Ungern a écrit :
PJ57 a écrit :
un roturier fortuné pouvait très bien faire l'acquisition d'une seigneurie - et se retrouver de facto seigneur « haut justicier » - sans que cela n'implique le moins du monde que cet achat en fasse un noble.
Encore une allusion perfide à giscard .
J'avoue que je ne pensais pas du tout à cela !
Escalibure a écrit :
Toutes les seigneuries n'ont pas le droit de haute justice. Certaines n'ont que la moyenne voire la basse justice. Ensuite, la justice seigneuriale à cette époque n'a plus un grand poids, le condamné demandant à être jugé par la justice royale. Les rois de France ont vidé la justice seigneuriale de toute substance à partir de la fin du moyen âge si ma mémoire est bonne.
Oui, conjointement à la centralisation du pouvoir et à la "professionnalisation" des juges depuis la charnière XIIe/XIIIe siècles. En modérant néanmoins, car les justices seigneuriales (ou municipales) ne sont pas forcément vidées de toute substance et conservent quelques compétences (même si, en caricaturant, cela a parfois pu se réduire à la résolution de querelles de bornage).
En théorie, le roi étant source unique de la justice, toutes les justices seigneuriales du royaume de France (y compris celles jouissant de haute justice) perdent leur indépendance et se retrouvent donc "justices
déléguées", ce qui signifie qu'il est toujours possible de faire appel à un tribunal royal, voire au roi lui-même en demandant rémission. Dans les faits, il est probable, sinon certain, que des justices seigneuriales aient instruit des cas qui n'étaient plus, en principe, de leur ressort. Une pression est quand même mise sur ces justices seigneuriales afin qu'elles "rendent une justice convenable" (J.-M. Carbasse [Cf. références plus bas]). A titre d'illustration, je vous cite une affaire sur laquelle j'étais tombé lorsque je travaillais sur mon mémoire de maîtrise...
En 1752, le coupable d'un vol est condamné à être banni du royaume par la justice de Rodemack (un fort joli village fortifié non loin de la frontière luxembourgeoise, soit dit en passant
). L'affaire atterrit au Parlement de Metz qui envoie ses remontrances :
Citer :
« [Il est défendu] aux juges et seigneuries de Rodemack et à tous autres de prononcer des dépens en matière criminelle lorsqu’il n’y a point de partie civile et de condamner les accusés au bannissement hors du royaume mais seulement de leur ressort. »
Autrement dit : les juges de Rodemack se font remonter les bretelles : 1/ parce qu'il n'y avait aucune partie civile présente au procès (je ne suis pas juriste, mais il me semble que l'on appellerait aujourd'hui cela "vice de procédure") ; 2/ parce qu'une justice seigneuriale ne peut bannir au-delà de sa juridiction.
Il y a, en outre, des cas particuliers "autorisés" (les capitouls de Toulouse conservent par exemple leur compétence au criminel jusqu'à la Révolution).
Une dernière chose concernant la possibilité d'appel... Sous l'Ancien Régime, il me semble que l'appel n'est pas suspensif... Autrement dit, si vous êtes condamné à mort et que vous faites appel, il vous faut espérer que votre demande soit examinée avant la date de votre exécution (en tenant compte des temps d'acheminement des missives à cette époque !).
Un livre utile que j'avais déjà cité dans un autre fil :
Jean-Marie CARBASSE, Introduction historique au droit pénal, PUF. Pour en revenir à la question posée à l'origine de ce fil, ce livre passe en revue l'arsenal des principales peines utilisées au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, sans verser dans le sordide.
PJ