Cela signifie "laissera". D'ailleurs, c'est "laissera" qui a été imprimé dans l'édition de 1837 de Michaud et Poujoulat. Mais l'édition de 1929, ayant été faite avec beaucoup de soins, je pense que c'est "lairra" qui a été écrit dans le manuscrit original.
La citation fait partie d'un discours, probablement rédigé par Richelieu et lu par lui au Conseil du roi le 13 janvier 1629. Nous disposons en fait de trois versions de ce texte célèbre : publié sous le titre
"Advis donné au Roi après la prise de La Rochelle pour le bien de ses affaires" ; sous la forme d'un récit intitulé
"Histoire à commencer du jour de la prise de La Rochelle" ; et dans le manuscrit des
"Mémoires".
Concernant les "Mémoires" de Richelieu, elles sont authentiques à 80-90%. Des historiens (Hanotaux, Bertrand, Lavollée) ont consacré plusieurs années de recherche à cette question de l'authenticité des "Mémoires". Le dernier en date à s'y être intéressé sérieusement est Christian Jouhaud, dont sa conclusion fut publiée dans l'article
Les Mémoires de Richelieu : une logique manufacturière dans la revue
Mots, septembre 1992, n°32, pages 81 à 93, et est consultable sur internet
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _32_1_1719 :
Citer :
"Il parait certain que Richelieu avait fait travailler ses secrétaires et certains de ses collaborateurs à la préparation d'une "histoire" de son ministère. [... Il] a laissé des Mémoires ou plutôt de gros manuscrits publiés sous ce titre au 19e siècle. [...] L'ensemble des manuscrits mobilisés pour la production des Mémoires représente environ quarante mille pages. Plusieurs mains sont intervenues : pour corriger, pour raturer, pour rajoutrer [sic], pour amender ou clarifier les corrections et pour copier. [...] Mais toutes ces mains ne font qu'un petit nombre d'hommes : une dizaine, une douzaine peut-être. [...] A chaque fois, on débouche sur le même constat de la certitude de la présence du Cardinal --à un moment ou à un autre-- et, en même temps, de l'impossibilité de fixer et de saisir cette présence. [...] De très nombreuses pages d'archives du Cardinal [sont des] lettres reçues ou des pièces de politique courante retravaillées [...] par épuration, condensation, clarification [...] polissage [... Le] texte [d'une lettre ou d'un discours] a donc été mis au passé et au style indirect. [...] Cette production a commencé du vivant du Cardinal et s'est probablement poursuivie après, sans qu'il soit d'ailleurs possible de dire à quel moment elle s'est vraiment achevée."
Le débat sur l'authenticité des Mémoires est maintenant "obsolète" selon Mme Françoise Hildescheimer, qui est la spécialiste française actuelle officielle de Richelieu. Elle fait une synthèse de ce débat aux pages 508 à 516 de sa biographie de Richelieu parue chez Flammarion en 2004 (ISBN 9-782082-102902). Je résume sa synthèse :
En 1823, Petitot publie les Mémoires et affirme qu'elles sont de Richelieu. En 1837, Michaud et Poujoulat font de même. En 1851, Léopold Ranke conclut à l'authenticité. Mais Sainte-Beuve exprime des doutes dans ses
Causeries du lundi. En 1858 et 1859, Avenel publie quatre articles dans
Le Journal des savants qui se terminent par
"En un mot, les Mémoires de Richelieu ont été composés de son vivant, dans son cabinet, par des gens à lui, avec des matériaux qu'il avait préparés pour cet usage". En 1880, Gabriel Hanotaux soutient Avenel. Mais en 1921 Louis Batiffol conteste en déclarant que Richelieu est
"étranger à la rédaction de ses prétendus Mémoires", qu'il s'agit d'une histoire commandée par la duchesse d'Aiguillon. En 1922, Robert Lavollée étudie les écritures et pense que Achille Harlay de Sancy a travaillé du vivant et sous la direction effective de Richelieu. En 1922 aussi, Pierre Bertrand, suite à l'examen des encres et des papiers, affirme que le manuscrit concernant la période de 1624 à 1630 a été écrit sous la direction de Charpentier avant la mort de Richelieu et sans intervention de Sancy. Maximin Deloche, en se basant sur le contenu du texte, pense que la partie 1600-1623 est
"absolument authentique".
Vous trouverez aussi des citations dans un autre livre attribué à Richelieu, intitulé
"Maximes d'Etat ou Testament politique", dont l'authenticité a aussi été contesté, mais que Madame Hildescheimer considère comme globalement authentique.