Je prends le train en marche car ce sujet me tient à cœur.
J'ai acté des circonstances du choix du mot "génocide" et je rejoins Dampierre en ceci qu'il a été taillé une côte sur mesure, à ce moment en effet certains étaient des "Alliés".
Le procès de Carrier est intéressant à lire : déni, absence de mémoire, rejet des responsabilités, contexte invoqué enfin tout l'arsenal de défenses, arsenal qui ne varie manifestement pas dans le temps.
Dans le procès de Carrier :
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Pdt : il est bon que le public connaisse les maximes de Hérault de Séchelles ….
"Quand un représentant est en mission et qu'il frappe, il doit frapper de grands coups et laisser toute la responsabilité aux exécuteurs ; il ne doit jamais se compromettre par des mandats écrits."Carrier : en supposant que le représentant Hérault ait professé ces maximes, qu'il me les ait écrites, que pourrais-je en conclure ? Il serait de toute justice de supposer que ces principes étaient les miens, que je les aie adoptés et que j'en ai fait la règle de ma conduite."
Les mots de Séchelles montrent une connaissance de ce qui peut être fait de pire et une latitude, le tout étant de se trouver des fusibles.
Il est conscient que cette répression est plus que "sale", incontrôlée, incontrôlable sinon il emploierait les termes convenables voire convenus. Mais il donne un conseil assez "universel" : pas d'écrits donc pas de traces et si l'on remonte, s'arranger pour mettre entre soi et les actes suffisamment de fusibles, inconscients alors du rôle qui deviendra le leur. Que des paroles qui peuvent être comprises de différentes manières selon qui les reçoit. Ensuite le temps, il faut -de par le contexte- que la question soit réglée au plus vite, ceci n'a que trop duré. Ce rappel du temps, cette absence de "compte rendu" est autant de "couverture" et pourtant Carrier fera encore demande, c'est dire si il savait que les bornes étaient largement franchies.
D'un ordre donné à un représentant et à un général, cet ordre va être décliné jusqu'au soldat et bien sûr, là le pire est à attendre.
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Pdt : voici une lettre que vous adressez au gal Dufour : "Continue camarade de servir la République et d'exécuter les ordres que je te donnerai. Qui peut être à l'abri des délations dans les circonstances où nous nous trouvons ? Je te rendrai justice ; brûle, brûle toujours mais sauve les grains, denrées et fourrages, n'en laisse point dans la Vendée ; c'est Carrier qui te le recommande ! Carrier : j'avais reçu les ordres les plus positifs de la Convention ; on m'avait même envoyé des matières inflammables pour consumer les repaires des brigands …"
Que peut comprendre Dufour en tant que soldat ? On lui énonce que la République est en danger, il connait, il a déjà servi, il sait donc qu'il n'y a pas de "quartier" à faire face à l'ennemi, le contre-révolutionnaire. Que ce soit au Nord, sur le Rhin, quelle est la différence ?
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Carrier : dans la Vendée il ne restait que des brigands ; d'ailleurs tous ces mouvements ne se sont pas faits de mon temps, et c'est au gal Tureau qu'il faut en demander compte"
On peut déjà comprendre que Carrier est un homme qui trouve banal d'être "sanguinaire". Il apparaît que les denrées sont à saisir avec ce que ceci implique : la population ne peut plus s'approvisionner et à plus ou moins long terme risque de mourir de faim ou de devenir plus "enragée" encore (on le lit chez Lequenio). Est-ce un problème ? Non. Le problème est qu'en Vendée, il y a trop de "Vendéens" et il est même envisagé un repeuplement avec des colons bien républicains. Rêves de Carrier qui va jusqu'à comptabiliser les habitants à la lieue carrée ? Plan d'un esprit qui obéit aux ordres et, par analogie avec Lyon anticipe, souhaite faire du zèle, incarne le pouvoir en Province etc. ? Ce style de compréhension et d'application d'une politique a déjà été vu. Jusqu'à la bêtise on continuera dans d'autres conflits à faire le choix d'obliger la mission qui a été confiée quitte à négliger des priorités. Là nous sommes dans la banalisation depuis déjà un certain temps (Arendt démontre ceci, bien souvent fruit d'esprits médiocres mais est-ce pour autant irresponsable ?). Est-ce que parce-que la République est "jeune", qu'il existe un mouvement "contre-révolutionnaire" (pourquoi pas "résistant") que les notions de bien et mal doivent être abrogées dans les esprits ?
"Vendéens", "Brigands", les deux mots sont souvent employés avec la notion que ceci apporte à qui entend : des contre-révolutionnaires qui font sécession car royalistes et aidés des Anglais, des assassins qui par leur obscurantisme se conduisent en barbares, se marginalise du magnifique mouvement en marche, risquent d'entreprendre d'autres esprits obscurs qui ne sont pas l'image de la Révolution ?
C'est déjà une forme de propagande car à force d'entendre ceci, tout vendéen est un brigand potentiel et le temps faisant armes ou non à la main, il doit être rendu "inopérant de manière définitive", sachant que les enfants sont les fruits de leurs parents, il faut donc éliminer dès les racines et avant, ce qui inclut non seulement les enfants mais les femmes dont les ventres seront des niches à contre-révolutionnaires. Il n'existe pas beaucoup de manière pour que ce travail soit fait de façon expéditive et définitive. De plus, c'est un acte "gratifiant" car vu comme "patriotique".
Quels que soient les temps on retrouve ainsi des appellations accolées à un groupe de personnes.
D'après Carrier, il semble donc que la Convention, à ce moment, ne pose pas trop de limites. Pour le reste s'adresser à Turreau.
La vision de Tureau est celle d'un soldat. Il n'entend pas les choses comme Carrier et le démontre. Il y a donc ceux qui tuent pour "révolutionner" et ceux qui massacrent parce-que c'est "militaire" et qu'un ordre est un ordre même s'il n'est pas écrit...
"Je n'ai rien de commun avec Carrier, aucune correspondance avec lui ; pendant sa mission à Nantes, je regardais Carrier comme chargé de révolutionner, comme quelqu'un auquel les détails de la guerre étaient absolument étrangers
Pdt : avez-vous reçu des ordres du gal Haxo ?
Tureau : jamais Haxo ne m'a communiqué des ordres de Carrier. Lorsque les 12 colonnes s'ébranlèrent dans la Vendée, Carrier était à encore à Nantes."
Tureau devance les ordres pour ce qui est de brûler mais attend un écrit pour ce qui tient du pire. C'est dire que l'homme est conscient que ce qui est fait et ce qui va être fait tient du "jamais vu" puisque même dans le contexte du moment, il souhaite être "couvert" :
« … vous devez également vous prononcer sur le sort des femmes et des enfants … sans un arrêt qui mette à couvert ma responsabilité … je suis fâché que les mouvements de troupes que le citoyen Carrier a ordonné aient retardé ma promenade militaire … Daignez citoyens Représentants me répondre d'une manière précise sans quoi je serai obligé d'attendre pour agir les ordres du Comité de Salut public ... J'ai eu besoin de démentir les mensonges imprudents de ceux qui ont prétendu et osé dire à la barre de la Convention nationale que la Vendée était entièrement détruite."
C'est dire aussi, qu'à un moment où il ne fait pas bon "truquer" les informations, certains l'ont fait. Pourquoi ? Par écoeurement de ce qu'ils ont vu ? Par honte ? Par peur ? Par impossibilité à formuler l'informulable ?
On peut ainsi décortiquer ce moment de notre Histoire, l'assimiler à d'autres -pour une fois s'affranchir du fameux " anachronisme"-, ne pas trouver le mot "génocide" approprié... Ce n'est donc pas un "génocide", optons alors pour "massacre de masse". Mais là encore, il sera objecté que l'on ignore à quel nombre on peut employé le mot "masse"...
Nous risquons d'arriver au "Stratagème VIII soit fâcher l’adversaire :provoquez la colère de votre adversaire. La colère voile le jugement et il perdra de vue où sont ses intérêts. Il est possible de provoquer la colère de l’adversaire en étant injuste envers lui à plusieurs reprises, ou par des chicanes, et en étant généralement insolent. Ce qui amènera le stratagème XXX soit l'argument d'autorité.
Citer :
C'est énorme, mais il y a d'autres massacres de même ampleur à porter au discrédit d'autres armées..
C'est exact en amont comme en aval. Le sujet est "Autour de la Vendée".
A la question : Sont-ils tous morts "les brigands" de Vendée ? Non et sont-ils tous morts les Arméniens ? Le Haut Palatinat a-t-il été vidé de ses habitants ?
S'il fallait que "tous" soient exterminés pour se sentir obligé de trouver le mot "génocide", je pense que l'être humain s'en serait passé faute de témoins pour raconter.