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Message Publié : 12 Fév 2014 23:01 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
Message(s) : 2243
Bonjour,

Je discerne mal ce que pouvait être un domaine seigneurial sous Louis XIV. J'ai plus particulièrement à l'esprit les domaines de Seignelay et de Belle-Ile acquis respectivement par Colbert et Fouquet.

Colbert parlait de ses "habitants". Outre les ouvriers, domestiques, fermiers ou métayers, y avait-il des "habitants" possédant des droits réels sur des terrains ou constructions ou Colbert détenait-il personnellement et directement l'intégralité de la propriété foncière sur tout le domaine ?
Il aidait parfois financièrement certains de ses "habitants" à s'établir. Où cela ? Sur le domaine ou en dehors ? Si c'était sur le domaine, pour l'exercice de quelles activités ?

La seigneurie de Belle-Ile au temps de Fouquet constituait-elle une entité territoriale comparable à ce que nous désignons aujourd'hui sous le terme de collectivité territoriale et dont le seigneur aurait été l'autorité chargée de l'administrer ? De ce point de vue, les fortifications étaient-elles la propriété privée de Fouquet ou doit-on considérer qu'elles appartenaient au domaine publique ?

Dans les années 1660, le roi a cherché en Provençe à reprendre des terres qui avaient été cédées dans le passé soit par le roi soit par le comte de Provence, au motif que ces terres étaient inaliénables. La noblesse de Provence s'est défendue et a fini par avoir gain de cause après avoir produit des actes attestant au contraire que ces terres étaient aliénables à l'époque de leur cession. Que revendiquait exactement le roi ? Des propriétés foncières ou différents droits et compétences de nature fiscale, administrative et judiciaire ?

Merci à tous ceux qui pourront m'éclairer.


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Message Publié : 13 Fév 2014 9:56 
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Inscription : 03 Mars 2010 11:03
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Localisation : France
L'étendue des réponses qu'il faudrait donner à vos questions permettrait de faire un cours sur le droit féodal !

Je suis sûr que plusieurs membres du forum viendront préciser les choses, mais dans les grandes lignes :

Le droit féodal se caractérise par la dissociation du droit éminent et du droit utile. Le droit éminent est celui qui est dévolu au seigneur: il est essentiellement honorifique, hommage pour les fiefs, perception d'un cens pour les censives. Il y a ensuite tout une série de droits comme les droits de mutation (quint et requint) ou la taille au quatre cas qui peuvent peser sur les censitaires.

Fiefs et censives sont les terres qui dépendent du seigneur : fief pour les nobles (dans ce cas le vassal rend hommage au suzerain et lui doit assistance) , censives pour les roturiers (dans ce cas perception des droits évoqués ci-dessus). Les censitaires ont la propriété utile, c'est à dire qu'ils peuvent cultiver, améliorer, vendre etc... les terres dont ils paient le cens. le siegneur a également des terres qu'il exploite directement (c'est à dire qu'il loue ou qu'il exploite par valets) : la directe. Sur sa directe, il cumule propriété éminente et propriété utile, c'est à dire qu'il est propriétaire comme nous le sommes aujourd'hui.

Donc quand Colbert fait venir des "habitants", il faut savoir la nature des terres qu'ils occupent : directe ou censives ? Il les subventionne certainement pour les aider à se constituer lefonds de roulement nécessaire à leur activité : forge, labours etc...

Pour ce qui est de la Provence je fais un autre post (court)


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Message Publié : 13 Fév 2014 10:03 
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Inscription : 03 Mars 2010 11:03
Message(s) : 323
Localisation : France
Pour ce qui est de la Provence :

dans le Midi de la France, il existe une jurisprudence qui s'appuie sur "pas de seigneur sans titre" et le XVIIe siècle a vu un affrontement avec le pouvoir royal qui lui défendait l'universalité de "nulle terre sans seigneur", sous entendu si le seigneur est inconnu, le seigneur est le roi.

Dans le cas présent, l'approche est biaisée par le fait que le pouvoir central revendique les terres comme domaniales, et effectivement des terres domaniales sont inaliénables, donc une action en justice permet de les récupérer pour le roi. Mais où sont les titres qui prouvent leur caractère domanial ? Les Parlements des régions de prééminence de droit écrit donnent raison à celui qui présente des titres crédibles.

En fait pouvoir central et pouvoir local s'affrontent pour garder la maîtrise du droit éminent.


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Message Publié : 13 Fév 2014 16:09 
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Georges Duby
Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
L'erreur à ne pas commettre est de confondre la féodalité et le régime de la seigneurie sous l'ancien régime.
La féodalité est un système pyramidal de liens de sujétion, en chaînes, entre nobles de haut en bas, du roi ou du duc au petit noble ou notable.
La seigneurie est tout autre chose. Elle concerne avec des variations la propriété et ses droits en matière de sol et d'activités rurales. Il s'agit d' un droit d'encadrement social à la base du village, qui fait qu'un seigneur d'un territoire tient des droits sur les propriétaires de son territoire et sur les exploitants fermiers ou métayers.
Ce droit s'exerce au nom d'une propriété supérieure et théorique dite du domaine éminent, par dessus la propriété réelle dite utile, permettant de lever des redevances (champarts) sur les récoltes, les services (fours, moulins ..), les transports, marchés, péages et de faire la police et la justice dite seigneuriale.
Au temps de Louis XIV, les communautés de villages s'efforcent déjà de faire tomber cette propriété supérieure que les seigneurs rappellent par la voie judiciaire et dont les terriers (registre des terres avec propriétaire, superficie, revenu) font état.
En 1789 les paysans se précipitent vers les châteaux pour détruire les terriers, parfois en brulant le château, et faire disparaitre les seigneuries et leur domaine éminent. C'est ce droit éminent que la nuit du quatre août supprime avec rachat, et non pas la féodalité qui n'existe plus depuis longtemps.
C'est ce que j'ai compris en recoupant des éléments mal expliqués dans les manuels et jamais recoupés voire souvent plein de confusions, notamment sur la nuit du quatre août 1789 ou la féodalité.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 13 Fév 2014 21:34 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
Message(s) : 2243
Merci beaucoup Bergerac et Alain.g. J'y vois beaucoup plus clair.

Ce que je comprends est qu'au 17ème siècle la féodalité avait fait place à l'absolutisme au niveau national mais que, dans le monde rural, le droit féodal restait le cadre légal de la propriété et de l'utilisation du sol.

J'ai trouvé une source d'information intéressante (pour les béotiens comme moi) : http://www.fordham.edu/Halsall/sbook-francais.asp#ancien%20regime et, en particulier : http://www.fordham.edu/Halsall/french/feod.asp


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Message Publié : 14 Fév 2014 12:06 
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Tite-Live

Inscription : 03 Mars 2010 11:03
Message(s) : 323
Localisation : France
Le droit féodal régit l'époque moderne jusqu'en 1789. Avec ce que l'on a appelé une "réaction féodale" fin XVIIIe, qui en fait correspond à une actualisation des vieux terriers pour beaucoup de non spécialistes devenus illisibles. Cette fameuse réaction fut en fait un moyen de gagner de l'argent pour des "praticiens" comme les class-action aux USA pour certains avocats à notre époque.

Effectivement, le système féodal est tout au long de l'époque moderne, boursouflé de variantes qui changent sa nature comme système de "gouvernance". Au XIXe siècle, tout le monde s'intitulera "propriétaire", terme qu'il aurait été compliqué de définir clairement auparavant.

Mais la fin de la distinction de la propriété éminente et utile n'est pas le fait unqiuement de la Révolution : il a existé tout un courant juridique qui clamait que "la propriété, comme le point en géométrie, est indivisible" et réclamait un retour au droit romain qui n'avait pas cette distinction.


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