Jerôme a écrit :
comment interpréter ces opinions contradictoires ?
La lettre à Jérôme a été écrite onze jours avant le décret dit « infâme ». La politique napoléonienne n’en était ici qu’au commencement d’une période devant durer dix ans ; période au terme de laquelle l’Empereur pensait pouvoir atteindre ses objectifs d’intégration. C’est sans doute à la lumière d’une politique non menée à son terme qu’il faut lire ces passages :
« On pouvait espérer de les attirer en leur donnant dans l'empire des droits égaux à ceux des catholiques et des protestants, et de les rendre bons citoyens.
[…]
J'ai réalisé, en partie, mes projets à cet égard. »
« Je crois que j'aurais fini par réussir.
[…]
J'aurais attiré une grande richesse en France, parce que les Juifs sont très nombreux, et qu'ils se seraient empressés de venir en foule dans un pays où ils auraient joui de privilèges bien supérieurs à ceux que leur accordent les autres gouvernements. »
A noter, pour revenir au royaume de Westphalie, que moins de deux mois avant le décret du 17 mars 1808, le 27 janvier avait été adopté un décret royal fort différent :
« Art. 1er. Tous ceux de nos sujets qui suivent la loi de Moise, jouiront dans nos Etats des mêmes droits, franchises et libertés que tous nos autres sujets.
Art. 2. Ceux qui, sans être nos sujets, passeront ou se trouveront dans notre Royaume, y jouiront des mêmes droits et franchises, dont y jouissent tous, les autres étrangers.
Art. 3. En conséquence sont abolis toutes les taxes, et droits imposés particulièrement sur les juifs à quelque occasion et sous quelque dénomination que ce puisse être. Inhibitions et défenses sont faites à tous nobles, seigneurs de fiefs et autres propriétaires sujets de notre domination, de prélever ou faire prélever aucune de ces taxes, à peine de tous dommages et intérêts, et d'être poursuivis comme concussionnaires.
Art. 4. Ils peuvent, et sans qu'ils aient besoin, comme par le passé, d'une permission spéciale, se marier, pourvoir à l'éducation et à l'établissement de leurs enfants, leur céder leurs biens, à la charge de se conformer, pour ses divers actes, au Code Napoléon.
Art. 5. Il leur est également libre de s'établir dans telle ville ou lieu qu'il leur conviendra, et d'y établir leur commerce, en faisant leur déclaration aux municipalités, et en se conformant aux règlements des corps et métiers dans lesquels ils voudront entrer. »
Jerôme a écrit :
Le but du décret de 1808 était il de transformer les Juifs en paysans ?
Pour les étrangers, on note cette tendance (quoique soumise à exceptions) ; mais ce n’est pas le cas pour les Français. Le décret veillait cependant à ne pas permettre à un Juif réputé pratiquer l’usure de se livrer au commerce, négoce ou trafic quelconque.