Voici ce que l’on pouvait lire à ce sujet dans le Moniteur :
16 septembre 1798 : « Les mêmes lettres [de Malte] apprennent que l'escadre de l'amiral Brueys, mouillée sur la côte d’Aboukir, et se disposant à faire son retour en France, a été attaquée par l'escadre anglaise, supérieure à la nôtre, tant par le nombre que par le rang de ses vaisseaux; que, de part et d’autre, le combat a été soutenu avec une opiniâtreté dont l'histoire n'offre pas d'exemple ; que, pendant l'action , le vaisseau amiral français a brûlé; que deux ou trois ont coulé bas; que d’autres, tant anglais que français, ont échoué sur la côte, après avoir perdu tous leurs mâts, et qu'enfin d’autres vaisseaux français sont restés totalement désemparés sur le champ de bataille. On est inquiet sur leur sort. »
29 septembre 1798 : « Situation de la rade de Bequière, le 16 thermidor [3 août], à midi (lendemain du combat naval), 1° Un vaisseau anglais échoué à l'est de I'écueil. 2° Un idem à trois ponts, démâté de tous mâts. Le Guerrier, coulé bas. Le Conquérant, n'ayant que son mât d'artimon. 3° Un vaisseau anglais n'ayant que ses bas mâts. Le Spartiate, n'ayant que son mât de misaine. 4° Un vaisseau anglais n'ayant que ses bas mâts. L'Aquilon, démâté de tous mâts. 5° Un vaisseau anglais n'ayant que ses bas mâts. Le Peuple Souverain, coulé bas. Le Francklin , n'ayant que son mâ de misaine. 6°, 7°, 8° Trois vaisseaux anglais. 9°, 10° 11 Trois idem, dont un démâté de tous mâts, l'autre n'ayant que son bas mât en misaine, et l'autre ses bas mâts. Le vaisseau l'Orient, brûlé entre eux. 12° Un vaisseau anglais démâté de son grand mât de hune. Le Tonnant, démâté de tous mâts. 13° Un vaisseau anglais. Un brick anglais. L'Heureux, échoué. Le Mercure, échoué. Le Timoléon, brûlé et échoué. 14° Un vaisseau anglais démonté de tous mâts sur la cote de Rosette. 15° Un idem mouillé au large du précédent. En dedans de la ligne, la Sérieuse, coulée bas ; et l’Arthémise, brûlée. »
12 octobre 1798 : Lettre de Lachevardière, consul à Palerme, Naples, 20 septembre 1798 : « A cinq heures et quart, le feu commença dans la position que voici : Nos 13 vaisseaux formaient une seule ligne ; 6 vaisseaux anglais étaient entre nous et la terre, 7 autres se trouvaient du coté opposé, et le 14e ayant coupé notre ligne par la moitié empêcha longtemps, par cette manœuvre, 6 vaisseaux français de prendre part au combat. On se canonna, avec la plus grande vivacité, le reste de la journée et la nuit entière; l'on s'approcha à portée de pistolet, et tout ce qui existe de moyens de destruction fut alors employé de part et d'autre. Ce fut dans celle circonstance que l'amiral Brueys fut blessé à la tête et à la main : cependant il continuait à commander, lorsqu'un boulet de canon le coupa en deux : il vécut un quart d'heure, et voulut expirer sur son pont. Un moment après, le capitaine du vaisseau amiral, le citoyen Casa-Bianca, ancien député, fut mortellement blessé à la tête par un éclat de bois ; le feu prit dans ce beau vaisseau, et tous les efforts pour l'éteindre furent inutiles. Ce fut alors que le jeune Casa-Bianca, enfant de dix ans qui, depuis le commencement du combat, faisait des prodiges de valeur, refusa de se sauver dans une chaloupe, pour ne pas abandonner son père blessé. Cependant il était parvenu à le placer sur un mât jeté à la mer, où il était lui-même, ainsi que l'intendant de l'escadre, lorsque l'Orient, de 120 canons, sauta en l'air avec un fracas horrible, et engloutit les trois malheureux.... Une circonstance est digne d'être remarquée: c'est que tant que le vaisseau amiral a existé les Français avaient l'avantage , et un vaisseau anglais de 74, forcé de s'échouer, avait amené son pavillon ; mais le désordre que ce malheur causa, la mort ou les blessures de presque tous nos officiers, le contre-amiral Blanquet, qui venait de tomber, nageant dans son sang, par une blessure dans le visage, le capitaine du vaisseau le Francklin mis hors de combat avec trois blessures; Dupetit-Thouars, autre capitaine, et un troisième qui venaient d'être tués, firent changer les choses de face. Ce fut dans ce moment que plusieurs de nos vaisseaux, sans mats, sans manœuvres, ayant leurs canons brisés, devinrent la proie de l'ennemi. Cependant le 16 le combat continua encore entre quelques-uns de nos vaisseaux et les Anglais. Ce fut ce jour que le Timoléon plutôt que de se rendre se brûla lui-même, après avoir sauvé son équipage. Voici enfin le résultat du combat : l’Orient, de 120 canons, a sauté ; le Timoléon, de 74, s'est brûlé ; le Guillaume Tell, de 80, est a Malte, avec les frégates la Diane el la Justice; la frégate l’Arthémise a été brûlée dans le combat, et la Sérieuse coulée bas, après avoir sauvé son monde; tout l'équipage de l'Orient s'est sauvé à terre. On craint que le Généreux , de 74, qui s'était retiré avec le Guillaume Tell, n'ait été coulé dans le canal de Malte. Nos neuf autres vaisseaux ont été pris; savoir , le Guerrier, de 74 ; le Conquérant, de 74; le Spartiate, de 74; l'Aquilon, de 74 ; le Peuple Souverain, de 74 ; le Francklin, de 80 ; le Mercure, de 80 ; et l'Heureux, de 80. Trois de ces vaisseaux étaient en si mauvais état, que les ennemis les ont brûlés dans la rade. Tous les prisonniers ont été envoyés à Alexandrie, parce que les Anglais manquaient de vivres, en sorte que ce renfort pour l'armée de terre va être de la plus grande utilité. La perte des Anglais s'élève à mille hommes tués, 1,800 blessés, de leur propre aveu ; l'amiral Nelson a été blessé grièvement à la tête ; plusieurs de leurs vaisseaux sont dans l'état le plus pitoyable ; tous ont été maltraités. La malheureuse issue de ce combat a deux causes : la première, d’avoir laissé l’ennemi se placer entre la terre et nous ; la seconde et la principale est d’avoir combattu à l’ancre. »
15 octobre 1798 : Nouvelles de Londres : « Lord- Grenville a reçu avant-hier, 6 Vendémiaire an VII (27 septembre 1798), des dépêches de M. Spencer Smith, ambassadeur à Constantinople ; elles confirment la nouvelle du combat dans lequel la flotte française a été détruite. »
Lettre du citoyen Champy, Alexandrie, 30 juillet 1798 « P.S. J’attendais le départ annoncé d’un vaisseau pour la France, lorsque le 14 [1er août 1798] les Anglais sont venus détruire, avec notre escadre, tous moyens de communication. »
16 octobre : Nouvelles de Constantinople (10 septembre 1798) : « Le ministre d’Angleterre reçu le 18 fructidor [4 septembre 1798], par la voie de Chypre, la confirmation du combat du Nil et de ses suites. Le 19, on a publié une relation officielle de ce combat. » Suit un tableau où l’Orient et l’Hercule sont donnés brûlés ; l’Arthémise et la Sérieuse coulées ; le Franklin, le Tonnant, le Guerrier, le Conquérant, le Spatiate, le Timoléon, le Peuple souverain, l’Heureux, le Mercure et l’Aquilon pris ; le Guillaume Tell, le Généraux, la Diane et la Justice échappés. L’article se poursuit ainsi : « Complet des équipages à bord des vaisseaux français brûlés, pris ou coulés bas dans la bataille du Nil, suivant les certificats des commissaires et officiers des différents vaisseaux : 8 930. Débarqués par cartel, y compris les blessés d’après le reçu du capitaine Barry, de l’Alceste : 3 105 Echappés de dessus le Timoléon : 350 Echappés de dessus l’Hercule : 50 Officiers, charpentiers, calfats détenus à bord de l’escadre : 200 [total :] 3 705 Tués, noyés, brûles et perdus : 5 225 [signature :] Horatio Nelson Le grand-seigneur destine à l'amiral Nelson le chelenk ou le panache de victoire, enrichi de brillants. Cette décoration, que S. H. n'accorde qu'au généralissime de ses armées, est la première qu'ait reçue un étranger. »
23 octobre 1798 : Nouvelles de Toulon (15 octobre) : « Nous avons reçu aujourd'hui la nouvelle que le capitaine le Joille, commandant le vaisseau le Généreux […] Le rapport de cet officier porte que dès une heure on signala les vaisseaux ennemis; que de ce moment jusqu'à six heures à peu près on se prépara au combat, que l'amiral fit signal de combattre au mouillage, de porter un grelin chacun sur son matelot et de jeter une grosse ancre ; Que l'escadre anglaise prit alors entre deux lignes l'avant-garde jusqu'au vaisseau le Tonnant, qui était le huitième de la ligne. (Le Généreux était l'avant-dernier de l'arrière-garde) Dans cette position, il tirait sans relâche sur l'anglais le plus près de lui à tribord. Quand l'incendie se fut manifesté abord de l'Orient, attaqué par trois ou quatre anglais, un de leurs vaisseaux, démâté de deux mâts, vint passer par le travers du Généreux , qui, après quelques volées, le démâta entièrement, fit taire son feu et allait l'amariner, lorsque l'Heureux et le Mercure,séparés du Généreux par le Guillaume-Tell, coupèrent leur câble pour fuir l'incendie. Le Guillaume- Tell en fit bientôt autant, en faisant même signal au Généreux, qui le rendit au Timoléon, le dernier de tous, pour que celui-ci se laissât caler en filant son grelin. Après avoir pris leur nouvelle position, le Généreux et le Guillaume-Tell, secondés du Tonnant, entretinrent, jusqu'à trois heures du matin, le feu le plus vif contre les Anglais, jusqu'à ce que le Guillaume-Tell et le Timoléon vinssent, en manoeuvrant, se mettre entre l'ennemi et le Généreux. Celui-ci quitta vite un aussi mauvais ordre, et, voulant gagner la ligne des deux français, il essuya le feu de trois anglais, qui l'enfilèrent de l'avant à l'arrière. Bientôt, par sa manœuvre, il vint à bout de leur présenter le travers, et de répondre de toutes ses batteries avec assez de succès pour qu'il pût dériver vers le Guillaume-Tell , auprès duquel il s'embossa à une encablure de distance. Cinq vaisseaux étaient alors la force de l'armée française à savoir, le Tricolore, le Tonnant, le Guillaume-Tell, le Timoléon, le Généreux et les deux frégates la Justice et la Diane. L Arthémis venait de sauter. Après divers signaux et diverses manœuvres, on reçut sur le Généreux, de l'escadre légère, des renforts d'équipage. Il était neuf heures du matin. Son feu recommença contre un anglais; c'est alors qu'il reconnut l'infériorité de sa poudre. Elle laissait, dit le rapport, nos boulets aux deux tiers de la distance, tandis que les leurs nous dépassaient de plusieurs encablures. A dix heures le Guillaume-Tell, qui avait déjà fait signal à chaque capitaine d'agir selon ses lumières, pour sauver son vaisseau, fit signal d'appareiller. Le Timoléon, dans 1'impossibilité de le suivre, vu le désordre de ses gréements, se laissa échouer ; le Généreux et les deux frégates suivirent le Guillaume-Tell. Ces quatre bâtiments lâchèrent successivement plusieurs volées à un anglais qui paraissait vouloir leur disputer le passage ; deux autres, à midi, se mirent aussi à suivre les Français et courir la même bordée, mais sans avancer beaucoup, et à une heure, ils virèrent de bord. Ces détails nous out paru utiles à donner, pour prouver que ce n'est ni faute de courage, ni même faute de talents, que notre flotte a succombé. Il parait que la seule vraie cause de ce désastre est l'épouvantable incendie de l'Orient, à la destruction duquel se sont attachés avec fureur les Anglais. Il reste aussi prouvé par ces détails que les Anglais n'ont qu'à se féliciter d'un peu moins de désastre, et la relation semble indiquer qu'à la fin du combat il ne leur restait plus que trois vaisseaux en état de manoeuvrer. »
24 octobre 1798 : Nouvelles de Londres (5 octobre 1798) : « Extrait de la Gazette de la Cour, du 9 vendémiaire [30 septembre]. L'honorable M. Capel, capitaine de la corvette de S. M. la Mutine, est arrivé ce matin avec les dépêches du contre-amiral sir Horatio Nelson, chevalier du Bain , à E. Nepean, écuyer, secrétaire de l'amirauté ; dont voici la copie: […] A bord du Vanguard, à l'embouchure du Nil, le 2 août 1798. Milord, le Tout-Puissant a favorisé les armes de S. M. dans le combat qui vient d'avoir lieu, en nous faisant remporter une grande victoire sur l'escadre de l'ennemi que j'attaquai au coucher du soleil, le 1er août, à l'embouchure du Nil. L'ennemi formait une forte ligne de bataille à l’ancre pour défendre l'entrée de la baie (de bas-fond). Cette ligne était flanquée de quantité de chaloupes canonnières, de quatre frégates, et en avant il y avait sur une île une batterie de canons et de mortiers ; mais rien ne pouvait résister à l'escadre dont V. S. m'avait fait l'honneur de me donner le commandement. L'exacte discipline qui vous si bien connue, le jugement des capitaines, joint à leur valeur et à celle des officiers et des équipages, la rendaient absolument irrésistible. Si ma plume pouvait ajouter quelque chose à la réputation de ce capitaine, je le ferais volontiers, mais cela est impossible. Je regrette la perte de M. Westcott, capitaine du Majestic , qui a été tué au commencement de l'action; mais son vaisseau a continué de combattre si bien sous M. Cuthbert, son premier lieutenant, que je lui ai ordonné de commander le vaisseau jusqu'à ce que V. S. ait fait connaître sa volonté. Les vaisseaux de l'ennemi sont presque totalement démâtés, excepté les deux de l'arrière-garde. Je suis fâché d'ajouter que ces deux vaisseaux et deux frégates se sont échappés : il n’était pas en mon pouvoir de l'empêcher. Le capitaine Hood s'est efforcé de le faire très bravement, mais n'ayant aucun vaisseau en état de soutenir le Lealous. J'ai été obligé de le rappeler. Je n'ai point de termes pour exprimer l'aide et le secours que. j ai reçu du capitaine Berry. J'étais blessé à la tête et obligé d’être emporté du tillac, mais le service n'a rien perdu par cet événement. Le capitaine Berry réunissait tout ce qui était nécessaire pour une occasion si importante, et je demande la permission de m'en rapporter à lui pour tous les détails relatifs à cette victoire. Il vous présentera le pavillon du second commandant, celui du commandant en chef ayant été brûlé avec l Orient. Je joins ici la liste des tués el blessés, avec notre ligne de bataille et celle des Français. J'ai l'honneur d'être, etc. Signé H. Nelson. »
Lettre de Bonaparte au Directoire exécutif, 19 août 1798 : « Le 18 messidor [6 juillet], je suis parti d'Alexandrie; j'écrivis à l'amiral d'entrer, sous vingt-quatre heures, dans le port de cette ville, et, si son escadre ne pouvait pas y entrer, de décharger promptement toute l'artillerie et tous les effets appartenant à l'armée de terre, et de se rendre à Corfou. L'amiral ne crut pas pouvoir achever le débarquement dans la position où il se trouvait, étant mouillé devant le port d'Alexandrie sur des roches, et plusieurs vaisseaux ayant déjà perdu leurs ancres : il alla mouiller à Aboukir, qui offrait un bon mouillage. J'envoyai des officiers du génie et d'artillerie, qui convinrent avec l'amiral que la terre ne pourrait lui donner aucune protection, et que, si les Anglais paraissaient pendant les deux ou trois jours qu'il fallait qu'il restât à Aboukir, soit pour débarquer notre artillerie, soit pour sonder et marquer la passe d’Alexandrie, il n'y avait pas d'autre parti à prendre que de couper ses câbles, et qu'il était urgent de séjourner le moins possible à Aboukir. Je suis donc parti d'Alexandrie dans la ferme croyance que, sous trois jours, l'escadre serait entrée dans le port d'Alexandrie ou aurait appareillé pour Corfou. Depuis le 18 messidor [6 juillet] jusqu'au 6 thermidor [24 juillet], je n'ai eu aucune espèce de nouvelles, ni de Rosette, ni d'Alexandrie. Une nuée d'Arabes, accourant de tous les points du désert, était continuellement à 500 toises du camp. Le 9 thermidor [27 juillet], le bruit de nos victoires et différentes dispositions rouvrirent nos communications. Je reçus plusieurs lettres de l'amiral, où je vis avec étonnement qu'il se trouvait encore à Aboukir. Je lui écrivis sur-le-champ pour lui faire sentir qu'il ne devait pas perdre une heure à entrer à Alexandrie ou à se rendre à Corfou. L'amiral m'instruisit, par une lettre du 2 thermidor [20 juillet], que plusieurs vaisseaux anglais étaient venus le reconnaître, et qu'il se fortifiait, pour attendre l'ennemi, embossé à Aboukir. Cette étrange résolution me remplit des plus vives alarmes ; mais déjà il n'était plus temps, car la lettre que l'amiral écrivait le 2 thermidor ne m'arriva que le 12 [30 juillet]. Je lui expédiai le citoyen Jullien, mon aide de camp, avec ordre de ne pas partir d’Aboukir qu'il n'eût vu l'escadre à la voile. Parti le 12, il n'aurait pu jamais arriver à temps. Cet aide de camp a été tué en chemin par un parti arabe, qui a arrêté sa barque sur le Nil et l'a égorgé avec son escorte. Le 8 thermidor [26 juillet], l'amiral m'écrivit que les Anglais s'étaient éloignés, ce qu'il attribuait au défaut de vivres. Je reçus cette lettre le 12 [30 juillet], par le même courrier. Le 11 [29 juillet], il m'écrivait qu'il venait enfin d'apprendre la victoire des Pyramides et la prise du Caire, et que l'on avait trouvé une passe pour entrer dans le port d'Alexandrie. Je reçus cette lettre le 18 [5 août]. Le 14 [1er août], au soir, les Anglais l'attaquèrent. Il m'expédiait, au moment où il aperçut l'escadre anglaise, un officier pour me faire part de ses dispositions et de ses projets : cet officier a péri en route. Il me paraît que l'amiral Brueys n'a point voulu se rendre à Corfou avant qu'il eût été certain de ne pouvoir entrer dans le port d'Alexandrie, et que l'armée, dont il n'avait pas de nouvelles depuis longtemps, fût dans une position à ne pas avoir besoin de retraite. Si, dans ce funeste événement, il a fait des fautes, il les a expiées par une mort glorieuse. Les destins ont voulu, dans cette circonstance comme dans tant d'autres, prouver que, s'ils nous accordent une grande prépondérance sur le continent, ils ont donné l'empire des mers à nos rivaux. Mais, si grand que soit ce revers, il ne peut pas être attribué à l'inconstance de la Fortune; elle ne nous abandonne pas encore; bien loin de là, elle nous a servis dans toute cette opération au delà de ce qu'elle a jamais fait. »
25 octobre 1798 : Nouvelles de Londres (5 octobre) « La victoire remportée par l'amiral Nelson a été annoncée le 11 [2 octobre] à deux heures du matin par le canon de la tour de Londres. La ville a été illuminée pendant deux jours. L'on a ouvert une souscription pour les veuves des matelots, qui, dès la première soirée, a monté à 12 ou 15 000 livres sterling. […] Voici ce que l'on a recueilli du rapport verbal fait par le capitaine de la Mutine. L'armée française, rangée sur une seule ligne suivant l'ordre indiqué par le rapport de Nelson, couvrait Rosette et l'embouchure du Nil qui est auprès : les quatre frégates étaient en arrière au centre. Les vaisseaux avaient jeté l’ancre à deux tiers de câble les uns des autres, et .si près de terre que les Français ne croyaient pas possible de passer derrière eux. Les flancs étaient garnis de chaloupes canonnières. Une petite île sur le coté gauche des Français portait une batterie de canons et de mortiers qui enfilait tout le front de la ligne française. L'escadre anglaise arrivant du côté opposé défila devant toute la ligne ennemie, et alla passer hardiment entre l’île et le premier vaisseau de l'avant-garde. Le Leander prenant moins d'eau servait de pilote, ce qui n'empêcha pas le Culloden d'échouer sur un banc de sable en avant de l'île. Le Leander alla couper la ligne ennemie par derrière, et se placer en travers entre le Tonnant et l'Orient, que par ce moyen il enfilait dans toute leur longueur. Les dix vaisseaux qui le suivaient attaquèrent les cinq vaisseaux de l’avant-garde française à tribord et à bâbord, tandis que le Majestic et le Bellerophon attaquaient l'Orient et le Francklin corps à corps. Par cette manœuvre très habile, Nelson n'avait à combattre que sept vaisseaux de l'escadre française; les six autres restés à l'ancre ne prirent aucune part à cette première action, qui dura toute la nuit , car les Français se battirent avec valeur et opiniâtreté. L’Orient sauta, et les six autres se rendirent. Il faut observer qu'en passant devant l’Artemis la Sérieuse, deux des frégates, on les avait écrasées et coulées bas. Les deux autres filèrent derrière leur arrière-garde et s'échappèrent. Les vaisseaux anglais allèrent ensuite de grand matin attaquer les six autres vaisseaux qui se défendirent assez longtemps, surtout le Ponent, l'Heureux, le Mercure et le Timoléon. Le Guillaume Tell et le Généreux qui terminaient la ligne trouvèrent le moyen de lever l'ancre et de s'enfuir. Dans ce terrible combat de treize vaisseaux contre treize, neuf ont été pris et deux ont sauté. Les Français avaient huit vaisseaux de 80 et un de 120, outre l'avantage que leur donnaient la batterie de l'île et les chaloupes canonnières. Il est vrai qu'ils n'ont eu que sept vaisseaux qui aient combattu à la fois ; mais c'est par l'habileté de ses manœuvres que Nelson est parvenu à les séparer. On ne conçoit pas pourquoi les six autres vaisseaux ne sont pas venus prendre part à la première partie de l'action, à moins de supposer qu'ils étaient tellement amarrés qu'ils ne purent se dégager. »
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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