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 Sujet du message : La Comtesse d'Artois : Enquête
Message Publié : 14 Juil 2004 21:41 
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Eginhard
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Sur la demande de certains membres du forum, j'ouvre un sujet sur la comtesse d'Artois, femme du futur Charles X et belle-soeur de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
Cette princesse plus qu'oubliée est la soeur de la comtesse de Provence dont j'ai commencé l'évocation de la vie sur ce site. (:8:)

Parler de la comtesse d'Artois - dont on sait peu de choses - n'est pas une chose facile, c'est même une tache bien difficile :roll: . Mais comme tous les passionnés de l'histoire de la famille de Louis XVI, je m'interroge sur la femme du comte d'Artois qui est passée presque inaperçue en son temps et plus encore par la suite.

Il n'est pas question pour moi d'en dresser la biographie car bon nombre d'informations font défaut ou sont trop pauvres pour écrire de longs développements. Seulement je voudrais poser quelques hypothèses à partir de ce que nous savons, les partager avec ceux qui voudront bien me répondre et peut-être faire quelques découvertes avec des passionnés. :P
Voila pour la présentation. La suite dans le message suivant.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 14 Juil 2004 22:05 
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Eginhard
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Princesse de la Maison de Savoie, nommée Marie-Thérèse, née en 1756, nous ne savons quasiment presque rien de son enfance et de son adolescence. Elle se confond certainement avec celles de ses nombreux frères et soeurs, une dizaine, dont beaucoup survivront aux maladies du premier âge.

Mariée en 1773 au comte d'Artois, dernier petit-fils de Louis XV, elle apparaît sur la scène de Versailles au grand jour. Et à son désavantage ! Sur ce point, j'ai présenté le portrait qu'en dresse le comte de Mercy-Argenteau lors des fêtes de son mariage dans le sujet "Madame, Comtesse de Provence, femme du futur Louis XVIII". (:8:)

Au physique elle ne présente de remarquable que sa toute petite taille. Le reste est banal, ce n'est pas une jolie femme mais ce n'est pas un laideron comme sa soeur Marie-Joséphine :) .
C'est surtout son caractère qui lui attire trés vite la défaveur du public. Extrêmement timide, elle ne parle quasiment pas et rougit beaucoup. On s'en gausse cruellement à Versailles.
Mercy-Argenteau dans l'une de ses lettres dit "qu'elle ne sait prononcer une parole" et "qu'elle danse très mal". Pas facile pour faire une entrée remarquée à la cour de France !

Son mari, Charles comte d'Artois est au tout début content de sa femme. Il consommera très vite son mariage au contraire de ses deux frères ainés. Le désenchantement du prince se fait jour lorsqu'il s'aperçoit que l'on se moque de sa femme et qu'elle ne sait visiblement pas se comporter sans afficher une mine fermée et parler le moins possible. A peu de choses près, elle subit le même phénomène que sa soeur Marie-Joséphine deux ans plus tot.
Eduquée dans une famille obsédée de religion et de piété et dont les moeurs sont aux antipodes de ceux de Versailles, elle ne répond pas à l'idéal que l'on se faisait d'une princesse à Versailles.

La suite pour plus tard. Me tiendrez-vous compagnie Cantin, Louis-Auguste, Madame Royale, Kitten, Montesson et quelques autres :P ?

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Dominique Poulin


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Message Publié : 16 Juil 2004 11:21 
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Permettez moi de vous féliciter, cher Dominique, sur le thème assez rare de la comtesse d'Artois . Cette princesse m'intriguait depuis longtemps.

J'aimerais, puisque l'occasion en est maintenant donnée, vous faire partager, quelques morceaux de la vie de cette princesse inconnue, recolés ici et là , comme vous le faites si bien avec sa soeur, Mme la comtesse de Provence.

Marie-Thérése de Savoie était la troisième fille du roi de Piémont-Sardaigne, Victor Amédée III et de la reine, née infante d'Espagne, Marie- Antoinette-Fernande de Bourbon. Elle se trouvait être, par sa mère, niéce de la dauphine Marie-Thérése-Raphaelle de Bourbon, première épouse du fils de Louis XV.

Marie Thérése naquit à Turin le 31 janvier 1756.

Voici la liste de ses frères et soeurs :

:arrow: Charles Emmanuel IV (Turin, 1751-Rome 1819), Roi de Sardaigne. Epoux en 1775 à Chambéry de la Princesse Clotilde de FRANCE (1759-1802). Il abdiqua en 1802 pour devenir Jésuite.

:arrow: Princesse Marie-Louise de Savoie (Turin, 1753-Hartwell, 1810), épouse en 1771, à Versailles, du comte de Provence, futur Louis XVIII(1755-1824), Roi de France.

:arrow: Prince Amédée de Savoie (Turin, 1754-Turin, 1755), Duc de Montferrat.

:arrow: Princesse Marie-Anne de Savoie (Turin, 1757-Stupinigi, 1824) - épouse, en 1775 à Turin, du Prince Benoît de Savoie (1741-1808), Duc de Chablais.

:arrow: Victor-Emmanuel Ier (Turin, 1759-Moncalieri, 1824), Roi de Sardaigne. Epoux, à Turin en 1789, de l'Archiduchesse Marie-Thérèse d'Autriche-Este (1773-1832)
Il abdiqua en 1821.

:arrow: Prince Maurice de Savoie (Turin, 1762-Alghero, 1799), Duc de Montferrat.

:arrow: Princesse Caroline de Savoie (Turin, 1764-Dresde, 1782), épouse, à Dresde en 1781, du Prince Anton de Saxe (1755-1836) qui deviendra le Roi Antoine de Saxe.

:arrow: Charles-Félix (Turin, 1765-Turin, 1831), Roi de Sardaigne.
Epoux, à Palerme en 1807, de la Princesse Marie Christine de Bourbon des Deux-Siciles (1779-1849).

:arrow: Prince Joseph de Savoie (Turin, 1766-Sassari, 1802), Duc d'Aoste.


Une timidité incroyable
Cette pauvre princesse insignifiante est certainement l'une des femmes de la famille de Bourbon qui fut totalement occultée des historiens.C'est oublier qu'elle fut l'une des belles soeurs d'une de nos plus célébres reines.
C'est oublier aussi rapidement qu'elle fut la première, en son temps, à donner des enfants au royaume de France et que c'est d'elle dont sont issus un certain nombre de membres de familles royales actuelles régnants dans le monde, notamment par les Bourbon-Parme.

Elle épousa le 16 novembre 1776 dans la chapelle de Versailles, durant des fêtes somptueuses, le troisième petit fils de Louis XV,Charles Philippe de France, comte d'Artois.

Cette petite personne, au sens propre et figuré du terme ( elle était trés petite semble-t-il ) , était docile, d'un caractère tranquille et doux.Son portrait physique révélait une personne assez banale, mais d'un aspect plus agréable que sa soeur : un petit bout de femme, frêle, assez maigre, avec un visage gracieux et un beau sourire, mais un nez trop long désagréablement terminé.
De beaux yeux ne pouvaient faire oublier sa laideur, son manque d'intelligence ne compensait ni ses maladresses, ni sa timidité extrême.La disgrâce de son maintien et son air embarrassé, dû probablement à cette timidité maladive, rendait sa physionnomie irrégulière, assez désagréable en soi et fort commune selon les critères de l'époque.Car elle était timide au plus haut point.
Beaucoup de monde la trouvait pourtant adorable dans son intérieur.

Suprême disgrâce à la Cour : elle dansait mal et ne savait pas se mettre en valeur, c'est à dire à cette époque, pour une personne appartenant à la famille royale : tenir son rang.
Elle refusait alors de prononcer une parole de peur de faire des impairs.Elle était souvent fort écarlate car sa timidité la faisait rougir pour un rien.Toutes les cérémonies d'étiquette l'effarouchait, au point qu'elle s'enfonçait dans le fond de son carosse, à chacune de ses sorties, au lieu de se montrer au bon peuple.
L'éclat de Versailles l'écrasait : le lever et le coucher public, auxquels elle était assujettie était un véritable supplice pour elle. L'étiquette la déconcertait.
Les moeurs de Versailles l'emplissait de confusion.

Personne ne put la conseiller, pas même sa dame d'honneur dont c'était pourtant le rôle.
Son jeune époux ne lui donnait point de l'amitié : ce n'était qu'un étalon, en digne héritier du vert galant. Sa soeur, toute heureuse de sa venue à Versailles, ne lui fut d'aucun secours, car elle épousait trop les vues de Monsieur et servait aveuglement ses intrigues.
D'ailleurs, il semble qu'elle sympathisait peu avec elle.
Le vieux roi Louis XV était courtois mais distant. Seule, Marie Antoinette, alors Dauphine, prit en compassion cette petite princesse savoyarde.Afin de l'apprivoiser, elle la priait de l'accompagner souvent lors de ses multiples promenades.

Les prochains épisodes :

-une "princesse effacée".
-Les enfants de la comtesse d'Artois.
-Quelques précisions sur son appartement au château de Versailles.
-La petite maison de St-Cloud.
-L'émigration et sa triste fin.


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Message Publié : 16 Juil 2004 17:10 
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Eginhard
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Que c'est intéressant ! J'ai bien fait d'ouvrir ce sujet sur le forum.

Aussi, si elle était extrêmement timide lors de ses débuts à Versailles, j'ai du mal à croire qu'elle ne se fût pas un peu adaptée dans les années suivantes. "Allez un petit effort Madame La Comtesse d'Artois"...
Vous avez raison elle était assez aimée dans sa maison. Sans doute connaissez-vous deux petites histoires de l'historien Jacques Levron au sujet de deux dames de la comtesse d'Artois. Il me semble qu'elles ont été publiées à nouveau dans "Les Inconnus de Versailles" aux éditions Perrin.

En tout cas j'attends la suite de vos révélations pour en discuter avec vous. A mon avis "l'Enquête sur la Comtesse d'Artois" est un sujet trés rare, même sur Internet.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 16 Juil 2004 17:44 
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Eginhard
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Je reviens sur la taille de la comtesse d'Artois pour faire part que j'en ai déja parlé dans le thème consacré à la comtesse de Provence. (:8:)

Charles Dupechez dans La Reine Velue donne la taille de 1,35 m, Monique de Huertas dans Madame Elisabeth donne la taille de 1,49 m, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. 8O

Voila l'état des sources. Un peu fragmentaires certes mais nous sommes au stade de l'enquête, n'est-ce pas ? :wink:

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Dominique Poulin


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Message Publié : 19 Juil 2004 16:51 
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Eginhard
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Je ne sais pas si l'on peut qualifier cette princesse d' "insignifiante" comme cela a été dit plus haut.
Qu'en savons-nous après tout ? 8O Le fait d'être extrêmement timide et introvertie n'a pas d'incidence sur l'intelligence ! C'est son comportement en public qui a étayé cette thèse. :evil:

Un fait m'a semblé troublant : pourquoi Marie-Thérèse refuse-t-elle d'écouter les conseils de sa soeur Marie-Joséphine ? Se plie-t-elle aveuglément aux recommandations de son mari le comte d'Artois ou n'écoute-t-elle personne 8O ?
Par ailleurs on sait que les deux princesses de Savoie écrivaient beaucoup à leurs parents. Une partie de cette correspondance existe toujours. Les lettres que recevait la comtesse de Provence sont au ministère des Affaires Etrangères, au Quai d'Orsay.
Celles qui furent expédiées à Turin se trouvent toujours là-bas. Malheureusement cette correspondance ne concerne que les années 1771-1774. Le reste a disparu. Dommage :cry: .

D'autre part, on n'a jamais parlé de la correspondance de la comtesse d'Artois. Elle écrivait certainement à sa famille. Où se trouvent ces fameuses lettres ? En subsiste-il quelque chose :idea: ?
Permettraient-elles d'éclairer un peu plus la personnalité de la comtesse d'Artois et sa vie :roll: ?

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Dominique Poulin


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Message Publié : 26 Juil 2004 8:26 
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Une princesse effacée

Au début de leur mariage, les jeunes époux étaient aussi jeunes l’un que l’autre, leurs caractères très différents devaient avoir sur leur union une influence considérable. Tous les historiens sont d’accord pour attribuer au futur Charles X, les qualités d’un prince charmant, rempli d’admirables qualités, de loyauté et de noblesse ; mais ils reconnaissent, tous avec unanimité, que la jeune princesse, douce, tranquille et ingénue, n’était pas femme à retenir un mari si volage, lancé dans un tourbillon de plaisirs, qui ne songeait qu’à satisfaire ses folies et ses caprices. Elevée de manière la plus rigoureuse qui soit, les uniques plaisirs de la princesse, consistaient en de longues heures passées en oraison ou dans la lecture de livres pieux. A la cour de Savoie, on prétendait que « jamais les princesses royales n’étaient laissées seules un instant, on les accompagnait partout, même là où l’on n’imagine pas que l’on puisse l’être »

Ainsi installée à la Cour, la princesse prit contact avec Versailles où elle retrouva sa sœur aînée Marie Joséphine , mariée depuis deux ans, à Monsieur. Restée à Marie Thérèse à s’initier aux usages de la Cour de Versailles, à son étiquette, à ses rivalités, à ses intrigues sans doute, mais aussi à ses fêtes, ses divertissements, son luxe, sa frivolité, au charme et à l’élégance des plus belles femmes sur lesquelles régnaient alors la favorite en titre, Mme du Barry. Sa dame d’atours, la comtesse de Bourbon Busset, la mit immédiatement au diapason de la mode, en la pourvoyant d’une garde robe pléthorique comme il convenait à une princesse de l’époque. On était bien loin, de la Cour de Turin où Marie Thérèse et ses sœurs avaient été élevés de manière, quasi monastique, mais dans un cadre de vie familial authentique. Ainsi, outre sa gaucherie maladive et une appréhension tout à fait naturelle, c’est une princesse très timide et empêtrée, qui découvre le plus illustre des palais royaux de l’époque. Il semble que la comtesse d’Artois n’arrivera jamais à s’y faire à cet environnement. Son manque d’initiative et de charme fit qu’elle n’aura jamais cette aisance nécessaire pour survivre dans ce « pays-ci ». A Versailles, elle fit une impression déplorable. On la jugea immédiatement, sans ménagement, insignifiante et nulle. On trouva que son « éducation négligée » était intolérable En trois ans, elle ne savait pas toujours pas encore parler le français sans fautes …elle l’apprit tout de même avec difficulté. Mais elle continuera à écorcher notre langue assez souvent, ce qui était source à de nombreuses plaisanteries au sein de la famille royale .On pensera qu’elle ne jouera aucun rôle. Son instruction fut des plus limitée, ce qui explique, peut être son manque d’intelligence, sa sottise et son absence d’esprit. Cela était du plus mauvais effet à la Cour et explique, vraisemblablement, par amour propre, une retraite volontaire de sa part.

Ses contemporains ont étaient peu aimables à son égard : Mme Campan la décrit : « petite, et avait un très beau teint, son visage assez gracieux n’avait cependant rien de remarquable que l’extrême longueur de son nez ».Mercy d’Argenteau , l’ambassadeur d’Autriche se montrera nettement plus sévère , la décrivant « fort petite, médiocrement prise dans sa taille, sans que l’on y remarque des défectuosités trop choquante, elle a le teint assez blanc, le visage maigre, le nez fort allongé et désagréablement terminé, les yeux mal tourné ( ! ) ( souffrait-t-elle d’un léger strabisme ? ) la bouche grande, ce qui forme en toute physionomie irrégulière, sans agréments et des plus communes. Mais ce qui est bien plus fâcheux encore pour cette princesse, c’est la disgrâce de son maintien, sa timidité et son air embarrassé, elle ne sait prononcer une parole, quelque soin que prenne sa dame d’honneur, à lui suggérer ce qu’il y aurait à dire dans les occasions ».Enfin, il continue en concluant malheureusement son portrait « Elle danse très mal et n’a rien qui annonce en elle ou le défaut de disposition naturelle ou une éducation excessivement négligée ». Un contemporain anonyme, l’ayant vu à son entrée à Paris , écrit avec tact , que « cette princesse a une physionomie intéressante et la peau d’une blancheur extrême » .Le pauvre auteur semble avoir tourner sept fois sa plume dans l’encrier de crainte de manquer de respect à la comtesse. Désespéré de ne pouvoir faire mieux, il se contenta de cette platitude … Mercy avoue avec accablement que l’ « on ne peut guère réunir plus de disgrâce que n’en a cette princesse ». Plus directe, Mme de Boigne la décrit « encore plus laide , parfaitement sotte, maussade et disgracieuse » .L’empereur Joseph II , frère de la reine, en visite incognito à Versailles sous le non de comte de Falkenstein, fait bien pire « Le comte d’Artois est un petit maître dans toutes ses formes. Sa femme, la seule qui fait des enfants, une imbécile absolument … » Seule, la baronne d’Oberkirch est plus clémente en la disant « petite, douce, ingénue, généreuse est pleine des plus aimables qualités. Elle avait un fort bon teint, mais un nez un peu long ». Selon les dires du comte d’Hezecque, page de Louis XVI, son attitude envers sa propre sœur n’était pas des plus cordiales : il affirme qu’elle sympathisait peu avec elle. D’un esprit peu aimable, la comtesse de Provence, était, en effet, en butte continuelle aux sottes tracasseries de sa sœur cadette.


En conclusion, elle devait paraître embarrassante auprès de la désagréable Marie Joséphine et bien terne au coté de la triomphante Marie Antoinette .

Apitoyée par cette timidité, cette dernière la prendra sous sa protection et l’invitera – naïvement - à partager ses amusements frivoles. Elle ne savait que dire, rougissait comme une tomate à la moindre plaisanterie un peu leste, supportait difficilement l’étiquette de la Cour. Ainsi elle ne fera jamais partie des comédies d’opérette de Trianon, conseillée probablement par sa sœur qui s’y refusera catégoriquement, préférant comme elle, restée simple spectatrice. Elle ne s’intéressera à rien. C’est en vain que sa belle sœur tentera de la « tirer de son état d’apathie ».Son expression habituelle était celle d’une maussaderie incurable. Probablement par manque de volonté, d’initiative et de personnalité, elle se lassera bien vite de ce genre d’existence de cour imposée, trop exténuante pour sa frêle personne ainsi que à la vie privée, demandée par la reine, trop dissipée et tourbillonnante pour elle .Cette indifférence ne nous permet pas de connaître, avec discernement, ses vrais rapports envers sa belle sœur. Toutefois il semblerait qu ‘elle sympathisera très certainement avec Madame Elisabeth. Elle s’invitait souvent chez cette princesse, notamment à Montreuil quand la sœur du roi pris possession de ce domaine aux portes de Versailles, voisinant avec Madame, la comtesse de Provence chez qui elle devait souvent, contrainte à venir lui tenir compagnie. On peut penser, comme P.Verlet la supposer, que Marie Thérèse était dominée par la souveraine, la jalousait, l’imitait et la suivait en tout les points. A son corps défendant, la comtesse d’Artois eut sa part dans la campagne de dénigrement si bien mené par la famille royale envers la reine. Elle a donné des princes à la Maison de Bourbon, cela a suffit pour que l’on l’exalta aux dépens de la reine, qui fit attendre si longtemps un dauphin.. Probablement sermonnée par sa sœur Madame et inconsciemment jouant son jeu moins passif et innocent que pouvait être le sien, elle prend comme elle le contre pied de la conduite de la reine. Elle vivra modestement, sans amitiés affichées, sans dépenses superflues, ne paraîtrait qu’aux seules fêtes d’étiquettes, aux réunions de bienfaisance organisées par Madame. La franche nature de Marie Antoinette, trop superficielle, ne démasquera point cette attitude réservée. Si la reine organisait une partie de plaisir où ses belles sœurs devaient figurer, ces dernières, le matin venu, se disaient souffrantes et n’y allaient pas. La partie avait lieu sans elle et le comte d’Artois y faisait mille folies. Et le public, du coup, y remarquait d’autant mieux, par la réserve de Madame ou l’absence inévitable de la comtesse d’Artois, la dissipation excessive de Marie Antoinette. A son échelle et à son pouvoir, elle montrera de petites jalousies vis à vis de Marie Antoinette, et partant de là les mêmes exigences, notamment en ce qui concernait sa vie personnelle ou l’aménagement de ses résidences. Elle réclamera comme par obligation du à son rang. Ainsi, chez elle à Versailles comme chez la Reine, il lui faudra des persiennes , des grands carreaux à ses fenêtres, des bains, une niche de glace dans son cabinet, une bibliothèque avec armoires à glaces, des entresols confortables, le même service de table en Sèvres … Plus tard, pour ne pas être en reste avec la reine , avec sa belle sœur Madame Elisabeth , avec Mesdames tantes et jusqu’à sa sœur, elle obtiendra cette petite maison de Saint Cloud, pour satisfaire ses innocentes parties de campagne … Jugée apathique et sans envergure, Marie Thérèse démontrait probablement une certaine ressource d’autorité et de convoitise voire du caprice. Cette attitude volontaire prouve qu’elle n’était pas si stupide que cela …

Le mariage avec le prince ne fut pas heureux. Marie Thérèse, qualifiée « d’impossible » eut trois enfants par « devoir politiquement rempli » puis fut …totalement oubliée. Elle n’avait alors qu’un seul désir : vivre cacher et passer inaperçue. On se hâta, le lendemain de la naissance de ses enfants de lui donner une entière satisfaction sur tous ces points. Ce fut à qui s’occupera d’elle ! Son époux, le premier la délaissera entièrement en la trompant outrageusement. Son époux se lassera bien vite des dînettes organisés entre frères et sœurs où on s’amusaient à expérimenter des recettes de cuisines, comme le fameux « potage aux petites oiseaux » de Madame. Pareillement, il ne viendra plus aux petits concerts de Mesdames Tantes (les filles de Louis XV), qui réunissaient chez elle chaque soir après le souper de Madame, neveux et nièces. La taciturne et mélancolique princesse l’éloigna rapidement de cette vie réglée. Une de ses aventures amoureuses avec une célèbre comédienne du temps, Rosalie Duthé, fut à l’origine d’un calembour plaisantin que Versailles chansonnera : « Le prince, ayant eu une indigestion de bateau de Savoie vient prendre Duthé à Paris ».

Marie Antoinette évoque la mollesse de la personne de la comtesse d’Artois, en écrivant à sa mère dans plusieurs courriers où il est question de sa belle sœur .L’une d’elle confirme ce trait de manque d’effusions, à propos d’une mauvaise rougeole qui frappa et mis en danger son époux, « Son caractère tranquille lui a épargner bien des inquiétudes » écrira- t-elle , en parlant de l’indifférence de la comtesse d’Artois. L’inertie de Marie Thérèse lui interdira toute réactions. On redouta d’entraver un énervement quelconque qui puisse contrarier une grossesse difficile qui déboucha sur la naissance de sa première fille, nommée à la Cour, « Mademoiselle ». Conseillé par la reine, le mari se « conduit bien » avec l’accouchée en la couvrant de cadeaux et de gentillesse. Mais cela ne durera pas … Après la naissance de ses enfants, ils vivront désormais séparés, et ne seront ensemble que seulement quand l’Etiquette l’exigera. Par des goûts si opposés, il était indispensable d’adopter un modus vivendi qui puisse, à la fois, sauvegarder les convenances et respecter les exigences officielles sans trop sacrifier les habitudes de chacun. Cette nécessité expliquerait, peut être, les nombreuses installations séparés que les couple, occupait, chacun de son coté, à Versailles et dans les environs : Bagatelle et Maisons pour le comte et une petite maison à St Cloud pour la comtesse sur laquelle nous reviendrons.

Quoi pensez de tout ce portrait ? Il serait bon, en effet d’analyser physiologiquement tous les qualificatifs employés par les rares contemporains qui l’ont décrite. « Parfaitement sotte, disgracieuse et maussade» « irrégulière, sans agréments et des plus communes » « une imbécile absolument … » sont des qualificatifs bien durs pour cette pauvre petite personne. Quoi conclure ? On trouvera notre malchanceuse princesse, peu gâtée par la nature sous tous les sens du terme. Petite taille, aspect physique ordinaire et banal, probablement sotte ou limite idiote, pleine de douceur et de tranquillité, constamment souffrante et résignée mais pourtant femme …

Prochain chapitre : un quotidien monotone


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Message Publié : 26 Juil 2004 17:44 
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Eginhard
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La conclusion de votre exposé attire mon attention et c'est pourquoi j'interviens. Rapidement cependant car je dispose de peu de temps.

Il est vrai que la description de la comtesse d'Artois me laisse un peu désarmé. On voudrait être indulgent, mettre en valeur quelques aspects positifs pour lui donner de la personnalité... Cet exercice se révèle bien difficile. Les documents dont nous disposons émanent en majorité de la correspondance de l'ambassadeur d'Autriche, le comte de Mercy-Argenteau avec l'impératrice Marie-Thérèse ou de celle de Marie-Antoinette avec sa mère. Les autres sources contemporaines sont trés rares mais vous avez cependant eu le mérite d'en citer quelques unes que j'ignorais ou que j'avais oubliées notamment celles de la baronne d'Oberkirch.

Maladivement timide -ce trait expliquant son goût pour la solitude et son comportement maussade-, j'ai le sentiment que bien qu'ayant vécu seize années à Versailles de 1773 à 1789, elle ne s'est jamais adaptée à sa patrie d'adoption ne parvenant pas à comprendre les moeurs de la cour ou du moins à trouver un équilibre en ce milieu.
Une princesse n'était vraiment pas obligée d'adopter le persiflage en règle à Versailles. C'est le cas de Madame Elisabeth, soeur de Louis XVI, une princesse réputée douce et trés bonne pour les pauvres mais qui avait un grand fond de fermeté et de bon sens. Ce n'est pas le cas de Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d'Artois.
Peut-être était-elle trop limitée intellectuellement pour que l'on s'intéresse à elle, sinon que de la prendre sous son aile et d'adopter un gentil badinage en sa compagnie. Il semble bien que Marie-Antoinette ait adopté cette conduite avec sa belle-soeur.
Vous avez raison ses relations avec la comtesse de Provence ont été difficiles : trop de caractère de la part de Marie-Joséphine ne pouvait se concilier avec l'absence de tempérament de Marie-Thérèse ! Mais dans mes recherches sur la comtesse de Provence, j'ai noté le fait que la comtesse d'Artois allait de temps en temps voir sa soeur à Montreuil et même que les deux soeurs disposaient d'un carosse à elles seules pour se promener dans le domaine de Madame.

Si la comtesse d'Artois est la plupart du temps décrite sous les qualificatifs les plus négatifs, vous avez toutefois mis en valeur le fait qu'elle était parfois un peu capricieuse, voire jalouse. Les nouveautés et aménagements dont elle pouvait disposer dans sa vie privée font l'objet de vives sollicitations de sa part, disposition qui sous-entend peut-être le fait qu'elle n'était pas si idiote que cela. Mais il faut rester prudent...

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Dominique Poulin


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Message Publié : 27 Juil 2004 7:46 
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Un quotidien monotone

Si elle vivait retirée par goût, elle participait, certainement par habitude, à l’existence intime, souhaitée par la reine, au sein de la famille royale. Elle était ainsi conviée quotidiennement, chez sa sœur Madame, qui donnait à souper à toute la famille, aux « soupers de société » du roi dans les « cabinets » où une place lui était toujours réservée quant on y invitait la reine, parfois même aux soupers et représentations privés du petit théâtre de la reine à Trianon ainsi qu’aux fameuses promenades concerts sur les terrasses de Versailles, les chaudes soirées d’été dont on a tant parlé suivant les échos qu’en a fait Mme Campan. Au début du règne, en effet, les trois ménages princiers vivaient en assez bonne intelligence et leurs relations étaient suivies. Dîners réguliers, occupations communes et jeux enfantins comme par exemple les parties de comédie dans un entresol en cachette à l’insu de tous le monde, les sorties parisiennes aux bals de l’opéra, les visites à Marly, les excursions en carriole ou les promenades à dos d’âne dans le parc de Versailles, les collations et petits concerts chez sa sœur les jours de pluies etc… formaient le principal de ses occupations. Elle réservait aussi une partie de son temps à des activités moins frivoles : elle rendait visite souvent à Mme Louise de France , dernière fille de Louis XV, supérieure du carmel de St Denis, elle passait un certain temps à l’institution des jeunes filles nobles de St Cyr où on lui demandait parfois de « donner le voile », elle assistait régulièrement à des processions et aux messes de la paroisse de Versailles. Lorsqu’elle ne sortait pas, elle se retirait l’après midi, dans ses cabinets ou chez Mesdames, elle travaillait à des ouvrages de tapisseries en attendant le retour du roi de la chasse
Tout était fait en commun jusqu’au jour, où on se lassera les uns des autres, au point de s’envier mutuellement …

Pour comprendre comment Marie Thérèse remplissait les journées vides auxquelles la condamnait sa situation de princesse, il est important de comprendre, que , en tant que membre de la famille royale, son existence n’était pas faite au hasard et respectait des obligations imposées par la représentation royale en vigueur à la Cour de Versailles. Il fallait faire place à des mondanités, recevoir, rendre des visites, rencontrer la famille royale et les princes du sang et honorer de sa présence des réceptions qu’on lui offrait,mais surtout vivre en public, « nous nous devons tout entier au public » disait Louis XIV intransigeant, à sa belle fille, la Dauphine de Bavière, récalcitrante à tenir son rang de dauphine . Elle n’avait pas droit à l’erreur et devait suivre une moralité exemplaire. On peut penser qu’au sujet de la représentation, que la princesse, par indisposition maladive, s’abstiendra souvent au maximum, comme le fera Marie Antoinette plus indépendante encore, qui se permettra de retrancher son « petit lever », supprimera son « déshabillé » et son « petit couvert » quotidien, au mépris de la sacro sainte étiquette .

Sa vie habituelle se décomposait suivant un découpage protocolaire de plusieurs niveaux, auxquels était assujetti tous membres de la famille royale, princes, princesses jusqu’aux enfants en bas age !
Le niveau public : elle devait se lever en public en matinée, faire une toilette de représentation en se lavant les mains, se faire coiffer, poudrer et mettre du rouge en présence de sa « chambre » c'est-à-dire de sa dame d ‘honneur, de sa dame d’atours et de ses dames rassemblées dans sa chambre. Elle devait assister, à la première place, au lever de la reine, où elle lui donnait parfois sa chemise, car c’était là l’une de ses obligations de princesse. Elle devait ensuite avec toute la famille royale et sa suite personnelle, l’escorter avec le roi à la tribune royale pour assister la messe quotidienne. L’étiquette exigeait qu’elle dînasse régulièrement en public devant une assistance placée en cercle devant sa table ( On peut penser justement que Marie Thérèse détesta toute sa vie ces « grands et petits couverts » dont Mme Campan nous assure qu’ils faisaient « le bonheur des provinciaux » et « qu’à l’heure des dîners on ne rencontrait dans les escaliers que des braves gens qui, après avoir vu ( la reine ) manger sa soupe, allaient voir les princes manger leur bouilli et qui couraient ensuite, à perte haleine, pour aller voir Mesdames manger leur dessert ». En soirée, après le spectacle et le souper familial, elle était tenue, d’une manière identique au matin, de se coucher en public. Tout comme la reine, on peut penser qu’elle préféra, très souvent, vivre plus simplement, en « particulière ». Sa position de princesse de la famille royale exigeait qu’elle accouche en public, toutes portes ouvertes, comme cela se faisait à la cour.

Son statut de belle sœur de Louis XVI était de le suivre le roi dans ses déplacements, d’être de toutes les cérémonies qu’il présidait, de toutes les fêtes qu’il donnait.. Ainsi, on signale la présence de la comtesse d’Artois aux cérémonies officielles du règne : comme celles du sacre de Louis XVI à Reims le 11 juin1775, celles du mariage par procuration de sa belle sœur Mme Clotilde qui épousera son frère Charles Emmanuel le 21 août 1776, aux quatre accouchements de la reine, aux plus belles fêtes données par le ville de Paris en 1782 à l’occasion des relevailles de la reine après la naissance du dauphin, à celles en l’honneur du séjour du comte et de la comtesse du Nord et à bien d’autres encore … Plus tard à l’ouverture des Etats généraux peu de temps avant son départ de France , elle est dans le cortége de la famille royale.
Le niveau social était celui – assez réduit – de ses relations avec la Cour, les membres de la noblesse « présentée » admis dans sa société,c’est à dire surtout pour elle, les membres féminins de sa maison, comme sa dame d’honneur, sa dame d’atours ou ses quinze dames. A certaines heures, elle pouvait les recevoir, dans ses cabinets et accueillir, généralement le dimanche, jour des « présentations », les courtisans « venant faire leur cour ».
Le niveau officiel était dans son cas personnel d’une exaspérante insignifiance : elle ne jouera aucun rôle ni à Versailles ni dans le royaume.
Le niveau privé, comme on le verra plus loin, était un parfait mystère. On ne dispose que de très rares renseignements relatifs à son union, d’éventuelles amitiés ou une soi disante liaison adultérine où sa réputation fut suspectée.
Le niveau familial enfin, était relativement minimisé : par manque de fermeté et surtout afin de respecter les usages du temps, elle ne s’occupera pas de ses enfants. Elle ne pourra pas leur procurer cet amour maternel dont sa douceur aurait pu être capable, ce qui fera dire, plus tard au duc d’Angoulême, qu’il avait été élevé « comme un cochon ». Les effusions du cœur ne lui étaient pas permises en public. C’est à des personnes « ayant charge à la Cour et responsables devant le roi seul » qu’est confiée l’éducation de ses enfants.

Ses déplacements étaient assez rare, et se cantonneront à l’Ile de France : elle suivait la cour lors des « voyages » annuels à Compiègne et à Fontainebleau où elle disposait également d’appartements, octroyés par le roi, comme à Versailles. Elles se devait d’escorter souvent le cortège de la reine dans ses visites d’étiquette à Paris . Ses seules sorties privées se réduisaient à quelques visites chez sa sœur et chez Mme Elisabeth à Montreuil, chez Mr et Mme de Sérent au château de Beauregard où étaient élevés ses fils, ou à quelques rares invitations de la reine au Petit Trianon.

Elle ne saurait, sans motifs sérieux, ne pas se trouver aux cotés de la famille royale, vivre à demeure à Versailles. Elle ne disposait d’aucune liberté de mouvement réelle, elle ne pouvait découcher de Versailles sans la permission du roi et de son époux. Elle continuera, certes, d’assister aux cotés du roi, à toutes les cérémonies familiales, religieuses ou diplomatiques, aux bals et aux soirées familiales Elle continuera de se rendre à Fontainebleau, à Compiègne, à Marly, La Muette ou à Choisy, chaque fois, que le roi décidait d’y faire un séjour. Mais dans l’intervalle de toutes ces obligations, elle ne se montrera guère, se tenant isolée dans ses appartements, seule ou en compagnie de celles de ses dames de sa suite Ainsi, au milieu de l’agitation de la Cour, elle finira par vivre, la plupart du temps, en recluse. Cependant, bien vite, Marie Thérèse se retirera du cadre doré du château pour une résidence plus simple rue de la chancellerie, dans une maison relativement modeste, l’hôtel de Chevreuse. Il lui était seulement permis de passer quelques semaines dans une des résidences de son époux (Le comte avait réservé en effet un appartement pour son épouse délaissée au château de Maisons, par exemple) et, de loin en loin, séjournait à St Cloud, sa résidence personnelle. De la même façon, au milieu du faste royal et la présence dominante de la reine, elle était réduite, par un certain égoïsme, à une quasi pauvreté. On ne perdra pas de vue , cependant, qu’elle vivait , au milieu d’un luxe visible, parmi une domesticité innombrable, avait une table raffinée, des carrosses en nombre, que son argent de poche représentait le salaire mensuel de 20 ouvriers …


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Message Publié : 29 Juil 2004 12:17 
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La « maison » d’une princesse de la famille royale

En tant que princesse de la famille royale, elle est, dés le jour de son mariage, pourvue d’une impressionnante « maison » si l’on juge l’énumération des almanachs royaux
Les maisons cumulées du couple princier dénombraient environ plus de cinq cent « charges » en comptant aussi les simples domestiques ! La seule maison de la princesse dénombrait précisément 239 personnes. La comtesse d’Artois, qui ne semblera pas manifester un goût pour le luxe, ne manquera pourtant pas de moyens, durant la première partie de son existence à Versailles, afin de mener un train de vie digne de la troisième dame de France. On verra qu’il en sera bien différemment, plus tard lorsqu’elle louera sa maison de Saint Cloud.

Rien ne saurait donner une idée du train fastueux mené par la princesse que le détail du personnel qui composait alors sa « maison » dont l’énumération en semble fastidieuse .Elle avait été montée, à la vielle de son mariage, sous les ordres de Louis XV et de Mme du Barry , qui y avait placés bon nombre de ses protections, qui s’était également occupée des bijoux de la corbeille fournis, des festivités du mariage et de la liste des invités .

Comme celle de la maison de la Reine, la maison de la comtesse d’Artois comportait une aumônerie appelée « chapelle » comprenant un premier aumônier, un aumônier ordinaire, 4 aumôniers de quartier, 4 chapelains, 4 clercs de chapelle, un sommier, un confesseur et un aumônier du commun, une « Chambre » pour s’occuper de sa vie mondaine et personnelle, comptant une dame d’honneur , une dame d’atours, 16 « dames pour accompagner » ( En 1784 Marie Thérèse parvint à augmenter à 18 le nombre de ses dames ), une première femme de chambre qui régnait sur 18 femmes de chambre ordinaire, une lingère, une blanchisseuse, 5 femmes de charge dont une lectrice, une chargée de la chaise d’affaire, et une autre préposée au bain dite « baigneuse étuviste ». Son service des « Appartements » était assuré par un huissier ordinaire qui dirigeait 4 huissiers d’antichambre, 4 pour le cabinet et 4 de la chambre. Un premier valet de chambre gouvernait 8 valets de chambre ordinaire, un porte manteau, 2 valets de chambre tapissiers, 3 garçons de la chambre. Une « garde robe » chargée de ses vêtements et de ses bijoux qui était confiée à un maître de garde robe, aidé de 6 valets de garde robe, d’une première femme et de deux femmes de garde robe pour plier , ranger et nettoyer. Sa santé était assurée par une « faculté » comprenant un premier médecin, un médecin ordinaire, un chirurgien ordinaire, un chirurgien du commun et un autre de l’Ecurie. A la « Chambre aux deniers » qui faisait la cuisine et la servait à table , était un chevalier d’honneur, un premier maître d’hôtel, un maître d’hôtel ordinaire, 6 gentilshommes servants, 2 contrôleurs généraux, 4 clercs d’office, 4 huissiers de salle, avec les services du commun, de la paneterie, de l’échansonnerie et de la fourrière qui employait à eux seuls 45 employés , un service de la « Bouche » comptait seul 2 écuyers de bouche, 2 pour le commun, 4 aides, 4 chefs de cuisine , 4 porteurs de cantine, 4 huissiers de cuisine, un garde vaisselle, un sommier du garde-manger, un coureur de vin, 2 sommiers de broches, un pâtissier, deux verduriers, 4 serdeaux et 6 enfants de cuisine ou « galopins ». Il y était également rattachés un « Conseil » pour gérer sa maison, ses finances et ses revenus, composé, d’un secrétaire des commandements, d’un intendant de maison – finances, d’un trésorier archiviste, d’ un secrétaire ordinaire des finances, de 6 secrétaires et de 2 agents d’affaire. Une « Ecurie » , qui fournissaient ses moyens de transport, comprenant un premier écuyer, 4 écuyers ordinaires, un écuyer cavalcadour, un maréchal des logis, un fourrier et un contrôleur général. Son service des équipages étaient assurés par le cocher du « carrosse du corps », un cocher du « second carrosse du corps »,2 postillons du « carrosse des dames », 2 porteurs de chaise, 10 valets de pied, un cocher du « carrosse des dames », un postillon du « carrosse des dames ». L’écurie entretenait son service des « pages » avec un gouverneur, un sous gouverneur des pages, 8 pages du service d’honneur de la princesse, 20 personnes nécessaires à leur éducation comme des aumôniers, un précepteur, plusieurs maîtres à enseigner, dont à danser
La princesse possédait en propre des écuries dans la ville de Versailles ( ancienne caserne Denfert à proximité du collège J.Ferry avenue du maréchal Joffre) ainsi que diverses dépendances ( comme l’hôtel de Chevreuse par exemple ) ,nécessaires pour loger tous cette domesticité . Ses cuisines dites « Bouche et Gobelet » se trouvaient dans le sous sol du château, au rez de chaussée de l’aile du midi, au niveau de la première cour intérieure, à coté de celles du roi et de la Reine, là où se trouve aujourd’hui les sous sol du congrès du Parlement.
La sûreté de la princesse était assurée par un détachement de gardes du corps du comte d’Artois avec un enseigne, deux exempts, un maréchal des logis, un brigadier, un clerc du guet français, un clerc du guet suisse . Ils ne faisaient pas partie de l’effectif de la « maison ».

L’almanach royal de 1775 précise les noms des personnes, en énumérant les charges principales :

Msg de Cheylus, évêque de Cahors premier aumônier
M de Valory aumônier ordinaire
Duchesse de Lorge-Quintin Dame d’honneur
Comtesse de Bourbon Busset Dame d’atours
Marquise d’Avaray Dames pour accompagner
Comtesse d’Harville
Marquise de Montmorin
Marquise de Crenay
Marquise d’Esternois
Marquise de Trans
Comtesse de Fougières
Marquise de Montbel ( dont parle J.Levron dans son livre )
Marquise de Roncé
Comtesse ( Diane ) de Polignac ( belle sœur de la favorite de la reine )
Marquis de Vintimille Chevalier d’honneur
Marquis de Chabrillant Premier Ecuyer
M de Larbouft Ecuyer ordinaire
Comte de Montbel Premier maître d’hôtel
M.Mesnard de Conichard Secrétaire des commandements
M Bourboulon Trésorier général
M de Flers Contrôleur général

L’almanach royal de 1789 ( p.143 ) donne d’autres noms. Certaines charges changèrent de titulaires ou leur nombre augmentèrent, le chiffre des « dames pour accompagner » passant de 15 à 18.

Colla de Pradine Aumoniers de quartier
Le Comte
Abbé Bergier Confesseur
Abbé de Ranchon Chapelain ordinaire
Comtesse de La Fare Dames pour accompagner supplémentaires ou remplaçantes
Vicomtesse de Damas
Comtesse de Chalon
Comtesse d’Argenteuil
Vicomtesse de Sourches
Comtesse de Boursonne
Marquise de Caulaincourt
Marquise de Coetlogon
Marquise de St Croix
Comtesse du Tourdonnet
Comte de Vérac, survivancier Chevalier d’honneur
Comte Hippolyte de Chabrillant, survivancier Premier écuyer
M de Peguilham Ecuyer ordinaire
M Bourgan d’Affaizon Maître de garde-robe
Montelon, Meulan, Le Pelletier Secrétaires des commandements
Hersent Destouches Intendant général Maison & Finances
Drouet de Santerre Trésorier général

La vie de Cour se déroulait dans les trois pièces - antichambre, salle des nobles et chambre – qui formaient le centre de tous les appartements de la famille royale et auxquelles seules les personnes qui avaient les « entrées » étaient admises sans contrôle. N’oublions pas, que sous l’ancien régime, on entrait presque partout dans Versailles « comme dans un moulin », car il suffisait , pour le hommes, de porter chapeau et épée et pour les femmes, d’être bien habillées. Celles qui en avaient la charge ainsi que de la vie mondaine dont elles étaient le cadre s’appelaient Dame d’honneur, Dame d’atours et « Dames pour accompagner ». La comtesse de Forcalquier ( une ancienne passion éphémère de Louis XV) puis la duchesse de Quintin assumeront le poste de première dame d’honneur dans la maison de la comtesse d’Artois.
Mme de Bourbon-Busset était chargée de la garde-robe .Pour les cérémonies officielles, la princesse portait la robe habillée dite « grand habit » en soie ou de velours de couleur vive , , comme la représente de rares gravures, mais la plus grande partie du temps, comme la plupart des dames de la Cour et comme la reine, elle portait des robes de fantaisie à la mode, comme par exemple celle que l’affuble le pastelliste Gautier Dagoty en 1775 ( Musée de Versailles ). Marie Thérèse fut cliente de la célèbre Rose Bertin et s’habillait , semble-t-il, également chez une autre modiste lingère de Paris du nom de Richard. Un de ses maîtres de garde robe fut Mr. Campan fils, beau père de la femme de chambre de la reine. Seize « dames pour accompagner » rangées par ancienneté , pour la plupart femmes de qualité, étaient admises à composer la société de la princesse pour l’accompagner partout. Elles avaient un rôle similaire aux dames du palais de la reine. Parmi elles, on relève, au moins, trois noms connus : comme la fameuse Diane de Polignac à la réputation bien trempée, belle sœur de la « comtesse Jules », nommée abusivement dame d’honneur de Mme Elisabeth en 1778, celle de Mme de Caulaincourt qui fut la mère du grand écuyer de Napoléon ou cette Mme de Coetlogon dont J.Levon a évoqué la vie dans un chapitre des « inconnus de Versailles ».
Toutes ces dames jouissaient, du moins en apparence, de l’intimité avec leur maîtresse et du droit de participer à la vie mondaine de la cour, mais celles qui détenaient, en réalité le plus de pouvoir dans la maison, et vivaient constamment avec elle, étaient les femmes de chambres.
Sous la responsabilité de la première femme de chambre – qui s’appelait , Mme de Rocquemont, était le cabinet jouxtant la chambre et d’autres réservés aux occupations officielles ou privées, car c’était seulement, là, que les membres de la famille royale, pouvaient être seuls. Elles s’occupait d’elle dans le privé et contrôlait sa cassette .Une des femmes couchait toujours dans sa chambre , comme une certaine Marie Madeleine de Mamiel dont parle J.Levon dans son livre « les inconnus de Versailles ».Cette domestique a laissé une correspondance avec sa mère où il est question justement de la princesse. Une autre de ses femmes, était préposée à la lecture, ce fut Mlle de Ponceau , une des rares fidèle amie qui la suivra en émigration .
Les mondanités traditionnelles dans laquelle Marie Thérèse devait jouait un rôle étaient d’une part la « toilette de représentation » qui n’était pas , seulement le moment où l ‘on mettait la dernière main à son vêtement, mais aussi , pour elle, comme pour les autres membres de la famille royale, l’occasion de voir le monde, d’apprendre les nouvelles, fixer des rendez vous privés et permettait aux personnes de sa maison d’exercer leur charge. Elle y recevait les principaux officiers et dames de sa maison et ceux à qui ont avait donnée « l’entrée » ainsi que des représentants de la noblesse présentée et d’autre part les réceptions données par chaque membre de la famille royale , dans leurs appartements respectifs, pour ceux qui avaient été présentés et venaient faire leur cour. En fait, elles étaient moins nombreuses depuis la mort de Louis XV, et ne se faisant plus que le dimanche qu’après la messe. Les heureux élus, après leur présentation au roi, à la reine, aux enfants de France, à Monsieur et Madame, la saluaient trois fois en passant devant elle, « Cela s’appelle faire sa Cour » .
La princesse recevait chaque année, des sommes immenses du Trésor royal et une pension personnelle pour sa cassette. La première était entièrement absorbée par les dépenses de cette énorme « maison », consacrées au jeu, aux constructions, aux œuvres d’art, aux dépenses de prestige à tout ce qui était nécessiter par la vie.


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Message Publié : 29 Juil 2004 12:24 
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Les enfants de la comtesse d’Artois

La comtesse d’Artois, timide et assez effacée, ne sut pas retenir bien longtemps auprès d’elle son turbulent époux, le léger et frivole comte d’Artois, mais elle lui donna quatre enfants :

:arrow: Louis-Antoine, Duc d’Angoulême (Versailles, 6 août 1775-Görz, 3 juin 1844). Roi de France Louis XIX pour les Légitimistes, marié à Marie-Thérèse de France (Versailles, 19 décembre 1778-Frohsdorf, 19 octobre 1851), fille de Louis XVI & Marie-Antoinette, dite Madame Royale.

:arrow: Sophie (Versailles, 5 août 1776-Versailles, 5 décembre 1783) dite Mademoiselle.

:arrow: Charles-Ferdinand, Duc de Berry (Versailles, 24 janvier 1778-Paris,13 février 1820), marié à la Princesse Marie Caroline de Bourbon, infante des Deux Siciles (1798-1870).

:arrow: Marie Thérèse (Versailles, 6 janvier 1783-Choisy, 22 juin 1783) dite Mademoiselle d’Angoulême.

Seuls moments de gloire pour l’infortunée princesse que les naissances quasi successives de ses deux fils, bien avant ceux de Louis XVI et de Marie Antoinette.
Mercy d’Argenteau prévient l’Impératrice de la grossesse de la princesse par ces mots, en fin d’année 1775 :

-« On croit que la comtesse d’Artois est grosse ».

Le jour où elle mit au monde son premier fils, on prétend qu’elle se frappera le front en s’écriant :

-"Mon Dieu, que je suis heureuse !"

La reine, qui assista à l’accouchement public dans la chambre de la princesse, eut bien du mal à retenir ses larmes.Elle écrira ces mots à sa mère :
-« La comtesse d’Artois est accouchée le 6 à 3 heures trois quarts, le plus heureusement possible … Il est inutile, de dire, ma chère maman, combien j’ai souffert de voir un enfant qui n’est pas de moi … ».

En juin 1777, pour le deuxième fils, Marie Antoinette écrit encore à sa mère, ces mots :
-«On croit la comtesse d’Artois encore grosse. C’est un coup d’œil assez désagréable pour moi après sept ans de mariage ».

D'ailleurs, le roi contribua à son bonheur, en octroyant à ses enfants le rang d’ « Enfants de France», alors qu’ils n’avaient que le rang inférieur de «Petit-fils de France» du fait de leur naissance.

Ces Enfants, dont ces deux princes, assuraient la succession à la Couronne : cela valut la considération temporaire de la Cour et un surcroît de popularité à son fringant époux. La princesse mit au monde encore deux filles, qui passèrent inaperçues, puisqu’elles mourront toutes deux en bas âge.
La première porta le titre habituel de Mademoiselle porté depuis Louis XIV par les nièces du roi régnant.
La quatrième grossesse - qui parut un peu suspecte - décida le comte d’Artois a ne plus donner prétexte à l’augmentation de sa famille : ils firent chambre à part.
Quelques portraits, conservés au château de Versailles, nous conservent leurs souvenirs, comme celui qui représente les deux princes et Mademoiselle par Rosalie Filleul, le petit portait de Mademoiselle par E.Vigée Lebrun ou le pastel de Leclerc figurant la princesse et ses enfants.
A visualiser sur le site de l’agence photographique de la RMN en tapant « comtesse d’Artois »
Les naissances, quasi successives, peuvent expliquer diverses abstentions et retraites plus ou moins longues. C’est à peine si la princesse a fait parler d’elle après avoir enfanté.
Simple, bonne et modeste, elle se tiendra presque constamment à l’écart, résignée sans doute bien vite, aux nombreux écarts du comte d’Artois, bruyants et scandaleux, il faut bien le reconnaître.
Personne ne plaignait la délaissée, qui, assure-t-on, ne trouvait d’intérêt à rien, et déplaisait à l’excès.

Au cours du règne, comme sa sœur, Madame, ces deux princesses sans brillance, étaient alors froidement traitées par la reine et peu considérées par leurs maris. Elles vivront dans la retraite voire presque à l’abandon : elles ne se consolèrent, toutes deux, de ce genre d’existence, que par les douceurs d’amitiés réciproques …
Il est certain, qu’une fois passée l’euphorie des retrouvailles, les deux sœurs constatèrent qu’elles n’avaient plus rien à se dire, rien à partager dans leur intimité sinon un goût commun d’une certaine solitude, qui par nature, ne se satisfait pas.
Marie Thérèse était d’humeur assez renfrognée , il faut avouer, tout naturellement, que les frasques de son époux, ne prêtaient pas à sourire. Elles étaient seules …En outre, la comtesse d’Artois mit au monde des enfants. Et cela attisa le dépit de sa sœur aînée.

Elle fit pourtant parler d’elle, par deux fois.
Une première fois, dans les années 1781, en retardant les fêtes célébrant la naissance du Dauphin. Le Dauphin, tant désiré, était né le 22 octobre et les célébrations officielles annoncées pour les relevailles de la reine furent retardées, par une maladie grave de la comtesse d’Artois. Elle fut au plus mal et dut être administrée le 26 décembre, et le prince ne quitta plus son chevet. Elle se remit et si sa santé ne laissa plus d’inquiétudes à son entourage, elle restera néanmoins fragile. La princesse en profita pour vivre encore plus effacée.

Une seconde fois , en 1784, par une petite aventure amoureuse à l’aspect de tragi-comédie. Selon les dires de Mme de Boigne, la princesse, se conduisait « depuis longtemps d’une manière édifiante ».
Ce « depuis longtemps » laissait entendre, qu’avant son installation à St Cloud en 1786, elle s’était vengée des infidélités de son mari car elle n’en était pas moins femme et avait du goût ... Si l’épouse trompée et sacrifiée ne cherchera à tirer vengeance des avantages que son mari remportait trop facilement dans le monde qu’elle fréquentait peu, elle s’engagea au moins une fois dans quelques amoureuse aventure , oubliant la pratique des sévères vertus qu’elle avait eues pour exemple à la Cour de son père. Abondamment trompée, on chuchotait qu’elle se consolait dans les bras de ses gardes du corps … L’infortunée ingénue se trouva victime d’un scandale feutré qui agita la famille royale. Elle se consola des légèretés de son mari dans les bras d’un « Casanova charentais », un de ses gardes du corps « d’une beauté fabuleuse », nommé M. des Granges .

Toujours selon cette mauvaise langue de Mme de Boigne, « constatant un jour qu’elle était enceinte – alors, qu’affirmait-t-elle, que son mari ne l’avait point « visitée » depuis plusieurs mois, elle se vit forcer d’en faire la confidence à la reine, pour qu'elle sollicitât l’indulgence du roi et du prince.
La reine, en proie à une vive agitation, s’empressa de convoquer chez elle, le comte d’Artois. Elle s’enferma avec lui, et après d’interminables discussions, en vint au fait. Son beau frère, debout devant elle, son chapeau à la main, l’écouta attentivement .Quand il comprit enfin de quoi il s’agissait, il jeta son chapeau à terre, les deux poings sur les hanches, se mit à rire aux éclats en criant :

"-Ah ! le pauvre homme ! le pauvre homme que je le plains ! Il est assez puni !
-Ma foi , reprit la reine, puisque vous le prenez comme cela, je regrette bien les battements de cœur avec lesquels je vous attendais, venez trouver le roi et lui dire que vous pardonnez à la comtesse d’Artois.
-Ah ! pour cela de grand cœur ! ah ! le pauvre homme ! ah ! le pauvre homme !"

Le Roi fut plus sévère que l’époux, envoya le coupable présumé « vers les colonies ». Mais , comme le disait, Mme Adelaïde à Mme d’Osmond, mère de Mme de Boigne, en lui racontant cette histoire le lendemain :

-« Mais, ma chère, il faudrait y envoyer toutes les compagnies. »

La comtesse d’Artois alla aux eaux, je crois, en tout cas, qu’il ne fut pas question d’enfant »

Hors il y eut bien un enfant, car la comtesse se trompe, n’étant pas dans la confidence. La «consolation» eut une suite fâcheuse : tout semble prouver que le 4 avril 1784, la comtesse d’Artois accoucha discrètement d’un garçon qui était l’œuvre de son garde du corps et qu’il y eut baptême. Cela fit un grand remue-ménage dans la famille royale. La princesse fut alors décriée même par sa sœur, dont elle était loin d’avoir l’esprit d’intrigue …On lui enleva l’enfant aussitôt.

Le désavoué passa sa petite enfance à la Cour avant d’être confié à Mme Mèves, femme de charge de la reine et qui devint sa mère adoptive. Selon les dires d’E. Muraise ,d’après certaines sources à vérifier enquêtant sur les prophétie de Nostradamus et le retour d’un grand monarque , évoquant les prétendants possibles au trône de France parle d’une lignée légendaire de la famille des Bourbons, issue de ce garçon . Mais la confirmation de cette pseudo liaison ne se retrouve dans aucun mémoire du temps et nous ne connaissons cette aventure par l’intermédiaire de la baronne d’Oberkirch – stipulant que « tout le monde sait combien cette princesse est attachée à ses devoirs et à son époux » - indique une abominable calomnie imaginée à la suite d’un accident de voiture sur le pont de Sèvres en juin 1788, par ce gentilhomme de la maison du comte d’Artois , et dont ce dernier sut reconnaître et punir sa mauvaise foi. Cette affirmation peut être confirmée par le lien suivant :
http://andre.j.balout.free.fr/charente(16)_pdf/angoumoisins_antilles001.pdf dont voilà l’extrait :

« Mais la fortune devait sourire encore bien davantage à ce garçon "d’une beauté fabuleuse" au dire de ses nombreuses admiratrices. Les chevaux du carrosse du comte et de la comtesse d'Artois s’étant emballés un jour que Des Granges escortait la voiture, ce dernier, d’une force herculéenne, maîtrisa l’équipage après avoir risqué vingt fois de se rompre les os. Pour lui manifester sa reconnaissance de l’avoir sauvé d’un si grave péril, son maître le fit nommer capitaine de cavalerie au régiment des cuirassiers du Roy (31 mai 1783).

Las! la roche Tarpeïenne est près du Capitole. Moins de six mois plus tard, une lettre de cachet, datée de Versailles, le 30 novembre 1783, expédiait Desgranges à la Bastille, avec ordre de le surveiller nuit et jour. Que s’était-il donc passé?
La chronique scandaleuse de l’époque ne se fit pas faute d’insinuer que Pierre Loquet-Desgranges, élevé au rang de gentilhomme ordinaire du comte d’Artois, avait su trouver le chemin du cœur et de l’alcôve de Marie-Thérèse de Savoie, quelque peu délaissée par son volage époux, le futur Charles X, et qu’il avait eu l’imprudence de s’en vanter. »

Cet enfant, dénommé Auguste Méves, ressemblait de façon frappante à la comtesse d’Artois et à son père naturel. L’énigme de ce cinquième enfant de la princesse dont le forum a ouvert l'enquête dans la rubrique « du Nouveau sur l’enfant de la comtesse d’Artois» serait-elle résolue ?


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Message Publié : 06 Août 2004 17:25 
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Votre exposé est une mine de renseignements sur cette princesse infortunée qui nous interesse. Jusqu'à maintenant un nombre important de sources que vous dévoilez ne me sont pas étrangères mais d'autres le sont pour moi. je reviendrais plus tard en détail sur divers points de la vie de la comtesse d'Artois. A ce titre j'ignorais qu'elle disposait d'une maison rue de Chevreuse à Versailles et je ne connaissais sa maison de Saint-Cloud que de nom. Au sujet des différents officiers de cour qui l'entouraient, un certain nombre de personnes m'etaient également inconnues. j'ignorais également que sa situation confinait à la pauvreté à la fin des années 1780 bien que ce détail me semble tout à fait extraordinaire pour une personne de ce rang.
Pour ne pas perdre une miette de votre exposé je vais imprimer toutes ce pages et je ne manquerais pas de revenir. :D

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Dominique Poulin


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Message Publié : 09 Août 2004 14:58 
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Ces derniers jours je me suis efforcé de faire des recherches sur la comtesse d'Artois. Les renseignements compulsés sont épars et permettent difficilement de se faire une opinion. Toutefois sur quelques points précis et en complément avec les précieuses informations du Gentilhomme de la Chambre nous pouvons avancer quelques réflexions.

Son aspect physique

Je ne reviendrais pas sur la correspondance de Mercy-Argenteau ni sur les mémoires de la comtesse de Boigne et de la baronne d'Oberkirch qui évoquent l'image de Marie-Thérèse de Savoie.

Lucas-Dubreton dans son Charles X donne une citation sans en préciser l'auteur : "avenante de figure et fraiche comme une rose."

On a aussi oublié de citer le sentiment de Louis XV dans sa correspondance avec son petit-fils le jeune duc de Parme. Il lui écrit en effet le 13 novembre 1773 :

-" J'arrive de Choisy ou j'avais mené hier la comtesse d'Artois après avoir été au devant d'elle dans la forêt de Fontainebleau. Elle est très bien, un peu petite, une belle peau, ainsi que la gorge, le nez fort long et ressemblant fort à son père le roi de Sardaigne. Demain sera le mariage."

Puis le 27 décembre 1773 :

-"La comtesse d'Artois est petite mais une belle gorge et une belle peau et il me paraît qu'elle plaît à son époux."

Le roi sexagénaire tombe-t-il en émoi devant les très jeunes filles ou refuse-t-il de se déjuger devant le choix qu'il a fait pour son petit-fils ? Car Louis XV a pris beaucoup de temps avant de prendre sa décision au point d'impatienter le roi Victor-Amédée III. Les princesses de Savoie n'étaient pas trés agréables de figure et la comtesse de Provence issue de cette maison avait récolté plus de critiques que de louanges deux ans plus tôt.
On se souviendra aussi que Louis XV a laissé un portrait indulgent de cette dernière princesse en contradiction avec toutes les autres descriptions des autres contemporains.
On peut cependant penser qu'une fois le mariage arrêté et la diplomatie lancée, le roi fit bonne figure aux deux princesses savoyardes Marie-Joséphine et Marie-Thérèse. Ces deux jeunes filles sont désormais ses petites-filles et il estime vraisemblablement qu'en tant que roi il lui est impossible d'en dire du mal. Esprit de famille oblige.

Allons plus loin. Si la comtesse d'Artois, la candeur même, de très petite taille, au nez disgrâcieux mais au teint éclatant n'était pas une beauté, bien des princesses du même moule l'avaient précédée !
Sous Louis XIV, Henriette d'Angleterre sa belle-soeur était maigre à faire peur et n'avait pas le dos droit. Toujours sous le Roi-Soleil, la dauphine de Bavière avait une singulière figure.
Plus récemment, l'infante Marie-Thérèse-Raphaelle d'Espagne, première épouse du fils de Louis XV avait été regardée avec étonnement parce qu'elle était rousse. Une disgrâce à l'époque.

Cependant à des degrés divers et au contraire de la comtesse d'Artois, ces princesses furent bien accueillies par la cour de France. Pour racheter leurs imperfections esthétiques, elles savaient se mettre en valeur par une éducation soignée, par leur esprit, par leur culture, par l'art de recevoir, de s'habiller et de danser. Apparemment la comtesse d'Artois ne possédait aucune de ces dispositions et capacités et c'est pourquoi les courtisans, si soucieux des apparences, la jugèrent sans ménagements sous les qualificatifs les plus rédhibitoires.

De plus son extrême timidité quasi-pathologique annula toute spontanéité et provoqua gaucheries et maladresses à répétition. Or dans une cour vouée à une représentation quasi permanente, Marie-Thérèse, sans doute consciente de ses handicaps, prit le parti de ne pas desserrer les dents et de s'enfermer dans le mutisme.
Ses particularités psychologiques jouèrent contre elle dans l'aversion des gens de cour. Mercy-Argenteau parle d' "un défaut absolu de qualités agréables". Il s'agit ici de la carence de la princesse face aux nécessités de la vie publique, non pas dans le cadre privé.
Elle est une proie facile et ne sait pas éviter les chausses-trappes de Versailles. Avec un peu d'observation et de fermeté elle aurait pu en éviter un certain nombre.
L'ambassadeur de Piémont-Sardaigne, le comte de Viry, fait ce qu'il peut pour défendre sa princesse. Il écrit le 19 novembre 1773 :

-"Les personnes qui avaient si malicieusement mis en avant des propos capables de donner une idée désavantageuse de la figure de Mme la comtesse d'Artois cherchent aujourd'hui à raccomoder le pas inconsidéré qu'ils ont fait dans cette occasion."

Puis le 21 janvier 1774 :


-" Mme du Barry me parla de toutes les intrigues de Mme la dauphine pour empecher que Mme la comtesse d'Artois ne réussisse et surtout pour l'engager à négliger sa parure."


Repliée sur elle-même, elle n'en devint que plus fantomatique. Pour conclure, son image esthétique pas si disgrâcieuse que cela, n'eut pas un poids important dans son infortune.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 09 Août 2004 15:42 
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Une princesse austère ?

Plusieurs révélations apportées sur le forum me permettent de corriger le caractère et les goûts de la comtesse d'Artois.

Je savais ce qu'elle n'aimait pas : son horreur de la vie publique, la danse, le théatre. Pas de disposition semble-t-il pour la lecture sauf les livres pieux, la musique non plus. Des petites faiblesses pour le jeu - Marie-Thérèse fut parfois endettée - mais il s'agit plus d'une concession à la mode et le jeu était une véritable institution à la cour. Des dispositions pour les travaux d'aiguille, une occupation calme et tranquille.

Elle était surtout très croyante et pieuse. Ses parents religieux jusqu'à la bigoterie avaient inculqué à leurs enfants de profonds sentiments de droiture, de fidélité et d'économie.
A Turin, la chapelle du Saint-Suaire joue un facteur déterminant dans la religiosité de la ville et de la cour. Marie-Thérèse vient de ce milieu et elle a probablement plus de dispositions pour le ciel que pour la terre.

J'ignorais qu'elle rendait souvent visite à Madame Louise de France, religieuse au Carmel de Saint-Denis et qu'elle allait à la Maison d'Education de Saint-Cyr. A ce titre Gentilhomme de la Chambre a écrit que la comtesse d'Artois sympathisa probablement avec Madame Elisabeth, une princesse profondément pieuse également. Il semblerait aussi qu'elle entretint de bonnes relations avec Mesdames Tantes.
Certaines informations indiquent que Marie-Thérèse se retirait souvent chez elles. Peut-être y trouvait-elle un peu de réconfort et d'affection avec ces princesses plus âgées, fort pieuses aussi mais très bonnes si on avait le bonheur de leur plaire.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 09 Août 2004 16:19 
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Quelques jalons sur la fin d'une vie

Mener une vie retirée, ne pas faire de bruit semble avoir été les maîtres mots de la comtesse d'Artois.
Revenue dans sa patrie d'origine en septembre 1789, elle continua à ne pas faire parler d'elle en s'enfermant au château de Moncalieri avec son service d'honneur. Encore relativement épargnée par les questions matérielles, cet ordre des choses se gâta certainement pour elle à la fin des années 1790.

Fut-elle abandonnée par sa famille maternelle lorque les armées françaises investirent le Piémont par deux fois ?
Nous le savons, la famille royale de Savoie trouva refuge dans son île de Sardaigne mais Marie-Thérèse ne fit pas partie du lot. Pourquoi ?
A ma grande surprise j'ai appris que que le colonel Alix, perplexe, prit connaissance de son identité : Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d'Artois, fille du roi Victor-Amédée III et belle-soeur du feu roi Louis XVI !

Sans doute sur ordre du Directoire avait-elle été reconduite à la frontière et finit-elle par échouer à Graz (ou Gratz) en Autriche. Probablement dut-elle demander l'autorisation à l'empereur François II pour résider dans ses Etats. Il en allait ainsi pour les personnes d'un rang important.

A ce stade de sa vie, elle était réduite à une quasi pauvreté. Fut-elle pensionnée de 40 francs par mois pour tout viatique ? Est-ce le roi Charles IV d'Espagne qui lui accorda cette aumone ? Car on sait aussi que sa soeur, la comtesse de Provence, avait obtenue une pension de la cour de Madrid.
En 1799 et dans un dénuement total, elle trouve le moyen d'offrir un service en vermeil à Madame Royale lors de son mariage avec le duc d'Angoulème. Mais, bien que dorénavant belle-mère de la fille de Louis XVI, elle ne fut pas invitée aux noces au contraire de la comtesse de Provence.
A noter que sa soeur Marie-Joséphine est maintenant considérée par les émigrés comme la reine de France et qu'elle-même est désormais appelée invariablement Madame en tant que belle-soeur de Sa Majesté Louis XVIII.
Tout cela n'est que pure théorie monarchique, la France ayant adopté un régime républicain puis impérial. En sus, la plupart des puissances européennes ne reconnaissent pas l'hypothétique couronne de l'ex-comte de Provence.

La vie lache prise avec la comtesse d'Artois. Elle meurt à 49 ans aprés une rapide maladie à Graz en juin 1805 ayant " fait son testament au roy d'Espagne ". Que pouvait-elle léguer dans ce testament si elle ne possédait presque plus rien ? des paroles d'édification, des recommandations pour ses fils ?

J'ai lu qu'elle était morte à demi folle selon certains. Sur ce point précis et dans la mesure du possible j'aimerais avoir des éclaircissements. (:8:) :idea:

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Dominique Poulin


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