Citer :
Il serait intéressant de disposer d'une exégèse de son adresse, mais on peut émettre l'hypothèse que la question des purs rapports de forces, des alliances et des équilibres en Europe était forcément les préoccupations premières de Talleyrand.
C’est certain, mais à cette date, le déséquilibre (que Talleyrand, fidèle à ses principes, combattit vainement avant Austerlitz dans son mémoire du 17 octobre 1805 où il défendait déjà l’union franco-autrichienne) était déjà patent et Talleyrand n’était plus vraiment en position de force pour empoigner la consultation du mariage pour faire véritablement valoir sa vison de la France au sein de l’Europe.
Pour ce qui est des propos tenus ce jour là, outre les Mémoires de Talleyrand (retranscrits plus haut), on peut se référer à ceux de Pasquier (
Mémoires) :
« On sut aussi que M. de Talleyrand, qui s'était déclaré pour l'Autriche, avait tenu dans cette discussion une place fort importante; la raison de sa décision avait été principalement tirée de la solidité qui se rencontrait ordinairement dans les résolutions et la politique de l'Autriche. « Cette puissance, dit-il, est la seule qui ait en Europe un cabinet dont l'influence survive à la durée de chaque règne, qui soit par conséquent en état de concevoir, d'adopter et de suivre persévéramment un plan de conduite. Par la proposition qu'il fait aujourd'hui, ce cabinet prouve qu'il veut s'associer à la fortune de la dynastie impériale qui règne aujourd'hui sur la France; il reconnaît l'iniquité, la folie du système contraire dans lequel il a marché depuis dix ans et dans lequel il vient de faire son dernier effort. Puisqu'il a pris cette résolution, il y persistera, si elle est accueillie comme elle me parait mériter de l'être, et l'empereur Napoléon léguera à sa descendance tous les avantages de l'union qu'il aura contractée aujourd'hui. Je sais bien qu'on peut me dire que la Russie est dans les mêmes intentions; mais voici la différence dans ce pays tout tient à la volonté d'un homme; il n'y a de politique que la sienne; tout finit avec la durée d'un règne, tout prend sous le règne suivant un aspect nouveau. Je suppose donc que l'empereur Napoléon épouse la grande-duchesse et que nous sommes, au bout d'une année, assemblés dans ce cabinet autour de cette même table; la porte s'ouvre, on annonce l'arrivée d'un courrier, et ce courrier apporte la nouvelle de la mort de l'empereur Alexandre. Avec cette mort, tout a changé de face, plus d'alliance assurée avec la Russie; l'Autriche, la Prusse, l'Angleterre prennent le dessus à Saint-Pétersbourg, et tous les avantages du mariage sont évanouis. Prenons l'hypothèse contraire. L'Empereur a épousé une archiduchesse, et, au bout d'une année, on apprend la mort de l'empereur François; c'est un grand deuil de famille et rien de plus. Les intérêts politiques sont noués de part et d'autre et ne changent pas; le cabinet d'Autriche met à conserver l'alliance autant de soin que le cabinet de France en peut apporter lui-même. Cette considération est si puissante à mes yeux qu'elle ne me permet pas la moindre hésitation dans le conseil que je suis appelé à donner. »A noter que Pasquier n’était pas présent.
Waresquiel dans son
Talleyrand, le prince immobile, écrit ceci :
«
Ses biographes ont beaucoup trop insisté sur le rôle décisif qu’il aurait eu dans la résolution prise par Napoléon de se remarier avec une princesse autrichienne plutôt qu’avec une princesse russe. Dans ses Mémoires, Talleyrand prend bien soin d’insister lourdement sur son rôle au cours du conseil privé du 21 janvier 1810 convoqué par Napoléon afin de prendre les avis des princes (Murat et Eugène), des grands dignitaires du régime et de ses principaux ministres. Il aurait, dit-il, longuement plaidé pour la solidité de l’alliance autrichienne. On ne peut mettre en doute la sincérité ni la pertinence de ses arguments. En opinant pour le mariage autrichien, il est logique avec lui-même. Depuis longtemps, il est le principal avocat du bien-fondé d’un rapprochement avec l’Autriche. A Erfurt, il a tout fait pour torpiller le projet de mariage russe caressé par Napoléon. Mais cela ne l’empêche pas d’avoir délibérément chercher à se donner de l’importance aux yeux de postérité. La version de Cambacérès est certainement plus conforme à la vérité. Le 21 janvier Talleyrand opine pour le mariage autrichien, sans faire plus de commentaires et surtout sans risque. D’une part, il est déjà très bien informé par la femme de Metternich restée à Paris alors que son mari, remplacé par le prince de Schwarzenberg, dirige maintenant le ministère des Affaires étrangères à Vienne, des dispositions favorables de l’Autriche, prête à « livrer » l’archiduchesse Marie-Louise. D’autre part, Napoléon est trop en froid avec lui pour lui avoir demandé de se mettre en première ligne dans cette affaire dont il ne tirera d’ailleurs aucun bénéfice. »
Citer :
l'Autriche, privée à la fois dans ce siècle des Pays-Bas, de la Souabe, de l'Italie, de l'Illyrie, et enfin de la couronne impériale, serait une ennemie à jamais irréconciliable ? Etonnant que ne soit pas envisagée la restitution de certains gages à l'Autriche (l'Illyrie par exemple, voire une partie des territoires héréditaires Habsbourg en échange d'autres compensations pour la Bavière), voire des échanges. Quelques mois plus tard, c'est ce qui sera pourtant envisagé dans le traité secret conclu quelques mois plus tard dans le cadre du mariage avec Marie-Louise.
A quel traité faites-vous référence s’il vous plait ?