Caesar Scipio a écrit :
Qui a délibéré ? En quoi ces registres représentaient-ils vraiment l'opinion générale ?
Qu'ils aient représenté l'opinion de ceux qui s'exprimaient c'est l'évidence. Mais l'opinion de la majorité de la population urbaine c'est déjà très discutable. Quant à l'opinion d'un pays à 75% ou 80% rural, c'est beaucoup plus discutable et encore moins démontrable.
Et des actes. Par exemple, la nouvelle de la prise de la Bastille arrive à Strasbourg entre le 20 et le 21 juillet 1789. Le 21 juillet, il y a une journée d'émeutes spontanées. L'Hôtel de ville est mis à sac. Comme dans de nombreuses villes, les émeutes, dans un premier temps, vont permettre de faire disparaitre en masses pas mal de papiers.
On en possède une certaine iconographie dont voici l'un des exemples :
On sait ce qu'il est arrivé exactement à Strasbourg parce qu'il se trouve qu'un voyageur britannique arrive dans cette ville le 21/07/1789 et qu'il publié ces mémoires sur cette période en 1793.
Citer :
Arthur Young arrive à Strasbourg le 21 juillet 1789, en même temps que les nouvelles des événements révolutionnaires de Paris. Il se rend au Cabinet Littéraire, où il lit les gazettes et discute avec des gens « éclairés ». La Bastille vient d’être prise, une garde bourgeoise vient d’être constituée : la Garde Nationale. L’Assemblée Nationale a apparemment les pleins pouvoirs. Mais Arthur Young, en bon sujet britannique, héritier d’un système parlementaire, se demande alors ce que l’assemblée fera : ou elle copie les Anglais et corrige leur modèle, ou elle se lance dans des constructions utopiques qui déboucheront sur des guerres civiles. Clairvoyance ? N’oublions pas que son ouvrage est publié en 1793, à un moment où la Terreur a commencé. Il peut donc parfaitement avoir fait une prédiction après-coup. On lui pardonnera de bonne grâce.
Pendant son séjour à Strasbourg, il passe place Gutenberg, devant l’Hôtel de Ville, et là, il assiste à un spectacle qui le stupéfait, lui, si respectueux des lois. La foule s’est amassée devant le bâtiment et en a forcé les portes. Le Magistrat qui y siégeait a pu s’échapper par-derrière. À présent, le contenu du bâtiment est déversé par les fenêtres : étagères, canapés, armoires, archives. La garde est là, mais ne peut intervenir. Il y a même des soldats qui participent au pillage. Arthur Young, curieux de voir la suite des événements, s’installe sur un stand au milieu de la place. Il voit un jeune homme s’avancer pour participer au pillage et le tendre à sa mère, lorsqu’il est tué par un objet tombé des fenêtres…
La garde reçoit des renforts. Jusqu’à présent, elle a laissé partir des pillards avec leur butin. Maintenant, on circonscrit la manifestation. On ferme les accès de la place. On garde les hôtels particuliers.
Que cherchait la foule ? À détruire les terriers et archives diverses qui fondaient les droits et privilèges des anciennes élites. Au salon littéraire, Arthur Young avait assisté, par gazettes interposées, à la fin de l’ancien régime politique. À présent, sous ses yeux, c’était l’ancien système social qui s’écroulait… Ici s’arrête le témoignage de notre Anglais. On sait comment cette affaire de pillage s’est terminée. Comme d’habitude, à la fois dans le pittoresque et le tragique.
Des pillards ayant trouvé le chemin du cellier, ils mirent en perce les tonneaux, et chacun tâcha de rentrer chez lui avec un seau ou un tonnelet de vin. On trouva dans la cave des pillards qui, pris par les vapeurs d’alcool, s’étaient noyés dans le liquide. Quant aux autres, ils furent recherchés, dénoncés, punis avec une certaine clémence. Il y eut quand même un pendu, mais c’était un Allemand…
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