Charles Antoine M. a écrit :
3) une rumeur à propos d'une tannerie de peaux humaines au château de Meudon. Ce fait semble discutable, du moins il ne parait pas avéré.
Et c’est peu de le dire...
La rumeur est née fin février 1795 ; de façon nébuleuse dans
La Quotidienne ou Tableau de Paris du 26 février, puis de manière beaucoup plus claire dans le
Journal des Lois de la République des 27 et 28 février, où, outre le fait qu’on racontait que l’on tannait les peaux des guillotinés à Meudon, Barère, Vadier et Saint-Just étaient directement incriminés. Ce dernier jour, l’information était relayée par le
Courrier de l’Egalité et le
Journal de Perlet.
Cette rumeur n’est sans doute pas sortie à cette période pour rien. Le 27 décembre précédent, la Convention avait en effet décrété la nomination d’une commission chargée de présenter un rapport sur les agissements de Billaud-Varenne, Barère, Collot d’Herbois et Vadier durant la Terreur. En ces derniers jours de février, le rapport en question s’apprêtait à être soumis aux députés.
Cette histoire de peaux tannées n’était en soit pas nouvelle puisque depuis décembre Darmaing publiait des pamphlets où Vadier était accusé d’avoir fait tanner la peau de guillotinés afin d’en faire des bottes et des souliers. La localisation des ateliers de tannage n’avait cependant pas été donnée.
Meudon pouvait logiquement être ce lieu. Le château, en septembre 1793, avait été réquisitionné (sous la direction de la Commission des armes et poudres, elle-même relevant directement du Comité de salut public) afin d’y pratiquer toutes sortes d’expériences en relation avec l’artillerie et l’aérostation. De telles pratiques exigeaient surveillance et secret qui, bien avant l’histoire des tanneries, excitèrent les interrogations.
Billaud-Varenne, Barère, Collot d’Herbois et Vadier ne restèrent pas muets face aux accusations du
Journal des Lois de la République et firent publier une affiche à ce dessein. Galetti, rédacteur dudit journal, s’appliqua alors à un exercice de rétropédalage :
« Plusieurs journaux avoient parlé avant nous des prétendues tanneries de Meudon. Le fait nous parut si hasardé que nous le reléguâmes dans les on dit, et que nous nous contentâmes, dans un numéro suivant, de rapporter littéralement les détails que donnait à ce sujet une feuille accréditée », en maintenant tout de même le fond de ses allégations :
« nous ajouterons que le fait de la tannerie humaine, s'il n'a point existé a Meudon, a certainement existé ailleurs ».Le 2 mars, Saladin, en vertu du décret du 27 décembre, présentait son rapport à la Convention. Au terme de la lecture, les députés décrétèrent la mise en arrestation des quatre accusés
Si le rapport de la commission ne faisait aucune référence aux tanneries, on en parla bien (mais pour les jeter aux orties) ce jour-là à la Convention. Le
Moniteur, le
Journal des Hommes libres et le
Journal des débats et des décrets s’en firent l’écho :
« Les représentants du peuple, envoyés à Meudon pour surveiller les épreuves des nouvelles inventions, adressent à la Convention une lettre par laquelle ils réclament contre un bruit calomnieux inséré dans plusieurs journaux, que, sous la dernière tyrannie, on tannait à Meudon des peaux humaines pour en faire des cuirs.»« Les représentants du peuple, chargés de surveiller, les opérations de Meudon, font passer des journaux qui publient que, par ordre des anciens Comités de gouvernement, on tannait à Meudon des peaux d'hommes pour faire des bottes et des souliers. Cette calomnie, disent-ils, est trop absurde pour que nous la réfutions. »« Les représentants du peuple envoyés à Meudon pour surveiller les épreuves qui se font dans l’atelier de cette commune, se plaignent d'une anecdote calomnieuse insérée dans quelques journaux. Elle porte que du temps de Robespierre, on faisait tanner à Meudon des peaux de guillotinés. Merlin de Thionville demande l'ordre du jour, motivé sur ce que nous ne sommes pas dans un siècle où l'on tanne les peaux humaines. »« nous ne sommes pas dans un siècle où l'on tanne les peaux humaines. »
Ca, c’est une autre affaire…