Citer :
Je remarque simplement que dans l'aristocratie voire les classes possédantes, on avait jusqu'au XVIIIème siècle et pour de nombreuses raisons de nombreux enfants. Et on pouvait se le permettre ! le chateau, le domaine, voire le gros de la fortune, revenaient au fils ainé ! [...]Après 1789, tout cela n'est plus possible ! Chacun des enfants à sa part réservée et ce qui peut être distribué par testament est peu de chose.
Les stratégies patrimoniales qui sont plusieurs fois évoquées dans cette discussion me semblent à moi aussi (voir Alceste juste au-dessus :
"Les raisons liées à la succession et aux contingences matérielles sont souvent simplistes") un peu courtes pour tout expliquer. En effet, le contrôle des naissances dans l’aristocratie est attesté depuis la fin du XVIIème siècle, cela est évoqué plus haut chez les ducs et pairs.
Et c’est à partir de ces catégories supérieures que cette pratique s’est diffusée peu à peu dans les couches plus populaires de la société (voir à ce sujet les chiffres fournis par J.L Ormières,
Politique et religion en France, Complexe, 2002 : à Rouen, la contraception était pratiquée par 10% des couples au début du XVIIIème, puis par 25 % vers 1750, et plus de 50 % en 1789).
J.B. Moheau notait ainsi en 1778 sur un ton moralisateur (
Recherches et considérations sur la population de la France) :
"
Les femmes riches, pour qui le plaisir est le plus grand intérêt et l’unique préoccupation, ne sont pas les seules qui regardent la propagation de l’espèce comme une duperie du vieux temps ; déjà, ces funestes secrets inconnus à tout animal autre que l’homme [je suppose qu’il évoque la pratique qui se répand du coïtus interruptus]
ont pénétré dans les campagnes : on trompe la nature jusque dans les villages".Citer :
Ce détachement religieux est assez visible en Normandie par exemple, terre pionnière en matière de contrôle des naissances.
Mais la déchristianisation comme moteur de la baisse de la natalité fait encore controverse : par exemple, Chaunu l’expliquait au contraire par la continence prônée par la réforme catholique, et par le rigorisme janséniste (il observe une relation entre géographie des basses fécondités et diffusion du jansénisme) ; Flandrin (
Familles, parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société, Seuil 1984) comme Ariès (
L’enfant,et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Seuil, 1973)), préfèrent y voir un modèle familial nouveau, basé sur une morale qui privilégie l’éducation des enfants, comme Alceste le notait plus haut :
Citer :
Cela se situe dans un contexte de plus grand intérêt porté à l'enfant qui, plus qu'à nourrir devient peu à peu à éduquer, ce qui fait que l'on préfère concentrer ses efforts sur quelques enfants.
De plus la déchristianisation (ainsi que la paupérisation et le déracinement en cadre urbain d’une foule de paysannes : Flandrin) a pu jouer un rôle non négligeable non dans la baisse de la natalité, mais au contraire dans son maintien à un niveau élevé, par l’explosion des naissances illégitimes : de 6% à 25 % à Toulouse entre 1700 et 1788, de 3 à 10 % à Nantes, de 4,5 à 12,5% à Lille entre 1740 et 1785 (plusieurs monographies citées par Ormières, op. cit.)