Alain.g a écrit :
L'essentiel de l'argumentation que j'ai fournie et qui provient d'un ouvrage de 1722 de Jacques Fontaine français vivant en Angleterre, concerne l'existence outre-manche d'un important groupe intermédiaire qui rassemble, en dessous de la haute noblesse des pairs, petits nobles et bourgeois dans la "Gentry", nobilitas minor.
Merci pour la source, l'ouvrage doit être très intéressant et la date explique aussi le "décalage". Monsieur Fontaine vit en Angleterre mais en observateur, il vit donc "à l'anglaise" : c'est très différent. C'est un continental qui soudain se trouve dans un monde insulaire. Cet homme a le ressenti et les expressions d'un continental pour traduire ce qu'il observe. Le mot "gentry" va vite dériver de son sens initial.
En France, notre noblesse provinciale a aussi sa "gentry" loin des ors de Versailles. Le problème est que l'on se focalise toujours sur les mêmes noms et Versailles, ce qui -au final- est représentatif certes mais caricatural. Toutes les familles n'ont pas vocation à espérer Versailles et d'autres sont suffisamment occupées sur leurs terres pour avoir le temps de "paraitre". En ceci deux films sont intéressants : "Que la fête commence" et "Ridicule", on peut voir le décalage de certains nobles de province. On peut aussi noter que l'humanisme est loin d'être l'apanage de la capitale ou des cercles "éclairés" qui ne trempent pas la chemise mais refont le monde à peu de frais mais "bons mots".
Cette époque anglaise est charnière. Le système de Cour n'existe pas. Les Hanovre sont arrivés avec leur train et leur manière de vivre à "l'allemande". On peut noter les caricatures dans la presse. Il n'est pas "de bon ton" d'éviter "ces pourceaux" (dixit la presse et ses dessins) mais on évite tout simplement. La grandeur ne se mesure pas à la même aulne qu'en France. Les Grands ont suffisamment à optimiser leurs terres et parallèlement les hôtels londoniens servent pour les réceptions mais aussi pour un travail parallèle qui consiste via ou non intermédiaires, à 'investir dans des affaires, des concepts, partout où il faut une mise de base. Ceci est souvent initié par une bourgeoisie active et créative. Si ceci n'est pas évoqué, c'est simplement le "savoir-vivre". Les personnes se recevant évite d'intégrer à leur conversation le fameux "PAR" (politique, argent, religion). D'autre part, la participation à la vie "politique" est incontournable et un brassage est fait depuis bien longtemps tant dans les idées que dans les personnes. On peut être "nanti" et libéral. Le "libéral" anglais n'a rien à voir avec le "libéral" français idem pour ce que l'on nomme "conservateur" et j'aurai tendance aussi à penser de même pour la "bourgeoisie" qui chez nous a des relents "péjoratifs". Nous ne sommes pas sur le même mode. Nous nous essayons à faire des C/C de mots qui n'ont nullement le même fond mais un peu la même forme et comme le Français fait de la forme le plus important. Initier sur un forum anglo-saxon ce sujet aurait été plus intéressant mais je crains que ceci n'eut pas été compris.
Il faut déjà accepter des différences. Nous vivons encore sous les grands idéaux de "89" lorsque ceci arrange. Outre Manche on est pragmatique. L'Histoire est autre. Les fins de Maisons n'ont pas été ressenties comme des deuils affreux, on passe la main et puis voilà. Le "fluctuat nec mergitur" n'est pas même imaginé. C'est "nec mergitur" et il est fait ce qu'il faut pour cela. A tous les niveaux la différence n'est pas descriptible. Nous nous ébahissons avec notre siècle des Lumières où toutes semblent s'être allumées dans un même temps. Outre Manche, on ne fait pas un flan d'une trouvaille : on l'essaie et si elle bonne on l'adopte. En France on pérore, c'est notre luxe. On pérore sur les Lumières. On pérore sur les inventions sans pousser plus avant etc. Le rapport à l'argent est malsain. Le bourgeois va vite imiter le Grand et à défaut de particule faire savoir que l'on vit de "ses rentes", étaler outrageusement dans sa mise le fait qu'il y "en a", il n'entre pas dans les us d'échanger sur la façon ou l'origine de cette fortune car bien souvent elle est le fruit du travail des autres. Mais qu'importe, l'Eglise cautionne -et pour cause, elle vit ainsi-. Les Grands sont à ce moment un monde de fin de race. Ils n'ont pas fait leur devoir, c'est à dire à défaut d'être les locomotives d'un pays, aider. Non au final on se plie de bonne grâce à l'absolutisme du moment qu'il jette quelques miettes. C'est bien car si le tout foire, c'est le fruit d'un. On saura reproduire le schéma. Qui croit encore que le roi l'est de "droit divin" ? Personne mais ceci arrange. Les Français sont forts pour "les arrangements" à qui ils donnent des noms plus ronflants. Outre Manche, le dernier à avoir voulu donner dans l'absolutisme est le beau-frère de Louis XIII, il y a laissé sa tête. Là encore, sur les forums d'histoire ce n'est pas même un sujet de débat ou si peu. En France, on coupe la tête royale et ensuite on culpabilise parce-qu'au final, comme d'hab', c'était pas la bonne tête à faire tomber mais la bonne tête en ayant eu sous le pied, tout le monde s'est incliné "de bonne grâce devant tant de grâces" etc.
Outre Manche on garde de "vieilles traditions" mais avec le recul nécessaire. Des mots comme "liberté" ou "tolérance", on n'en fait pas des traités et des contre-traités ; ceci est ou pas en privé. Chaque Anglais cache en lui un profond démocrate mais il est des moments graves ou l'individualisme se doit d'être oublié sans pour autant "panurger". Si l'individualisme est mis de côté -ce qui a un prix énorme- il faut que ceci en vaille la peine et au diable la forme dans ces moments. Pour ceci, il y a l'humour et l'autodérision, grands dérivatifs.
Cet ouvrage est vraiment une référence, non pour ce qui est "démontré" mais justement pour ce qui peut être lu entre les lignes sachant que l'on reste imprégné de ses racines, de sa culture, de sa religion, de son milieu, d'un mode de pensée.