En 1793, le juge de paix François-Joseph L’Ange publiait « Remède à tout, ou Constitution invulnérable de la félicité publique ». A la fin de ce petit ouvrage, l’auteur appelait à la création d’une « arme céleste » constituée d’une flotte de 2 000 ballons manœuvrés par 12 000 « pyronautes » :
« Maintenant que le peuple est debout, qu'il est à la hauteur de la dignité de l'homme, et qu'il sent combien il est urgent et facile de faire ses lois lui-même en personne ; maintenant que tout ce qu'il y a d'hommes barbares stupides et féroces en Europe, s'élèvent, se coalisent et s'arment, pour remettre le peuple dans les fers de l'aristocratie, lui donner des maîtres et le réduire à son ancien avilissement ; ce sera sans doute sagesse et prudence de sa part, de mettre à profit la nouvelle faculté qu'il a de s'élever et planer sur les têtes de ses ennemis. Le Peuple Français sera le maître du monde et le sauveur de tous les peuples sans efforts, s'il est le premier à mettre sur l'horizon une flotte ascendante. Les matériaux pour la construire sont sous sa main ; les hommes pour la monter sont dans son sein ; les dépenses de construction seront remboursées par le commerce, parce que ce sera une flotte marchande après la guerre, qui ne sera ni longue, ni dispendieuse En conséquence, le Peuple Français le plus éclairé des souverains veut une arme céleste.
Article Premier. A cet effet, il crée les places et fonctions de deux inspecteurs généraux, de douze conseillers, de quatre inspecteurs ambulants, de vingt assesseurs correspondants, de deux mille soumissionnaires-fondateurs, de douze mille navigateurs sur l'horizon, qui prendront le nom de pyronautes, à cause que l'ascension se fait, soit à l'aide du feu proprement dit, soit à l'aide du gaz qui résulte d'un mouvement igné.
Art. II. Toutes ces places et fonctions seront à vie, sauf à statuer par la suite sur celles des inspecteurs généraux, des conseillers et des fondateurs.
Art. III. Les soumissionnaires-fondateurs n'auront d'autre obligation que de verser, chacun une fois, vingt-mille livres dans le trésor national, pour la construction de deux mille éoles ou ballons à vaisseaux dirigibles, et pour leur conservation à perpétuité. La nation en fera les avances, si le versement des fonds ne se fait pas avec assez de célérité.
Art. IV. Tous les ballons n’auront que trente-trois pieds de diamètre chacun, et onze pieds chacun de leurs ballons de proue : une dimension plus grande rendrait les dangers plus grands et le mouvement de direction trop difficile.
Art. V. Il y aura six pyronautes pour le service d'un éole ; ils monteront alternativement deux par deux. Tous les six seront responsables solidairement du vaisseau qui leur sera confié. Le plus ancien aura le commandement. Il n'y aura point de différence dans leur salaire chacun recevra mille écus par an du trésor public pendant la guerre ; ne durât-elle qu'un jour; en temps de paix, il les recevra du commerce. Sur le salaire et revenu des autres officiers et intéressés, il sera statué en temps et lieu.
Art. VI. Comme un ballon de la grandeur donnée en l'article IV, avec tous ses agrès, ne coûtera pas vingt-mille livres à beaucoup près, le restant bien démontré servira à l’établissement d’un arsenal, dans lequel on tiendra plusieurs éoles toujours prêts, pour remplacer ceux qui viendraient à manquer.
Art. VII. Le résultat de l’arme céleste est, qu’avec mille ballons, on pourra pulvériser une armée de cent mille esclaves, sans qu’il en coûte la moindre égratignure à un Français.
Mais, (car la proposition de l'arme céleste ne serait pas en règle, s'il n'y avait pas de mais objectif, ) mais si toutes les expériences imaginables prouvaient qu'il est impossible de se diriger dans les airs ; on aurait fait trop de dépenses vaines.
Réponse. Ces dépenses ne seront jamais bien considérables. Elles ne seront point vaines car le peuple sera sûr que ce bel art nouveau ne pourra jamais être une arme entre les mains de ses ennemis.
Mais quand la possibilité de se diriger à volonté dans le haut de l'atmosphère sera démontrée, nos ennemis le mettront à profit, peut-être avec plus de succès que nous et nous en aurons à combattre dans le ciel comme sur la terre.
Réponse. Si le Peuple Français est le premier qui manœuvre sur les hauteurs de l'atmosphère, il lui sera facile d'empêcher tout autre peuple de s'élever de terre. S'il était réellement à craindre que les ennemis du peuple puissent se servir avec avantage de la même arme contre lui, ce serait une raison de plus de se la rendre familière au plus tôt, afin de les gagner d'habileté. Si le peuple se laisse prévenir il sera la proie des vautours. »
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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