Sujet récupéré après le crash de Pâques.
Ces sont les mots qu'utilise le fameux professeur de philosophie politique,Louis Sala-Molins,pour décrire le Code Noir.
Moi,j'ai lit quelques parts de ce texte et je suis en quelque sort "effrayé" de la brutalité de ce recueil d'articles Rolling Eyes
Comment a t il été effectif d'écrire et d'imposer un si brutal réglement?
Bien sur,c'etait l'époque d'absolutisme,Louis XIV était le monarque absolu,mais l'eglise,les cardinales,les hommes d'eglise n'ont étaient opposés contre le Code Noir?C'est le texte juridique le plus antidémocratique::
Kavala, votre indignation est légitime, mais on ne peut pas juger avec notre regard de personnes du XX° ou même du XXI° siècle un texte datant de Louis XIV et qui à l'époque ne choquait personne.
Bartolomeo de las Casas a été une exception, plusieurs siècles auparavant.
Louis le Grand a écrit :
Ces sont les mots qu'utilise le fameux professeur de philosophie politique,Louis Sala-Molins,pour décrire le Code Noir.
Moi,j'ai lit quelques parts de ce texte et je suis en quelque sort "effrayé" de la brutalité de ce recueil d'articles Rolling Eyes
Comment a t il été effectif d'écrire et d'imposer un si brutal réglement?
Bien sur,c'etait l'époque d'absolutisme,Louis XIV était le monarque absolu,mais l'eglise,les cardinales,les hommes d'eglise n'ont étaient opposés contre le Code Noir?C'est le texte juridique le plus antidémocratique::
Mouais, je connais pas ce fameux Louis Sala-Molins, mais si vous êtes effrayés par la brutalité des articles, il vous en faut peu...Les peines n'ont rien de spécial, les chatiments corporels (mutilations, marquages, mort) étaient à la base du système pénal de l'époque. Dans le Code Noir elle ne sont pas plus lourde que ce qui se faisait en métropole. Je pense même que le régime était moins dur que celui qui s'appliquait aux galériens (l'ancêtre des prisons francaise).
Lorsque le Code Noir a été édicté l'esclavage existait déja depuis longtemps dans les colonies et il a eu pour objet de réglementer cette situation (et dans un sens plutot favorable aux esclaves). C'est la effectivement une manifestation de l'absolutisme, et plus largement une affirmation de la puissance de l'Etat dans le sens où peu à peu le pouvoir central réglemente de plus en plus les secteurs de l'activité humaine. Ainsi le Code Noir s'inscrit dans l'ensemble des ordonnances de Colbert qui réglementeront le commerce et l'industrie notamment. Cependant le Code Noir changera en fait peu de chose à la situation des esclaves dans les colonies.
La "monstuosité juridique" de ce texte en reprennant les mots de votre professeur vient peut être de la tentative de faire rentrer cette institution, l'esclavage, qui avait disparu depuis très longtemps, dans le système juridique français. Ainsi on classera l'esclave dans la catégorié juridique des biens meuble qui s'y prète asser peu (avec néanmoins un statut lui assurant une certaine protection). En fait ce qui peut choquer est peut être ce mélange de terme juridique moderne pour réglementer une institution archaïque.
Citer :
Kavala, votre indignation est légitime, mais on ne peut pas juger avec notre regard de personnes du XX° ou même du XXI° siècle un texte datant de Louis XIV et qui à l'époque ne choquait personne.
Bartolomeo de las Casas a été une exception, plusieurs siècles auparavant.
Ce texte n'avait rien de particulier pour choquer les consciences de l'époque mais l'existence de l'esclavage n'est jamais allé de soi dans l'Europe chrétienne. Son autorisation même limité aux colonies a toujours fait l'objet de contestations, souvent d'inspiration religieuse.
Ce texte est disponible sur la
Wikisource.
Avant de le commenter, il convient de le lire.
Le préambule marque bien la volonté de prendre "soin" des esclaves et de montrer sa puissance par Louis XIV.
Louis XIV a écrit :
Comme nous devons également nos soins à tous les peuples que la divine providence a mis sous notre obéissance, nous avons bien voulu faire examiner en notre présence les mémoires (...), par lesquels ayant été informés du besoin qu’ils ont de notre autorité et de notre justice pour y maintenir la discipline de l’église catholique, apostolique et romaine, pour y régler ce qui concerne l’état et la qualité des esclaves (...), et désirant y pourvoir et leur faire connaître qu'encore qu'ils habitent des climats infiniment éloignés de notre séjour ordinaire, nous leur sommes toujours présent(...)
I. ReligionLes articles 1er à 7 imposent la religion catholique dans les colonies : les esclaves sont convertis (de force ?) - rappelons qu'à l'époque, c'est un bien qu'on leur fait - les juifs sont expulsés, les protestants voient leurs droits réduits.
II. MariageLes articles 8 à 14 réglementent le mariage. Le concubinage des hommes libres et des esclaves est interdit : si un maître a des enfants d'une esclave, il doit l'épouser ou payer une amende et l'esclave et ses enfants sont confisqués. Le mariage entre esclaves requiert le consentement des maîtres. Les esclaves baptisés doivent être enterrés en terre sainte.
III. Interdictions de l'esclaveLes articles 15 à 21 interdisent certaines pratiques aux esclaves. Ces articles sont fort intéressants : ne reflètent-ils pas ce qui se passait dans les colonies ? Ainsi, les esclaves n'ont pas le droit d'être armés (!) ni de tenir des assemblées, ni de vendre pour leur propre compte. C'est le maître qui est responsable en cas de manquement.
Veut-on empêcher ainsi la formation de milices privées sur le modèle des mamelouks ? Voire celle d'une société parallèle qui finirait par menacer le pouvoir - les maîtres étant extrêmement minoritaires par rapport aux esclaves ?
IV. Obligations du maîtreLes articles 22 à 27 définissent les obligations du maître : nourrir et vêtir les esclaves, même les vieux, les infirmes et les malades.
L'article 24 est intéressant : il interdit au maître de se décharger de ses obligations en permettant aux esclaves de travailler pour leur compte, un jour de la semaine.
Veut-on ainsi empêcher le passage de l'esclavage au servage ?
L'article 26 donne aux esclaves le droit de porter plainte contre des traitements barbares et inhumains de la part de leur maître.
V. Capacités de l'esclaveCurieusement, ces capacités arrivent bien tard dans le texte : articles 28 à 31. Il est à remarquer qu'on attend toujours la définition du statut de l'esclave (il faudra attendre l'article 44). Les esclaves ne peuvent ni contracter, ni ester en justice, ni témoigner. Dans un procès (y compris s'ils sont victimes de traitements inhumains), il ne peuvent que remettre un mémoire au procureur général. L'esclave ne peut exercer aucune charge.
La question qu'on se pose immédiatement : qu'en était-il avant le Code ? Certains esclaves exerçaient-ils des professions particulières ou étaient-ils employés dans l'administration des colonies ?
VI. Peines s'appliquant à l'esclaveCette partie (articles 32 à 43) est un inventaire des peines qui s'appliquent à l'esclave en fonction de ses divers délits et crimes. Il faudrait voir quelles étaient les peines en vigueur à l'époque en France pour juger de la sévérité : mort, flagellation, amputation en cas de fuite.
Il est intéressant de remarquer que c'est le pouvoir judiciaire qui exécute la sentence, et non le maître. Celui-ci peut seulement le faire battre de verges ou de cordes (moins agressif que le fouet peut-être ?). L'exercice de la torture est formellement interdit au maître, de même que le meurtre de l'esclave (passible de poursuite criminelle).
On devine ici les pratiques. Il semble que les moyens alloués à ce texte n'étaient pas suffisants pour faire respecter cette partie...
VII. Statut de l'esclave en cas de changement de propriétéC'est finalement uniquement dans cette partie (44 à 54) que ce statut d'"être meuble" est finalement défini. On voit qu'il n'intervient que lorsqu'il s'agit de partager la propriété à la suite d'un héritage, d'un mariage (douaire), de l'exercice de droits féodaux ou de saisie.
L'article 47 limite la dispersion de la propriété : les esclaves mariés et les enfants impubères ne peuvent être séparés.
VIII. AffranchissementLes mesures d'affranchissement sont décrites (55 à 59) : un affranchi jouit des mêmes droits et devoirs qu'un homme libre. Une exception toutefois : les injures aux anciens maîtres doivent être punies sévèrement. Certains ont dû être tentés de se venger ou simplement d'aller faire la nique à leurs anciens propriétaires.
Finalement, dans l'article 60, Louis s'octroie les amendes provenant de l'application de ce texte.
IX. Mon avis : canaliser l'évolution des sociétés esclagistes ?Voilà, finalement, on peut se demander quels sont les buts fixés par ce texte. Il ne me semble pas particulièrement barbare au vu des pratiques qui avaient cours à l'époque, en Europe et ailleurs (voir l'esclavage pratiqué dans le monde musulman).
Mon impression est que ce texte entend lutter contre une certaine évolution de la société des colonies. Ce genre de société est évidemment effroyablement instable, puisqu'à la limite, quelques dizaines de maîtres cohabitent avec des milliers d'esclaves.
Une évolution possible de ce genre de société la rapproche d'un modèle "féodal", ou plutôt "lacédémonien" : les esclaves s'organisent en société parallèle, font du commerce, voire exercent des charges. Là-dessus, les maîtres vivent en parasite, sans rien apporter. Leur pouvoir ne tient que de la terreur qu'ils inspirent et de leur droit de vie et de mort sur les esclaves (on a évoqué sur ce forum la crypsie, les massacres réguliers que perpétraient les Spartiates sur les Hilotes).
Peut-être également, mais cela me semble moins claire, veut-on éviter une évolution à la mamelouk, où les esclaves, en intégrant massivement l'administration, l'armée et la police, ont fini par prendre le pouvoir.
Avec ce texte, l'organisation est définie : les maîtres doivent organiser le travail des esclaves, et sont responsables des actes de ceux-ci. Pas de parasitisme. Au-dessus de tous, le Roi et sa justice veillent, prêts à punir ceux qui outrepassent leurs droits et manquent à leurs devoirs.
Il serait intéressant de voir à quelle "certaine science" fait allusion le roi dans le préambule.
Partagez-vous mon avis ?
Nebuchadnezar a écrit :
Il serait intéressant de voir à quelle "certaine science" fait allusion le roi dans le préambule.
Pendant de longs siècles, science et connaissance sont de très proches synonymes.
Il faut convenir que ce Code Noir est monstrueux au regard des critères de notre société et encore, il y a eu plusieurs génocides ces 20 dernières années. Mais, l'historien devrait essayer de regarder la société à travers le regard des gens de l'époque. Dans ces conditions, ainsi que l'ont soulignés plusieurs intervenants, ce code a représenté un progrès dans les conditions de vie de pas mal d'esclaves. Progrès minime, d'accord; mais progrès tout de même. Avant de s'en servir pour jeter l'opprobre sur des périodes passées de notre histoire, il conviendrait de réfléchir à la perception que pourraient avoir les générations futures à la lecture de certaines de nos règlementations ...
Le Code Noir a été écrit pour combler un vide juridique et pour institutionnaliser l'esclavage.
Aussi monstrueux soit-il, ce texte détaillait les peines qui devaient être infligées aux esclaves. Avant le maître pouvait faire ce que bon lui semblait. Mais même avec la mise en vigueur de ce code et toutes les ordonnances qui ont suivis, le code Noir n'a pratiquement jamais été utilisé dans les colonies françaises.
Ce code n'a en fait permis qu'une seule chose : du point de vue du droit commercial, en devenant des biens meubles, les esclaves pouvaient alors être assurés en toute légalité comme n'importe quelle marchandise qui faisait l'objet d'une traversée de l'Atlantique.
Quant à Louis Sala Morin, c'est un individu qui a une vision extrême et qui tient des propos extrêmes.