Jerôme a écrit :
Autre question : pourquoi Napoleon a t il titré Kellermann duc de Valmy et pas Jourdan duc de Fleurus ?
Dans la « Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés », parue sous le Second Empire », on trouve ceci :
« Le maréchal Lannes, qui avait l'habitude de parler à l'empereur comme à un homme, exprima devant lui l'opinion, généralement accréditée, que Jourdan devait être duc de Fleurus. « Mais, répondit Napoléon avec une sorte d'humeur, il aurait un titre plus beau que le mien; car, moi, je n'ai pas gagné de bataille ayant sauvé la France. »
J’ignore d’où est tirée cette réflexion.
Dans les Mémoires de Miot de Mélito, on trouve une note assez ressemblante :
« Le roi Joseph, qui eut toujours beaucoup d'affection pour le maréchal Jourdan, avait demandé à son frère, lorsqu'il conféra à Kellermann le titre de duc do Valmy, de donner au maréchal Jourdan celui de duc de Fleurus.
« Je m'en garderai bien, répondit vivement l'empereur, je le ferais plus grand que moi. »
Dans la Correspondance, on retrouve bien une demande en ce sens de Joseph. La réponse de l’Empereur (7 juillet 1808) fut celle-ci :
« Quant au maréchal Jourdan, je crains qu'en lui donnant un titre aussi élevé que celui de duc de Fleurus et une fortune assurée, il ne veuille revenir à Paris. Il faut le laisser venir à Madrid, lui dire que je lui destine un des dix duchés auxquels j'ai encore à nommer, et gagner ainsi quelques mois. Il vous servira en Espagne et s'y accoutumera. »
Un tel titre (à noter que Jourdan, si on excepte la période des Cent Jours, ne reçut d’ailleurs, tout comme Brune, aucun titre) était peut-être aussi vu par l’Empereur comme non mérité. Ainsi, ce dernier disait :
« Lefebvre est cause de la victoire de Fleurus »
(Gourgaud, Journal de Sainte-Hélène)
« C’est Lefebvre qui a décidé la victoire de Fleurus. »
(Montholon, Récits de la captivité de l’Empereur Napoléon à Sainte-Hélène)
Malgré les commandements conférés, Napoléon montra en effet à Sainte-Hélène une piètre opinion des talents militaires de Jourdan.
« Le général Jourdan était très brave un jour de combat, en face de l'ennemi et au milieu du feu, mais il n'avait pas le courage de tête au milieu du calme de la nuit, à deux heures du matin. Il ne manquait pas de pénétration, de facultés intellectuelles, mais il était sans résolution et imbu des plus faux principes de guerre. »
(Napoléon, Campagnes d’Italie)
«A Fleurus […] les troupes […] étaient mal conduites.
[…]
Jourdan […] n’avai[t] pas la moindre idée de la guerre.
[…]
Jourdan n’est rien. »
(Bertrand, Cahiers de Sainte-Hélène)
« [Napoléon] a parlé du maréchal Jourdan, des talents militaires duquel il a une pauvre opinion. »
(O’Maera, Napoléon dans l’exil)
« [Jourdan] est un imbécile.
[…]
[Moreau] n'est bon qu'à commander une division. Pour être en chef, il faut être un autre homme. Il est pourtant bien supérieur à Jourdan.
[…]
Avec 40 000 hommes, je ne craindrais pas […] Jourdan avec 100 000 [hommes]. Je viens de lire ses campagnes; Moreau s'y conduit bien, l'archiduc Charles aussi, mais pour Jourdan, il est impossible de pousser plus loin l'ineptie. »
(Gourgaud, Journal de Sainte-Hélène)
« [Moreau] était supérieur pour commander une forte division ou un de mes corps d'armée. Mais pour bien commander en chef, il faut être un autre homme que lui. Il est cependant bien supérieur à Jourdan. »
(Montholon, Récits de la captivité de l’Empereur Napoléon à Sainte-Hélène)
Napoléon lui rendit cependant hommage face à Las Cases (Mémorial de Sainte-Hélène) :
« Il a ouvert un recueil ou espèce d'almanach politique qui se trouvait sous sa main ; il est tombé sur la liste de nos maréchaux qu'il a passés en revue, les accompagnant de citations et d'anecdotes connues ou déjà dites. Arrivé au maréchal Jourdan, il s'y est arrêté assez longtemps ; il a terminé disant :
« En voilà un que j'ai fort maltraité assurément. Rien de plus naturel, sans doute, que de penser qu'il eût dû m'en vouloir beaucoup. Eh bien ! j'ai appris, avec un vrai plaisir, qu'après ma chute il est demeuré constamment très bien. Il a montré là cette élévation d'âme qui honore et classe les gens. Du reste, c'est un vrai patriote : c'est une réponse à bien des choses. »