Salut !
Sans vouloir contester la naissance de l'égyptologie, ce n'est certainement pas en pensant aux merveilles de l'antique civilisation que fut décidé la campagne d'Égypte (si ce n'est peut être dans l'esprit de quelques rêveurs pour ramener l'or des pharaons pour financer l'effort de guerre).
A vouloir comprendre un évènement historique, il est impératif de prendre en compte les motivations des contemporains de l'évènement:
En premier lieu, le risque potentiel représenté, pour le pouvoir en place à Paris, par la prestige du populaire conquérant de l'Italie, est certainement l'élément fondamental de cette entreprise hasardeuse.
Bonaparte lui même, voyant son étoile décliner dans son inaction métropolitaine, et comprenant que ses succès mêmes dissuadent les dirigeants français de lui confier un commandement important sur le continent, aspire à une aventure étrangère.
A ses yeux comme dans ce de bien des européens de l'époque, l'orient ottoman est toujours synonyme de richesse (on l'imagine aussi lucratif que les Indes britanniques) et d'exotisme, de conquête facile (l'empire turc est déjà considéré comme l'"homme malade de l'Europe") et d'aventure (les vieux mythes, croisades, anabase et autres, imprègnent encore fortement la conscience occidentale).
Bonaparte pense pouvoir acquérir aisément, plus encore qu'en Italie, gloire et fortune en orient (l'étude de sa correspondance et les témoignages de son entourage dévoilent qu'il envisage sérieusement à cette date, au moins de se tailler un sorte de large "royaume" en orient en cas d'"échec partiel", au mieux de rentrer sous les lauriers pour "reprendre la France en main" en cas de réussite totale).
Dans le cadre de la lutte contre l'Angleterre (et il convient certes d'entreprendre quelque chose contre elle), une expédition en Égypte peut sembler intéressante d'un point de vue stratégique. Que ce soit en tant qu'opération de diversion (et ce même en cas d'échec) ou comme une réelle poussée stratégique pour menacer l'Inde.
Les Français en avaient été chassés moins d'un siècle plus tôt par les Anglais. La France y avait pourtant établi rapidement, facilement et à peu de frais, une position dominante à la fin du XVIIème siècle. Alors, rééditer la chose peut encore passer comme faisable dans les yeux de certains.
Du point de vu maritime, les Anglais ne jouissent pas encore en méditerranée l'hégémonie qu'on leur connaîtra bientôt, et qui résultera en grande partie des conséquences prochaines de la campagne d'Égypte.
On pense donc pouvoir, en pratiquant une navigation de cabotage, contester leur suprématie navale et entrainer une part significative de la Royal Navy à la suite de l'expédition.
En effet les amiraux français, se sachant en très nette infériorité dans l'Atlantique et partout sur la défensive du fait du blocus, espèrent attirer et si possible détruire une escadre britannique localement à leur mesure (le blocus imposant de maintenir une bonne part des bâtiments britanniques affectés à son application) dans l'opération.
L'idée en fait est d'obtenir le contraire du résultat d'Aboukir et de réduire significativement la supériorité numérique anglaise sur les mers, à commencer en méditerranée où le blocus se retrouverait compromis.
C'était sans doute présumer des capacités de la marine française comme de l'impéritie des Anglais. C'est surtout sous estimer les conséquences géopolitiques de l'aventure (et en premier lieu des inquiétudes de la Russie et de la consolidation de la combativité des Britanniques face à cette menace puissante sur leurs possessions dans le sous continent).
Mais qui sait ?... Sans le désastre d'Aboukir...
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