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Message Publié : 15 Mars 2004 13:12 
Bonjour à tous,

j'interviens pour la première fois dans ce forum, dont je lis déjà les débats depuis un certain temps avec beaucoup de plaisir et d'intérêt. Les derniers échanges sur le rôle de Louis XVI, mais aussi pas mal de discussions antérieures, font mention de ces curieux "historiens" que sont Paul et Pierrette Girault de Coursac. Or passionnée de tout ce qui touche à la RF, y compris du côté royaliste, j'ai naturellement lu ces auteurs et... je suis restée perplexe et même assez stupéfaite. J'aimerais avoir des points de vue sur eux de la part des participants au forum, dont il me semble que beaucoup les ont lus.

Merci d'avance de vos réponses,
Cordialement,
CC


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Message Publié : 16 Mars 2004 19:15 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 12 Juil 2003 17:54
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Je vais donc ouvrir le bal. :D

De ces auteurs, j'ai commencé par lire L'éducation d'un prince : Louis XVI Ce livre m'a passionné et fait découvrir une foule de choses sur l'enfance et l'adolescence du Roi, que j'ignorais totalement à l'époque. J'étais donc très enthousiaste d'autant que d'autres auteurs soulignaient toujours la qualité de ce travail dans leurs ouvrages. (:8:)

Je me suis donc mis à acheter leurs livres et pas un ne manque dans ma bibliothèque.

Mes premiers doutes sont apparus à la lecture de Louis XVI & Marie-Antoinette, vie conjugale, vie politique où leur thèse d'un "complot lorrain" pour discréditer le Roi, de fausses-couches répétées, volontairement provoquées par Marie-Antoinette, usant pour cela de "bains chauds" et autres procédés étranges, m'a paru totalement loufoque.
Les raisons de la fuite de Varennes et surtout de son échec, dans Sur la route de Varennes que ces auteurs attribuent à Bouillé et à la Reine, sont aussi assez surprenantes 8O et je ne parle pas du Secret de la Reine, ouvrage que j'ai déjà évoqué ici. 8O

Hélas ! Je dirais que, malgré un travail d'archives colossal au cours duquel ils tombent parfois sur des documents inédits et/ou peu ou pas encore exploités, les conclusions qu'ils en tirent souvent ne résistent pas à une analyse objective. :(

J'ajouterai qu'à toujours vouloir opposer le Roi à la Reine, en sanctifiant le premier et en accablant la seconde, les Girault de Coursac oublient un peu vite que, loin de se dissocier, le couple royal s'est rapproché et renforcé dans les épreuves.
Leur vénération pour Louis XVI et leur peu de sympathie pour la Reine les entrainent souvent sur des chemins où leur raison s'égare... :(

A lire avec prudence. :roll:


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Message Publié : 16 Mars 2004 23:25 
Bonsoir,

Je donne mon avis au risque d'etre taxee - encore une fois - de fermeture d'esprit (pour ne pas dire negationnisme - vous les Francais ne tarissez pas de compliments ;O).

Louis-Auguste a écrit :
Mes premiers doutes sont apparus à la lecture de Louis XVI & Marie-Antoinette, vie conjugale, vie politique où leur thèse d'un "complot lorrain" pour discréditer le Roi, de fausses-couches répétées, volontairement provoquées par Marie-Antoinette, usant pour cela de "bains chauds" et autres procédés étranges, m'a paru totalement loufoque.


Pour ma part je ne dirais pas que j'accepte leur theorie des "fausses couches" entierement car c'est vrai qu'ils manquent de preuves pour la fonder (et comment pourrait-il etre autrement?). On avait au passe discute sur ce sujet dans ce meme forum et sans adopter au cent pour cent la these des Girault de Coursac (sur les fausses couches) je crains qu'il soit dommage de ne pas examiner leurs arguments de plus pres (si, je sais que certains d'entre nous ne daignent meme pas les appeler comme tels ;O) sous pretexte qu'ils paraissent etre loufoques (je vous renvoie a un message precedent :
http://www.passion-histoire.net_ ... php?t=1059).

Louis-Auguste a écrit :
Les raisons de la fuite de Varennes et surtout de son échec, dans Sur la route de Varennes que ces auteurs attribuent à Bouillé et à la Reine, sont aussi assez surprenantes 8O et je ne parle pas du Secret de la Reine, ouvrage que j'ai déjà évoqué ici. 8O


Je voudrais votre avis sur cela aussi; donnez plus d'exemples svp. En depit des apparences j'ai aucun probleme a parler du taux de credibilite des Girault de Coursac ;O)

Louis-Auguste a écrit :
Hélas ! Je dirais que, malgré un travail d'archives colossal au cours duquel ils tombent parfois sur des documents inédits et/ou peu ou pas encore exploités, les conclusions qu'ils en tirent souvent ne résistent pas à une analyse objective. :(


On parle aussi de falsification des documents qu'ils ont utilises (j'admets ne pas en etre encore convaincue - pour cela je voudrais - comme chaque lecteur je crois - de preuves plus tangibles).

Georgia


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Message Publié : 20 Mars 2004 13:38 
Bonjour à tous,

merci pour ces réponses. Je n'ai, pour ma part, lu que quatre ouvrages des Girault : L'éducation d'un roi, Enquête sur le procès de Louis XVI, Louis XVI et Marie-Antoinette, vie politique, vie conjugale et Le secret de la Reine. J'ai eu l'occasion de consulter l'album sur Louis XVI.

Je suis d'accord avec vous, Louis-Auguste, pour mettre à part le premier titre : il s'agit, si mes renseignements sont exacts, de la thèse de doctorat de Madame Girault de Coursac, préparée sous la direction du grand historien Alphonse Dupront. Malgré un ton désuet d'hagiographie, c'est une somme d'érudition remarquable et novatrice.

Mais le reste! Je donne ici mon avis sans détour : sur le plan historique c'est simplement calamiteux, et parfois franchement ridicule. Personnellement, je suis très mal à l'aise face à ce genre de texte. Ce qui m'étonne surtout, et c'est pourquoi j'ai mis ce message pour avoir d'autres points de vue, c'est l'obstination des Girault à construire entièrement leur propos, jusqu'à l'absurde, en fonction d'un mythe personnel très spécial, que je résumerais de la sorte : Louis XVI est un surhomme, Marie-Antoinette est un monstre femelle (image bâtie sur des clichés archaïques dignes de ceux des pamphlets révolutionnaires :) ), les révolutionnaires (tous pris en bloc et qualifiés de "jacobins" pour aller plus vite...) des créatures perverses dont l'unique but est de tuer le Roi et de ruiner la France... A partir de ces représentations figées, tout est bon pour les illustrer : choix partisan des sources, falsifications et découpages divers, montages, lectures aberrantes, fabrication de "romans" incohérents. On pourrait assez facilement multiplier les exemples.
La question que je me pose est "pourquoi"? D'où peut bien venir cette curieuse obsession chez les Girault, qui les a conduits à multiplier les recherches et à mettre en oeuvre un énorme travail de rédaction au profit de thèses délirantes? Quelqu'un en a-t-il idée? Car il ne s'agit pas d'une réhabilitation, certainement nécessaire (et je crois largement acquise aujourd'hui) du Louis XVI historique, mais d'une entreprise d'écriture autour d'un fantasme personnel... J'avoue que ce travail me laisse perplexe. C'est simple curiosité de ma part. Par ailleurs, ont-ils traité d'autres sujets?
Merci de vos réponses.

Cordialement,
CC


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Message Publié : 20 Mars 2004 15:50 
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Plutarque
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Inscription : 31 Août 2003 18:34
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Pourriez-vous en dire plus sur les falsifications et montages? A votre avis est-ce que je peux acheter le "vie conjugale, vie politique" et le lire sans crainte ou bien je prends un bon gros stabilo pour noter toutes les incohérences possibles?

_________________
"Le signe le plus flagrant qu'une vie intelligente existe quelque part dans l'univers, c'est que personne n'a essayé de nous contacter" Bill Watterson, Calvin & Hobbes


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Message Publié : 20 Mars 2004 17:51 
Bonjour Madame Royale,

eh bien, j'ai le souvenir d'exemples particulièrement remarquables dans l'Enquête sur le procès. Dans le but de soutenir une thèse impossible, à savoir que Louis XVI n'avait jamais eu recours à la corruption dans les premières années de la RF, les Girault charcutaient joyeusement la correspondance de Laporte retrouvée dans l'Armoire de fer, qui établit évidemment sans la moindre ambiguïté ce recours... Mais ce n'est qu'un exemple, il y en a d'autres. Pour vous en dire plus il faudrait que je reprenne les livres, ce qui est possible mais me demanderait quelques jours.
Je ne peux, en toute honnêteté, que vous déconseiller radicalement l'achat de Vie politique, vie conjugale. Cet avis n'engage que moi, mais sincèrement je le partage :D. Des livres des Girault que j'ai lus, c'est le plus effarant.

Cordialement,
CC


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Message Publié : 06 Avr 2004 23:06 
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Eginhard
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Inscription : 22 Mai 2003 16:34
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En ce qui me concerne j'ai jeté provisoirement l'éponge sur les théses de Mr et Mme Girault de Coursac. Pour dire la vérité, je ne m'y retrouve pas, leurs ouvrages manquent de clarté. Considérés certes comme trés pointus et trés documentés, leurs livres sont difficiles à lire, d'éminents spécialistes de Louis XVI et de Marie-Antoinette l'ont dit publiquement.

Ils ont un mérite cependant. Celui d'avoir tenté de réhabiliter Louis XVI. Mais cette réhabilitation concerne plus le caractère et les gouts du roi que son action personnelle au cours du règne. On peut au regard de leurs documents restituer le vrai visage de Louis XVI qui n'était certes pas le gros forgeron obtus que l'on avait voulu nous présenter depuis prés de deux siècles.

Mais plus ma reflexion avance, plus je pense que Louis XVI n'était pas l'homme de la situation pour régler les problèmes de la monarchie dans les années 1770 et 1780 et plus encore pour faire face à la Révolution. Prisonnier de sa mission divine de roi divin et trés chrétien, il n'était pas apte psychologiquement pour comprendre le mouvement des Lumières auquel il était étranger par son éducation.

Quant à Marie-Antoinette, on l'a dit ici meme, les Girault de Coursac la présente comme le mauvais génie du roi. Je rejette en grande partie cette thèse et plus encore les menées politiques souterraines que ces historiens lui attribuent pendant la Révolution.

Dépassés par leur éducation et par leur incompréhension du siècle des Lumieres, ils ont été emportés par la tourmente révolutionnaire.

_________________
Dominique Poulin


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Message Publié : 09 Avr 2004 20:43 
Bonjour Dominique,

oui, d'accord pour la réhabilitation de Louis XVI... encore que. Je ne suis pas très certaine que le personnage que les Girault dépeignent soit bien conforme à la réalité historique, même dans le domaine de la vie privée. Ils ont tellement voulu faire de "leur" Louis XVI un modèle en toute chose qu'ils ont abouti à lui dénier toute humanité. Aucune faiblesse, aucun défaut d'aucune sorte... Or on dispose de nombreux témoignages qui contredisent ce portrait idéalisé (sur ses penchants à la violence, sa cruauté envers les animaux, ses troubles nerveux, ses indécisions, etc.) ; les rejeter tous au prétexte qu'ils émaneraient d'une "cabale" hostile au roi n'est pas très convaincant. Les Girault ont dépeint un saint de vitrail, ils ont oublié l'homme, alors même que Louis XVI est tout sauf un personnage simple et clair. C'est justement cela qui m'intrigue chez eux, cette volonté de créer un idéal et de s'y tenir contre toutes les évidences contraires. C'est d'autant plus dommage qu'une vraie réhabilitation de Louis XVI, comme de tout personnage historique d'ailleurs, doit en principe contribuer à lui rendre son épaisseur humaine. Heureusement, Evelyne Lever a fait un excellent travail dans ce sens, et son Louis XVI avec ses troubles et ses faiblesses, mais aussi sa dignité et sa grandeur dans l'échec est bien plus attachant que celui de ses trop zélés hagiographes...

Pour finir sur une note positive, j'ai le souvenir d'une très bonne étude des Girault sur les portraits de Louis XVI, où ils révélaient des oeuvres peu connues. Mais je ne me souviens pas dans quel ouvrage elle se trouve.

Cordialement,
Claudine Cavalier


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Message Publié : 10 Avr 2004 8:20 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 12 Juil 2003 17:54
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Claudine Cavalier a écrit :

Pour finir sur une note positive, j'ai le souvenir d'une très bonne étude des Girault sur les portraits de Louis XVI, où ils révélaient des oeuvres peu connues. Mais je ne me souviens pas dans quel ouvrage elle se trouve.


Ne serait-ce pas dans Louis XVI, un visage retrouvé ? :?: :wink:

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Message Publié : 10 Avr 2004 22:49 
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Eginhard
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Inscription : 22 Mai 2003 16:34
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Il ne faut pas oublier Louis XVI dans sa dimension humaine. C'etait avant tout un homme, et je continue de penser qu'il faut d'abord penser à l'homme pour ensuite l'étudier en tant que roi.

Je pense comme Louis-Auguste et Evelyne. De trés nombreux ouvrages ont présentés Louis XVI sous des aspects éminement négatifs. En tout cas, les ombres du roi ont étées grossies à l'excès, sa faiblesse, son indécision, ses gouts comme celui de la serrurerie, la chasse, son amour pour la reine... J'ai moi-aussi travaillé sur les livres de Claude Manceron, s'il n'est pas trés indulgent pour le roi, il ne le condamne pas non plus. Toutefois il donne une image du souverain qui ne plaide pas pour sa réhabilitation. Quant aux livres de Solboul, si je les connais que de nom, je ne les ai pas lu.

Dans l'ensemble et aux yeux des contemporains, le règne du roi jusqu'en 1787 est considéré comme positif. Certes, et on ne peut l'ignorer, la crise financière est sous-jacente, mais trés peu de gens semblent s'en soucier, du moins dans les hautes sphères de l'entourage du roi. La guerre d'Amérique a contribué à un surcroit de prestige et Louis XVI en bénéficie. Mais à quel prix ? un prix exorbitant pour la France et le trésor. Le royaume était-il en mesure de financer ce conflit ? trés probablement non... Le déficit atteint des sommets et dés 1783 la situation est considérée comme catastrophique.

Une réflexion : Louis XVI au premier chef connaissait le montant du déficit et devait connaitre les connaissances de cette impasse. Il passait trop de temps avec ses ministres et dans son cabinet à travailler pour ne pas etre dans le secret ! La catastrophe vous le savez a été révélee lors de l'assemblée des notables de 1787 et on connait la suite.

C'est ce que je ne comprends pas. Pourquoi le roi a laissé pourrir la situation ? a-t-il été éffrayé par les réformes urgentes à mettre en place sans mécontenter les corps privilégiés ? S'est-il jugé incapable, incompétent en la matière ? Il en allait du salut de la monarchie mais le roi en avait-il conscience ? Successivement Turgot, Necker et Calonne sont remerciés parce que le roi les lache au dernier moment. Et quel est l'objet de ces renvois ? la réforme fiscale ! Alors trés franchement le roi manquait-il de fermeté ? on peut trés sérieusement le penser.

_________________
Dominique Poulin


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Message Publié : 11 Avr 2004 9:28 
Bonjour,

Je reviens brièvement sur Manceron, parce qu’on lui fait parfois une réputation sulfureuse, notamment en ce qui concerne sa vision des Bourbons. Je suis contente, Dominique, que vous partagiez mon sentiment, car vous êtes sans doute plus objectif que moi. Les Hommes de la Liberté (titre de l’ouvrage en 5 volumes de Manceron) est un texte à la gloire de la Révolution, dont il tente de montrer les racines, lentement développées pendant le règne de Louis XVI. Ses héros, ce sont les futurs révolutionnaires et pas les représentants du futur Ancien Régime, Robespierre et Marat et pas Louis XVI et Marie-Antoinette. Comme c’est aussi mon cas, je me méfie de mon point de vue :wink: . Mais je crois que dans une telle optique, son portrait du roi est remarquablement mesuré, et procède malgré tout d’une volonté de compréhension. Manceron voit dans Louis XVI un des responsables de la chute de la monarchie : il met en cause sa dureté, ses maladresses et sa haine du changement fondée sur une vision archaïque des institutions dont il est le centre, et de la société française dans son ensemble ; mais il en fait aussi un être humain placé dans une situation très difficile, déchiré entre des partis inconciliables, et prisonnier d’une contradiction tragique entre sa volonté sincère de faire « le bien de ses peuples » et son incapacité à le faire faute d’avoir saisi l’esprit du temps. Personnellement, j’incline à penser que cette vision est assez juste, et après tout Evelyne Lever (qu’il utilise d’ailleurs dans les derniers volumes) ne dit pas tellement autre chose... Pour revenir sur le question des anecdotes perfides autour de la forge, des beuveries et des petits soupers, elles me paraissent absentes du livre, j’y ai rejeté un coup d’oeil sans les trouver. Tout au plus dit-il que Louis XVI dormait parfois pendant les Conseils, mais... il y a eu d’autres gens pour le dire, et pas forcément hostiles au roi : il faudrait prouver que c’est faux.
Quant à Soboul, il s’agit du plus célèbre historien marxiste de la Révolution. C’est un spécialiste des mouvements populaires, et notamment de celui des sans-culottes en l’An II. Il n’aimait pas Louis XVI et je veux bien croire qu’il a écrit quelques textes défavorables sur lui... Mais ce n’était tellement pas le genre d’homme à utiliser des poncifs malveillants pour déprécier un personnage : il est à cent lieues de l’histoire anecdotique...

Sur l'origine de ces images hostiles, je suis comme vous, Louis-Auguste, je ne sais pas trop quelle est leur date de naissance exacte. Mais il y a un point sur lequel les Girault ont raison :wink: , c'est qu'elle datent du règne même de Louis XVI : quand les révolutionnaires développent dans leurs pamphlets le thème du "roi-cochon", ils ne l'ont pas inventé, il avait déjà été créé par d'autres, de même d'ailleurs que celui de la "Reine scélérate"...

Cordialement,
CC


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Message Publié : 11 Avr 2004 10:36 
Rebonjour,

Je reviens pour ajouter un peu de documentation au débat : les poncifs grossiers concernant Louis XVI contre lesquels ont lutté les Girault ou Evelyne Lever existent, et on les trouve assez facilement dans des ouvrages de vulgarisation, ou scolaires, ou encore dans des parodies, si on cherche dans l’ancien.
J’ai feuilleté le Mallet et Isaac, qui date des années 20, et il en donne un « exemple-type » :
« Louis XVI ignorait tout du gouvernement : on ne s’était pas occupé de lui apprendre son métier de roi. C’était un gros garçon, gauche et lourd, qui avait un robuste appétit, ne se plaisait guère qu’à la chasse ou dans son atelier de serrurerie. Il était honnête et bon, il avait le désir du bien. Mais il était d’une faiblesse de caractère qui le laissait à la merci de toutes les influences. »
Et plus loin, au bas d’un portrait par Boze de 1785 : « Le roi est déjà envahi par l’obésité ; il était gros mangeur et doué d’un appétit formidable. Il fait « des repas si immodérés, écrit l’ambassadeur autrichien, qu’ils occasionnent des absences de raison. » Nez busqué à la Bourbon, lèvres gourmandes, épaisses et rouges, triple menton. Les yeux bleus-gris ont de la douceur. Mais l’ensemble de la physionomie est mou, avec quelque chose qui frise la niaiserie. »
On est en plein dedans... J’ajoute, parce que personnellement j’adore ça (j’ai mauvais goût, je sais, mais tant pis, j’assume :D ) et parce que c’est un bon « condensé » des poncifs sur l’histoire de France « populaire », ce portrait de Louis XVI par San-Antonio :
Le commissaire discute d’histoire avec son adjoint, l’ « Hénaurme » Bérurier : il décrit Louis XVI.
« C’était toi, lavé et rasé. D’ailleurs vous vous ressemblez un peu. Ton côté bourbonien, toujours... A la mort de Louis XV, son grand-dabe, il avait vingt berges. Quand il s’est vu roi, il a eu les jetons, ce timoré. « Je suis trop jeune pour porter un tel fardeau », gémissait-il. Ca faisait ricaner tout le monde, tu penses ! A son âge, ses prédécesseurs régnaient déjà depuis belle lurette. (...) Louis XVI n’avait donc aucune aptitude pour exercer ce métier. Voilà pourquoi il était plus petit après son règne qu’avant.
- Je m’ai laissé dire qu’il était serrurier de son second métier ? interroge le Mahousse.
- Exact, Gros. Nous comprenons mieux à quel point le pauvre Loulou a été victime d’une erreur d’aiguillage. La monarchie était vouée à l’échec puisqu’elle portait à sa tête des êtres incapables de gouverner. Cet homme qui eût sûrement fait un excellent serrurier n’a pas su être un roi potable, déplorons-le, mais voyons un peu ce qu’il était sur le plan humain. Nous avons dit un gros joufflu mollasson. Mou, il l’était plus encore par le bas que par le haut, puisqu’il est resté sept ans avant de pouvoir consommer son mariage »

Et c’est parti pour trois pages sur l’impuissance de Louis XVI. Les amateurs iront lire ou relire la suite. Mais tout y est... Il est bien vrai que le personnage avait besoin d’un bon coup de décapant, le pauvre.

Cordialement,
CC


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Message Publié : 11 Avr 2004 10:46 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Claudine Cavalier a écrit :
Quant à Soboul, il s’agit du plus célèbre historien marxiste de la Révolution. C’est un spécialiste des mouvements populaires, et notamment de celui des sans-culottes en l’An II. Il n’aimait pas Louis XVI et je veux bien croire qu’il a écrit quelques textes défavorables sur lui... Mais ce n’était tellement pas le genre d’homme à utiliser des poncifs malveillants pour déprécier un personnage : il est à cent lieues de l’histoire anecdotique...


Allez, je vais être honnête et battre ma coulpe, chère Claudine : j'ai été de mauvaise foi. :oops: Je n'aime pas Soboul et je l'ai donc accusé d'user des traditionnels et éculés poncifs contre le Roi, ce qu'il ne fait pas.
Effectivement, sa Révolution Française est tout sauf de l'histoire anecdotique : c'est lourd à lire, empli de cartes, graphiques, chiffres et autres statistiques. Près de vingt ans après l'avoir lue, j'en conserve encore un souvenir d'indigestion. :roll: :lol:
Mais vous me permettrez de sourire de sa vision d'un peuple opprimé qui se lève, tel un seul homme un matin de 1789, pour se libérer de ses chaînes. :wink:
Il n'en reste pas moins que ses livres restent des classiques de l'historiographie de la période, qu'il faut lire même si, à mon avis, sa vision de la Révolution et l'interprétation qu'il en fait sont aujourd'hui dépassées.

Citer :
Sur l'origine de ces images hostiles, je suis comme vous, Louis-Auguste, je ne sais pas trop quelle est leur date de naissance exacte. Mais il y a un point sur lequel les Girault ont raison :wink: , c'est qu'elles datent du règne même de Louis XVI : quand les révolutionnaires développent dans leurs pamphlets le thème du "roi-cochon", ils ne l'ont pas inventé, il avait déjà été créé par d'autres, de même d'ailleurs que celui de la "Reine scélérate"...


Nous sommes d'accord sur ce point. :D
A ce sujet, je vous conseille le passionnant ouvrage d'Annie Duprat Le Roi décapité, essai sur les imaginaires politiques (éditions du Cerf) qui analyse bien comment Louis XVI devient - dans les pamphlets et caricatures révolutionnaires - "Capet l'Aîné", puis Gargantua, un fou, un enfant, un ivrogne ou un cochon, selon l'époque et l'attaque; comment on désacralise la personne royale pour mieux l'abattre, d'abord symboliquement dans les esprits avant que les événements politiques ne permettent de le faire physiquement.

Sur le même sujet, on lira avec profit le livre de Chantal Thomas La Reine scélérate, Marie-Antoinette dans les pamphlets (éditions du Seuil) mais je subodore que vous le connaissez déjà, Claudine, vu l'expression que vous avez employée. :wink: :D


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Message Publié : 11 Avr 2004 17:30 
Bonjour Louis-Auguste,

ah, entre nous... je m'en doutais bien un peu, que vous aviez compris le pauvre et innocent Soboul dans une "fournée" anti-Louis XVI, sans y remettre le nez :D .
Et croyez-moi si vous voulez, j'avais aussi soupçonné que vous ne l'aimiez pas. Je ne suis pourtant pas devin, mais... je crois que c'est votre avatar qui m'a donné cette idée :lol: . Je ne me moque pas de vous, pensez donc : j'ai moi-même failli prendre un portrait de Robespierre comme image quand je me suis inscrite sur le forum...
Plus sérieusement, j'aime pour ma part beaucoup Soboul, mais il faudrait en discuter avec précision... Je vous accorde volontiers que certaines dimensions de sa pensée sont périmées ; j'ai quand même des doutes sur l'existence chez lui d'illusions du type "le peuple opprimé se soulève comme un seul homme et se libère en 89", même si certaines phrases trop rapides de son manuel peuvent peut-être le laisser croire ; en fait, j'irais même jusqu'à estimer que toute son oeuvre a consisté à dire strictement le contraire mais... Bon, encore une fois il faudrait un long débat. De toute façon, pour tout ce qui concerne le mouvement populaire, il est incontournable, je suis entièrement d'accord avec vous.

Je ne connais pas le livre d'Annie Duprat que vous signalez, mais je vais le lire au plus vite, car j'ai fort apprécié un autre ouvrage d'elle sur un thème assez proche, où il est beaucoup question de Louis XVI et Marie-Antoinette en tant que figures monstreuses de l'imaginaire collectif : Les rois de papier, la caricature de Henri III à Louis XVI. Vous le connaissez peut-être. Donc merci pour cette nouvelle référence.
En revanche, j'ai un mauvais souvenir du livre de Chantal Thomas, auquel je faisais en effet allusion. J'avais trouvé ça brouillon et finalement fumeux... Mais je l'ai lu il y a longtemps... Il me semble qu'elle a écrit récemment autre chose sur Marie-Antoinette, avez-vous une idée à ce sujet?

Cordialement,
CC


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Message Publié : 11 Avr 2004 19:40 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 12 Juil 2003 17:54
Message(s) : 570
Citer :
Plus sérieusement, j'aime pour ma part beaucoup Soboul, mais il faudrait en discuter avec précision... Je vous accorde volontiers que certaines dimensions de sa pensée sont périmées ; j'ai quand même des doutes sur l'existence chez lui d'illusions du type "le peuple opprimé se soulève comme un seul homme et se libère en 89", même si certaines phrases trop rapides de son manuel peuvent peut-être le laisser croire ; en fait, j'irais même jusqu'à estimer que toute son oeuvre a consisté à dire strictement le contraire mais... Bon, encore une fois il faudrait un long débat.

Je ne me sens pas de force à débattre de Soboul avec vous, désolé. :oops: Je n'ai lu de lui que La civilisation et la Révolution Française et La civilisation et la France napoléonienne aux éditions Arthaud et il y a trop longtemps de cela. :wink: Et pour être franc, je n'ai aucune envie de me replonger dans ces 2 pavés. :lol:

Citer :
Il me semble qu'elle a écrit récemment autre chose sur Marie-Antoinette, avez-vous une idée à ce sujet?

Oui. :D Elle a publié à l'automne 2002 Les adieux à la Reine aux éditions du Seuil, livre dans lequel elle donne vie à un personnage, Agathe-Sidonie Laborde, ancienne lectrice de la Reine qui, réfugiée dans la Vienne de 1810, se remémore l'ambiance d'abandon qui régnait à Versailles les 14, 15 et 16 juillet 1789, alors que - le Roi ayant cédé sur tout :( - le comte d'Artois et les Polignac s'apprêtent à prendre le chemin de l'Emigration, en emmenant la lectrice avec eux.
C'est divertissant à lire et très bien fait. Cet avis n'engage que mon auguste personne.


Dernière édition par Louis-Auguste le 12 Avr 2004 14:40, édité 1 fois.

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