Pierma a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
Pierma a écrit :
Pour revenir au sujet, il est malheureux que la légende d'un supposé "génocide vendéen" traîne encore dans trop d'esprits.
Pour ma part, j'arrive à peu près bien à supporter ce qui "traîne malheureusement" dans mon esprit...
Mais je ne désespère pas de marcher un jour dans la "bonne" voie.
Là je partage l'étonnement de Jefferson. Je ne sais pas trop ce qu'il faut comprendre.
Drouet Cyril a écrit :
Pour y voir plus clair, je vous invite à aller lire les nombreux posts que j'ai pu écrire dans le présent fil.
hé bien j'ai suivi avec attention tout ce que vous avez posté sur les cruautés vendéennes, et rien ne m'incite à croire que vous partagez la qualification de "génocide". Je suis un peu perplexe, là.
Anecdotique, dans les cruautés en question, je me souviens que vous aviez apporté des témoignages confirmant la pratique (très ponctuelle) du tannage de peaux d'hommes.
Quelques éléments de réponse, page 2 du présent fil.
Drouet Cyril a écrit :
J’ai moi aussi bonne mémoire… Non je n’ai pas changé d’avis : je pense encore et toujours que les crimes commis en Vendée au début de l’année 1794 peuvent être qualifiés de génocide.
Salutations respectueuses.
Et page suivante, l'explication de Drouet Cyril :
Drouet Cyril a écrit :
Bonjour,
Je ne vous cache pas que je ne partage pas l’avis de M. Martin et me perds un peu dans sa manière de tout mélanger.
Voici ce que j’écrivais il y a plus d’un an :
« Constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre des membres de ce groupe, l’un des actes suivants : atteinte volontaire à la vie, atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique… » Art. 211-1 du Code Pénal.
Si comparer les régimes totalitaires du XXe siècle à la 1ère République est un anachronisme dangereux et illusoire, définir les crimes commis en Vendée au début de l’année 1794 à la lumière de l’article susdit (et vers lequel nous renvoie d’ailleurs le Dictionnaire de l’Académie) ne l’est cependant en aucun cas. S’il est, en effet, notoire que le terme génocide est né au XXe, il n’en demeure pas moins vrai que la définition aujourd’hui reconnue ne fait aucune allusion à de quelconques conditions militaro-techno-idéologiques et se place de fait à un niveau universel dépassant largement le siècle passé.
M’appuyant sur l’universalité de la notion en question, je tenterai donc, à défaut de vous convaincre, d’apporter de l’eau au moulin de ce débat dont l’objectif, n’en déplaise à certains, est bien loin d’être vain.
L’élaboration du plan d’extermination de Turreau fut le fruit d’un long processus commencé au lendemain de l’insurrection vendéenne, le 19 mars 1793, jour à partir duquel tout brigand pris les armes à la main devait être passé par les armes dans les vingt-quatre heures.
Ce décret fut suivi par celui du 1er août suivant qui, tout en restant exceptionnel de par sa violence au regard des pratiques de l’époque, n’exigeait cependant en rien ce qui le sera en janvier 1794. Outre la destruction des brigands par le fer ou la faim et la ruine entière du pays, l’article 8 préconisait, en effet, l’évacuation des femmes, des enfants et des vieillards, frange de la population sensée étrangère (du moins directement) à la guerre.
Une telle acceptation fut progressivement combattue. Ainsi Barère affirma le 1er octobre, à la barre de la Convention : « les brigands depuis l’âge de 10 ans jusqu’à 66 sont en réquisition par la proclamation des chefs. Les femmes sont en vedette. La population entière du pays révolté est en rébellion et en armes. »
Faut-il voir ici encore une fois le fruit d’un délire rhétorique ? Il convient tout de même de préciser que cette déclaration n’est pas issue d’une énième diatribe sans conséquence directe mais d’un long rapport du Comité de salut public qui aboutit à une proclamation de la Convention à l’armée de l’Ouest exigeant l’extermination des brigands avant la fin du mois. Si la dite proclamation ne rendait pas caduc le décret du 1er août, il y avait tout de même de quoi trembler…
Pour la raison qu’en Vendée, jusqu’à la bataille de Cholet, la guerre ne laissait que peu de place à la répression, le décret du 1er août ne fut donc que très partiellement appliqué (exécutions sommaires et incendies pratiqués de façon discontinue et dans la continuité de ceux qui marquaient la Vendée depuis le mois juillet).
Au contraire, au cours de la campagne d’Outre Loire, les massacres touchèrent les insurgés sans distinction d’âge ni de sexe. Inspirées par la proclamation du 1er octobre, ces atrocités ne peuvent cependant être associées à la notion de génocide puisque aucun groupe humain n’était alors clairement visé.
Il n’y avait donc pas à cette date de plan génocidaire, seulement des lois d’une rigueur extrême. Ce dernier cependant allait naître, non pas à la Convention nationale ou au Comité de salut public, mais dans l’esprit du général Turreau. Le commandant en chef de l’armée de l’Ouest était loin d’être le seul révolutionnaire désireux d’en finir avec la Vendée par les mesures les plus terribles. Mais lui seul, au sein d’un contexte stratégique favorable, en avait véritablement les moyens : une armée.
Inspiré par les décrets précédemment décrits et par sa propre conception de l’insurrection vendéenne, Turreau lança ses Colonnes infernales avec les instructions suivantes : « Tous les brigands, qui seront pris les armes à la main, ou convaincus de les avoir prises pour se révolter, seront passés au fil de la baïonnette. On en agira de même avec les filles, femmes et enfants, qui seront dans ce cas. Les personnes seulement suspectes ne seront pas plus épargnées ».
Ce plan, contrairement à ceux en vigueur à Lyon ou Toulon, était bien de nature génocidaire puisqu’il ne s’agissait plus de châtier seulement les rebelles mais de détruire tout un groupe humain dont la caractéristique identitaire était d’appartenir au pays connu sous le vocable de Vendée militaire (l’incertitude relative aux frontières de cette zone fut d’ailleurs responsable de l’incendie de bien des villages patriotes). Dans l’esprit de Turreau et de ses sbires, l’immense majorité de la population était en effet coupable sinon suspecte, ainsi, les massacres furent systématiques et n’épargnèrent pas les républicains revenus au pays. On ne traquait plus les insurgés comme pouvaient le stipuler les décrets, la chasse était ouverte à l’habitant, à un groupe humain de nature géographique.
Si la responsabilité du Comité de salut public, de par ses déclarations, sa passivité et son soutien à Turreau (soutien plus ou moins guidé d’ailleurs par l’ignorance) est grande dans la conduite des évènements évoqués, il n’en demeure pas moins vrai qu’il n’a jamais explicitement ordonné de pareils agissements. Mais ce fait n’influence en rien la nature des crimes commis en Vendée. Peu importe l’origine des ordres, qu’ils soient formulés au niveau des autorités supérieures ou bien à des échelons secondaires, seul compte la volonté génocidaire et sa mise en oeuvre. En se référant continuellement à l’absence de preuves formelles dans les tiroirs de Robespierre ou consorts, on en viendrait à oublier l’évidence : les instructions données aux généraux des Colonnes infernales, le 19 janvier 1794 : un plan, un groupe humain désigné…
Salutations respectueuses.
L'intervention date de 13 ans, tout de même. Je n'ai parcouru que les premières pages du fil. Drouet Cyril aura-t-il changé d'avis au cours des années suivantes ? Le suspense reste entier. Plus que 34 pages à lire !