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Message Publié : 22 Mars 2017 9:56 
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Grégoire de Tours
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La France est essentiellement rurale, je crois. Il semble que ce soit la Noblesse qui ait en tutelle les paysans.
Lors de la réunion des trois Etats puis avec la suite des évènements que comprend le paysan dans le mot "Liberté" ?
- bien sûr un allègement de ce qu'il doit mais ne risque-t-il pas de voir en la "Liberté" un mouvement qui apporte un mieux être matériel et uniquement ceci ?
- Lors de la distribution des biens nationaux, achètent ceux "qui peuvent" : là encore le paysan ne risque-t-il pas de dévoyer le concept avec une sorte de fatalité : "Il y aura toujours des puissants, ils ont simplement changé."
- Les paysans vont parfois vers les villes où le lot de misère est tout autant présent ; ils ne sont pas les acteurs premiers de la Révolution, ils n'en seront pas les bénéficiaires.

Je sais que cette question est scolaire mais comment un paysan pouvait comprendre le mot "Liberté" et le pouvait-il autrement que par analogie et rapport avec un certain mieux être matériel et simplement ceci ?

Le mot "Liberté" -pour la France rurale- semblerait-il créé par et pour une nouvelle élite qui sera les nantis de demain ?

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Message Publié : 22 Mars 2017 14:35 
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Grégoire de Tours
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ezio-auditore a écrit :
La France est essentiellement rurale, je crois. Il semble que ce soit la Noblesse qui ait en tutelle les paysans.
Lors de la réunion des trois Etats puis avec la suite des évènements que comprend le paysan dans le mot "Liberté" ?
- bien sûr un allègement de ce qu'il doit mais ne risque-t-il pas de voir en la "Liberté" un mouvement qui apporte un mieux être matériel et uniquement ceci ?
- Lors de la distribution des biens nationaux, achètent ceux "qui peuvent" : là encore le paysan ne risque-t-il pas de dévoyer le concept avec une sorte de fatalité : "Il y aura toujours des puissants, ils ont simplement changé."
- Les paysans vont parfois vers les villes où le lot de misère est tout autant présent ; ils ne sont pas les acteurs premiers de la Révolution, ils n'en seront pas les bénéficiaires.

Je sais que cette question est scolaire mais comment un paysan pouvait comprendre le mot "Liberté" et le pouvait-il autrement que par analogie et rapport avec un certain mieux être matériel et simplement ceci ?

Le mot "Liberté" -pour la France rurale- semblerait-il créé par et pour une nouvelle élite qui sera les nantis de demain ?


J'ai l'impression que vous avez un peu d'aprioris sur l'ancien régime:
"la Noblesse qui ait en tutelle les paysans." Comment ça?

"bien sûr un allègement de ce qu'il doit".
Il n'y a pas eu d’allègement des impôts, ce sont les bénéficiaires qui ont changés.
Les anciennes taxes et impôts de l'ancien régime sont remplacés par d'autre, comme, la Capitation qui est remplacé par la contribution mobilière.

Mais "Liberté" renvoie a autre chose, et sans doute que cela ne parlait pas beaucoup au peuple (et pas seulement qu'aux paysans)


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Message Publié : 22 Mars 2017 14:43 
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Croyez-vous que les paysans qui font figurer dans les cahiers de doléance les corvées qui leur sont encore imposées par de nombreux seigneurs, ou qui, plus tard, attaquent les châteaux pour y brûler les baux seigneuriaux ne voient aucune signification concrète au mot "Liberté" ?

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Message Publié : 22 Mars 2017 14:54 
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Vous connaissez déjà sans doute presque tout ce que je vais énoncer ci-dessous, mais vous trouverez peut-être une ou deux idées auxquelles vous n'auriez pas pensées.

Le Tiers état regroupe ceux qui ne sont pas nobles et ceux qui ne font pas partie du clergé. Il contient donc beaucoup de bourgeois, d'ouvriers, d'habitants des villes.

Le monde rural englobe les paysans ainsi que toutes les autres personnes qui vivent dans des villes de moins de 20.000 habitants environ. Donc beaucoup d'artisans et de commerçants en font partie. Les paysans ne sont pas un groupe homogène. Certains sont agriculteurs, d'autres éleveurs, ou font un peu des deux. Certains ont des terres riches, d'autres des terres pauvres, d'autres aucune terre.

Les mots d'une langue ont un sens précis qui est compris par tous les locuteurs de la langue, sinon ils ne pourraient pas s'entendre. Les paysans ne sont pas isolés. Les échanges sont nombreux entre eux et ceux des autres catégories de la population. Ils peuvent lire les mêmes livres et journaux, et écrire des lettres en utilisant les mêmes mots.

Le mot "liberté" peut se comprendre en pensant à son contraire, qui n'est pas obligatoire "l'interdiction", mais qui peut-être plus subtile en étant une contrainte plus ou moins forte, plus ou moins facile à accepter ou à contourner. L'une des causes de la révolution est le souhait de l'abolition des privilèges. Un privilège implique une absence de liberté pour celui qui n'en bénéficie pas.

Un impôt peut être considéré comme une restriction de la liberté comme on s'en rend compte avec l'exemple des péages qui ne sont pas des interdictions totales de circuler, mais qui entrainent forcément une limitation des mouvements.

Le paysan voulait avoir la liberté de vendre sa production comme il le voulait, liberté d'acheter à n'importe quel fournisseur, liberté de chasser et de pêcher, liberté de faire beaucoup de choses en payant moins de taxes, liberté de participer à l'élaboration des lois ou au moins de choisir ceux qui les font, etc.


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Message Publié : 22 Mars 2017 15:49 
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Grégoire de Tours
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Pierma a écrit :
Croyez-vous que les paysans qui font figurer dans les cahiers de doléance...

Pour faire "figurer dans les cahiers de doléances", il faut savoir écrire.
Avez-vous une idée du taux d'alphabétisation en France à la veille de la Révolution ?
Par régions ? En gros ?
Où se situent ceux qui savent au moins signer de leur nom ?

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Message Publié : 22 Mars 2017 17:28 
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Grégoire de Tours
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Bonjour,

Oliviert a écrit :
Le monde rural englobe les paysans ainsi que toutes les autres personnes qui vivent dans des villes de moins de 20.000 habitants environ. Donc beaucoup d'artisans et de commerçants en font partie. Les paysans ne sont pas un groupe homogène. Certains sont agriculteurs, d'autres éleveurs, ou font un peu des deux. Certains ont des terres riches, d'autres des terres pauvres, d'autres aucune terre.

Avant de vous répondre, j'ai fait des recherches pour ne pas trop me tromper sur les mots. ;)
J'ai déjà constaté les formes d'exploitation du sol suivant les régions, puis :

[Au décompte des hommes, comme à celui des revenus, ce monde rural pèse lourd. La France compte ... 26 millions d'habitants à la fin de l'Ancien Régime : la population rurale en représente 85% pour les 2/3 au moins paysans. Le groupe paysan, à première vue homogène, n'en est pas moins structuré selon les régions... L'attelage et la charrue, conditions d'un train de culture minimum. ... c'est ce critère plus encore que la propriété qui définit le "laboureur", exploitant en faire valoir mixte ses terres et celles qu'il tient en fermage.
Le fermier, riche laboureur n'a pas besoin d'être propriétaire pour tenir le haut du pavé... au-dessous le petit exploitant souvent propriétaire appelé "personnier" ou "haricotier" (?) 8-| , le plus souvent "ménager" forme la transition avec le groupe des manouvriers, propriétaires parcellaires qui louent leur force de travail pour compléter leur revenu.
Les journaliers sans terre constituent la strate inférieure de cette société.]

Je passe les diversités régionales, les techniques et productions, les tensions dues aux impôts, les changements dans le monde rural pour la culture des classes populaires :

[En marge, à première vue des "Lumières", l'immense monde de ce que l'on peut définir comme les analphabètes (P. Goubert) ... la France des analphabètes est pour une bonne part la France rurale ... Analphabétisme n'est pas inculture. Sous certaines formes, l'écrit parvient aux groupes les plus populaires. C'est le cas pour ces livrets de colportage, lus collectivement à la veillée ... On y découvre un monde où la religion tient encore la première place, sous forme de livrets de dévotions, vies de saints ou cantiques, mais qui pour le reste privilégie l'évasion ou le surnaturel : d'une histoire légendaire aux historiettes, contes, calendriers ou livrets de magie blanche, c'est un monde de l'irrationnel, du miracle et de la féérie qui prévaut ... on y relève deux lacunes essentielles : comme il ignore l'histoire, ce monde ignore la science ... mais s'il semble fermé à tout progrès comme la pénétration des Lumières, il semble aussi étranger à toute contestation sociale, imprégné d'un fatalisme ...]

C'est à ce monde que je faisais allusion. Entre le monde pré-cité et "l'élite", existe l'entre-deux : France du nord qui lit, au sud de la Loire peu, Est et Ouest (livres de dévotions) et pour le tout "canard", "pamphlets", "feuilles volantes" mieux adaptés à une clientèle "semi-populaire".

Lorsque je liste les représentants du Tiers, on y voit pléthore d'avocats. Peu d'intérêt pour moi car ces gens savent jouer des mots, de la différence du bien du mal, de l'adapter, la contourner et bien entendu possèdent le concept de "Liberté" puisque leur travail consiste justement à faire et défaire ce qui ne l'est pas au travers des lois et de la justice. N'este pas qui veut : j'imagine que la clientèle de l'avocat est aisée, les échanges faciles. Ces hommes sont donc habitués à prendre parole, ils feront les tribuns d'une Révolution qui ne va pas tarder.

Citer :
Le mot "liberté" peut se comprendre en pensant à son contraire, qui n'est pas obligatoire "l'interdiction", mais qui peut-être plus subtile en étant une contrainte plus ou moins forte, plus ou moins facile à accepter ou à contourner. L'une des causes de la révolution est le souhait de l'abolition des privilèges.

Je comprends mais la "subtilité" ne touche pas les couches qui ont le plus besoin de liberté, d'en être éduqué et pourtant, ces gens vont se trouver embarqués dans une ahurissante aventure.
"Contourner" montre déjà une moindre crainte devant la notion de bien et mal, est-ce déjà un début à défaut d'éducation, de compréhension plus "subtile" ?
Je pense que le "privilège" n'est vu que dans son système, c'est à dire un dû depuis la nuit des temps aussi le mot "privilège" est vu comme une normalité pour plus qu'on ne le pense, il va falloir expliciter à mon paysan qu'il est "victime" de ce privilège. Alors pour la Constitution et la déclaration des Droits de l'Homme, ceci va se faire au contact : ceci tu peux, ceci tu ne peux pas ! Pourquoi ? Ce sont les droits de l'homme et du citoyen et tu es homme et citoyen.
Il faut un certain temps pour tout mémoriser.
L'égalité en religion : le plus souvent, il n'en connait qu'une... La loi ? Celle du plus fort à son niveau.

A la vue des cartes d'alphabétisation concernant la France, c'est vraiment très inégal d'un département à l'autre.

La grande majorité est un taux de 10 à 20% (les femmes ne sont pas comptées), Côtes d'Armor, une bande qui va de la Loire à l'Est (Comté Franche), le sud-ouest (Bouches du Rhône, Var). Etonnement, la Gironde est dans le lot (si j'ose dire ;) ).

Citer :
Le paysan voulait avoir la liberté de vendre sa production comme il le voulait, liberté d'acheter à n'importe quel fournisseur, liberté de chasser et de pêcher, liberté de faire beaucoup de choses en payant moins de taxes, liberté de participer à l'élaboration des lois ou au moins de choisir ceux qui les font, etc.

Ce paysan que vous me proposez est déjà alphabétisé, sait compter, se projeter, exiger ou du moins formuler des voeux.
C'est donc un niveau au-dessus ; bien sûr ce que vous proposez est "intéressant" et il verra la liberté par le prisme de "plus à l'aise" (matériellement), "prendre sur les grands" (liberté de pêche, de chasse), "être comme machin" (choisir).
Cependant je doute que la "Liberté" soit comprise comme contenue dans un cadre légal -c'est simplement le cadre qui change, pour lui-. Bien vite par exemple la conscription lui rappellera que la vie peut aussi être achetée.

Mon paysan va donc participer -un peu en marge- à un reformatage de la société mais lui qui devrait en être le grand gagnant, et bien il me semble qu'il se retrouve tout de même un peu en rade. Il va répéter ce qu'il entend, hurler avec les loups, se taire avec les muets et on peut décliner. Le pire est que ce qui chez lui risque d'être le plus parlant est la guillotine et son fonctionnement. 8-|

Maintenant, j'ai peut être mal compris ou encore me suis-je mal exprimé. Mais j'ai tout de même l'impression que cette Révolution ne bénéficiera qu'à une minorité. Il faudra encore bien du temps pour que mon paysan comprenne les opportunités qui lui ont été ouvertes en 1789 et pendant ce temps, une nouvelle élite s'est formée et emparée des privilèges en les nommant autrement.
Bien sûr ce n'est plus l'Absolutisme des Tyrans, c'est autre chose de moins ostentatoire (bobos de l'époque) mais tout autant bloquant arrivé à un niveau et il faut bloquer sinon cette nouvelle élite risque de se voir à plus ou moins long terme éjectée par la masse (ayant toujours en tête la guillotine ---> bien pigé !).

Me suis-je fait comprendre un brin et où faut-il que je fasse des recherches ? Si oui, à quel niveau ?
:oops:

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Message Publié : 22 Mars 2017 19:02 
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ezio-auditore a écrit :
Pierma a écrit :
Croyez-vous que les paysans qui font figurer dans les cahiers de doléance...

Pour faire "figurer dans les cahiers de doléances", il faut savoir écrire.
Avez-vous une idée du taux d'alphabétisation en France à la veille de la Révolution ?
Par régions ? En gros ?
Où se situent ceux qui savent au moins signer de leur nom ?

La rédaction des cahiers de doléances a été largement collective. Il n'est pas besoin de savoir écrire pour exprimer son avis auprès du rédacteur du village ou du chef-lieu. (S'ils ne savent pas écrire, au moins savent-ils compter ce qu'on leur prend.)
De fait les revendications des paysans sont très présentes dans les cahiers de doléances, ce qui est logique pour un pays majoritairement agricole.
Et "l'agitation" des campagnes - le mot est faible - ne comptera pas pour rien dans la Nuit du 4 Août.

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Message Publié : 22 Mars 2017 22:08 
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ezio-auditore a écrit :
[En marge, à première vue des "Lumières", l'immense monde de ce que l'on peut définir comme les analphabètes (P. Goubert) ... la France des analphabètes est pour une bonne part la France rurale ... Analphabétisme n'est pas inculture. Sous certaines formes, l'écrit parvient aux groupes les plus populaires. C'est le cas pour ces livrets de colportage, lus collectivement à la veillée ... On y découvre un monde où la religion tient encore la première place, sous forme de livrets de dévotions, vies de saints ou cantiques, mais qui pour le reste privilégie l'évasion ou le surnaturel : d'une histoire légendaire aux historiettes, contes, calendriers ou livrets de magie blanche, c'est un monde de l'irrationnel, du miracle et de la féérie qui prévaut ... on y relève deux lacunes essentielles : comme il ignore l'histoire, ce monde ignore la science ... mais s'il semble fermé à tout progrès comme la pénétration des Lumières, il semble aussi étranger à toute contestation sociale, imprégné d'un fatalisme ...]
Goubert n'est pas très clair sur ses estimations, "une bonne part" pouvant signifier entre 40% et 90%, et il ne donne pas, dans cet extrait, le taux global d'alphabétisation, donc on ne sait pas sur quel chiffre total s'applique la "bonne part". Et je ne suis pas d'accord avec sa conclusion, car le "bon sens paysan" n'est pas un vain mot. Même si la superstition existe, il ne faut pas exagérer son importance. Ils connaissent tout de même un minimum de science sinon ils n'auraient aucun rendement agricole, ils s'empoisonnerait en cueillant des champignons, ils se logeraient dans des cabanes en pailles ou des terriers, ils n'auraient aucun outils. Le paysan de 1789, surtout le paysan français, est relativement évolué.

ezio-auditore a écrit :
Avez-vous une idée du taux d'alphabétisation en France à la veille de la Révolution ?
Notre chère Wikipedia ne donne pas la réponse, seulement un indice dans son article en anglais (https://en.wikipedia.org/wiki/Literacy ) : "the situation in England was far worse than in Scandinavia, France, and Prussia: as late as 1841, 33% of all Englishmen and 44% of Englishwomen signed marriage certificates with their mark as they were unable to write".

La réponse se trouve dans la revue Annales, consultable sur Persée : http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-264 ... 9_3_293505 . Page 721 de la revue, dans un article long de 23 pages écrit par François Furet et Wladimir Sachs, se trouve un tableau récapitulatif indiquant pour l'année 1866 : 29% d'hommes et 37% de femmes, donc 33% de personnes en moyenne, âgées de plus de 5 ans, qui ne savent ni lire ni écrire.

ezio-auditore a écrit :
Mais j'ai tout de même l'impression que cette Révolution ne bénéficiera qu'à une minorité.
Vous avez tout à fait raison, mais c'est assez évident et banal que les révolutionnaires promettent beaucoup au peuple et finissent par obtenir assez peu de bénéfices pour le peuple.

ezio-auditore a écrit :
Me suis-je fait comprendre un brin et où faut-il que je fasse des recherches ? Si oui, à quel niveau ?
Ce qui n'est pas clair pour moi, c'est votre définition du mot "liberté" et la raison pour laquelle vous la mettez au centre de la révolution, alors que le mot le plus important de la devise nationale pour les révolutionnaires me semble être le deuxième, qui est "égalité", au moins l'égalité des chances à la naissance. J'adhère volontiers à l'idée exprimée par l'historien Hippolyte Taine (1828-1893) (certainement démodé et critiquable sur certains points) selon lequel la révolution française fut principalement dirigée contre la famille royale, pas seulement le jeune Louis XVI, mais tous ses cousins qui profitaient grassement de leurs privilèges.


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Message Publié : 23 Mars 2017 7:39 
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Grégoire de Tours
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Ce dont les paysans se plaignent ce sont les prélèvements (et accessoirement les droits) seigneuriaux (les champarts, lods et ventes, etc. destinés à la noblesse et aux églises, ), royaux (la taille que les habitants des bonnes villes ne supportent pas) et la dîme. La liberté c'est avant tout le fait de ne plus avoir de seigneur(s), qui souvent est absent de ses terres et ne remplit aucun rôle au sein de la société villageoise.

En milieu urbain, le mot liberté à d'autres significations et porte notamment sur le rejet des corporation.


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Message Publié : 23 Mars 2017 9:03 
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Pierre de L'Estoile
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Localisation : Lyon-Vénissieux
Citer :
Avez-vous une idée du taux d'alphabétisation en France à la veille de la Révolution ?


J'avais posé la question sur le forum.
Voir viewtopic.php?f=60&t=39811&hilit=taux+alphab%C3%A9tisation+1789

D'après VIKIDIA (l'encyclopédie des moins de 13 ans),
"À la veille de la révolution de 1789, seuls 47% des hommes et 27% des femmes savaient signer le registre des mariages".

:mrgreen: :mrgreen:

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 23 Mars 2017 11:25 
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Eginhard
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En 1789, le mot liberté (souvent au pluriel, d'ailleurs, "libertés"), est me semble-t-il avant tout synonyme d'abolition du régime féodal. Je rejoins tout à fait Laurent Frederic, plus haut, à ce propos. Ce n'est pas un concept métaphysique, mais quelque chose de l'ordre du vécu. Il s'agit de faire sauter les vieux verrous oppressants de l'Ancien Régime. On le voit dès le printemps 1789, avec les jacqueries, préludes à la Grande Peur de juillet.

On s'oppose au roi (en s'opposant au fisc et en contraignant les administrateurs à abandonner leur poste), au seigneur (on brûle les droits de propriété ou on force le maître à signer un acte de renonciation, on récupère les biens communaux usurpés) et au clergé (en refusant le paiement de la dîme).

La liberté, ça me semble quelque chose de très concret, pour un paysan. Et s'ils ne sont pas les plus bruyants, on peut lire leurs revendications dans les cahiers de doléances.

J'ajouterai une chose : même analphabète, un paysan n'est pas forcément un cretin. Les gens des campagnes se tenaient informés, ils avaient accès aux nouvelles - la lecture du journal, ou des Droits de l'homme et du citoyen, était une activité partagée - qu'un seul sache lire et tous avaient accès à l'information.

Ils ont parfaitement compris quelle mascarade représentait la nuit du 4 août - 5 jacqueries avant qu'on cède finalement à leurs exigences en août 1792. Analphabètes, mais capables de comprendre qu'on les prenait pour des dindons de la farce et que le mot liberté n'avait pas le même sens dans les salons parisiens que dans les campagnes.

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Message Publié : 24 Mars 2017 13:15 
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Grégoire de Tours
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Les cahiers de doléances sont, à plus d'un titre, intéressants, mais il y a deux sortes de cahier:
- Ceux qui traitent d'un aspect général des revendications: le poids excessif et inégale des impôts, les corvées, la rente seigneuriale, souvent n'ont pas été dicté par le peuple. On va retrouver les mêmes textes dans les communes où le même président présidait l'assemblée.
Dans le texte, on va trouvé des idées issues des lumières, et il est peu probable que ces idées aient atteint la campagne..

- Ceux qui traitent des problèmes précis des paroissiens, sont en général ceux qui ont été dictés ou influencés par les paysans: problèmes avec les pigeons du seigneur qui mangent les graines, un seigneur qui perçoit de manière abusive la rente en grain, plainte contre la dîme d'un clergé qui n'oeuvre pas pour les pauvres ect..


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Message Publié : 24 Mars 2017 13:23 
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Grégoire de Tours
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Localisation : Kaamelott
Tolan a écrit :
'ai l'impression que vous avez un peu d'aprioris sur l'ancien régime: "la Noblesse qui ait en tutelle les paysans." Comment ça?

L'expression n'est pas très "heureuse" : j'ai essayé de faire "court", pour une fois.
A vrai dire je m'interroge sur le rôle exact de la noblesse en province.
Vu que le "noble" n'a plus certains devoirs vis à vis des paysans parce-que les temps ont changé, il a dû -j'imagine- s'adapter. 10 % de rien, c'est rien donc le noble a tout intérêt à s'impliquer.
Je n'ai pas osé le mot "partenariat" mais il faut une interaction qui ne peut être bénéfique que pour les deux parties.

Oliviert a écrit :
Goubert n'est pas très clair sur ses estimations, "une bonne part" pouvant signifier entre 40% et 90%, et il ne donne pas, dans cet extrait, le taux global d'alphabétisation, donc on ne sait pas sur quel chiffre total s'applique la "bonne part". Et je ne suis pas d'accord avec sa conclusion, car le "bon sens paysan" n'est pas un vain mot.

La phrase était : [... l'immense monde de ceux que l'on peut définir à l'instar de Goubert (3) etc.]
(3) dans sa synthèse sur l'Ancien Régime.

Merci pour le lien. Nous avons les mêmes sources "redécouvertes et rajeunies (Maggiolo) et exploitées par Fleury et Valmary dans une article de "Population" en 57.
Le questionnement même de Furet quant à la validation : savoir signer = savoir lire est évoqué. Et l'on peut -je ne m'avance que pour ma région- largement diviser par 2, de plus elle est évidente. Faire ensuite un sous-dossier : intérieur des terres, bord de mer et l'on constate que par exemple le bord de mer du Finistère est plus alphabétisé que l'intérieur des terres, c'est le contraire dans les Côtes d'Armor, c'est équivalent dans le Morbihan et en Ille et Vilaine c'est assez catastrophique. De nos jours encore, l'intérieur des terre (Le Coglès) présente de grosses difficultés.

Citer :
car le "bon sens paysan" n'est pas un vain mot.

Pour être d'origine rurale, je puis vous dire que c'est le cliché type du citadin.
Le paysan sait dire le temps de demain à ses rhumatismes, il est roublard plus qu'intelligent pourquoi ? Sans doute parce-qu'il voit plus de renard et, à l'observation devient plus futé -car il a lu La Fontaine- quant aux champignons son bon sens lui dit d'éviter et qu'une bonne salade de pissenlits fera l'affaire.

Citer :
Ce qui n'est pas clair pour moi, c'est votre définition du mot "liberté" et la raison pour laquelle vous la mettez au centre de la révolution... J'adhère volontiers à l'idée exprimée par l'historien Hippolyte Taine ... selon lequel la révolution française fut principalement dirigée contre la famille royale...

Je pense plus que la Révolution fut dirigée -nous reviendrons sur "dirigée"- sur des symboles. C'est parlant à tous.
Dans un premier temps les symboles sont haïs et nait une épouvantable idée : et si l'on éliminait ces gens, le mal partirait...
Cette idée très simple, partagée, susurrée au début va prendre de l'ampleur d'autant qu'elle est alimentée lorsque la mayonnaise retombe. Il va falloir tenir. Se reconnaissant alors chez le voisin, assuré que plus loin "c'est pareil" etc. Il va y avoir débordement. Mais ceux qui déborderont les premiers seront les grands perdants de l'aventure.

La bourgeoisie produit et engrange. Va-t-elle un jour ne plus conceptualiser et risquer de tout perdre ? Sans avoir jamais goûté du gâteau ?

[La classe dont le statut juridique est la roture qui -à la ville comme à la campagne- groupe ... ceux qui se situent en position de domination économico-sociale ... antagonistes des privilégiés non engagés dans ces mêmes rapports sociaux où elle postule consciemment ou inconsciemment (je n'en crois rien) un autre appareil d'Etat et à la longue un autre cadre productif.]
Cette tranche est très pragmatique. Elle a lu les "Lumières" mais retient que "ceci peut servir" et songe que l'élimination touchera forcément certains, ce qui n'est pas pour déplaire du moment que ce soit le voisin. Alors la Révolution oui mais la canaliser, c'est mieux.
Les Lumières ont aussi eu leurs fan-club avec les despotes éclairés, ce n'est pas pour autant que les choses ont changé, on apprécie, on échange dans les salons, on discute et c'est d'autant plus excitant que c'est transgressif, on se gorge de mots sans voir que l'on côtoie l'abîme. C'est cette petite longueur d'avance qui va être optimisée.
C'est connu : la bourgeoisie est "voltairienne" et l'aristocratie "frivole". Nous n'allons pas abonder ce style de cliché.

Le monde paysan a-t-il une revendication "politique" ? Dans les cahiers le loyalisme monarchique est réaffirmé.
[... "Le roi de France ne sera reconnu en Provence que sous la qualité de comte de Provence..." (Vitrolles) ... "... aux bénéfices... SM présentera seulement des Catalans" (noblesse du Roussillon) etc.]
Les revendications sont centrifuges, les cahiers d'une partie de la noblesse et du clergé rejoignent parfois, en d'autres termes, ceux des paysans. L'attaque de l'absolutisme passe par la dénonciation de l'intendant, la condamnation du système judiciaire (arbitraire des lettres de cachet), fiscalité inégalitaire et irrationnelle. En ceci une convergence est évidente, simplement les mots sont différents.
Les soulèvements ruraux existent tout autant que les soulèvements urbains mais... [... la majorité patriote (je ne vois pas ce que vient faire le qualificatif) n'ignore pas que c'est des "feux de la sédition" qu'elle tient son pouvoir...]. L'analyse politique est prompte alors à corriger l'impulsion de premier moment. Si le bourgeois est trop effrayé, il va retirer son argent, nerf de toute "guerre" et le cacher ; il faut donc avoir plusieurs discours ou plutôt un discours où chacun se retrouve. On est d'accord, il faut éliminer... Ce sera fait à tous niveaux et compris pour que chacun y trouve son compte tant dans le symbole que côté pragmatique : après les lois de Prairial, est anti-révolutionnaire celui dont je veux me défaire.
A ce moment, il faut un déclic "soft" mais ordonné, pensé pour que l'union se fasse autour d'une évidence. Il faut commencer par doser l'ampleur des réactions et ne pas encore évoquer le mot "chaos" ou "révolution" mais tumulte. Canaliser ceci pour reformer le front antiprivilégié propice à un nouveau droit bourgeois et la force immense de l'insurrection paysanne aidera à bien mener l'affaire. [... comme le dit un député, ceci ne va pas sans quelque "magie", cela s'appelle la nuit du 4 août.]. C'était mon retour au PP "dirigé".
C'est aussi pour ceci que le mot "Liberté" est pour moi, le seul. Pour le reste je n'y vois que manipulations et folie d'égo chez la plupart. Que dans des éclairs de sagesse, il en soit sorti du "bon", c'était bien la moindre des choses. Mais le grand perdant reste le paysan.

Citer :
... alors que le mot le plus important de la devise nationale pour les révolutionnaires me semble être le deuxième, qui est "égalité",


Citer :
...c'est assez évident et banal que les révolutionnaires promettent beaucoup au peuple et finissent par obtenir assez peu de bénéfices pour le peuple.

;)
C'est un peu comme la foi, le père noël, le lapin de Pâques et autres. Chacun s'en détache pour diverses raisons à des âges divers, d'autres s'y attachent de la même manière. Elles sont toutes compréhensibles et à respecter tant que l'on est honnête vis à vis de soi-même.
Je ne crois pas à l'égalité, je pense n'y avoir jamais cru car il faut une bonne dose d'optimisme mâtiné d'espoir et de foi dans le genre humain. J'ai assez vite pigé qu'il existait un vaste chemin entre "donner l'exemple" et "exiger qu'on le reproduise".
On "ne donne pas l'exemple", on "montre" l'exemple et ensuite on redevient ce que l'on est mais celui qui est dominé se doit d'exécuter la farce.
Ceci un enfant de 4 ans dans son : "c'est pas juste", peut en faire la démonstration pour peu qu'on l'écoute.

Pierma a écrit :
La rédaction des cahiers de doléances a été largement collective. Il n'est pas besoin de savoir écrire pour exprimer son avis auprès du rédacteur du village ou du chef-lieu. (S'ils ne savent pas écrire, au moins savent-ils compter ce qu'on leur prend.)

Concernant les paysans, il est démontré que le bouche à oreille fonctionne, le colporteur laisse quelques feuilles et une majorité en écoute la lecture.
Pour exprimer un avis, il faut un certain nombre de mots au compteur, voici pourquoi -comme vous l'écrivez- les campagnes vont s'exprimer de manière brutale ce qui est bien souvent la seule manière pour se faire comprendre, faute de mots.

Les textes demandent parfois non une lecture brutale ou s'arrêtant au premier degré. Les nuances sont aussi très appréciées et très importantes pour un historien.
Les historiens à l'esprit que je qualifierais "d'un peu bourrin" (ceci va être compris puisque j'évite la nuance), on les retrouve toujours sur les mêmes terrains, sous les jupes de l'Histoire.

Citer :
J'ajouterai une chose : même analphabète, un paysan n'est pas forcément un cretin.

Laissez cette facilité... Ce qui va de soi n'a pas à être ajouté ou souligné. B)

Citer :
Ils ont parfaitement compris quelle mascarade représentait la nuit du 4 août - 5 jacqueries avant qu'on cède finalement à leurs exigences en août 1792. Analphabètes, mais capables de comprendre qu'on les prenait pour des dindons de la farce et que le mot liberté n'avait pas le même sens dans les salons parisiens que dans les campagnes.

Nous sommes bien d'accord.
Ils ont compris qu'ils étaient les dindons de la farce car hors Paris et accessoirement les grandes villes, si l'on s'inquiète de cette frange, c'est pour s'assurer d'être approvisionné en blé, en moutons à tondre, en excités lorsque le besoin s'en fait sentir, en potentiel à exploiter lorsque le moment viendra, en autant d'alouettes à qui l'on montrera des miroirs etc. Pour ces gens, il faudra du concret à petites doses pour ne pas laisser retomber le soufflé et l'octroi d'une liberté un peu primaire qui consistera à les laisser se jeter sur les symboles, détruire ce que l'on ne peut atteindre. Maintenant, on se gardera d'apprendre "la liberté", c'est bien, c'est mieux car le chemin sera plus long et on pourra d'autant plus canaliser, manipuler...
Lorsque le temps faisant, ceci ne sera plus guère d'actualité, on trouvera des ailleurs de majorités à "éduquer" selon le logiciel le plus "payant" pour une minorité.

..

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Message Publié : 24 Mars 2017 13:31 
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Tolan a écrit :
Les cahiers de doléances sont, à plus d'un titre, intéressants, mais il y a deux sortes de cahier:
- Ceux qui traitent d'un aspect général des revendications: le poids excessif et inégale des impôts, les corvées, la rente seigneuriale, souvent n'ont pas été dicté par le peuple. On va retrouver les mêmes textes dans les communes où le même président présidait l'assemblée.
Dans le texte, on va trouvé des idées issues des lumières, et il est peu probable que ces idées aient atteint la campagne..


EN fait, il y a dans certaines réunions les compte-rendus des délibérations des assemblées qui ont rédigées les cahiers. Il y a effectivement des modèles de cahiers qui circulent. Dans la plupart des assemblées, on a commencé par lister des problèmes et on en est arrivé à la rédactions de listes comme dans votre seconde proposition. Puis, dans un second temps, des notables, le plus souvent proposent de dépasser cela et d'inclure des modifications structurelles de la société qui règleraient les problèmes immédiats cités par-devant.

Par la suite, il y a souvent un débat pour savoir si on va rester sur la première liste ou si on se raccroche aux modèles de cahiers qui circulent. Un historien, désolé je ne me souviens plus de qui, a consulté ces comptes-rendus et en a fait l'analyse. Pour ce que je m'en souvient, dans la plupart des paroisses, tout le monde a participé aux débats et a eu son mot à dire. Souvent on a voté ensuite. Effectivement, la véhémence des notables qui menaient le débat a souvent arraché l'adhésion aux modèles de cahiers quand ceux-ci se sont imposés. Mais, la teneur des débats démontre que les manants présents participaient aux débats et comprenaient de quoi on leur parlait (du moins leurs représentants à ces assemblées)

Il faut donc en tirer la conclusion qui s'impose, dans certains cas, les paysans ne désiraient pas qu'on révolutionne l'ordre établi. Ils désiraient simplement plus de justice et ils ont refusé les cahiers trop radicaux. Mais, j'ai l'impression que certains préfèrent dire que ces paysans ne comprenaient pas de quoi on leur parlait...

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Message Publié : 24 Mars 2017 14:17 
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Eginhard
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ezio-auditore a écrit :
Tolan a écrit :
'ai l'impression que vous avez un peu d'aprioris sur l'ancien régime: "la Noblesse qui ait en tutelle les paysans." Comment ça?

L'expression n'est pas très "heureuse" : j'ai essayé de faire "court", pour une fois.
A vrai dire je m'interroge sur le rôle exact de la noblesse en province.
Vu que le "noble" n'a plus certains devoirs vis à vis des paysans parce-que les temps ont changé, il a dû -j'imagine- s'adapter. 10 % de rien, c'est rien donc le noble a tout intérêt à s'impliquer.
Je n'ai pas osé le mot "partenariat" mais il faut une interaction qui ne peut être bénéfique que pour les deux parties.

Oliviert a écrit :
Goubert n'est pas très clair sur ses estimations, "une bonne part" pouvant signifier entre 40% et 90%, et il ne donne pas, dans cet extrait, le taux global d'alphabétisation, donc on ne sait pas sur quel chiffre total s'applique la "bonne part". Et je ne suis pas d'accord avec sa conclusion, car le "bon sens paysan" n'est pas un vain mot.

La phrase était : [... l'immense monde de ceux que l'on peut définir à l'instar de Goubert (3) etc.]
(3) dans sa synthèse sur l'Ancien Régime.

Merci pour le lien. Nous avons les mêmes sources "redécouvertes et rajeunies (Maggiolo) et exploitées par Fleury et Valmary dans une article de "Population" en 57.
Le questionnement même de Furet quant à la validation : savoir signer = savoir lire est évoqué. Et l'on peut -je ne m'avance que pour ma région- largement diviser par 2, de plus elle est évidente. Faire ensuite un sous-dossier : intérieur des terres, bord de mer et l'on constate que par exemple le bord de mer du Finistère est plus alphabétisé que l'intérieur des terres, c'est le contraire dans les Côtes d'Armor, c'est équivalent dans le Morbihan et en Ille et Vilaine c'est assez catastrophique. De nos jours encore, l'intérieur des terre (Le Coglès) présente de grosses difficultés.

Citer :
car le "bon sens paysan" n'est pas un vain mot.

Pour être d'origine rurale, je puis vous dire que c'est le cliché type du citadin.
Le paysan sait dire le temps de demain à ses rhumatismes, il est roublard plus qu'intelligent pourquoi ? Sans doute parce-qu'il voit plus de renard et, à l'observation devient plus futé -car il a lu La Fontaine- quant aux champignons son bon sens lui dit d'éviter et qu'une bonne salade de pissenlits fera l'affaire.

Citer :
Ce qui n'est pas clair pour moi, c'est votre définition du mot "liberté" et la raison pour laquelle vous la mettez au centre de la révolution... J'adhère volontiers à l'idée exprimée par l'historien Hippolyte Taine ... selon lequel la révolution française fut principalement dirigée contre la famille royale...

Je pense plus que la Révolution fut dirigée -nous reviendrons sur "dirigée"- sur des symboles. C'est parlant à tous.
Dans un premier temps les symboles sont haïs et nait une épouvantable idée : et si l'on éliminait ces gens, le mal partirait...
Cette idée très simple, partagée, susurrée au début va prendre de l'ampleur d'autant qu'elle est alimentée lorsque la mayonnaise retombe. Il va falloir tenir. Se reconnaissant alors chez le voisin, assuré que plus loin "c'est pareil" etc. Il va y avoir débordement. Mais ceux qui déborderont les premiers seront les grands perdants de l'aventure.

La bourgeoisie produit et engrange. Va-t-elle un jour ne plus conceptualiser et risquer de tout perdre ? Sans avoir jamais goûté du gâteau ?

[La classe dont le statut juridique est la roture qui -à la ville comme à la campagne- groupe ... ceux qui se situent en position de domination économico-sociale ... antagonistes des privilégiés non engagés dans ces mêmes rapports sociaux où elle postule consciemment ou inconsciemment (je n'en crois rien) un autre appareil d'Etat et à la longue un autre cadre productif.]
Cette tranche est très pragmatique. Elle a lu les "Lumières" mais retient que "ceci peut servir" et songe que l'élimination touchera forcément certains, ce qui n'est pas pour déplaire du moment que ce soit le voisin. Alors la Révolution oui mais la canaliser, c'est mieux.
Les Lumières ont aussi eu leurs fan-club avec les despotes éclairés, ce n'est pas pour autant que les choses ont changé, on apprécie, on échange dans les salons, on discute et c'est d'autant plus excitant que c'est transgressif, on se gorge de mots sans voir que l'on côtoie l'abîme. C'est cette petite longueur d'avance qui va être optimisée.
C'est connu : la bourgeoisie est "voltairienne" et l'aristocratie "frivole". Nous n'allons pas abonder ce style de cliché.

Le monde paysan a-t-il une revendication "politique" ? Dans les cahiers le loyalisme monarchique est réaffirmé.
[... "Le roi de France ne sera reconnu en Provence que sous la qualité de comte de Provence..." (Vitrolles) ... "... aux bénéfices... SM présentera seulement des Catalans" (noblesse du Roussillon) etc.]
Les revendications sont centrifuges, les cahiers d'une partie de la noblesse et du clergé rejoignent parfois, en d'autres termes, ceux des paysans. L'attaque de l'absolutisme passe par la dénonciation de l'intendant, la condamnation du système judiciaire (arbitraire des lettres de cachet), fiscalité inégalitaire et irrationnelle. En ceci une convergence est évidente, simplement les mots sont différents.
Les soulèvements ruraux existent tout autant que les soulèvements urbains mais... [... la majorité patriote (je ne vois pas ce que vient faire le qualificatif) n'ignore pas que c'est des "feux de la sédition" qu'elle tient son pouvoir...]. L'analyse politique est prompte alors à corriger l'impulsion de premier moment. Si le bourgeois est trop effrayé, il va retirer son argent, nerf de toute "guerre" et le cacher ; il faut donc avoir plusieurs discours ou plutôt un discours où chacun se retrouve. On est d'accord, il faut éliminer... Ce sera fait à tous niveaux et compris pour que chacun y trouve son compte tant dans le symbole que côté pragmatique : après les lois de Prairial, est anti-révolutionnaire celui dont je veux me défaire.
A ce moment, il faut un déclic "soft" mais ordonné, pensé pour que l'union se fasse autour d'une évidence. Il faut commencer par doser l'ampleur des réactions et ne pas encore évoquer le mot "chaos" ou "révolution" mais tumulte. Canaliser ceci pour reformer le front antiprivilégié propice à un nouveau droit bourgeois et la force immense de l'insurrection paysanne aidera à bien mener l'affaire. [... comme le dit un député, ceci ne va pas sans quelque "magie", cela s'appelle la nuit du 4 août.]. C'était mon retour au PP "dirigé".
C'est aussi pour ceci que le mot "Liberté" est pour moi, le seul. Pour le reste je n'y vois que manipulations et folie d'égo chez la plupart. Que dans des éclairs de sagesse, il en soit sorti du "bon", c'était bien la moindre des choses. Mais le grand perdant reste le paysan.

Citer :
... alors que le mot le plus important de la devise nationale pour les révolutionnaires me semble être le deuxième, qui est "égalité",


Citer :
...c'est assez évident et banal que les révolutionnaires promettent beaucoup au peuple et finissent par obtenir assez peu de bénéfices pour le peuple.

;)
C'est un peu comme la foi, le père noël, le lapin de Pâques et autres. Chacun s'en détache pour diverses raisons à des âges divers, d'autres s'y attachent de la même manière. Elles sont toutes compréhensibles et à respecter tant que l'on est honnête vis à vis de soi-même.
Je ne crois pas à l'égalité, je pense n'y avoir jamais cru car il faut une bonne dose d'optimisme mâtiné d'espoir et de foi dans le genre humain. J'ai assez vite pigé qu'il existait un vaste chemin entre "donner l'exemple" et "exiger qu'on le reproduise".
On "ne donne pas l'exemple", on "montre" l'exemple et ensuite on redevient ce que l'on est mais celui qui est dominé se doit d'exécuter la farce.
Ceci un enfant de 4 ans dans son : "c'est pas juste", peut en faire la démonstration pour peu qu'on l'écoute.

Pierma a écrit :
La rédaction des cahiers de doléances a été largement collective. Il n'est pas besoin de savoir écrire pour exprimer son avis auprès du rédacteur du village ou du chef-lieu. (S'ils ne savent pas écrire, au moins savent-ils compter ce qu'on leur prend.)

Concernant les paysans, il est démontré que le bouche à oreille fonctionne, le colporteur laisse quelques feuilles et une majorité en écoute la lecture.
Pour exprimer un avis, il faut un certain nombre de mots au compteur, voici pourquoi -comme vous l'écrivez- les campagnes vont s'exprimer de manière brutale ce qui est bien souvent la seule manière pour se faire comprendre, faute de mots.

Les textes demandent parfois non une lecture brutale ou s'arrêtant au premier degré. Les nuances sont aussi très appréciées et très importantes pour un historien.
Les historiens à l'esprit que je qualifierais "d'un peu bourrin" (ceci va être compris puisque j'évite la nuance), on les retrouve toujours sur les mêmes terrains, sous les jupes de l'Histoire.

Citer :
J'ajouterai une chose : même analphabète, un paysan n'est pas forcément un cretin.

Laissez cette facilité... Ce qui va de soi n'a pas à être ajouté ou souligné. B)

Citer :
Ils ont parfaitement compris quelle mascarade représentait la nuit du 4 août - 5 jacqueries avant qu'on cède finalement à leurs exigences en août 1792. Analphabètes, mais capables de comprendre qu'on les prenait pour des dindons de la farce et que le mot liberté n'avait pas le même sens dans les salons parisiens que dans les campagnes.

Nous sommes bien d'accord.
Ils ont compris qu'ils étaient les dindons de la farce car hors Paris et accessoirement les grandes villes, si l'on s'inquiète de cette frange, c'est pour s'assurer d'être approvisionné en blé, en moutons à tondre, en excités lorsque le besoin s'en fait sentir, en potentiel à exploiter lorsque le moment viendra, en autant d'alouettes à qui l'on montrera des miroirs etc. Pour ces gens, il faudra du concret à petites doses pour ne pas laisser retomber le soufflé et l'octroi d'une liberté un peu primaire qui consistera à les laisser se jeter sur les symboles, détruire ce que l'on ne peut atteindre. Maintenant, on se gardera d'apprendre "la liberté", c'est bien, c'est mieux car le chemin sera plus long et on pourra d'autant plus canaliser, manipuler...
Lorsque le temps faisant, ceci ne sera plus guère d'actualité, on trouvera des ailleurs de majorités à "éduquer" selon le logiciel le plus "payant" pour une minorité.

..


Vous ne voudriez pas faire l'effort de rédiger un minimum vos posts, Ezio ? Quand je lis ce genre de messages, je me pose deux questions :

- Soit votre pensée est trop élevée pour la plupart des gens (la mienne en tous cas). Ou alors c'est de l'écriture expérimentale.

- Soit vos pensées sont effroyablement embrouillées, au point qu'on ne comprenne rien à ce que vous voulez dire. Et par conséquent qu'il est impossible de vous répondre sans décortiquer phrase à phrase votre propos, en remettant les choses en ordre.

Celle-ci, par exemple.

Citer :
Dans un premier temps les symboles sont haïs et nait une épouvantable idée : et si l'on éliminait ces gens, le mal partirait...
Cette idée très simple, partagée, susurrée au début va prendre de l'ampleur d'autant qu'elle est alimentée lorsque la mayonnaise retombe. Il va falloir tenir. Se reconnaissant alors chez le voisin, assuré que plus loin "c'est pareil" etc. Il va y avoir débordement. Mais ceux qui déborderont les premiers seront les grands perdants de l'aventure.

La bourgeoisie produit et engrange. Va-t-elle un jour ne plus conceptualiser et risquer de tout perdre ? Sans avoir jamais goûté du gâteau ?


Mais de quoi parlez-vous ? Quels symboles ? Qui veut éliminer qui "dans un premier temps" ? Une idée "susurrée" ? La mayonnaise retombe ? Le voisin ? Qu'est-ce qui est "pareil". Débordement ? La "bourgeoisie produit et engrange" ? Conceptualiser quoi ? Goûter du gâteau ?

En matière de "gâteau", quel gloubiboulga !

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"Le génie mériterait les chaînes s'il favorisait les crimes des tyrans"


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