Je viens de lire le passage de Le Roy Ladurie, dans son volume de
l'Histoire de France de chez Hachette, qui s'intitule
L'Ancien Régime (1610-1770) (le volume
L'État royal est celui qui le précède).
Comme j'ai eu la chance de le lire dans une bibliothèque, j'ai lu ça dans la version "prestige" illustrée... Et c'est aux pages 165-166. Le passage est très court, relativement pauvre en sources citées (une seule: les souvenirs du notaire nîmois Borrelly) et est plus grandiloquent que réellement convaincant pour qui veut réfléchir réellement à l'état de l'"opinion" en 1685.
Emmanuel Le Roy Ladurie, dans L'Ancien Régime (1610-1770), p.165-166 a écrit :
Soudés de la sorte, l'un et l'autre [ie l'Église et la monarchie] sont assez dissuasifs ou persuasifs pour faire accepter aux sujets, presque tous fidèles de l'Église établie, une éthique de soumission et de discipline qu'Henri III et même Louis XIII, en un pays encore divisé par les questions de foi, eussent été incapables, eux d'obtenir. A défaut d'être génératrice de prospérité, la Révocation produit un consensus dont ne s'excluent ipso facto que les minorités hétérodoxes. Leur malheur sert de repoussoir et fonctionne, au profit du régime, comme facteur d'intégration religieuse ou nationale pour une vaste majorité qui n'est pas toujours silencieuse.
Les évêques et curés en sont d'autant plus motivés pour prêcher à leur paroisse la concorde sociale et même patriotique, du fait même qu'ils apprécient le zèle religieux du monarque.
Le Roy Ladurie nous donne là une leçon magistrale de science historique, ce serait dommage de la rater. Sans citer de source provenant de l'homélitique catholique, ni même citer d'article sur le sujet (ce qui serait compréhensible dans une si vaste synthèse), il nous brosse un portrait parfaitement monolithique de l'attitude des curés et de la réception de leurs discours chez leurs ouailles. Heureusement précise-t-il à un moment "une vaste majorité qui n'est pas toujours silencieuse". Mais là non plus, pas de source citée.
Pourtant, en bibliographie (p.453), il cite (et donc est censé avoir lu) Élisabeth Labrousse (qu'il ne présente cependant que comme l'auteur d'une synthèse sur la période de l'édit, alors même que sa production historiographique est immense).
Bref, je comprends maintenant pourquoi vous pensez cela, Enki-Ea, mais je ne suis toujours pas convaincu, et je préfère m'en remettre aux travaux, dûment dotés d'appareils critiques vérifiables, d'auteurs comme Élisabeth Labrousse ou, plus récemment, Hubert Bost, Yves Krumenacker, Didier Boisson, etc.