le fameux grand nettoyage de Paris de 1666 n'a pas évacué que les boues de Paris, il a aussi éradiqué les gagne-petits qui s'installaient sur la chaussée pour faire leur commerce (comme aujourd'huii en Inde !), mais cela seul d'Ormesson en parle dans son Journal !

Juste pour l'anecdote: se débarasser de ses ordures sur la voie publique était interdit à Paris depuis 1375. Auparavant c'était toléré à condition de crier trois fois avant de jeter quoi que ce soit . Mais Delamare soulignait que la répression était impossible : on ne pouvait jamais connaitre l'origine des ordures !

Il semble que, en tout cas, les urines étaient récoltées, destinées aux tanneurs et aux teinturiers, du moins déjà au Moyen Age, matières précieuses pour l'exercice de ces métiers.

Dans certaines villes, il pouvait exister des latrines publiques, objet de contrats et convoitises, justement pour récolter les.. "matières" revendues afin d'engraisser les jardins maraîchers autour des villes, plus nombreux que ce que on s'imagine.

Toujours Moyen âge, tardif: la ville de Paris interdisait de se soulager en rue (et sur les façades pour les messieurs): Villon et ses copains ont été condamnés pour avoir uriné sur la façade d'une maison.

Pour les tanneries et mégisserie, il existe effectivement une opération que l'on appelle confitage qui consiste à assouplir le cuir par l'action d'enzymes qui étaient trouvées là où l'on pouvait. Il est aussi possible que l'on ait simplement cherché à se procurer de l'ammoniaque.

Une remarque sur les boues de Paris : elles sont pour partie à l'origine de la mode des bottes sous Louis XIII. Ce qui semble sous-entendre que lorsque cette mode passa, les rues étaient moins crottées.

à quelle époque ?

_________________
@+
Skipp

Bonsoir,



Cela se faisait déjà dans la Rome antique, voir " l'argent n'a pas d'odeur " de Vespasien.
Cordialement.

_________________
_____________________________

ne nous prenons pas au sérieux, il n'y aura pas de survivant (A. Allais)

Le Traité de Police est paru à Paris en 1705 et 1710 pour sa première édition en 2 volumes in-folio et de 1719 à 1738 pour son édition en 4 volumes (le quatrième paraissant à titre posthume). Cette dernière édition est célébre pour ses plans historiques de Paris et celui des fontaines de la capitale.

Voilà ce qu'il faut compter pour un bel exemplaire : http://www.librairie-sourget.com/fr/sto ... -la-police . Joyeux noël !

Nicolas Delamare (et non Louis, désolé ) (1639-1723) donne des précisions par période historique et donc il traite aussi bien du problème des boues au Moyen-Âge qu'à l'époque moderne. Il reste des papiers Delamare à la BNF, car il était prévu que l'ouvrage ait une plus grande ampleur et ces papiers sont encore une mine très intéressante pour la vie urbaine de l'époque moderne.