Voilà,
J'ai un commentaire de texte à réaliser sur le mandement de Mgr Beaumont condamnant l'oeuvre de Rousseau. J'ai du mal à trouver un plan. Auriez-vous quelques pistes ? Quelques lignes directrices ?
J'avais pensé évoqué l'apologétique catholique à travers ce texte, la lutte de l'Eglise contre les Lumières... etc.
Mais je voudrais avoir votre avis... Merci bien,
Voici le texte :
. SAINT PAUL a prédit, MES TRÈS-CHERS FRERES, qu'il viendroit des jours périlleux où il y auroit des gens amateurs d'eux-mêmes , fiers , superbes, blasphémateurs, impies, calomniateurs, enfles d'orgueil, amateurs des voluptés plutôt que de Dieu : des hommes d'un esprit corrompu & pervertis dans la Foi.*[*In novissmis diebus instabunt tempora periculosa ; erunt homines seipsos amantes... elati, superbi, blasphemi... scelesti ... criminatores...tumidi & voluptatum amatores magis quam Dei...homines corrupti mente & reprobi circa fidem. 2.Tim. C 3. v. 1. 4. 8.]Et dans quels tems malheureux cette prédiction s'est-elle accomplie plus à la lettre que dans les nôtres ! L'incrédulité, [249] enhardie par toutes les passions, se présente sous toute les formes , afin de se proportionner , en quelque sorte , à tous les âges, à tous les caracteres , à tous les états. Tantôt, pour s'insinuer dans des esprits qu'elle trouvé , déjà ensorcelés par la bagatelle,*[*Fascinatio nugacitatis obscurat bona Sap. C. 4. v. 12.] elle emprunte un style léger, agréable & frivole : de - là tant de romans également obscenes & impies, dont le but est d'amuser l'imagination, pour séduire l'esprit & corrompre le coeur. Tantôt, affectant un air de profondeur & de sublimité dans ses vues , elle feint de remonter aux premiers principes de nos connoissances , & prétend s'en autoriser, pour secouer un joug qui, selon elle, déshonore l'humanité, la Divinité même. Tantôt elle déclame en furieuse contre le zele de la Religion, & prêche la tolérance universelle avec emportement. Tantôt enfin, réunissant tous ces divers langages, elle mêle le sérieux à l'enjouement, des maximes pures à des obscénités, de grandes vérités à de grandes erreurs, la foi au blasphême ; elle entreprend, en un mot, d'accorder la lumiere avec les ténebres , Jésus -Christ avec Bélial. Et tel est spécialement , M. T. C. F. l'objet qu'on paroît s'être proposé dans un ouvrage récent , qui a pour titre: EMILE ou DE L'EDUCATION. Du sein de l'erreur il s'est élevé un homme plein du langage de la philosophie, sans être véritablement philosophe: esprit doué d'une multitude de connoissances qui ne l'ont pas éclairé, & qui ont répandu des ténebres dans les autres esprits : caractere livré aux paradoxes d'opinions & de conduite ; alliant la simplicité des moeurs avec [250] le faste des pensées ; le zele des maximes antiques avec la fureur d'établir des nouveautés , l'obscurité de la retraite avec le desir d'être connu de tout le monde ; on l'a vu invectiver contre les sciences qu'il cultivoit; préconiser l'excellence de l'Evangile, dont il détruisoit les dogmes; peindre le beauté des vertus qu'il éteignoit dans l'ame de ses Lecteurs. Il s'est fait le précepteur du genre-humain pour le tromper, le moniteur public pour égarer tout le monde, l'oracle du siecle pour achever de le perdre. Dans un ouvrage sur l'inégalité des conditions , il avoit abaissé l'homme jusqu'au rang des bêtes; dans une autre production plus récente, il avoit insinué le poison de la volupté en paroissant le proscrire : dans celui-ci, il s'empare des premiers momens de l'homme , afin d'établir l'empire de l'irréligion.
Or, M. T. C. F. , l'Auteur d'EMILE propose un plan d'éducation qui, loin de s'accorder avec le Christianisme , n'est pas même propre à former des citoyens, ni des hommes. Sous le vain prétexte de rendre l'homme à lui - même , & de faire de son Eleve l'Eleve de la nature, il met en principe une assertion démentie , non-seulement par la Religion, mais encore par l'expérience de tous les peuples & de tous les tems. Posons, dit-il, pour maxime incontestable, que les premiers mouvemens de la nature sont toujours droits : il n'y a point de perversité originelle dans le coeur humain. A ce langage on ne reconnoît point la doctrine des saintes Ecritures & de l'Eglise , touchant la révolution qui s'est faite dans notre nature. On perd de vue le rayon de lumiere qui nous fait connoître le mystere de notre propre coeur.
Il a senti que la vérité de la révélation chrétienne étoit prouvée par des faits; mais les miracles formant une des principales preuves de cette révélation , & ces miracles nous ayant été transmis par la voie des témoignages , il s'écrie : quoi ! toujours des témoignages humains! toujours des hommes qui me rapportent ce que d'autres hommes ont rapporté ? Que d'hommes entre Dieu & moi ! Pour que cette plainte fût sensée , M. T. C. F. , il faudroit pouvoir conclure que la révélation est fausse dès qu'elle n'a point été faite à chaque homme en particulier ; il faudroit pouvoir dire: Dieu ne peut exiger de moi que je croye ce qu'on m'assure qu'il a dit , dès que ce n'est pas directement à moi qu'il a adresse [261] sa parole. Mais n'est-il donc pas une infinité de faits , même antérieurs à celui de la révélation chrétienne , dont il seroit absurde de douter ? Par quelle autre voie que par celle des témoignages humains , l'Auteur lui-même a-t-il donc connu cette Sparte , cette Athenes , cette Rome dont il vante si souvent & avec tant d'assurance les loix , les moeurs , & les héros ? Que d'hommes entre lui & les événemens qui concernent les origines & la fortune de ces anciennes Républiques ! Que d'hommes entre lui & les Historiens qui ont conservé la mémoire de ces événemens ! Son scepticisme n'est donc ici fondé que sur l'intérêt de son incrédulité.
A ces causes, vu le livré qui a pour titre: EMILE, ou de l'Education , par J. J. Rousseau, Citoyen de Geneve. A Amsterdam , chez Jean Néaulme, Libraire , 1762. Après avoir pris l'avis de plusieurs personnes distinguées par leur piété & par leur savoir, le saint Nom de Dieu invoqué, Nous condamnons ledit livré, comme contenant une doctrine abominable , propre à renverser la loi naturelle, & à détruire les fondemens de la religion chrétienne ; établissant dus maximes contraires à la morale évangélique ; tendant à troubler la paix des états, à révolter les sujets contre l'autorité de les Souverain: comme contenant un très-grand nombre de propositions respectivement fausses, scandaleuses , pleines de haine contre l'Eglise & ses Ministres, dérogeantes au respect dû à l'Ecriture Sainte & à la tradition de l'Eglise, erronées , impies, blasphématoires & hérétiques. En conséquence Nous défendons très-expressément à toutes personnes de notre Diocese de lire ou retenir ledit livré , sous les peines de droit. Et sera notre présent Mandement lu au Prône des Messes Paroissiales des Eglises de la ville, fauxbourgs & Diocese de Paris, publié & affiché par-tout où besoin sera. DONNE à Paris en [273] notre Palais Archiépiscopal, le vingtieme jour d'Août mil sept cent soixante-deux.
Signé Christophe, archevêque de Paris
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