bourbilly21 a écrit :
Je partage avec vous les compliments mérités de ce beau film que j'ai vu quand il est sorti.
Pour la scène du duel à l'épée, quand il est soupçonné de tricher, je n'ai tjrs pas compris comment Barry arrive à placer sa botte magistrale !
des escrimeurs sur ce forum ?
Alain.g a écrit :
pour la scène du duel à l'épée, Kubrick a du se renseigner. On voit un vrai duel, loin des clichés du cinéma type Lagardère, pas de grands mouvements, quelques piques et on attend le moment de plonger. Evidemment la manière dont s'y prend Barry est plus qu'originale, fruit d'une inspiration du moment due à sa grande adresse. Un coup non conventionnel, celui d'un self-made man qui ne respecte pas les règles, je suppose, ce qu'a voulu montrer le réalisateur.
Sans prétendre détenir la vérité sur le sujet, voici des éléments de réponse à la question posée plus haut sur ce duel à l’épée dans
Barry Lyndon (dans le film, cette séquence démarre vers 1:26:50 environ).
Je vais préciser que je suis pratiquant d’escrime sportive actuelle, et que je m’intéresse pas mal à l’escrime du XVIIIe, en amateur et non en spécialiste, sans l’avoir pratiquée pour l’instant.
L’escrime du XVIIIe siècle à l’épée est une escrime d’estoc, c’est-à-dire de pointe. La lame de l’épée utilisée dans cette escrime n’a pas de tranchant, et c’est sa pointe qui en constitue l’élément « dangereux » pour l’adversaire. Il n’y a donc pas, comme deux siècles auparavant (où l’on s’affrontait avec des armes qui pouvaient être employées de taille comme d’estoc) ou comme dans le combat au sabre, d’intérêt à chercher à donner des coups de taille, si ce n’est comme argument percutant.
Dans une telle escrime, les mouvements d’attaque se font en ligne (et non en arc de cercle comme pour frapper de taille), pour envoyer sa pointe droit vers le corps de l’adversaire. Le bras armé agit donc comme un piston, se détendant en ligne, vers l’avant, pour porter l’attaque. La parade vise à écarter la lame qui vient vers soi, sans qu’il soit besoin de grands mouvements vers les côtés, puisqu’il suffit de dévier le mouvement de l’épée adversaire d’un angle relativement faible pour que la pointe rate son but ; mais il est compréhensible que quelqu’un dont le maniement de l’épée n’est pas un talent très développé ait tendance à faire de grands gestes pour écarter les attaques.
Pour en revenir au cas précis de ce duel dans
Barry Lyndon, la passe d’armes qui est représentée à la fin de ce duel est assez bien documentée dans un traité d’escrime comme
L’école des armes (1763) de Domenico Angelo (le traité repris dans l’
Encyclopédie de Diderot et d’Alembert). Elle est décrite dans la partie « Désarmement après la parade au dehors des armes » et illustrée par la planche 40. Il s’agit d’attraper la garde de l’épée de son adversaire avec la main désarmée, et de faire passer la main armée dans son propre dos pour en menacer son adversaire.
Pour lire ce texte et voir cette image, vous pouvez télécharger une transcription illustrée du traité d’Angelo sur le site du Conservatoire.
http://ensiludium.free.fr/Le_Conservatoire.htmIl est assez intéressant de noter ce qu’Angelo dit des différents désarmements qu’il porte dans son traité :
« A dire vrai, tous ces désarmements, dont on a donné l’explication, sont plus brillants dans une salle d’armes le fleuret à la main, lorsqu’ils sont exécutés avec jugement et précision, qu’utiles l’épée à la main. Cependant dans une affaire particulière on peut s’en servir vis-à-vis de ceux qui s’abandonnent sur les coups qu’ils tirent, et qui ne se remettent pas en garde avec toute la vivacité nécessaire. »
Pour ceux qui ne seraient pas familiers des euphémismes que l’on trouve dans un tel traité d’escrime, l’expression « une affaire particulière » désigne très directement un duel (par opposition avec les apprentissages en salle d’armes).
Dans ce duel, Barry Lyndon profite de ce que son adversaire fait des gestes trop grands, s’expose trop, pour placer ce désarmement et cette pointe avec sa main glissée dans son dos.
Pour les curieux, voici quelques vidéos sur l’escrime à l’« épée de cour » (les anglophones l’appellent « smallsword » et les hispanophones « espadin »).
Une vidéo mise en ligne par maître Olivier Delannoy :
http://www.youtube.com/user/EscrimeDuel ... UV5UbY6nBIOn voit bien que c’est assez proche de notre escrime actuelle à l’épée. Une des différences notables (outre la position qui semble plus assise sur la jambe arrière) est la position de la main non armée, qui n’est pas rejetée vers l’arrière du corps mais, au contraire, placée un peu en avant des épaules, puisqu’elle peut servir à la défense.
Quatre vidéos d’assauts à l’épée de cour :
http://www.youtube.com/v/TpIM-oQn ... re=relatedhttp://www.youtube.com/v/KDR_58OS ... re=relatedhttp://www.youtube.com/v/75M-e9Nq ... re=relatedhttp://www.youtube.com/v/t9NDjcYE ... re=relatedTrès illustratif, mais franchement dangereux, du fait de l’absence de protection du visage.