ezio-auditore a écrit :
[... de son côté le clan directorial cherchait à consolider sa victoire de fructidor ... Le conflit ouvert en l'An V entre le Directoire et la majorité des Conseils avait incité certains directoriaux à se préoccuper d'une réforme de la Constitution. Devait-on renforcer l'exécutif en lui donnant, par exemple le droit de dissoudre le Corps législatif ? Etait-il prudent, en période révolutionnaire, de renouveler tous les ans un tiers des députés ? ... Ces propos "inspirés" pas plus que le travail de sape auquel se livrait Sieyès ne débouchait sur rien. Bonaparte interrogé par Talleyrand, avait indiqué l'impossible réforme : "Le pouvoir du gouvernement dans toute la latitude que je lui donne, devrait être considéré comme le vrai représentant de la nation" ... il convenait donc de préparer l'échéance électorale ... Au nom de la légitimité révolutionnaire, on menaçait d'annuler les résultats non satisfaisants.
Puis s'enchaînent le coup d'Etat de floréal, la fronde des députés, un jacobinisme illusoire, des insurrections royalistes et voici enfin brumaire.
L'argent viendra du ministère de la Police et des banques. [La bourgeoisie révolutionnaire ne ferait décidément pas l'économie d'une dictature militaire, même s'il s'agissait du plus "civil des militaires"...] car [... dans la position déplorable où nous nous trouvons, il vaut mieux nous soumettre que d'exciter les divisions qui amèneraient à une perte certaine.]. L'affaire était donc conclue par tacite reconduction dès l'après brumaire.
Je dois être fatigué, mais je ne comprends rien à votre citation. Que voulez-vous démontrer ?
ezio-auditore a écrit :
J'ai comme un doute pour le "peuple souverain". Il faut voir -après thermidor- l'écrasement du mouvement populaire, le bouclage de Paris et justement voyons la légitimité des législateurs : ce n'est pas un autre débat mais une grande partie se fonde tout de même là-dessus.
Le peuple "souverain" est le grand absent de la constitution de l'an VIII, mais l'esprit même de la république plébiscitaire est bien que le peuple français demeure souverain, et exerce son autorité soit à travers ses représentants, soit en acceptant ou refusant ce qui lui est proposé dans le cadre d'un plébiscite.
Les listes de notabilité, la constitution de l'an VIII, le consulat à vie, l'hérédité dans la famille de Bonaparte, in fine, c'est bien le peuple français qui a décidé. Dans la constitution de l'an XII, l'article premier : "le gouvernement de la République est confié à un Empereur" implique bien un peuple souverain qui délègue son autorité. En cas de rupture dans la lignée, et sans héritier naturel, il me semble bien que c'est encore le peuple qui doit choisir le nouvel empereur. Alors oui, le peuple souverain, c'est une fiction, une espèce de grande pantalonnade, mais je vous rappelle qu'à l'époque, on n'attend pas du "peuple souverain" qu'il fasse en France la pluie et le beau temps par les mouvements populaires, justement. On attend qu'il délègue son autorité à ses représentants, qu'il vote "oui" de temps en temps, et qu'il la boucle ensuite.
Mais il me semble que c'était plus ou moins déjà le cas en 1791, non ?
ezio-auditore a écrit :
Bien que l'on conserve l'égalité, la sûreté, la propriété etc. il y a des atteintes partielles à l'égalité comme à la liberté. La presse est vue comme un service d'Etat et de propagande. Dès avant le Consulat, NB l'avait déjà utilisée à son profit, plus tard c'est le ministre de l'Intérieur qui rédigera. Dès 1800, on limite les journaux parisiens.
Bonaparte n'a pas inventé la censure. La presse a été libre un moment, au tout début de la révolution, puis en 1795-1797, mais après, la censure s'est abattue lourdement sur la presse. Bonaparte n'a pas vraiment innové sur ce sujet. Ensuite, la presse révolutionnaire est par essence propagandiste - on n'est pas dans du journalisme d'investigation, mais dans du journalisme politique, fortement engagé pour un parti ou un autre.
ezio-auditore a écrit :
Dès 1797 : "... Croyez-vous que ce soit pour fonder une république que je triomphe en Italie ? Quelle idée ! Une république de 30 000 000 d'hommes ! ... C'est une chimère dont les Français se sont engoués mais qui passera comme tant d'autres."
Grand topique de l'époque, comme je le disais dans un post précédent. Il faut arrêter de penser que la république, en 1795, est une chose acquise en France. C'est tout l'inverse. Avant 1791, on en parle pas, de la République. Après Varennes, un peu. Timidement. Après le 10 août 1792, il faut bien se lancer. Et quand on voit ce que les Conventionnels en ont fait, de la République, on peut comprendre que ceux qui ont survécu à 1794, ils ne la portent pas dans leur cœur, l'idée de République. Lorsqu'on a commencé à en parler, de la République, tout le monde disait "Mais c'est bien pour les petits états, la République ! En France, on a besoin d'un truc un peu plus sérieux !". Quand on a décrété la République, on n'avait même pas préparé de constitution. C'est dire si on était en roue libre. Bref, Bonaparte est dans la ligne de l’extrême-centre défini par Pierre Serna - les modérés, les tièdes, qui veulent l'ordre et la stabilité avant tout, et pensent qu'une république pour 30 millions d'hommes, et pas les plus calmes, qui plus est, c'est une utopie dangereuse.
ezio-auditore a écrit :
Carnot comme tous ceux qui veulent bien comprendre sent les mécanismes et la logique d'un pouvoir personnel et centralisé.
Carnot n'est pas plus visionnaire que les autres. Il a juste eut le courage de dire ce que, sans doute, des tas de gens pensaient tout aussi bien. Ces hommes n'étaient pas des idiots, ils avaient parfaitement conscience des possibles dérives d'un système monarchique, et au Tribunat, ils ont répondu point par point aux objections de Carnot. Simplement, eux, du moins ceux qui se sont exprimés (il devait bien y en avoir de l'avis de Carnot, mais ils ont préféré faire profil bas), préféraient le système monarchique à l'alternance républicaine.
ezio-auditore a écrit :
Plus déroutante est la forme rétrograde avec proclamation d'une "hérédité" et un sacre.
Je ne vois pas en quoi cela est rétrograde. L'expérience républicaine en France avait été courte, à côté de quatorze siècles de monarchie, et son souvenir n'était pas des plus glorieux. Les Français ne détestaient pas la monarchie, ils avaient chassé Louis XVI. Je vous laisse apprécier à la nuance
ezio-auditore a écrit :
Vous évoquez une "monarchie républicaine" et je ne vois qu'une "monarchie impériale" : on préfère les Tuileries au Luxembourg, on porte le "rouge" de la Cour, le "régent" orne l'épée, on retombe dans une étiquette et une solidarité familiale (qui aurait été enviée de Louis XVI) dont le souvenir est souvent celui d'une avidité peut commune.
Même réponse que précédemment. Vous voulez qu'on parle du traitement de nos présidents, au "Palais" de l'Elysée, après un siècle et demi de régime républicain ?
ezio-auditore a écrit :
"... Heureuse république s'il était immortel ! ... Si tout à coup Bonaparte manquait à la patrie, où sont ses héritiers ? Où sont les institutions qui peuvent maintenir ses exemples et perpétuer son génie... Le sort de 30 millions d'hommes ne tient qu'à la vie d'un seul homme." ("Parallèle entre César, Cromwell, Monk et Bonaparte" - Fontanes - 1800). La brochure est diffusée comme anonyme en un temps où le Consulat reste menacé.
Le
parallèle fut rejeté par Bonaparte, parce que justement il allait trop loin.
ezio-auditore a écrit :
Les mots "monarchie républicaine" sont-ils présents dans un texte législatif de l'époque ?
Absolument pas. Je suis seul responsable de l'emploi de ces mots dans ce contexte précis, je crois bien. Furet l'a employé pour qualifier le système de la Vème république. Je trouve l'oxymore intéressante et assez bien adaptée à ce qu'attendaient les partisans de l'hérédité - Curée, dans sa motion, propose ainsi l'hérédité, à la condition absolue que les institutions "républicaines" soient en même temps définitivement figées.