Ahmosis a écrit :
Merci pour cette réponse, Almayrac.
Je sais en effet qu'il existe ça et là des prémices d'évolutionnisme, des remises en cause ou des nuances sur l'idée d'une création divine. Mais j'entendais de la part de penseur du XVIIIe siècle, dont les théories aurait eu suffisamment de portée pour être reprises dans l'Encyclopédie.
Actuellement, on a tendance à présenter Darwin comme l’alpha-oméga de l'évolutionnisme. On fait comme si son intervention aurait fini le monde d'avant et initié une ère nouvelle... En fait, Darwin était en relation avec pas mal de gens qui constataient que les espèces évoluaient. De nombreux éleveurs voyaient bien que leurs animaux n'étaient pas tout à fait identiques de ceux que l'on connaissaient 20 ou 30 ans avants. Surtout qu'il y avait de nombreuses études pour l'amélioration des races animales ou des variétés végétales. On n'en comprenaient pas les mécanismes, mais il y a de nombreux rapports et comptes-rendus de diverses sociétés savantes qui présentent l'évolutionnisme comme une évidence. En fait, ce qu'il manquait c'était une théorie qui explique tout cela, qui coordonne les diverses observations et qui donne un cadre permettant de sortir de la voie expérimentale pour essayer d'aller vers une voie plus scientifique.
Et en fait, ce ne sera pas le darwinisme initial, pour la bonne et simple raison que s'il explicite les mécanismes de l'évolution naturelle et sexuelle (ainsi que comment l'homme peut les manipuler), Darwin bute sur un point d'importance, il n'arrive pas à identifier le support de l'évolution. Il y a bien quelque chose qui mute, sûrement au hasard. Ensuite, les divers moteurs de l'évolution se mettent en œuvre pour sélectionner le plus apte (et pas le plus fort comme l'ont dénaturés les tenants du "darwinisme social"). On peut donc défaire la pelote et remonter dans le temps à suivre la naissance de cet esprit évolutionniste. Lors du bicentenaire de Darwin, plusieurs articles dans plusieurs revues scientifiques ont parlé de cet évolutionnisme d'avant Darwin.
Darwin est très loin de l'archétype du scientifique solitaire qui élabore sa théorie tout seul dans son coin avant de l'exposer au monde ébahi. Au contraire, il appartient à des réseaux, il échange de la correspondance avec des scientifiques de divers horizons. Darwin s'intéresse au
transformisme. Si on veut remonter plus loin, il semblerait bien que Buffon n'était pas un fixiste, mais qu'il pensait qu'il n'y avait pas encore assez de données permettant d'élaborer une théorie. Toutefois, il note que l'on trouve des traces d'évolutions entre espèces proches. Or, Buffon meurt en 1788 ...
Quand on va lire les comptes-rendus des sociétés savantes locales du début du XIXème siècle sur Gallica, il n'est pas rare de tomber sur des présentations qui donnent à penser qu'une partie des savants de l'époque est déjà anti-fixiste. Mais, personne n'arrive à mettre cela en ordre. On voit bien que l'on arrive à modifier les espèces. Il suffit de se rappeler que les carottes n'ont pas toujours été oranges, et que cette couleur spécifique est apparue a peu-près à cette époque