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Message Publié : 21 Avr 2006 21:23 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 21 Avr 2006 21:14
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Que sont devenus ces 20 000 français qui se fixèrent en Russie ?

Bonjour à tous, c'est mon premier post sur ce forum après l'avoir découvert voilà 2 jours.

Pour en revenir au sujet, j'avais vu il y a de cela 2-3 ans un reportage sur France 5 qui évoquait la Campagne de Russie, au cours duquel était interroger un Russe (ou un homme des Pays Baltes) qui descendait directement d'un prisonnier français. Il montrait également des meubles fabriqués par d'autres prisonniers pendant leur détention dans le village.
Il était même surnommé "le français" par ses amis, ce dont il était d'ailleurs très fier!


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 Sujet du message : Campagne de RUSSIE
Message Publié : 20 Août 2006 18:19 
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Thucydide
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Inscription : 18 Mars 2006 13:33
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Localisation : STRASBOURG
Bonjour,

Il semblerait qu'un second plan de campagne ait été trouvé : il semblait plus raisonnable ou plus méthodique. Pendant une première campagne (ce plan en prévoyait deux), NAPOLEON aurait engagé le siège de RIGA et de BOBRUISK (places fortes) et aurait choisi pour l'hiver une ligne de défense allant du golfe de RIGA (suivant la Duna jusqu'à WITEBSK), arrivé à SMOLENSK (en longeant le Dnieper jusqu'à ROHATSCHEW) et prolongée sa ligne, en arrière, du Prezipiec et de la Muchawiec jusqu'au Bug. En clair, l'Empereur aurait du s'arrêter au Dnieper et à la Duna et terminer sa campagne, dans tous les cas, avec la prise de SMOLENSK. Il aurait du s'établir sur le territoire conquis, augmenter sa force offensive (en sollicitant notamment davantage le peuple polonais) et marcher ensuite sur MOSCOU après avoir repris des forces et se trouver en meilleur position pour commencer la seconde campagne.
NAPOLEON aurait donc du terminé la première campagne sans avoir vaincu véritablement l'armée russe et menacé MOSCOU.
Mais nous connaissons l'hardiesse de NAPOLEON qui a choisi la voie la moins prudente.
L'erreur essentielle a été d'arriver devant MOSCOU avec 100 000 hommes alors qu'il du y arriver avec 200 000 hommes (le double). Cela eût été possible, s'il eût ménagé davantage ses troupes et s'en fut occupé avec plus de soins. Une second grande négligence fut le peu de soin qu'il mit pour préparer sa retraite notamment par la mise en place de garnisons de 5000 à 6000 hommes chacune dans les villes de VILNA, MINSK,POLOCK, WITEBSK et SMOLENSK. La retraite eût perdu la physionomie de catastrophe qu'elle prit alors.
Un exemple significatif à la fin de la retraite (décembre 1812) : Le Maréchal MACDONALD, qui disposait d'une armée de 30 000 hommes devant le siège de RIGA, n'a reçu l'ordre de se replier que le 18 décembre 1812 par un officier Prussien (qui a mis huit jours pour le rejoindre. Pourquoi ne pas avoir envoyer plusieurs émissaires comme le faisait toujours le Maréchal BERTHIER ?). NAPOLEON n'ayant même pas pensé à envoyer cet ordre au Maréchal. C'est MURAT qui rédigea cet ordre le 9 décembre à VILNA.

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"Mais la patrie perd plus que nous deux en perdant un officier distingué autant par ses talents que par son rare courage"-BONAPARTE-1796


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Message Publié : 23 Août 2006 2:22 
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Thucydide
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Inscription : 13 Août 2006 22:40
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Localisation : Québec
Je me rappelle avoir vu une émission de télévision dans laquelle un éminent professeur de médecine français expliquait que le typhus avait fait plus de morts que les fusils russes pendant la campagne de Russie.
Les soldats ayant très froid, ne pouvaient pas se laver et étaient victimes des poux qui transmettaient le typhus. Les fouilles archéologiques de Vilnius ne font que confirmer cette théorie.

Information tirée de Wikipedia:

Typhus à poux :Le typhus à poux est causé par des déficiences sanitaires et est responsable d'épidémies lors de guerres ou de désastres naturels. L'organisme responsable est le Rickettsia prowazekii, transmis par le pou de l'homme (Pediculus humanus corporis). Les symptômes sont : maux de tête, fièvres, sensations de froid, épuisement et éruptions cutanées.


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Message Publié : 26 Août 2006 22:00 
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Salluste
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Inscription : 22 Juil 2006 18:03
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Localisation : Cahors
Dans le même ordre d'idées, il paraitrai que le nombre de chevaux mort en allant a Moscou est faramineux du fait d'une mauvaise alimentation(Blé vert je crois, mais je ne suis pas certain).

Cordialement SAALFELD


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 Sujet du message : Re: Campagne de Russie
Message Publié : 29 Sep 2009 16:06 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 21 Sep 2008 16:42
Message(s) : 1219
Localisation : Seine et Marne
La L'Histoire militaire de la Russie en 1812 de Boutourlin est sur Google Books :
- tome premier : http://books.google.fr/books?id=8lwIAAA ... q=&f=false
- tome deuxième : http://books.google.fr/books?id=UKsFAAA ... q=&f=false

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"L'Angleterre attend que chaque homme fasse son devoir" (message de l'amiral Nelson à Trafalgar)


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 Sujet du message : Re: Campagne de Russie
Message Publié : 08 Oct 2009 7:56 
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Thucydide
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Inscription : 06 Sep 2007 9:19
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Si je me rappelle bien, Napoléon ne comptait pas envahir la Russie, mais au contraire pensait que sitôt "qu'un soldat français aurait franchi le Niemen, Alexandre demanderait la paix". En s'enfonçant dans l'immensité russe, il ne fait que courir après la paix. Mais, la campagne engagé, peut-il faire autrement ?

Ne pas engager la garde à Borodino, où il ne fait pas preuve de son génie militaire habituel, s'explique peut-être aussi par l'état de son armée, dont il ne souhaite pas "abimer" la force la plus solide : 600 000 hommes ont passé le Niemen, et ils n'y en a plus que 120 000 à Borodino. Certes, il a laissé des garnisons en arrière, mais il est clair que la Grande Armée s'est délitée dans l'immensité russe.

A mon avis, monter sur St-Pétersbourg n'était certainement qu'une chimère : regarder une carte. Si cela avait été tenté, on ne parlerait pas de la retraite de la Grande Armée de Russie, mais de la disparition de la Grande Armée en Russie. Notre honneur national dut-il en souffrir, Koutousov s'est montré bien meilleur que Napoléon durant cette campagne.


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 Sujet du message : Re: Campagne de Russie
Message Publié : 14 Oct 2009 21:10 
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Hérodote
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Inscription : 14 Oct 2009 18:18
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Localisation : Saint-brieuc
N'ayant pas trouvé de rubrique "présentation" je vous souhaite donc le bonsoir. C'est mon premier post sur ce forum.

Même problème qu'en Espagne: la stratégie napoléonienne ne peut fonctionner que dans certaines conditions. Elle, ne peut, en fait, exister à plein potentiel (façon 1805 à 1809) que si:
- les troupes sont de bonne qualité. Heureusement, en Russie, les troupes françaises sont celles qui ont bénéficié de la paix d'après Tilsitt, et le niveau d'expérience, d'entraînement et de motivation reste bon malgré les autres problèmes
- l'équipement est à bon niveau: à Moscou, les réserves de munitions sont encore bonnes, mais la dotation en chevaux commence à peser problème (traction des canons et du train, cavalerie), et l'emport habituel du train (3 semaines à 1 mois de vivres) n'est plus renouvelable
- le réseau routier est dense et bon: la Russie est un désert à cet égard
- la densité de population est importante, pour assurer une densité d'implantations de cultures et donc la survie sur le pays. Et la Russie est particulièrement vide de ce côté là
- les lignes d'opérations sont assurées: là, les distances jouent sur le rythme.

Bref, les conditions de la guerre rapide ont disparu, facteur auquel il faut plus simplement ajouter les distances, qui sont gigantesques et contituent un facteur multiplicateur décisif des difficultés. La Grande Armée doit assurer des lignes d'opérations de plus de 2000km; imaginez quelle proportion de l'armée est mobilisée par cette seule tâche.
Enfin, effectivement, il faut ajouter le plus gros de l'attrition qui eut lieu dans la première partie de l'opération, principalement à cause du dégel et de ses effets sur les régions traversées, en grande partie marécageuses et donc vecteurs d'infections massives, d'autant plus ravageurses qu'une armée à cette époque est un foyer de contagion.
On oublie ainsi qu'une grosse partie des pertes ne sont pas nécessairement des morts, mais des blessés et des malades tout bêtement ramenés par wagons en Pologne et dans les garnisons d'Allemagne. Napoléon ne retraverse le Niémen qu'avec 20 à 40 000h, c'est vrai, plus 30 à 50 000 autres revenus par plus ou moins gros paquets graduellement les semaines et mois suivants. Mais il faut ajouter le solde massif des flux (dans les 2 sens) des lignes de communication et ravitaillement, pendant toute l'année 1812.

L'armée n'est en aucun cas un gros paquet qui s'est déplacé massivement: jamais 500 à 600 000h n'ont été concentrés en 1 ou 2-3 grands corps.

_________________
« J’ai fait tant de batailles, avait-il dit avant de mourir, et il n’y a pas d’endroit dans mon corps qui n’ait reçu un coup de sabre ou de flèche. Mais me voilà dans ma couche en train de mourir de mort naturelle comme meurt un chameau. »
Khalid Ibn Al-Walid


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 Sujet du message : Re: Campagne de Russie
Message Publié : 11 Nov 2009 16:48 
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Thucydide
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Inscription : 18 Mars 2006 13:33
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Localisation : STRASBOURG
Bonsoir,

Monter sur SAINT-PETERSBOURG n'était pas aussi "chimère" que le dit X20 puisque cette hypothèse a été discutée, envisagée et que c'est la majorité des Maréchaux qui se sont opposés à cette réalisation. Cette solution valait autant que celle de rester 35 jours à MOSCOU qui a été fatale à la grande armée, qui a acceléré sa décomposition. Il convient de dire que SAINT-PETERSBOURG était la capitale politique (MOSCOU n'avait aucune importance dans ce domaine). L'erreur de rester à MOSCOU, beaucoup d'historiens le disent comme NAPOLEON lui-même l'a reconnu lors de son voyage en traîneau avec CAULAINCOURT. La solution n'était pas de rester à MOSCOU quelque soit l'option choisie : aller sur SAINT-PETERSBOURG avec une possibilté de repli sur SMOLENSK ou sur RIGA (il y avait le groupe d'armée de MACDONALD et 30000 hommes de troupe qui permettaient d'appuyer les 100000 hommes arrivés à MOSCOU mi septembre 1812) ou se replier directement sur SMOLENSK puis sur VILNA. Cela nécessitait que le départ s'organise dès le début de l'incendie de MOSCOU c'est à dire à partir du 15-16 septembre. De toute façon, il était plus pertinent et efficace de commencer un retrait organisé, ordonné pour premettre de réduire progressivement les lignes de communications avec la LITHUANIE et la POLOGNE. En organisant méthodiquement ce retrait, NAPOLEON pouvait accepter une ou deux batailles sur des terrains qui auraient pu choisir. Je pense que c'est sans doute la principale erreur stratégique et militaire mais il a eu d'autres comme celles accumulées en fin de campagne : son départ et l'abandon du reste de l'armée le 5 décembre 1812 (pourquoi ne pas envisager, comme il l'a écrit lui même dans un ordre du jour, que le départ sur VILNA en emmenant BERTHIER pour préparer l'arrivée du reste de l'armée et rester huit jours dans cette ville ce qui aurait éviter la débacle des derniers jours de la campagne ?), confier le commandement de celle-ci au moment de son départ à MURAT (pourquoi ne pas l'avoir emmené avec lui ce qui aurait réglé la question de préséance par rapport à EUGENE ?) demander dès le passage de la Bérézina (fin novembre 1812) à MACDONALD de venir le rejoindre à VILNA en prenant la précaution d'envoyer plusieurs estafettes pour apporter cette instruction, proclamer le Royaume de POLOGNE dès la mi-novembre (à ce moment, il ne pouvait plus rien attendre du Tsar ALEXANDRE) ce qui ne pouvait que lui donner un appui plus fort et massif de la noblesse et du peuple polonais...

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 Sujet du message : Re: Campagne de Russie
Message Publié : 11 Nov 2009 17:52 
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Salluste
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Il ne faut pas oublier que, lors de cette campagne, Napoléon n'est pas seul sur le terrain.
Il ne va pas où il veut, il ne fait pas ce qu'il veut: il doit tenir compte des mouvements de son adversaire.
Si Bagration était favorable à l'attaque à outrance (ce qui aurait probablement bien fait les affaires de Napoléon); Barclay de Tolly et, après lui, Koutousov ont manœuvré plutôt habilement pour éviter la destruction de leur armée tout en favorisant la dispersion et l'étirement de celle de leur ennemi.

Napoléon n'a pas choisi de retourner sur ses pas en automne, il y a été contraint suite au "barrage" effectué par l'armée russe à Maloyaroslavets.

Les Russes ont opéré une concentration stratégique vers les lignes de communications de la Grande Armée. Par le Nord avec le corps de Wittgenstein renforcé par l'armée de Finlande; par le Sud avec Les armées de Tormasov et Tchitchagov.

Il devenait urgent pour la Grande Armée de se replier. Elle n'est d'ailleurs passée que de justesse à la Berezina.

Une campagne en Russie repose d'abord et avant tout sur le contrôle des lignes de communications et de la mise en place d'un flux de ravitaillement et de relève.
Vivre strictement sur le pays s'avère impossible particulièrement en hiver. Napoléon l'a appris à ses dépends et ça lui a coûté l'essentiel de son armée.

Cette campagne a également bien montré à ses adversaires provisoirement soumis (Prusse, Autriche) qu'il n'était pas invincible, qu'il pouvait commettre des erreurs et surtout qu'il avait gaspillé les meilleures de ses troupes. Tout cela face à la seule armée russe...


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 Sujet du message : Re: Campagne de Russie
Message Publié : 11 Nov 2009 18:44 
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Rigoumont a écrit :

Vivre strictement sur le pays s'avère impossible particulièrement en hiver. Napoléon l'a appris à ses dépends et ça lui a coûté l'essentiel de son armée.


En fait les russes à Maloyaroslavets ont obligé Napoléon à retraiter par le chemin qu'il avait déjà pris à l'aller. Or le pays autour avait déjà été "conscienseusement" pillé à l'aller. Donc il ne restait plus rien à glaner au retour

Citer :
Cette campagne a également bien montré à ses adversaires provisoirement soumis (Prusse, Autriche) qu'il n'était pas invincible, qu'il pouvait commettre des erreurs et surtout qu'il avait gaspillé les meilleures de ses troupes. Tout cela face à la seule armée russe...


Ce n'est pas en Russie que Napoléon a usé ses meilleures troupes, c'est en espagne. La Grande Armée de 1812, ne valait pas celle de 1805. Les français y étaient d'ailleurs en minorité

_________________
C'est l'ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté officier d'artillerie, il serait encore sur le trône.

Mr Prudhomme


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 Sujet du message : Re: Campagne de Russie
Message Publié : 11 Nov 2009 20:06 
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Salluste
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Localisation : Braine-L'Alleud (Belgique)
Elgor a écrit :
En fait les russes à Maloyaroslavets ont obligé Napoléon à retraiter par le chemin qu'il avait déjà pris à l'aller. Or le pays autour avait déjà été "conscienseusement" pillé à l'aller. Donc il ne restait plus rien à glaner au retour

Parfaitement.

Citer :
Ce n'est pas en Russie que Napoléon a usé ses meilleures troupes, c'est en espagne. La Grande Armée de 1812, ne valait pas celle de 1805. Les français y étaient d'ailleurs en minorité

Disons que c'est dans les deux.

La Garde (près de 30000 hommes) et le corps de Davout (70000) sont très majoritairement français (et sur ces 100000 hommes, 6000 (!) repassent le Niemen en fin d'année) et d'autres divisions des corps d'Oudinot, Ney... le sont également.

Mais il ne faut pas perdre de vue non plus que les alliés perdu en Russie sont également des troupes de valeur (les contigents bavarois, wurtembergeois et surtout polonais qui continueront à se battre pour l'empereur en 1813 y seront litéralement saignés à blanc).

Je suis bien sûr de votre avis concernant les pertes (ou les troupes "bloquées") en Espagne.


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 Sujet du message : La Russie contre Napoléon
Message Publié : 09 Avr 2012 10:16 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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J’ai lu et je recommande à ceux qui voudraient l’acheter le dernier ouvrage de Dominic Lieven, professeur à la London School of economics et à Cambridge, intitulé : la Russie contre Napoléon, la bataille pour l’Europe 1807-1814.

La dimension histoire militaire est prédominante, et notamment celle des élites dont l’auteur est un spécialiste, puisque l’ouvrage s’il met en perspective les leçons du précédent conflit conclu à Tilsitt, insiste surtout sur les prémices du déclenchement du conflit de 1812-1814.

Parmi les points qui ressortent de ce livre et dont une bonne partie avait déjà été mentionnée sur Passion-Histoire, je retiendrai les suivants.

D’abord une hostilité viscérale de l’immense majorité des élites russes à l’empire français napoléonien, aussi bien parce que cette France est l’héritière de la révolution qu’abhorrent les élites russes que parce qu’elle est un obstacle et une insulte à la grandeur russe. Il rappelle en particulier que la Russie a été le principal Etat expansionniste en Europe du 18ème siècle, abreuvé à la victoire sous les règnes de Pierre 1er, Elisabeth 1ère et Catherine II et que toutes les élites russes du début du 19ème siècle ont grandi et été formées sous le règne de la grande Catherine. Il y a donc un très fort désir de revanche, fortement teinté de mépris.

Ensuite, l’hostilité russe à la France comporte une dimension plus réfléchie, parce que les élites russes ont dès l’origine :
- parfaitement eu conscience que s’allier à Napoléon contre l’Angleterre avec le blocus allait causer de gravissimes difficultés économiques avec la Russie et était contraire aux intérêts économiques fondamentaux des élites comme du peuple russe.
- très bien compris que la domination napoléonienne sur l’Europe centrale signait très largement la fin des ambitions russes en Europe, telles qu’entamées lors des avancées du 18ème siècle les avaient. Et plus particulièrement, la question polonaise, dès la paix de 1807 qui reconstitue un petit duché de Varsovie, constitue un véritable casus belli latent pour la Russie. L’existence même de ce petit duché non-viable est intolérable pour la Russie en ce qu’il risque de constituer un pôle d’attraction pour la revendication « nationale » polonaise, la Pologne étant l’ennemi historique de la Russie depuis qu’elle s’est débarrassée des mongols et comprenant les zones les plus développées et les plus prospères de l’empire.

Pour autant, une certaine élite russe avait bien conscience que l’alternative n’était pas manichéenne et que l’Angleterre était à bien des égards un rival aussi, voire plus dangereux que Napoléon. Un Roumiantsev pensait en termes mondiaux et mesurait bien l’impact de la puissance et de l’expansionnisme mondial des britanniques, fondés sur un quasi-monopole maritime et colonial. Les atteintes de Londres et de la Royal Navy à la liberté du commerce maritime, son contrôle des ressources des autres continents, étaient extrêmement mal vécus par la Russie et représentaient, à terme, une menace beaucoup plus structurelle et durable que le débordement de la France largement imputable aux bouillonnements révolutionnaire et napoléonien.

Mais dans la balance que fait la Russie entre les inconvénients français et anglais, la balance va vite pencher du côté français. Certes parce qu’il est plus facile d’atteindre la France sur le continent que l’Angleterre dans son île et ses colonies ultra-marines. Certes parce que l’intérêt économique de la Russie est de commercer avec l’Angleterre et avec toute l’Europe.

Mais surtout parce que, très rapidement, la Russie estime s’être faite berner par Napoléon qui ne l’appuie pas dans ses plans de dépeçage de l’empire ottoman et qui place des membres sa famille sur les trônes de sa zone de contrôle en Europe.

Entre 1807 et 1812, la Russie se prépare méthodiquement à faire face à un nouveau conflit contre Napoléon dans de meilleures conditions qu’en 1807. Sous la direction notamment d’Araktcheiev, et de Barclay de Tolly, elle s’organise pour améliorer son artillerie, sa cavalerie qui était déjà excellente, sa logistique surtout. Sans oublier qu’elle peut s’appuyer sur un remarquable réseau de renseignement à l’étranger, certes pas égal à celui de l’Angleterre mais nettement meilleur que celui de Napoléon.

L’armée russe de 1812 est devenue nettement meilleure que celle de 1807. Sa cavalerie est la plus nombreuse et la meilleure du monde. Son artillerie est devenue de très bon niveau.

Mais ces éléments à eux-seuls ne peuvent expliquer la victoire russe. Malgré ces progrès russes, le rapport de forces restait très nettement en faveur de Napoléon. Dominic Lieven fait ainsi justice des historiographies française et allemande, voire de la littérature tolstoïenne, selon lesquels le général Hiver serait seul responsable de la défaite de la Grande Armée. Surtout qu’avant décembre, l’automne a été plutôt plus clément que d’habitude : c’est plutôt l’été qui a été pourri et qui a entravé l’avance de la grande armée.

La défaite de Napoléon en Russie est d’abord la conséquence des analyses politiques erronées et des mauvais choix stratégiques effectués par Napoléon alors même qu’Alexandre 1er et ses principaux ministres et conseillers ont, eux, bien analysé les forces et faiblesses de Napoléon et adapté en conséquence leur stratégie.
Comme nous avons pu le dire sur ce forum, il n’était pas très sensé de la part de Napoléon de viser le même résultat politique qu’en 1807 alors même que ce résultat avait échoué. Et il était également peu sensé de penser que répéter la même stratégie qu’en 1807, mais avec 3 à 4 fois plus d’effectifs pour garantir numériquement la victoire, permettrait d’aboutir à un même enchaînement de résultats.
Il était surtout incohérent de projeter que la campagne doive être bouclée en une année seulement et que son dénouement doive être obtenu rapidement par une nette victoire dans une grande bataille. Jamais un général en chef (russe) qui ne soit pas une tête brulée, n’aurait engagé une grande bataille rangée contre une armée ennemie 2 fois et demi à 3 fois plus nombreuse que la sienne.
Quel était par ailleurs l’intérêt de prendre Moscou alors que c’est Saint Petersbourg qui était la capitale de la Russie et son ouverture principale sur le commerce occidental ?
Il était enfin, hautement hasardeux et fatalement présomptueux, de la part de Napoléon, de miser sur sa prétendue connaissance de la psychologie d’Alexandre 1er alors que le tsar était une personne profondément dissimulatrice, un remarquable acteur, particulièrement entêté.

Pour pouvoir vaincre l’armée russe sur son territoire, il aurait fallu pouvoir la déborder et l’encercler. Or la masse même de l’armée impériale et sa méconnaissance du terrain était un facteur majeur de ralentissement. Qui plus est, la cavalerie russe était meilleure que la cavalerie de Napoléon, surtout en raison du commandement de Murat qui s’est révélé être une véritable catastrophe. Murat, comme vous l’avez déjà dit ici, n’aurait jamais du se voir confier plus qu’une division, voire une brigade : au-delà son incompétence mettait en danger la cavalerie. Enfin, l’armée russe pouvait, elle, s’appuyer sur un réseau de dépôts et de réserves constitué à l’avance.

Outre les erreurs stratégiques et les insuffisances tactiques de Napoléon et de ses maréchaux pendant cette campagne, Lieven met en particulier en évidence la topographie de la Russie de l’ouest, son faible nombre de routes et chemins praticables, qui était là aussi un obstacle à l’engagement de manœuvres de débordement : cela explique en partie les choix, en apparence absurdes, de coûteux chocs frontaux de la part de Napoléon.

Plusieurs maréchaux et généraux de Napoléon lui ont conseillé une campagne de 2 années : 1812 et 1813. S’il en avait été ainsi, la guerre aurait pris une tournure complètement différente en ce que :
- les trois quarts de l’armée impériale n’auraient pas été perdus dans de vaines marches, contre-marches et retraites dans l’immensité russe.
- Napoléon aurait pu consolider son emprise territoriale, organiser des défenses, et faire face au retour offensif russe au printemps en étant à peu près correctement installé.
- Napoléon aurait alors pu reconstituer une grande Pologne viable qui aurait structurellement affaibli la Russie, ce qui était la condition absolument indispensable pour forcer le pouvoir russe à accepter une paix durable.

Pour avancer plus rapidement, même après le désastre de Russie, rien n’était perdu pour l’empire napoléonien. En 1813, Napoléon a reconstitué une très grande armée et se bat, cette fois, sur son terrain. Et malgré son handicap en matière de cavalerie qu’il n’a pu entièrement reconstituer, il a eu maintes occasions de remporter une victoire décisive, en mai 1813, puis surtout à Dresde et même la 1ère journée de Leipzig, victoire qui aurait probablement entraîné la dislocation de la coalition avec retrait de l’Autriche habsbourgeoise. Sans omettre que la Russie était épuisée par l’effort de guerre et par les destructions qu’elle-même s’était infligée pendant la retraite de 1812.

Pour résumer, Napoléon filait un mauvais coton sur le plan politique et militaire en 1812 et 1813. Il semble en mal d’inspiration, sur le plan stratégique en 1812, et en mal de discernement tactique en 1813. Ce sont d’abord ses erreurs, assaisonnées d’un manque de chance, qui ont été la cause d’une perte qui n’était ni certaine ni même probable en 1813, et ce malgré l’énorme alliance des forces russes, autrichiennes, prussiennes et britanniques rassemblée contre la France. L’empereur était devenu un passif politiquement pour la France, en ce qu'il était devenu un "joueur" faisant tapis systématiquement et refusant de "prendre" ses pertes. Il y avait de la place pour négocier avec l'Autriche, sur des bases qui seraient restées extrêmement avantageuses pour la France, étant entendu que l'Autriche craignait bien plus, à long terme, l'immense empire russe avec ses ambitions balkaniques que la France.
Et il n’est pas dit que Napoléon était encore, à ce moment, le meilleur chef de guerre qu’elle ait eu à disposition pour conduire les opérations.


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 10 Avr 2012 17:31 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Merci pour cette remarquable synthèse qui donne envie de lire le livre.

Puis je vous demander de nous éclairer sur 3 points qui m'intriguent.

En quoi le peuple russe était il impacté par le blocus et notamment par l'entrave au commerce maritime et colonial ?

Comment peut on dire que la cavalerie russe était la meilleure du monde ? à cause des cosaques ?

Enfin comment Napoléon a-t-il pu à ce point sous estimer les données physiques propres à la Russie : froid hivernal, faiblesse du réseau routier (même selon les critères du temps), immensité du territoire ?


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 13 Avr 2012 13:14 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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De premières réponses sommaires.

La Russie, et en particulier les élites russes (dans un système dont il ne faut pas oublier qu'il était très largement marqué par le servage), dépendait fortement (déjà, me direz-vous) de ses exportations de matières premières. C'est aussi la priver des produits manufacturés anglais, comme des produits exotiques dont la marine britannique peut s'assurer le quasi-monopole de la commercialisation en Europe.

La cavalerie russe n'était pas la meilleure qu'à cause des cosaques. Ceux-ci étaient surtout efficaces pour des coups de main sur le ravitaillement et les communications et pour le harcèlement de petites unités isolées. La Russie avait aussi les plus grandes ressources en chevaux. Et la cavalerie impériale russe était une quasi-armée professionnelle. Elle était très bien organisée, très bien encadrée, avec un très bon système de ravitaillement.

Je pense que pour partie Napoléon filait un "mauvais coton" et que par ailleurs, il a fait un pari en toute connaissance de cause, estimant ne pas avoir d'autre choix que de trancher ce noeud gordien. Le vrai problème est qu'il se soit entêté dans une mauvaise stratégie alors qu'il pouvait à tout le moins mesurer sur le terrain les inconvénients de la topographie russe une fois la guerre engagée.
Or sur la stratégie, Koutouzov a demandé après coup à je ne sais plus quel général français fait prisonnier : mais comment se fait-il donc qu'un homme comme l'empereur Napoléon ne se soit pas rendu compte de notre stratégie de fuite visant à l'épuiser dans l'immensité russe ? N'était-ce pas évident dès l'été ?


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 Sujet du message : Re: La Russie contre Napoléon
Message Publié : 13 Avr 2012 18:02 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Caesar Scipio a écrit :
De premières réponses sommaires.

La Russie, et en particulier les élites russes (dans un système dont il ne faut pas oublier qu'il était très largement marqué par le servage), dépendait fortement (déjà, me direz-vous) de ses exportations de matières premières.

Et la cavalerie impériale russe était une quasi-armée professionnelle. Elle était très bien organisée, très bien encadrée, avec un très bon système de ravitaillement.

Je pense que pour partie Napoléon filait un "mauvais coton"


Merci Casear

quelques réactions rapides

sur le point 1 : vous supposez que le peuple pesait peu dan sle processus de décision et que le Tsar était sensible à la situation des grands propriétaires fonciers privés des débouchés anglais (bois , blé) et privés d'importations de sucre, de coton, de chocolat ???
Peut on penser que le commerce extérieur russe était excendaire avec l'Angleterre et que cet excedent financait les autres importations (notamment les produits de luxe français).

sur le point 2, peut on penser que la cavalerie russe était bien organisée ("à la prussienne") - sans aucun rapport qui semble avoir caractérisé les armées russes entre 1855 et 1942 ?...pourquoi ?

sur le point 3, je pense comme vous. Il a perdu son légendaire pragmatisme pour ne conserver que son audace...


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