J’ai parlé plus haut de la gravure de Raffet, « La reddition de Jaffa ». Cette œuvre que l’on pourrait qualifier de tendancieuse a été réalisée en 1827.
Raffet s’inscrit ici dans le cortège des œuvres consacrées au thème des clémences de Napoléon qui ont été produites sous le Consulat et l’Empire.
Sur le sujet, on peut citer deux de ses gravures :
« Bonaparte pardonne à Pavie révoltée » :
« Le pardon accordé aux révoltés du Caire » :
Si à l’époque, outre des sujets un peu particuliers comme « Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa », de Gros (1804), et « Halte de l'armée française à Syène en Haute Egypte, le 2 février 1799 », de Tardieu (1812), les œuvres emblématiques liées à la campagne d’Orient touchèrent principalement les grandes affaires militaires : « La bataille de Nazareth », de Gros (1801), « La bataille d’Aboukir », de Lejeune (1804), « La bataille du Mont Thabor », de Lejeune (1804), « La bataille des Pyramides », de Lejeune (1806) ; « La bataille d’Aboukir », de Gros (1806), « La révolte du Caire », de Girodet (1810) ; « Bonaparte haranguant l'armée avant la bataille des Pyramides », de Gros (1810) ; certaines s’intégrèrent au thème susdit des clémences.
Je pense ici tout particulièrement à « Bonaparte fait grâce aux révoltés du Caire, le 30 octobre 1798 », de Guérin (1808) et (une oeuvre qui n’est pas sans faire penser à celle de Gros sur Eylau présentée quatre ans plus tôt au Salon de 1808) « Entrée du général Bonaparte à Alexandrie, 3 juillet 1798 » de Colson (1812) :
Œuvres respectivement commentées par Landon (« Salon de 1808 » et « Salon de 1812 ») :
« Les révoltés soumis et désarmés, sont amenés aux pieds du vainqueur; humiliés et dans l'attitude du repentir, ils attendent les effets de sa clémence. Napoléon prononce leur grâce et ordonne qu'on les mette en liberté. Le personnage vu de dos, et isolé sur le devant du tableau, est l'interprète chargé de transmettre les paroles de S. M.
La figure de l'empereur et celle des principaux officiers de sa suite, placées près d'un arbre qui les garantit de l'ardeur du soleil, se détachent en vigueur sur un fond de paysage dont la teinte annonce un climat brûlant. Le groupe opposé reçoit la plus grande masse de lumière. Le site orné de quelques édifices représente la place d'Albékir. Parmi les tableaux ordonnés par le gouvernement pour le temps de l'Exposition de 1808, il n'en est peut-être aucun qui réunisse plus complètement que celui-ci, la grâce de la composition, la disposition pittoresque des figures, la correction du dessin, la diversité des caractères, la vérité de l'expression, l'ajustement et le choix du costume, les convenances dictées par le goût, enfin la piquante opposition des ombres et des lumières. Pourquoi donc le public ne s'y est il point porté en foule comme aux premiers tableaux du même artiste ? Un seul défaut sans doute, mais du nombre de ceux qui n'échappent point à la multitude, a pu nuire au succès de ce bel ouvrage. Le coloris chaud et vigoureux de l'artiste, paraît cette fois manquer de l'harmonie si nécessaire pour lier les détails à l'ensemble, et captiver l'œil des spectateurs. Les teintes fières, telles que le jaune et le rouge, sont peut-être trop multipliées dans ce tableau, ou plutôt sont rapprochées les unes des autres sans l'intermédiaire des teintes suaves et amies de l'œil qui seules peuvent les accorder et en tempérer la trop grande vivacité. Mais il nous a semblé que nombre de censeurs, justement sévères sur ce point, ne se sont point montrés assez équitables sur les autres. Ils ont vu le défaut de l'ouvrage et ont paru méconnaître les beautés qui peuvent le compenser. Pour en apprécier le mérite, il suffit de jeter un coup d'œil sur la planche qui en offre le trait. Dépouillé de l'artifice du clair obscur et du charme de la couleur, un trait exact où se reproduisent avec la plus grande simplicité la pensée de l'artiste, le caractère de son style, la pureté de ses contours, la netteté de ses plans, n'est-il pas pour les peintres d'histoire la pierre de touche du vrai talent ? Et ne peut-on pas dire que leurs ouvrages seront d'autant plus dignes d'être conservés qu'ils subiront cette épreuve avec plus de succès ? »
« Lors de l'entrée de l'armée d'Orient dans Alexandrie, les habitants firent, du haut de leurs maisons, un feu très meurtrier sur les colonnes. Les soldats, indignés, escaladèrent la maison de l'un d'eux, qui s'était fait remarquer par une résistance désespérée; ils l'en arrachèrent, et allaient le faire périr, lorsque sa famille éplorée, apercevant l'Empereur, s'élance au-devant de lui, implore sa clémence, et obtient de S. M. que la vie lui soit conservée.
Cette composition, pleine de mouvement, offre des figures d'un caractère vigoureux et d'un bon goût de dessin. Le coloris en est vif et animé, la touche franche et facile. On désirerait un peu de tranquillité et d'harmonie dans l'effet général ; mais cette légère imperfection est en quelque sorte inséparable de la représentation d'une scène vive et tumultueuse. »
Clément (et « miséricordieux » pour reprendre son expression), Bonaparte le fut parfois en Orient, mais il fut aussi (toujours pour le citer) « terrible comme le feu du ciel ». Un trait de sa politique qui a moins inspiré les artistes…