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Message Publié : 10 Août 2004 20:04 
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Eginhard
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Inscription : 22 Mai 2003 16:34
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Retour sur un enfant adultérin

Je voudrais aussi revenir sur le cinquième enfant de la comtesse d'Artois, né en avril 1784.
D'après les rarissimes renseignements dont nous disposons, la tradition veut que cet enfant ne fut pas reconnu par l'époux de Marie-Thérèse de Savoie. Le père soupçonné était un garde du corps du prince nommé Desgranges (ou des Granges) "d'une beauté fabuleuse et qui aurait sauvé la vie à la comtesse d'Artois lors d'un accident de carosse". (citation de Romaney).

Robert Ambelain qui a écrit un livre qui a fait couler beaucoup d'encre Crimes et secrets d'Etat 1785-1830 écrit que cet enfant, un garçon, nommé Auguste Mèves était bien le fils du comte d'Artois du fait "d'une étroite resemblance" avec le comte d'Artois.

Il ajoute que cet homme fut adopté en Angleterre, mourut en 1860 et, fait encore plus surprenant, se prétendit Louis XVII. Une chose est certaine, ce n'était pas Louis XVII, cette cause est entendue.

En contrepoint de ces informations, Gentilhomme de la Chambre dans "Les enfants de la comtesse d'Artois" dit que cet enfant ne fut pas le fils du prince mais bien le fils de Desgranges. Je suis perplexe car les deux versions exposées s'opposent totalement.

Je n'ai aucune réponse définitive à donner du fait de la pauvreté de mes sources et malgré un débat qui a déja été ouvert sur le forum avec Maialen alias Madame Royale.

Pour conclure la comtesse d'Artois a bien eu un enfant en 1784 non reconnu par le frère du roi et un garde du corps du nom de Desgranges en fut supposé le père.
Par contre les renseignements donnés plus haut à savoir "Le désavoué passa sa petite enfance à la Cour avant d'ette confié à Mme Mèves, femme de chambre de la reine et qui devint sa mère adoptive." sont pour moi tout à fait inédits.

Le financement de son éducation a-t-il été pris sur la cassette de Louis XVI ? Une partie de de la pension de la comtesse d'Artois fut-elle prélevée pour assurer de bons soins à cet enfant naturel ?

La "petite princesse" comme l'appelait ironiquement Mercy-Argenteau a-t-elle trouvé dans son isolement un peu de bonheur dans les bras de Desgranges ? tant mieux pour elle ! D'ailleurs le comte d'Artois et le roi lui pardonnèrent et si cet enfant fut élevé à la Cour cet incident de parcours ne fut pas si grave que cela.

Comme toujours l'histoire se nourrit de sources. C'est pourquoi j'aimerais les obtenir pour en rediscuter.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 10 Août 2004 21:39 
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Inscription : 31 Août 2003 18:34
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Bonjour!

Je fais un passage éclair parmi vous car j'ai enfin pu ressusciter le Saint-Graal (l'ordinateur de mon cousin parisien) qui m'avait lâchement laissé tomber la dernière fois.

Les BMS de Versailles sont en ligne, j'en profite donc pour consulter les tables de 1784 à la recherche d'un petit Auguste Mèves ou de Mèves. Pour la paroisse Saint-Louis, rien. Sur Notre-Dame, rien non plus. Pas de trace non plus dans les pensions sur le trésor mises en ligne par le CGVY.

Donc soit Mèves n'est pas le nom sous lequel il a été baptisé, soit il s'appelle trucmuche de Mèves ou bien il n'a pas été baptisé à Versailles.
Il faut d'ailleurs voir si la Comtesse s'y trouvait au moment de l'accouchement. Rien dans les bases de genehisto.com n'indique une Mme de Mèves à la cour avant 1789.

Maialen

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Message Publié : 11 Août 2004 20:12 
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Eginhard
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Inscription : 22 Mai 2003 16:34
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Attendons le retour du Gentilhomme de la Chambre. Le baptême et l'adoption de l'enfant par Mme Mèves, femme de charge de Marie-Antoinette, sont des renseignements concrets certes. Encore faut-il s'appuyer sur des sources et des documents concrets. Je pense que notre ami ne manquera pas de donner toutes les précisions utiles.
Attendons.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 12 Août 2004 12:35 
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Eginhard
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Inscription : 22 Mai 2003 16:34
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Concernant le bapteme de l'enfant naturel de la comtesse d'Artois, il me parait infiniment peu probable que l'indentité de la princesse et de son amnt furent divulguées dans l'acte ! On peut supposer au contraire que le futur Auguste Mèves eut des parents officiels de pure fantaisie. Le fait que sa mère adoptive Mme Mèves lui ait donné son nom plus tard me parait plus convaincant.

En ce qui concerne la prise en charge de cet enfant par la trésor royal, j'ai retrouvé dans "Un budget de réformes au XVIIIe siècle : les derniers comptes de l'Ancien Régime- La Maison du Roi" de "La Nouvelle Revue" de 1912, l'indication suivante :

"Et à la comtesse d'Artois un petit cadeau sans indication spéciale d'affectation : 1600 livres"

Ce renseigement concerne l'année 1788 et est séparé des dépenses de la maison du comte et de la comtesse d'Artois et de leurs fils légitimes, les ducs d'Angoulème et de Berry.
C'est une indication rien de plus. A savoir si ce "petit cadeau" de 1600 livres est dévolu à l'éducation de l'enfant naturel de Marie-Thérèse de Savoie, la question est posée. Nous ne pouvons pas en dire davantage pour le moment.

Mais dans notre enquete rien ne doit etre négligé sur cette princesse quasi-inconnue et sacrifiée par les historiens.

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Dominique Poulin


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Message Publié : 12 Août 2004 19:59 
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Inscription : 31 Août 2003 18:34
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Il aurait été possible que cet enfant soit baptisé sous le nom de Mèves en tant que fils de M. et Mme Mèves, mais ce n'est pas le cas. En tout cas cette Mme Mèves doit être entrée à la cour après 1780. Il faudrait en savoir plus sur sa vie.

Maialen

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Message Publié : 18 Août 2004 14:56 
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Eginhard
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Anecdocte !

Lorsque Louis XV mourut en mai 1774, le roi et la Cour partirent immédiatement pour le chateau de Choisy. Dans le carosse de Sa Majesté, la toute neuve comtesse d'Artois fort mal à l'aise avec le français estropia un mot dans une ambiance de consternation générale. Du coup tout le monde éclata d'un rire nerveux.
Cette anecdote est rapportée dans les biographies "Louis XVI" de JF. Chiappe et de E. Lever

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Dominique Poulin


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Message Publié : 30 Août 2004 16:10 
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De retour de vacances, je reviens continuer mon exposé sur notre princesse, mais en attendant mes prochains chapitres et mes remarques éventuelles aux interrogations, je vais tenter d'illustrer l'exposé avec une gravure de Desrais représentant Marie Thérése, conservé à Versailles

Image

Gentilhomme de la chambre


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Message Publié : 01 Sep 2004 12:48 
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Je joins à la première gravure représentant notre princesse, un trés beau pastel de Ducreux qui représente le visage, semble-t-il, tout à fait charmant de Marie-Thérése. ( collection privée - une copie de ce tableau existe au musée de Versailles, exposé dans les petites pièces de la reine, sous les combles, près du billard récemment restauré )
Le peintre a-t-il enjolivé la figure, jugée pourtant fort commune, selon les contemporains.
A vous de juger.

http://ao2a.macron.free.fr/ducreux.jpg

Dans les jours prochains, la suite illustrée de ma biographie sur notre princesse, avec le chapitre inédit sur son appartement à Versailles.
Gentilhomme de la chambre


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Message Publié : 02 Sep 2004 12:57 
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Quelques précisons sur son appartement au château de Versailles


La comtesse d’Artois habitait avec son époux, au premier étage de l’aile des Princes ou aile du midi, un appartement double de prince numéroté 66 et 66 A . Suivant le gros œuvre des ailes du château, les salles n’étaient accessibles que l’une après l’autre, formant une enfilade ou « appartement simple ».La réunion de deux appartements simples constituait un « appartement double ».On entendait par « appartement double » une enfilade constituée de deux logements dans lesquels on pénétrait par deux antichambres situées aux extrémités et qui se communiquaient entre eux par deux cabinets intérieurs. Cette ordonnance présentait un réel avantage d’affectation car il suffisait, sans gros frais d’aménagements intérieurs, de condamner la communication, quant il s’agissait de loger deux personnes étrangères. C’était le cas quand le roi décidait de loger un couple princier, un père et son fils, une mère et sa fille, ou plusieurs enfants en bas age. Ce sera le cas pour l’appartement de la comtesse d’Artois.
http://ao2a.macron.free.fr/aile.jpg

Localisation de l’appartement de la comtesse d’Artois, dans l’aile du midi au château de Versailles.

L’appartement simple de la princesse comprenait, selon les états des logements conservés « 10 pièces dont 9 à cheminées, 9 entresols dont 6 à cheminées ». Elle le conservera toute sa vie durant – ce qui était une chose rare dans les logements de Versailles et mérite d’être signalé La princesse semble utilisait cet appartement officiellement, mais tout porte à croire que dés le milieu du règne de Louis XVI, elle prit l’habitude de vivre en particulière dans un appartement plus simple et plus petit à l’hôtel de Chevreuse dans la ville de Versailles ou, dés qu’elle en avait l’autorisation, séjournait dans sa petite maison de St Cloud, n’utilisant cet appartement que pour les cérémonies de représentation ou de pied à terre. L’appartement s’ouvrait sur le palier des Princes et sur la galerie de pierre, au plus prés des appartements de la Reine, dont il était de plain-pied. La comtesse d’Artois se trouvait logée presque aussi spacieusement que la reine, occupant à elle seule toute la première partie de l’étage de l’aile des Princes sur 9 fenêtres sur les jardins .C’était l’ancien appartement du dauphin, fils de Louis XV que JA Gabriel avait aménagé à la veille de son premier mariage avec l’infante d ‘Espagne. Pour décrire cette suite princière – qui a disparue au XIXe siècle – il faudra revenir sur ses précédents occupants, car selon l’habitude du service des « Bâtiments du roi », les appartements n’étaient pas réaménager de bout en bout. Comme pour les simples logements de courtisans à Versailles, l’architecte du roi et leurs contrôleurs étaient tributaires des économies et des obligations de réemplois, même pour les appartements des princes. La trésorerie royale était sujette à des difficultés chroniques et mettait les entrepreneurs dans de grands embarras. Ils ne disposaient pas des pleins pouvoirs et leur marge d’action étaient assez limitée. Les travaux étaient conçus et dirigés par le premier architecture, après acceptation du roi et du directeur général des Bâtiments, les entrepreneurs et les artistes chargés de l’exécution des travaux étaient tous employés par la Direction des Bâtiments. On réemployait fréquemment , pour ces sortes de logements, des chambranles de cheminées, des lambris déposés ou des glaces démontées après chaque vacance d’appartement ( c’était une chose précieuse .Les simples courtisans emménageait avec leurs miroirs et leurs glaces dans leurs appartements respectifs). Pour l’appartement de la princesse qui nous intéresse ici, JA Gabriel dut recevoir la consigne de pratiquer des économies.La princesse ne sera pas trop bien lotie : deux glaces par cheminée dans chambre et cabinet de maître, pas de parquet dans les garde-robes, usage modérée de la sculpture sur les boiseries, panneaux « simplement peints en blanc à la détrempe, sans vernis, sans autres dorures que celles des cadres de glaces » tel était l’ordre. Elle obtiendra, assez tardivement après 1780, ce que l’on appelait dans le langage du service « des changements, embellissements, augmentations et accommodements » de sculptures et de dorures.

Les travaux intérieurs – qui se résumeront, sans cesse, à déplacer des cloisons, changer les cheminées, ouvrir ou murer des portes ou modifier la destination des pièces agrandies ou diminuées - n’étaient effectués au compte goutte, au printemps et à l’été, durant les voyages annuels de Fontainebleau et de Compiègne, c'est-à-dire pendant l’absence de la Cour, sur des crédits alloués chaque année suivant un budget très serré et trop souvent retranché pour couvrir exceptionnellement d’autres travaux chez une personne plus importante ( le roi, la reine, une favorite etc. … . En conséquence, tout portent à croire que la plupart des décors anciens de cet appartement de 1744 seront conservés même après 1773.Le gros des boiseries, des trumeaux et des dessus de portes (pour la plupart des tableaux de fleurs dus à Monnoyer ou Blin de Fontenay pour la plupart encore conservés à Versailles) mis en place pour le dauphin seront maintenus. Les principaux habitants qui lui succéderont dans cette suite : Mesdames, le duc et la duchesse d’Orléans et les Enfants de France ( dont le comte d ‘Artois quand il fut enfant ) en profiteront. La princesse devra se résigner à vivre dans un cadre vieillot datant de plus d’une quarantaine d’année.

Dans toutes les pièces principales sur les parterres, l’élément prédominant du décor était l’ornement des murs , qui comme partout ailleurs, étaient composés de boiseries peintes en blanc partiellement dorées ou colorées. Les cadres des glaces et des dessus de portes étaient dorés à partir du grand cabinet. La plupart des pièces principales avaient des tentures aux murs, la décoration murale se limitait aux trumeaux de glace et aux boiseries de part et d’autres, aux chambranles des portes et au-dessus de portes. Le reste était alors revêtu d’étoffes de soie de Lyon ou de tapisseries des Gobelins ou de Beauvais. A partir de la seconde antichambre, chaque cabinet sur les parterres possédait une cheminée neuve avec un miroir, un autre miroir en vis à vis et un panneau de lambris entre les deux fenêtres avec une console. Les trois premières salles possédaient deux porte à deux battants, du coté des fenêtres et parfois une ou deux petites portes dérobées sous tentures sur le mur du fond, face aux fenêtres.

La première campagne de travaux faite à son intention en 1773 pour le mariage, prévoyait une remise en état avec la réfection des croisées, le changement des vitres des portes, la pose de nouveaux verrous et de plusieurs chambranles neufs en marbre serancolin, griotte d ‘Italie ou brèche violette, un blanchiment des boiseries, le renouvellement habituel des glaces et des miroirs, les réparations indispensables. Le gros des modifications concernaient l’aménagement de la chambre à coucher et du cabinet intérieur. Une seconde campagne de travaux, échelonnée entre 1781 et 1788, aura pour but de moderniser la décoration de certains cabinets. Marie Thérèse obtint alors qu’on lambrissât richement son cabinet intérieur de panneaux sculptés ornés d’arabesques et qu ‘on y ajouta une niche toute garnie de miroirs pour placer un sofa. On peut penser que les mêmes artistes lambrisseront de menuiseries soignées les bibliothèques. Des affirmations de P de Nolhac ou de P.Verlet, qui ont consulté des plans, nous montre en effet, dans les entresols situés au-dessus du cabinet intérieur, l’installation d’une bibliothèque et de son supplément avec armoire de glaces et portes imitant des rayonnages.

L’appartement était meublé comme tous ceux de Versailles suivant une étiquette mobilière voulue par Louis XIV, qui en déterminait la richesse, le modèle, et la quantité des meubles. La même étiquette présidait la vie des princes, simplement le luxe était savamment dosé selon leur importance. L’ameublement suivait la même hiérarchie que chez le roi et la reine, à la différence prés que les pièces sur le jardin dépendaient du Garde Meuble du roi alors que les cabinets intérieurs étaient du ressort du Garde Meuble privés du comte d’Artois .Les meubles fournis étaient considérablement moins riches que ceux du roi ou de la reine, tout en restant d’une grande somptuosité. Des « meubles » de soieries et des meubles d’ébénisteries et de menuiseries devaient être commandées en 1773 aux fournisseurs habituels de la Couronne de la fin du règne de Louis XV : l’ébéniste Joubert, le menuisier Foliot et le tapissier Capin... Mais pour la princesse, il avait été convenu de ne pas faire de grosses dépenses. Beaucoup de meubles de la première installation seront des réemplois de deuxièmes mains – ce qui était assez courant à Versailles chez les princes et les courtisans - notamment en ce qui concernait les commodes, encoignures, pieds de tables, consoles ou sièges. Seules des commodes neuves remplaceront celles de la première installation après 1779. Des bois de siéges dorés et sculptés, neufs ou de réemplois seront utilisés longtemps, comme ceux de la chambre, qui seront toujours conservés et restaurés en 1788. Enumérer les tabourets, les banquettes, les portières de tapisseries, les paravents de gros de Tours cramoisi et les commodes de marqueterie à dessus de marbre assortis aux chambranles des cheminées et aux plinthes, qui peuplaient les antichambres, serait inutile. Signalons, avec étonnement, plutôt, le mobilier grossier et rustique dissimulé derrière les paravents, présents également dans les antichambres, comme les lits de veille de la sentinelle et des femmes de chambres, les râteliers d’armes, les chaises de paille et les tables, les rideaux de simple cotonnade ou les luminaires de fer.

Disons simplement, une fois pour toutes, que ce n’est qu’à partir du cabinet des nobles, de la chambre à coucher et du cabinet qui faisait suite, que l’on trouvait un mobilier, au sens actuel du terme. Il plus intéressant d’énumérer les « meubles » de ces trois salles et de supposer un mobilier possible en se référant à des inventaires qui ont été publiés connus comme celui de Mme Elisabeth – logée et meublée sur un pied d’égalité avec la princesse - pour comprendre dans quel cadre vivait Marie Thérèse et du même coup évoquer le décor de ces appartements de princes aujourd’hui disparus ou les appartements historiques - comme ceux du dauphin et de la dauphine - que l’on visite aujourd’hui vides de leur mobilier primitif.

Comme le roi et la reine, la comtesse d’Artois disposait d’un « meuble d’hiver » et d’un « meuble d’été », c'est-à-dire de deux ensembles assortissants de « bois » avec leur garniture d’étoffe assortie que livraient tapissiers et menuisiers pour une même pièce : à savoir rideaux, portières, tenture murale ou panneaux d’alcôves, sièges et lit, écran de cheminée et paravent. D’une façon générale, la couleur du meuble des appartements officiels de Versailles semble avoir été, pendant longtemps, un rouge foncé précisé cramoisi qu’on retrouvait dans tous les appartements. Toutes les passementeries étaient d’or et d‘argent véritable. C’était le cas dans cet appartement princier. A la fin du règne de Louis XV, des couleurs plus gaies et fleuries recouvreront les murs. Certains textiles faits pour la princesse sont connus par les archives. Les meubles d’été étaient de damas de Gênes cramoisi à galons et franges d’or, de lampas brochés ou de brocatelle de Lyon. Les meubles d’hiver étaient du velours cramoisi ou de Gros de Tours cramoisi à galons d’or. Le brocart de Lyon était réservé aux seuls appartements royaux. P Verlet dans sa trilogie sur le « mobilier royal » a détaillé certains éléments mobiliers pouvant être localisés dans cet appartement. Il existe encore, conservé au musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon, une bordure de tenture ayant appartenu à un des meubles de la princesse à Versailles. Rappelons que selon une coutume, chambre et cabinets, possédaient le même « meuble » de Lyon, ce qui explique parfois un métrage impressionnant

http://ao2a.macron.free.fr/meuble.jpg

Bordure d’un «meuble» de Lyon ayant figuré dans les appartements de la princesse à Versailles.

Il est possible d’établir une reconstitution de l’appartement disparu. L’appartement de la comtesse d’Artois, où l’on avait accès par le palier de l’escalier et la galerie de pierre, se composait, en façade sur les parterres, de deux antichambres, d’un grand cabinet, d’une chambre à coucher, d’un cabinet intérieur, de 2 bibliothèques entresolées et, prenant second jour sur la galerie et formant des corridors entresolés, de plusieurs petites pièces à son usage, dont une salle de bain, une garde robe de commodité ou garde robe à chaise, un cabinet particulier servant pour la méridienne, des réduits pour sa première femme de chambre et son service intérieur.

http://ao2a.macron.free.fr/plan.jpg

Plan de l’architecte Nepveu montrant la galerie des Batailles avec les anciennes cloisons des appartements à démolir – Partie montrant l’appartement de la princesse.

1 Première antichambre- 2 Seconde antichambre- 3 Grand Cabinet servant de salle des Nobles.
4 Chambre à coucher - 5 Cabinet intérieur (avec deux bibliothèques entresolées au dessus)
De 6 à 9 «cabinets» sur la galerie bas de plafond avec des entresols.
6 Passage avec escaliers pour monter aux entresols et descendre au rdc 7 Méridienne
8 Bains - 9 Garde robe de commodités et pièce des femmes de chambres


La première antichambre, simple vestibule et salle de la livrée et de la sentinelle, s’ouvrait sur la première arcade de la galerie de pierre aujourd’hui murée. Cette antichambre « noire » simplement carrelée, très basse de plafond (- très certainement entresolée pour fournir des pièces pour le service de la princesse), sans cheminée, était tendue, au-dessus d’un bas lambris, d’une simple tapisserie ou d’une toile imprimée. La pièce est certainement peinte en blanc. C’était l’entrée habituelle de l’appartement. Une cloison légère dissimulait , sur de ses cotés, un escalier de service pour monter à l’entresol.
La seconde antichambre se trouvait dans la première pièce sur les jardins, après le palier de l’Escalier des Princes. Elle mesurait « 30 pieds 6 pouces de long sur 26 pieds 10 pouces de profondeur », plus haute de plafond que la précédente. Elle possédait une porte à deux battants sur le palier de l’Escalier des Princes et une grande porte vitrée, face aux fenêtres, ouvrant sur la première antichambre déjà citée, une cheminée de marbre commun avec son trumeau de glace sur le mur coté cabinet, deux fenêtres et deux dessus de porte dans des cadres blancs moulurés. Dans cette grande antichambre, tendue d’étoffe, le décor se limitait au bas lambris, à la corniche et aux chambranles des portes. Lambris et corniches certainement simplement moulurés avaient été peint en « blanc ordinaire » en 1773 pour la princesse ainsi que les deux dessus de porte où figuraient des tableaux de fleurs de Monnoyer ou de Blin de Fontenay , de « qualité médiocre », dans des cadres placés très hauts. La pièce était très certainement tendue de tapisseries de Beauvais, probablement tentures à verdures. C’était l’ancien cabinet intérieur de la duchesse d’Orléans, fille de Louis XIV, qui les avait orné au début du XVIIIe, de belles boiseries blanches et or à pilastres. Celles ci, démontées ensuite, se trouvent aujourd’hui posée dans la chambre du roi au château de Chambord ( voir le cartel dans ce musée. C’était l’ancienne salle des gardes du dauphin qui avait été réduite dans sa profondeur et sa hauteur. )
C’était l’antichambre des valets de pied et du « service » de la princesse. C’est dans ces antichambres que l’on dressait la nuit, derrière les paravents, les lits de veille des femmes de service. La petite histoire affirme que c’est dans une de ces antichambres en 1783, que la fameuse et audacieuse comtesse de La Motte Jeanne de Valois de St Remy, escroc célèbre de l’affaire des bijoux de la Reine, sollicitant la restitution des biens de sa famille, tentera de s’évanouir pour se faire remarquer sans le succès qu’elle obtient une première fois chez Mme Elisabeth.Elle tentera bientôt la plus célèbre des escroqueries : l’affaire du collier de la reine…
Le grand cabinet se trouvait dans la deuxième pièce sur les jardins, mesurant « 24 pieds de long sur 29 pieds de profondeur » plus haut de plafond que l’antichambre. C’était l’ancienne première antichambre du dauphin. Pièce moins simple que la précédente, il y avait une glace en trumeau au-dessus d’une cheminée neuve de marbre serancolin coté chambre et un trumeau identique en vis-à-vis coté antichambre, une tapisserie qui appartenait au « meuble » tendue au-dessus d’un bas lambris sculpté simplement. L’hiver, l’étoffe était remplacée par des tapisseries des Gobelins. L’inventaire de 1789 détaille, par exemple, dans le salon des nobles de la comtesse d’Artois, quatre pièces de l’Histoire de Don Quichotte. Elles étaient jugées superbes au point de servir après octobre 1789, à la décoration des appartements royaux des Tuileries. Lambris et corniches sculptées avaient été dorés en 1773 pour la princesse ainsi que les quatre dessus de porte où figuraient des tableaux de fleurs de Monnoyer ou de Blin de Fontenay dans des cadres dorés placés très hauts.
C’est là, que la comtesse d’Artois était censée tenir sa cour. Trop rarement, la princesse accordait des audiences, le plus souvent après sa toilette, qui avait lieu vers 11 heures, qui précédait de peu le lever de la reine, la messe et le dîner. Suivant l’étiquette des audiences, les pliants servaient aux femmes « titrées »admises au jeu et dans la société de la princesse, les autres devant se contenter de rester debout ou de s’agenouiller, suivant les prescriptions du protocole en vigueur, sur de simples « carreaux ».. Cette antichambre servait également de « cabinet des nobles ou pièce des dames d’honneur. Les personnes ayant les « entrées » y faisaient antichambre à l’heure du lever et du coucher. C’est là aussi que les dames s’établissaient pendant leur service, prête aux ordres de la princesse et que l‘on jouait pour y passer le temps.
Il y avait naturellement des tables de jeux utiles « pour les parties », une commode, des encoignures. La commode qui figura dans la salle des nobles existe encore, estampillée Riesner, conservée à Versailles. Elle est placée aujourd’hui dans la salle des nobles de Mme Victoire au rez de chaussée. Les deux encoignures de bois de rose ornées de motifs militaires peu féminins, commandées à Joubert, pour le comte d’Artois, mais finalement placées dans cette pièce des nobles, appartiennent aujourd’hui à la Wallace Collection de Londres. En 1773, Capin et Foliot avaient livré pour le grand cabinet de la comtesse d’Artois, les meubles d’été et d’hiver, aux bois dorés et sculptés, composés chacun d’une tapisserie, de 18 pliants, 8 tabourets, d’un paravent, d’un écran aux bois dorés et sculptés, de deux portières et de deux paires de rideaux. On trouvait au moins un ou deux lustres de cristal de Bohême avec rosette et gland de soie assortie au « meuble », des girandoles à lumières en cristal de Bohème, un feu de bronze doré dans la cheminée, quatre bras de lumière et une belle horloge ou un cartel placé sur la glace en vis à vis de la cheminée.

http://ao2a.macron.free.fr/commodegrandcabinet.jpg



Commode de JH Riesner livrée pour la «salle des nobles» de la comtesse d’Artois à Versailles aujourd’hui exposée dans la salle des Nobles de Mme Victoire .

http://ao2a.macron.free.fr/encoignuregrandcabinet.jpg

Encoignure de JH Riesner placée pour la « salle des nobles » de la comtesse d’Artois à Versailles aujourd’hui à la Wallace Collection à Londres.

La chambre à coucher était installée dans la troisième pièce sur les jardins, mesurant « 19 pieds 8 pouces de long sur 29 pieds 10 pouces de profondeur », très haute de plafond et éclairée par deux fenêtres. C’était l’ancienne seconde antichambre du dauphin dont les bas lambris n’avaient pas été conservés. La chambre fit l’objet de préoccupations décoratives importantes lors de la campagne de travaux de 1773 : on posa une nouvelle cheminée de marbre serancolin sur le mur coté cabinet intérieur, on installa un lambris sculpté « richement » blanc et or sur la paroi d’entre les fenêtres, et sur le coté de la cheminée et son vis à vis. Une alcôve tendue d’une tapisserie sur un bas lambris occupa le reste de la pièce. Cette chambre, qui constituait la pièce la plus importante de l’appartement, ne comporta pas de balustrade d’étiquette, séparant cet espace du reste de la pièce car c’était un privilège royal. Lambris et corniches sculptées étaient dorés en 1773 pour la princesse ainsi que les quatre dessus de porte où figuraient des tableaux de fleurs de Monnoyer ou de Blin de Fontenay dans des cadres dorés placés très hauts, comme dans le cabinet contigu.
Une petite porte sous tenture dans le fond, à la tête du lit, menait probablement, aux « cabinets prés des bains » : à gauche un cabinet à niche servant de méridienne, plus loin à unegarde robe à chaise, et à droite à la pièce des bains et aux « lieux à l’Anglaise.
Comme le reste de l’appartement, meuble d’été et meuble d’hiver, aux bois dorés et sculptés, alternaient selon les saisons. C.Baulez, conservateur à Versailles a indiqué la composition du « meuble » comprenant 4 portières, deux paires de rideaux, une tapisserie en 3 parties, un lit à impérial, un canapé, deux fauteuils, 12 pliants aux bois sculptés et dorés, un écran de cheminée, un paravent à six feuilles, deux carreaux, un marchepied, une chaise « haute » « pour le roy » . La commode de cette chambre, livrée par Joubert en 1773, appartient aujourd’hui aux collections du duc de Roxburgh , conservée à Floors Castle Kelso en Ecosse. Une table drapée était apportée pour les besoins de la princesse. C’était comme d’habitudes le meuble le plus riche et le plus orné des appartements des princesses : il était placé au milieu de la chambre. Couvert de dentelles, il supportait le nécessaire de toilette, cuvette, aiguière de vermeil dont usait Marie Thérèse pour la « toilette » de représentation et son « déshabillé du soir. Les deux lits qu’utilisait l’été et l’hiver la princesse était des lits « à grand impérial » comme chez la reine avec voussure, colonnes, chevet surmonté d’un couronnement sculpté, orné d’une corniche à contours, fleurons, guirlandes avec tissus assortis au « meuble. A l’intérieur de l’alcôve, comme chez la reine, il y avait probablement encore son coffre à bijoux, sa petite table à déjeuner à dessus de marbre et à roulette ou « table mécanique » en acajou dont elle usait chaque matin, et également sa table de chevet et sa table de nuit en bois de rose et dessus de marbre, qu’on apportait chaque soir, prés du lit, pour « l’en-cas » et le pot de chambre …

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Commode de JH Riesner livrée pour la « chambre » de la comtesse d’Artois à Versailles aujourd’hui dans les collections du duc de Roxburgh , conservée à Floors Castle Kelso en Ecosse .

http://ao2a.macron.free.fr/pliantchambrehiver.jpg
Pliant du « meuble d’hiver » de la comtesse d’Artois à Versailles aujourd’hui conservé dans la chambre de la reine à Versailles.

On trouvait un grand lustre de cristal de Bohême avec rosette et gland de soie assortie ici aussi au « meuble », un feu de bronze doré dans la cheminée, quatre bras de lumière et une très belle horloge de bronze doré et une garniture de vases en porcelaine.
C’est dans la chambre qu’avaient lieu son lever et son coucher. Les dames y assistaient, chaque matin et chaque soir. Là, Marie Thérèse pouvait donner ses audiences particulières et recevoir en privé la famille royale. C’est là encore, dans cette chambre à coucher, qu’elle dînait à son « petit couvert », sa dame d’honneur la servant, peut-être dans l’un de ses services de tables dont le musée de Versailles possède quelques pièces. Dans une lettre à ses parents, la comtesse de Provence indiquait en effet avec stupéfaction « pendant que nous dînions, nous recevons tout le monde. Hormis le roi, la reine, un souverain étranger et son époux, personne n’avait le droit de s’asseoir sur un fauteuil en sa présence. Aussi trouvait-t-on, chez elle, comme chez la reine, que deux fauteuils et des pliants. De 1775 à 1783, la princesse y donna le jour à quatre de ses enfants dont deux moururent en bas age : deux princes et eux princesses. Lorsque la princesse devait accoucher, un lit spécial ou lit de couches, remplaçait le grand lit en duchesse dont seul le baldaquin était laissé en place, comme le montre une aquarelle connue de Dugourc représentant la naissance du duc d’Angoulême (collection privée. Des sièges confortables, bergères et chaises longues, remplaçaient temporairement, pliants et fauteuils d’étiquette.

L’enfilade se clôturait par un cabinet intérieur qui était la quatrième pièce sur les jardins. C’était le délicieux boudoir décoré de boiseries peintes d’arabesques selon P. de Nolhac et dont nous regrettons de ne pas avoir un dessin aux archives nationales – très bas de plafond et très orné – dans lequel une niche de glace avec une nouvelle boiserie dorée à trophées sculptés seront établis en 1781. La niche était face à l’unique fenêtre. On peut supposer qu’au moins un trumeau de glace se trouvait au dessus de la cheminée. Ce cabinet entièrement boisé était certainement peint en blanc, rehaussés d’arabesques peintes et dorées, avec un cadre de glace doré. On peut supposer aussi que les petites portes de la niche et celle du tambour de la porte coté chambre, s’ouvraient sous les boiseries à la manière des portes dérobées. Une petite cheminée en griotte d’Italie fut posée sur le mur coté chambre. Cette pièce , et le cabinet intérieur de son époux contigu, avaient pris la place de l’ancienne chambre du Dauphin, qui , été devenue plus tard celle Mme Henriette , seconde fille de Louis XV où elle mourut en 1752. Elle avait été ensuite subdivisée en deux et entresolée dans sa hauteur. Un « meuble » de cabinet en Gros de Tours brodé consistant probablement en un lit de repos dit « ottomane » avec « pentes et soubassements à franges de soie , matelas, coussins de taffetas » , en siéges de bois dorés et sculptés : bergères , chaises, fauteuils à carreaux , chaises sans carreaux, une chaise haute « pour le Roy » , un écran de cheminée, une paire de rideaux de fenêtres et son store en taffetas, le tout recouvert de housses de satin sera probablement livré par Capin pour garnir le salon particulier de la princesse. On trouvait aussi un petit lustre de cristal, deux paires de bras de lumières, un feu de bronze doré dans la petite cheminée, une petite pendule sous globe etc…
Là, Marie Thérèse recevra ses visiteuses familières, là, elle se fera peindre, cajolera ses enfants, retrouvera ses bibelots familiers dont ses boites à tabac précieuses. Il y aura là, sa harpe, son pupitre à musique, son petit clavecin, son fauteuil personnel en maroquin, ses chaises basses avec leurs tabourets, son métier à tapisserie, sa table travailleuse pour ses corbeilles à ouvrages et ses sacs à laines, son secrétaire en acajou pour écrire, son chiffonnier, une console avec tel ou tel objet précieux ou des effigies de sa famille de Savoie .De tout cela , il reste ce curieux pietenement sculpté par JB Vinceneux en 1773. Ce meuble qui figura à Versailles pour la comtesse d’Artois servait de support à une maquette de la Samaritaine identique à celle conservée au musée Carnavalet est aujourd’hui conservé dans la collection Wrightman Metropolitan Museum de New York.


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Pied de table pour la maquette de la Samaritaine livrée pour la comtesse d’Artois à Versailles aujourd’hui dans les collections Wrightman Metropolitan Museum de New York.


Non loin de là, était un passage de communication donnant accès au cabinet intérieur du comte d’Artois – qui était ce fameux boudoir turc dont on a tant parlé. Un escalier en colimaçon permettait, dans le double sur la galerie, de descendre au rez de chaussée, dans un appartement qu’occuperont, de 1778 à 1781, ses enfants avec Mme de Caumont, leur gouvernante.
L’appartement se terminait par une bibliothèque entresolée, superposée au cabinet intérieur, qui était la cinquième pièce sur les jardins, à laquelle on accédait par un escalier intérieur tendu d’un gros de Tours blanc et de moquette avec une rampe en cordon de soie derrière la niche du cabinet .Les travaux qu’on y fit en 1773 étaient de peu conséquence. Ainsi, à sa demande, en 1781, elle est rajeunie et garnie des livres aux reliures moins ostentatoires que ceux que la reine comme certains exemplaires que l’on peut encore trouver chez des libraires d’éditions anciennes . Ses livres étaient reliés en plein maroquin rouge, dos lisse orné, , gardes de papier dominoté d'un semis de points et d'étoiles or sur fond blanc.

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Bien qu’entièrement tapissée d’armoires à livres montant jusqu’au plafond et complétée d’une niche de menuiserie pour placer un canapé, elle devint bientôt insuffisante et trop médiocre par rapport à celle de la reine .L’année suivante, la comtesse d’Artois ordonnait de transformer en supplément de bibliothèque une pièce voisine où se tenaient jusque là les femmes de son service .Cette deux bibliothèques sont embellis et dorés. En 1786, on y installe des armoires à portes de glaces. Là étaient probablement une table à écritoire permettant d’y travailler , un siège de maroquin, quelques chaises, un canapé, un feu doré dans la cheminée, un baromètre, plusieurs vases ….

Revenons au plain pied du rez de chaussée de l’appartement, des petites portes dans le fond du grand cabinet, de la chambre, et celle à la gauche de la niche du cabinet intérieur menaient à une série de petites pièces dites cabinets, très basses de plafond, entresolées et très sombres , pas plus larges qu’un corridor entresolé , dont on ne connaît pas le plan précis. Mais il est tout à fait logique d’y localier les pièces de commodités sans lesquelles cet appartement n’aurait aucun confort. Derrière les antichambres , le grand cabinet et la chambre, se trouvaient, probablement comme au temps du dauphin -dont les cabinets sont connus par des plans conservés aux archives nationales et par ce qu’en a dit A.Marie dans son « Versailles au temps de Louis XV » - , un cabinet à niche avec des pans coupés et une pièce des bains , qui seront préservés pour l’ usage de la comtesse d’Artois. Ce petit cabinet deviendra un boudoir servant de méridienne, c’est à dire de petit cabinet de retraite comme chez Marie Antoinette pour se reposer après le repas et le bain matinal. Au delà de ce cabinet octogonal, par un petit escalier de menuiserie à marches à tomettes rouges pour l’entresol des bains et porteurs d’eau, par « une garde robe à chaise » , « la pièce des femmes de chambres » et un autre escalier de menuiserie, on regagnait une petite porte sous tenture de la première antichambre. Les escaliers menaient à l’entresol – on dirait aujourd’hui en duplex - et à d’autres petites pièces superposées. Outre deux bibliothèques parfaitement localisées au dessus du cabinet intérieur, la princesse disposait de deux autres cabinets sur la galerie, dont un a pu lui servir d’oratoire. On trouvait aussi, au delà du coté des antichambres, sur la galerie, se trouvaient encore plusieurs pièces, curieusement éclairées au sol par les imposte des fenêtres du rez de chaussée .C’étaient diverses chambrettes de service où étaient logés les garçons de la chambre, la première femme de chambre, les « cuves et fourneaux » des bains et les armoires des atours de la princesse. Ces « cabinets » étaient composés de 5 petits cabinets ou passages servant de palier à deux escaliers intérieurs, très bas de plafond, coupés dans leur hauteur par un étage intermédiaire dit « entresol », s’éclairaient par 6 arcades vitrées sur la galerie de pierre, qui rappelons le, était à l’air libre à l’époque ( les grands vitrages qui la ferme aujourd’hui ayant été posés au XIXe siècle ). La plupart de ces arrières cabinets , habités par la princesse , étaient lambrissés de simples panneaux à hauteur d’appui peints en blanc avec des tentures de damas. Chaque cabinet en second jour sur la galerie avait conservé la petite cheminée ancienne de brèche violette du temps du dauphin, avec son petit trumeau de glace. L’étroitesse de ces lieux faisaient qu’on était obliger souvent de placer les chaises dans les profondes embrasures des fenêtres. Les cabinets possédaient du coté des fenêtres , deux portes en vis à vis, à un simple battant et sans aucune décoration que leur chambranle de menuiseries à grosses moulures, et parfois une à deux petites portes dérobées sous tentures sur le mur du fond, face aux fenêtres . Certains cabinets était parquetés, d’autres pavés de rustiques tomettes rouges cirées. Trois cabinets possédaient au moins des niches de menuiseries , anciennes ou neuves. Beaucoup plus exigus, surtout moins importants que les cabinets intérieurs du roi, les cabinets de la princesse, étaient également meublés de façon confortable. Plusieurs fournisseurs du comte d ‘Artois , comme l’ébeniste Criaed , ont livrés les meubles qui donnaient plus de chaleur à ces petites piècettes intimes mais sombres. Des rideaux et des tentures, des voilages, des fauteuils, des chaises, des sofas aux bois peints en blanc, une table de nuit, une chaise d’affaire et son bidet d’acajou, des encoignures de toilette, une baignoire de cuivre, tout un ensemble de meubles de service assuraient dans ce « double » plus de confort. On devait y trouver aussi, notamment dans les entresols destinés au service intérieur de la princesse, l’ameublement fonctionnel permettant de ranger, de préparer un en-cas, procéder à la réparation d’un vêtement déchiré, des armoires de chêne ou de noyer, des chaises paillés, des tables pliantes, des lits de veille, des chambres complètes pour les femmes de chambres.. Qui nous le dira ?.. C’est dans cet entresol que couchaient ses femmes. C’est dans ce superbe appartement dont on regrette la disparition qu’exerça Mlle de Mamiel, sa charge de femme de chambre ordinaire de la princesse.
Mais comme nous l’avons dit, la comtesse d’Artois, à l’instar de la reine et du roi, ,voulait être tranquille, et entre les cérémonies officielles , dans le « double » sur la galerie de pierre, elle occupa, transforma – probablement pour ne pas être en reste vis à vis de sa belle soeur – modifiant comme on le croira facilement, décoration et attribution – de ce que l’on appelaient les « cabinets ». C’est dans ces pièces retirées dont la gaieté des coloris ( la plupart possédait des tentures d ‘étoffe de damas au dessus d’un lambris à hauteur d’appui mises à la mode par le « goût tapissier » de Marie Antoinette ) compensait le peu de lumière et l’inconvénient de la curiosités du public dans la galerie (des barrières étaient placées devant chaque fenêtre des arcades de la galerie de pierre pour éviter la curiosité du public ) que Marie Thérèse menait une vie paisible et non exempte de chagrins. L’éloignement progressif de son mari dés 1783, les deuils successifs de ses deux filles, firent d’elle, une femme résignée, s’adonnant à la pitié , agenouillait sur son prie dieu de son oratoire

Il ne faut pas oublier les objets d’art qui témoignaient du goût réel de la princesse comme des objets d’ornements, des porcelaines, des vases, des corbeilles à fleurs, des boites précieuses(http://www.findarticles.com/p/articles/ ... i_98641326)des cristaux montés, des cartels de pendules … Il est possible de visualiser ce que conserve le musée de Versailles en provenance de cet appartement : un pliant du meuble d’hiver de la chambre, la commode de la salle des nobles estampillée Riesner, plusieurs portraits et quelques éléments de ses services de table.
Pour réaliser son musée en 1837, le roi Louis Philippe fit démolir toutes les installations intérieures – lesquelles étaient devenues, faute d’entretien, fort insalubres et enlever, bien malheureusement les superbes boiseries qui les décoraient. Ces transformations arbitraires entraînèrent malheureusement des destructions irréparables et nous privent des dispositions anciennes, des entresols labyrinthiques, des exquises boiseries dont ils étaient décorés. Aucuns appartements historiques ne furent préservés, c’est ainsi que l’architecte du roi citoyen, pour établir la galerie des Bataille actuelle, éventra les appartements de Mme Elisabeth, du comte et de la comtesse d’Artois au premier étage de l’aile du midi, sans rien garder du tout.

http://ao2a.macron.free.fr/galeriebatailles.jpg

Galerie des Batailles emprise actuelle où se trouvait l’appartement dans les premières travées
Pour confirmer tous ces détails, peut-on espérer, la publication un jour dans une revue spécialisée, d’un article de fond décrivant les beautés de cet appartement, détaillant avec plus de certitude l’inventaire de son mobilier et les plans de ses distributions car des plans originaux existent bien aux archives nationales .On pourrait espérer surtout enfin une publication de tous ces documents, car mes recherches et mon appel sur ce forum à ce sujet, sont restés, à ce jour, vaines.
Bonne découverte à tous. La suite « la petite maison de St Cloud » en octobre…


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Message Publié : 07 Sep 2004 15:55 
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Eginhard
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Inscription : 22 Mai 2003 16:34
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Bonjour !

Votre exposé sur les appartements de la comtesse d'Artois à Versailles est fantastique ! Il ne me reste qu'à l'imprimer pour me fourrer tout cela dans la tete... Bravo aussi pour l'illustration du portrait de Marie-Thérèse de Savoie ! Pour ma part je ne connaissais que le portrait de Gautier-Dagoty et pas celui de Ducreux. Ducreux a-t-il forcé la note quant aux charmes de la princesse ? possible. En tout cas l'ensemble est charmant, la comtesse d'Artois est ravissante, sa timidité et son air renfrogné ne paraissent pas.
Une petite remarque : le portrait affiché grandeur nature "mange" une partie du texte. Serait-il possible de le réduire pour profiter de tout l'ensemble ? Je pense que c'est réalisable et que cela se fera bientot, très bientôt car je veux imprimer l'intégralité des pages. (:8:) :P

_________________
Dominique Poulin


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Message Publié : 10 Sep 2004 15:25 
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Plutarque
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Inscription : 25 Avr 2004 19:05
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Afin de faciliter l'impression du portrait de Marie Thérése
Second essai avec image plus réduite
Image

A bientôt à la découverte de sa petite maison de St Cloud.

Gentilhomme de la Chambre


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Message Publié : 10 Sep 2004 23:25 
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Inscription : 09 Juin 2004 23:02
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Excellent exposé en effet sur les appartements de la comtesse d'Artois...
J'ai une petite question intéressée pour le Gentilhomme de la Chambre, où avez-vous trouvé le plan des cloisons à abattre de la Galerie des Batailles ?
Je serais en effet interessé pour trouver ce qui est aujourd'hui la partie dite Salle de 1792...

Je suppose que je ne vous apprends rien en vous indiquant que l'appartement occupé par la comtesse à Fontainebleau était l'appartement haut des chasses, occupé ensuite entre autres par le Prince Impérial, dont toute une partie du décor visible aujourd'hui est encore le décor de boiseries XVIIIè créé pour le dauphin Louis-Ferdinand, et qui était encore en place sous le règne de Louis XVI et que votre "amie" a donc connu.

Quant à son appartement Compiègne, il a malheureusement laissé place à la Salle de Bal...

Voili voilà

_________________
"Je ne me dissimule point que la Monarchie ne pourrait reprendre son éclat que par un coup de vigueur; mon frère ne le fera pas, et sûrement, je ne me permettrais pas de le lui conseiller."
29 mai 1789


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Message Publié : 15 Sep 2004 17:35 
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Eginhard
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Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
Monsieur le Gentilhomme de la Chambre, vous avez fait allusion aux précieuses boites à tabac de la comtesse d'Artois. Or j'ai lu il y a bien longtemps dans un ouvrage de M. André Castelot consacré à la duchesse de Berry le goût de la princesse pour le tabac...
C'était parait-il un de ses rares plaisirs lorsqu'elle se fixa en Autriche vers 1800. Pouvez-vous me confirmer ce goût de Marie-Thérèse de Savoie et d'autre part le fait de fumer n'était-il pas un peu insolite pour une personne de ce rang ?

_________________
Dominique Poulin


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Message Publié : 15 Sep 2004 23:09 
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Inscription : 09 Juin 2004 23:02
Message(s) : 187
Localisation : Massy (91) / Grenade (31)
Je pense qu'aimer le tabac à l'époque n'était pas forcément le fumer... Les femmes le prisait (comme les hommes), Madame Elisabeth au retour de Varennes a demandé une prise de tabac qui lui a été refusée...
Je pense donc que la comtesse d'Artois, sa belle-soeur, succombait elle aussi à cette mode...Mais je peux me tromper... :wink:

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"Je ne me dissimule point que la Monarchie ne pourrait reprendre son éclat que par un coup de vigueur; mon frère ne le fera pas, et sûrement, je ne me permettrais pas de le lui conseiller."
29 mai 1789


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Message Publié : 16 Sep 2004 11:48 
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Inscription : 25 Avr 2004 19:05
Message(s) : 150
Pour répondre à Philippe-Elisabeth, le plan provient d'un livre sur le musée de Louis Philippe "Versailles, de la résidence royale au musée historique" de Thomas W.Gaehtgens ( Fond Mercator 1984)

Pour répondre à Dominique, la princesse collectionnait en effet des tabatières précieuses et, apparemmement, devait priser du tabac car même en exil, il semblerait que ce fut son seul plaisir et sa seule dépense.
On en reparlera après l'article sur la maison de St Cloud que je vais publier aujourd'hui, dans quelques instants.

Gentilhomme de la Chambre


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