Nous sommes actuellement le 19 Avr 2024 23:08

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 53 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4  Suivant
Auteur Message
 Sujet du message :
Message Publié : 16 Sep 2004 12:18 
Hors-ligne
Plutarque
Plutarque
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 25 Avr 2004 19:05
Message(s) : 150
La petite maison de St Cloud

Quelques temps après l’achat du château de St Cloud, fait le 19 février 1785, par la reine Marie Antoinette au duc d’Orléans, sa belle-sœur, la comtesse d’Artois manifesta, selon ses propres mots, le «désir et le besoin d’une maison de campagne où elle puisse prendre l’air et se procurer quelques distractions».
L’intendant de sa maison - qui s’appelait Bourboulon - écrivait de son côté : «Son but a été d’y venir chercher le plus souvent possible la retraite et la liberté … J’ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n’aye pas un petit coin pour diriger sa promenade. Aussi reste-t-elle toujours comme en prison à Versailles ».

La princesse cédait, en fait, aux tendances préromantiques de son époque vers un retour de la nature et une simplicité qui, bien que sincères, se concrétisèrent par une sophistication raffinée.
Peut-être aussi éprouvait elle de la jalousie envers sa famille : chaque membre de la famille royale possédait, à cette époque, sa maison particulière; la reine possédait Trianon et maintenant St Cloud, sa sœur et sa belle sœur, Mme Elisabeth possédaient, en propre, leur propriétés à Montreuil aux portes de Versailles, comme Monsieur à Brunoy.

Mesdames Tantes disposaient du domaine de Bellevue. Dans ce cadre bucolique, la princesse avait l’intention de vivre simplement selon les préceptes très en vogue alors de retour à la nature et à la simplicité répandus par les écrits notamment de Jean Jacques Rousseau.

Saint Cloud avait la préférence de la princesse, mais il ne fut pas question d’une construction neuve car, malheureusement, les finances du prince étaient dans un état déplorable : ce dernier n’hésitait pas, en effet, à épuiser ses revenus dans des plaisirs dispendieux, en allant jusqu’à s’endetter de plus de deux millions au jeu. Il s’offrait de ruineux caprices, comme celui du pari de la construction de Bagatelle. Aussi, Louis XVI devait-il, trop souvent, couvrir la plus grosse partie de ses dettes.

Dans cette conjoncture, l’installation de Marie-Thérèse à St Cloud devait nécessiter de longs pourparlers.
Marie-Thérèse sollicita de la reine la jouissance d’un pavillon situé dans le parc de St Cloud. Il semble bien que l’on proposa d’abord, le «petit château de la Gayété », bâti en 1748, sur la colline de la Brosse, qui possédait de magnifiques jardins en terrasses dessiné par La Lyre.
Mais l’état de vétusté du bâtiment ( qui sera détruit finalement en 1773 ) et, probablement, sa faible superficie, fit que l’on dissuada la princesse.
L’indisponibilité de construction en état lui fit rechercher alors une maison à acheter ou à louer dans les environs immédiats. Après toutes sortes de finasseries, d’interminables marchandages, de pourparlers tracassiers par ses gens d’affaire ( que nous découvrons dans une amusante correspondance qu’échangèrent, à ce propos, Bourboulon, intendant de la princesse et M de Verdun, trésorier du prince ) , son choix se porta sur une demeure située en lisière du parc, du coté du village de Suresnes et appartenant à un fermier général du nom de Chalut de Vérin, très riche collectionneur. Un «bail à vie»fut enfin conclu le 22 août 1786 entre le fermier général et le prince, pour la location de la « maison de l’Electeur», la maison «de la Gatine» avec toutes leurs dépendances, meubles, tableaux, ustensiles … moyennant 18 000 livres par an, à raison de 1 500 livres par mois.

Cette résidence était appelée la «Maison de l’Electeur» en souvenir du prince-électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière, à qui elle appartint lors de son exil en France pendant le règne de Louis XIV.
Le domaine appartint ensuite à Mme d’Averne, qui avait supplanté Mme de Parabère comme maîtresse du Régent. Après elle, le domaine passa aux princes de Carignan puis en 1749 au richissime Chalut de Vérin. Ce dernier agrandit le domaine et fit reconstruire le château.

Située à flanc de colline, dominant la Seine, en amont du château de Saint Cloud, cette maison comportait un corps de bâtiment principal à deux étages, avec une avancée médiane de la façade qui présentait treize fenêtres. Le parc et les jardins descendaient presque jusqu’au fleuve. Cette «petite maison» était, en fait, un véritable château, dans le genre des « folies » du XVIIIe, avec appartements réduits en proportions mais raffinés, dépendances nombreuses et jardins superbes.
Les appartements étaient plus réduits en proportions, propices à l’intimité de la princesse et de ses hôtes. Le pavillon dénombrait plus d’une trentaine de pièces ! La princesse fit faire peu de travaux dans le Pavillon, à l’exception de ses appartements qui furent peints en blanc ou tendus de tissus légers et de toiles imprimées. En effet, le 21 septembre 1786, la Princesse demandait, selon un document des archives nationales, « qu’on fasse blanchir le salon du rez de chaussée, il est à présent d’un vert fort sombre ». Par mesure d’économie, elle se contentera, ailleurs, des décors existants.
Si elle fit faire quelques améliorations, elles concerneront toujours uniquement ses appartements. A l’hiver 1786, désirant y séjourner plus longtemps, elle redemande quelques réparations pour ses appartements et ceux de sa femme de chambre, le blanchiement de sa chambre et de son boudoir, la pose d’une cheminée pour ce boudoir et une communication directe sur la cour avec escalier de service pour la femme de chambre.

Le Pavillon de St Cloud, fut loué en partie meublé. Tous les meubles du propriétaire furent numérotés « afin que s’ils sont transportés d’une pièce à l’autre, on puisse les suivre et les reconnaître».
La princesse se servit, en effet, d’une partie du mobilier du propriétaire, comme celui des principales pièces de réception, celui des logements et des chambres de service. Le garde meuble privé du comte d’Artois y envoya donc quelques meubles d’acajou antérieurement livrés par l’ébéniste Mathieu Guillaume Cramer.
Sur les meubles apportés ou commandés par la comtesse d’Artois, le garde meuble du prince apposa une marque composée de lettres entrelacées SC ( St Cloud ) au centre d’un cartouche ovale dentelé ( écu de la province d’Artois ). Les lettres GM, apposées sous les cartouches devaient signifier probablement la marque du garde meuble, non en tant que réserve de meubles, mais, en tant qu’administration du garde meuble princier.

Les ébénistes et menuisiers Jacob et Lelarge fournissent les sièges. Daguerre, le célèbre marchand-mercier du temps, livra des girandoles. Le doreur Rémond, le marchand de flambeaux Jousse , l’ébéniste Mauter complétèrent l’ameublement, L’ébéniste JH Riesener fut chargé de l’exécution d’ouvrages plus précieux en partie réservé à l’usage exclusif de la princesse. De nombreux siéges peints en blanc vernis, des paravents, des voyeuses, des canapés, plusieurs petites tables seront commandés à Jacob, Lelarge. En 1788, 1 000 livres étaient dues à ce fournisseur qui livra plusieurs autres meubles dont les archives privées de la princesse n’ont gardé trace. Un vide-poche, une table tric-trac, une commode, une table de salle à manger estampillées ou attribuées à ce maître existent dans des collections privées ou portent les marques du garde-meuble de la princesse. Nous pouvons aujourd’hui admirer de très belles pièces d’ébénisterie, comme, par exemple , le secrétaire du boudoir retrouvé grâce à la marque spéciale du S et C entrelacés dont fut revêtu chaque meuble fabriqué pour le pavillon

Le goût de la Comtesse d’Artois était influencé par celui de la Reine.
Le décor de marqueterie en placage de losanges de bois gris satiné se retrouvait dans les meubles commandés par la princesse, comme dans plusieurs meubles de Riesener, notamment pour le mobilier livré en 1783-84 pour l’appartement de la souveraine au palais des Tuileries. C’est au cours de l’année 1787 et au début de 1788 que JH Riesener effectua ses livraisons au Pavillon comme l’attestent les comptes de l’époque. Hormis le secrétaire du boudoir déjà cité, Riesener fournit une table console à l’anglaise en placage d’acajou ( qui appartint au XIXe siècle à la baronne S. de Gunzbourg ) et une table volante à usages multiples ( qui fit partie au début du siècle de la collection Ephrussi de Rothschild puis à la collection de Jouffroy ).

La maison était fort vaste et abondamment meublée. Paul Cornu qui consacra à cette demeure en 1907 une étude assez approfondie, a détaillé sa distribution en publiant sa distribution intérieure en 1786.
Le rez de chaussée comprenait un vestibule servant d’antichambre, deux corridors appelés «galeries» qui desservaient une salle à manger et un cabinet de compagnie appelé «salon de campagne». La salle à manger était meublée «à l’anglaise» avec plusieurs meubles, probablement livrés par Riesener : la fameuse console à l’anglaise, une table d’acajou à rallonges, plusieurs chaises d’acajou à dossier en lyre, des tables servantes en acajou …

Le salon, aux boiseries maintenant peintes en blanc, avait été meublé d’un ensemble de sièges, commandé par la princesse au menuisier JB Lelarge dès 1786, composé de quatorze sièges dont deux bergères, six fauteuils et six chaises. Le même style délicat, la pureté des lignes, la justesse des proportions, l’harmonie et la grâce des détails se retrouvaient sur les pièces fournies par ce menuisier, dont deux bergères conservées aujourd’hui dans la collection de Mme Wrighstman à New York et six fauteuils et six chaises qui appartiennent à une collection privée française. On trouvait sur la cour des pièces de service accessoires : une grande cuisine, deux offices et un garde manger. Le salon donnait sur un petit appartement où la princesse se baignait .Il était composé d’une salle de bain et d’une petite chambre de repos. Le premier étage ou « étage noble » comprenait, sur la cour, un palier servant de première antichambre, deux corridors ou «galeries» desservant appartements et escaliers. Un très beau salon octogone servant de seconde antichambre, ayant vue sur les jardins, desservait, de part et d’autres, deux appartements. De cet étage qu’elle fit meubler élégamment , ils existent encore plusieurs éléments préservés, conservés dans des collections privés ou appartenant à des galeries d’antiquaires comme plusieurs sièges, une console, un secrétaire ou une tricoteuse qui possèdent encore les marques du garde meuble de ce pavillon. La comtesse d’Artois semble occuper l’un ou l’autre des appartements, suivant sa fantaisie. L’appartement qu’occupa la princesse, suivant l’inventaire de 1786, comprenait un passage, deux chambres (dont une était tendue d’un damas jaune et l’autre servant de cabinet ) , un boudoir, une petite pièce après ( un cabinet de toilette ? ) et une garde-robe. Cet appartements était tous revêtu d’étoffes , dans le gout tapissier chez o son époux et à la reine : toile de Jouy, toile imprimée, taffetas de Florence. Ces soieries interchangeables étaient retenues sur des châssis de bois adaptés aux cimaises au dessus de bas lambris peints en blanc , permettait, selon la fantaisie de la princesse, de changer le décor et les couleurs de chaque pièce, en modifiant, à volonté également toutes les passementeries : rideaux à franges , cantonnières, embrases etc…

On peut penser, que l’appartement symétrique, pareillement peint en blanc et tendus de tissus, était occupait par ses fils et , peut être, par M. de Sérent leur gouverneur qui ne devait jamais les quitter allant jusqu’à dormir dans la même chambre que les princes, durant les séjours de leur mère, dans cette villégiature, bien qu’il ne comporta q’une seule chambre et plusieurs petits cabinets . Les ordres que Marie Thérèse de Savoie donna pour l’installation de son boudoir et de sa chambre sont révélateurs de la simplicité souhaitée :
« La Princesse désire que son boudoir soit tendu de toile de Jouy … Pour le meuble, elle n’a besoin que d’un sopha,et trois chaises. Elle a commandé un secrétaire de bois d’acajou ( en réalité de sycomore , il s’agit du secrétaire appartenant à la galerie Kugel ) et deux petites tables pareilles … La Princesse désire pour son coucher le lit jaune qu’elle eut l’année dernière et la tenture pareille » .On localisait dans ce boudoir, le secrétaire qui appartient aujourd’hui à la galerie Kugel et une « travailleuse » ou table à ouvrage en auge , commandée par la comtesse d’Artois vers 1786 ( passée en vente chez Christie’s Monaco en 1998 ( vente du 21 juin 1998, lot 550 ).

Un deuxième étage ou « attique » , plus bas de plafond sous comble, garnis des « meubles en suite » de M.Chalut, comprenait quatre petits appartements, dont un possédait une communication dérobée avec l’appartement de la princesse. Il était, probablement occupé par Mme de Rocquemont, la première femme de chambre de la princesse. Les trois autres logements, tendus de perse fine chez les dames , étaient, très certainement, partagés entre le premier écuyer, les deux « dames pour accompagner » ou la dame d’honneur, choisies par la princesse pour lui tenir compagnie durant ces séjours à St Cloud. Un troisième étage sous le brisis du toit , plus bas encore que l’attique, comprenait diverses chambrettes destinées aux domestiques subalternes, et étrangement dans située dans le dôme central du pavillon, une chapelle et une terrasse belvédère.

Un beau jardin en terrasse présentait plusieurs parterres – dont un boulingrin - ornés de plusieurs bancs de pierre, de vases et de statues , un miroir d’eau où la princesse aller pécher souvent à la ligne ainsi qu’un pavillon rustique où elle s’abritait pour travailler à un ouvrage

La princesse disposa de la maison, louée en partie meublée, dés le 1 septembre 1786. Elle y ordonna, immédiatement, un aménagement simple en conformité aux règles financières qui devaient présider ses séjours « Madame la comtesse d’Artois m’a bien répété qu’elle vous donneroit la preuve de la plus complète économie. Elle ne veut qu’un simple concierge et un frotteur. Quand elle ira y passer la journée, elle portera sa cantine. Pendant les voyages de la reine ( à St Cloud), elle n’y tiendra point de maison. Pour les dépenses d’entretien , elle vous demandera une somme fixe à laquelle elle se bornera exactement ».

En fait, la recherche de la simplicité aboutit à un grand raffinement et le programme initial d’économie qui s’était fixé la comtesse d’Artois ne fut pas vraiment suivi. Les meubles et les travaux d’embellissement de sa demeure furent plus coûteux que prévu. Les caisses du comte d’Artois étant quasiment vides, il semble que cette demeure coûta , en trois ans , plus de 276 000 livres. L’ameublement du pavillon coûta, à lui seul, 88 000 livres. Le séjour de la princesse nécessita pas moins de 70 317 livres de frais d’entretien pour la seule année 1786 ! Un autre état de ses finances daté du 1 janvier 1789 montra que les dépenses pour St Cloud totalisait 286 789 livres pour cette dernière année.

Entre 1786 et 1789 , la comtesse s’installa, presque à demeure à St Cloud avec un train des plus modeste : M.Bourboulon l’ intendant de sa maison, quelques dames intimes compatissantes, des domestiques nécessaires et neuf gens à demeure comme un concierge et un frotteur. Elle y passait régulièrement ses journées avec deux dames, un dîner frugal préparé à Versailles apporté dans une cantine, qui était lui était directement servi par un cuisinier et un officier du gobelet. Sa desserte servait à nourrir ses gens. C’était là ses parties de campagne innocente et particulière fort à la mode sous le règne de Louis XVI.Entourée , ainsi, d’une compagnie choisie et d’une domesticité réduite, la princesse y mena , avec ses enfants, une vie sans contrainte, éloignée des formalités, de l’apparat et du cérémonial de la Cour, comme en témoigne son emploi du temps « un télescope, la pêche dans le bassin, une promenade, un travail de broderie … ont rempli la journée de la princesse, jusqu’à huit heures et demie . Ce ton de simplicité et d’économie lui plaisait beaucoup et elle était disposait à jamais s’en écarter. « Madame la Comtesse d’Artois en a bien répété qu’elle vous donnerait la preuve de la plus complète économie … » ne cessait de répéter l’intendant de la comtesse dans sa correspondance avec M. de Verdun.

Dans ce qui fut son « Trianon », où elle viendra pour tromper sa solitude et son ennui, c’est à peine si la princesse fit parler d’elle et y laissa son souvenir. Séparée de son époux, elle pouvait pour des raisons de santé , afin de justifier un isolement relatif , se permettre ce genre de vie cloîtrée. Elle s’y tiendra constamment à l’écart, résignée sans doute à l’état dans lequel son mari l’avait mise. Là encore, la comtesse d’Artois réussira parfaitement à se faire oublier de tous, abandonnée du monde puisqu’à la Cour, il n’était pas permis à une femme d’être sans grâce et sans esprit. Les mémoires du vicomte d’Hézecques laissent à penser que la comtesse d’Artois fit à St Cloud de nombreux séjours, y recevant même, peut on croire, Madame, sa sœur et le Duc d’Orléans.

La princesse ne devait pas remplir son bail. Probablement prise de peur ou conseillée par son époux, le 14 juillet 1789, la princesse renonça à ses innocents plaisirs de la broderie, et de la pêche à la ligne, en abandonnant sa location de Saint Cloud. Elle quitta la France le 6 septembre pour rejoindre son époux en émigration à Turin. Le bail du pavillon de St Cloud fut alors résilié. Après la chute de la monarchie, le 10 août 1792, exactement deux jours plus tard, il fut procédé à l’inventaire du Pavillon. Dans le boudoir de la Princesse, les commissaires inventorièrent un « secrétaire en bois satiné et acajou à dessus de marbre blanc ainsi qu’une table à écrire et un vide-gousset aussi en bois satiné et acajou le tout garni de ses cuivres dorés d’or moulu ».

Que reste-t-il de ce domaine , qui devit être bien raffiné et bucolique ? Nicolas Delille, gendre de Chalut de Vérin, hérita de la maison, mais fut guillotiné le 8 mai 1794, sa veuve vendit la propriété du secrétaire de l’empereur Louis de Bourrienne. Après avoir passé entre plusieurs mains, le domaine fut acquit en 1840 par la famille de Béarn qui lui donna le nom de « château de Béarn ». Incendié en 1871 , pendant le siége de Paris, le château fut laissé à l’état de ruine au milieu d’un parc retourné à l’état sauvage. Les quatre murs restés debout étaient drapés de lierre, mais on pouvait encore admirer l’élégance de cette demeure avec son avant corps à trois pans aux fenêtres cintrées et au couronnement à balustres.Deux splendides allées de marronniers, une terrasse plantée d’ifs, des parterres , un miroir d’eau rappelaient avec, sur une seconde terrasse, les restes d’une charmille, l’agrément d’un parc qu’on amputa lors de la construction d’une ligne de chemin de fer et la percée d’un boulevard. Après étre resté un demi siècle à l’abandon, ce qui subsistait du parc, fit l’objet d’une opération immobilière, les ruines furent sacrifiées.

Image
plan de masse de l'entréé de la petite maison de st cloud

Image
console à l'anglaise de la salle à manger

Image
Siéges du salon du pavillon de St Cloud ( collection Wrightman New York)

Image
Secretaire pour le boudoir de la princesse ( Galerie kugel)

Image
Travailleuse pour le boudoir de la princesse ( collection particulière )

Image
Ruines du pavillon de l'élécteur vers 1950 / illustration tirée article de Paul Cornu

Suite et fin : une triste fin

Gentilhomme de la chambre


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 16 Sep 2004 18:33 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
Bonjour,

Pour revenir sur le sujet consacré au domaine de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud, le terme de "petite maison" me semble un peu fort. Sans doute était-il sans proportion avec celui de Marie-Antoinette dans la meme localité. Mais il est vrai que la maison des champs de la reine avait auparavant appartenue à la richissime famille d'Orléans. Par ailleurs vous avez fait allusion aux séjours de la reine à Saint-Cloud. Ils n'ont sans doute pas été nombreux car je n'en connais que deux. Un pendant l'été de 1785 -séjour qui déplut à Louis XVI se plaignant de rencontrer "canaille" et "catins"- et un second au printemps de 1788 d'une dizaine de jours.

Revenons plus précisément à la maison de Saint-Cloud de notre petite princesse savoyarde... Comme toujours je vous réserve une salve d'applaudissements. Mais j'ai quelques questions et quelques compléments à donner. Précisons tout de suite qu'il s'agit en fait d'un chateau, voire d'une Folie comme vous le soulignez et non pas d'une maison.
Vous ne donnez pas la superficie de la résidence de la princesse et on ne se rend pas bien compte de son importance. Pour faire une comparaison avec celui de la comtesse de Provence à Montreuil le domaine de sa soeur couvrait une trentaine d'hectares en 1789.
Passons à l'ameublement des appartements de la comtesse d'Artois. Elle n'était pas si falotte que cela car son gout parait trés sur en s'adressant aux ébénistes Riesner et jacob, les plus grands de leur temps. Riesner était toutefois considéré comme fort cher. Il était le client attitré de Marie-Antoinette qui continua à faire appel à lui malgré les réductions plus souhaitées qu'obtenues du Garde-meuble royal à partir de 1784. De plus malgré le souhait d'un train de vie simple, la princesse dépensa beaucoup pour sa maison tant pour les dépenses inhérentes au service, à l'ameublement et aux travaux d'embellissements. Incurable gabegie de l'entourage des maisons des princesses ou incompétence des altesses en matière de gestion de leurs deniers ? sans doute un peu des deux. Voila pour aujourd'hui.

A trés bientot Gentilhomme de la Chambre. (:8:) :)

_________________
Dominique Poulin


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 16 Sep 2004 19:50 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
A la fin du chapitre "Un quotidien monotone" vous avez fait allusion à une situation de pauvreté relative de la comtesse d'Artois en raison "d'un certain égoisme". J'avais cru comprendre qu'il s'agissait de la période inhérente aux dernières années de la princesse passées en France. Or, pour l'instant et avec la découverte de "La petite maison de Saint-Cloud" dont bénéficia la princesse de 1786 à 1789, Marie-Thérèse ne semble pas etre dans la misère, trés loin de là.

Je conviens que les princesses de ce temps ne s'entendaient pas en matière de finances, Marie-Antoinette y compris. Et par rapport à divers recoupements, notamment vis-à-vis des finances de la comtesse de Provence, il me semble que les femmes de la famille royale au XVIIIe siècle disposaient de peu de liquidités personnelles, malgré les considérables pensions qui leur étaient octroyées pour leurs plaisirs personnels. Cet aspect ne relevant pas des budgets alloués pour les "Maisons" et qui concernaient des comptes séparés. Je me trompe peut-etre de ci-de là, les divers éléments présentés appelant des compléments supplémentaires.

Ou alors cette "pauvreté" de la comtesse d'Artois due par "un certain égoisme" concerne-t-elle la période de son exil à partir de 1789 ? Vous le savez elle vécut à Turin à ma connaissance jusqu'en 1798, date ou son frère roi de Piémont-Sardaigne depuis 1796 refuse de cautionner les dictats du Directoire, puis de renoncer au Piémont sans abdiquer puis de se retirer dans on ile de Sardaigne. Mais lors de son exil Turinois, elle ne semble pas non plus dans la misère. J'ai noté quelques uns de ses "points de chute", le chateau de Moncalieri, résidence d'été des Savoie et le palais del Marino à Turin. De plus outre l'entretien des frais courants de ses filles Marie-Thérèse et Marie-joséphine assuré par les finances du Piémont-Sardaigne, la comtesse d'Artois touchait une pension de l'Espagne. Tout cela semble encore fort correct...
Est-ce alors aprés 1798 lorsqu'elle dut chercher asile en Autriche à Klagenfurt puis à Graz. Cela me parait plus plausible...

J'ai aussi noté trois personnes de la suite française de la princesse qui continuèrent à la servir au cours de son exil : le comte de Vintimille jusqu'en 1796, Mme de Coetlogon dame pour accompagner et Mlle de Ponceau, lectrice, qui d'aprés mes renseignements restèrent fidèles à la princesse jusqu'à sa mort en 1805.

Merci encore pour tout.

_________________
Dominique Poulin


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 16 Sep 2004 22:32 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
Saviez-vous que le duc d'Angoulème, fils du comte et de la comtesse d'Artois était promis à la princesse Adélaide d'Orléans, fille du duc d'Orléans et de Marie-Adélaide de Bourbon-Penthièvre et ce à la veille de la Révolution ? Le fait peu paraitre étonnant lorsque l'on connait l'animosité entre la branche ainée et la branche cadette des Bourbons au XVIIIe siècle mais le fait semble pourtant réel.

Les fiancailles entre les princes furent déclarées officiellement au printemps de 1789 et programmées pour le mois d'aout. Malheureusement les évènements et la fuite du comte d'Artois et de sa petite famille anéantirent le projet à jamais et le duc d'Angoulème épousa plus tard Madame Royale, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette.

Je dis cela car vous avez noté des visites du futur Philippe-Egalité à la comtesse d'Artois dans son domaine de Saint-Cloud. Je me doute bien du peu de pouvoir de la princesse dans les projets matrimoniaux de ses enfants, mais enfin peut-on croire que le duc d'Orléans fit des visites de courtoisie à sa cousine pour rendre plus acquis encore le mariage de sa fille avec le duc d'Angoulème ? la vraisemblance ne me parait pas impossible. Il faut voir...

Source du projet de mariage du duc d'Angoulème avec Adélaide d'Orléans : "Louis-Philippe" de Guy Antonetti aux éditions Fayard


Autre piste concernant l'enfant naturel de la comtesse d'Artois sous le nom de Auguste Mèves. Je me souviens avoir vu à la bibliothèque Universitaire un livre trés complet sur l'immense bibliographie de Louis XVII et notamment du recensement de tous les faux-dauphins. Je vais tenter de me le procurer. De mémoire je pense avoir lu autre chose sur ce Auguste Mèves qui selon Mr Ambelain aurait tenter de se faire passer pour Louis XVII mais où ? à force de consulter des tonnes d'ouvrages et d'emmagasiner des renseignements, on a du mal à tout retrouver...

_________________
Dominique Poulin


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 17 Sep 2004 8:16 
Hors-ligne
Plutarque
Plutarque
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 31 Août 2003 18:34
Message(s) : 182
Je dirais qu'en même temps ce mariage n'est pas si sot car, à la veille de la Révolution, les Artois sont, à long terme, de futurs Orléans. S'allier avec eux comme ceux-ci l'ont fait avec les Condé ou les Conti peut s'avérer fructueux pour lier ce qui était parti pour être deux branches cadettes. Ce qui m'étonne, c'est plutôt le côté politico-philosophique opposé des pères plus que l'intérêt dynastique, ainsi qu'un mariage d'enfants si jeunes, qui ne s'était pas vu depuis le moyen-âge! Je crois donc qu'il s'agirait plutôt de fiançailles ou de promesses "officielles" que d'une cérémonie véritable.

Cela dit dans la Correspondance sur Louis XVI et Marie-Antoinette, l'auteur, au courant au moins de tous les ragots, dit que le mariage ne se fera pas et que finalement le duc épousera Madame Royale... or Madame Royale étant fille unique de France à cette époque, elle était presque forcément promise à un étranger et la laisser en France aurait été, je pense, un frein à la diplomatie.

Maialen

_________________
"Le signe le plus flagrant qu'une vie intelligente existe quelque part dans l'univers, c'est que personne n'a essayé de nous contacter" Bill Watterson, Calvin & Hobbes


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 22 Sep 2004 16:57 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
Dans un de mes précédents messages, j'ai fait part de mes reflexions sur la situation matérielle de la comtesse d'Artois au cours de son exil. Or, je me suis mal exprimé lorsque j'ai abordé le séjour de Marie-Thérèse chez son père de 1789 à 1798.

On sait que Victor-Amédée III a pris en charge les frais de maison de ses filles les comtesses de Provence et d'Artois. Pour Marie-Joséphine, cette situation dura de 1792 à 1796. Pour la cadette, Marie-Thérèse, de 1789 à 1798. Victor-Amédée III ayant décédé en 1796, son fils Charles-Emmanuel IV continua d'assurer l'entretien de sa soeur restée à Turin au moins jusqu'en 1798. Les deux princesses touchaient par ailleurs une pension du roi Charles IV d'Espagne.

A propos quand le dernier chapitre "Une triste fin" sera t-il publié ?

_________________
Dominique Poulin


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 23 Sep 2004 17:51 
Hors-ligne
Plutarque
Plutarque
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 25 Avr 2004 19:05
Message(s) : 150
Je crains vous décevoir pour le final de mon exposé sur notre princesse, car j'ai bien peu de renseignements concernant sa "triste fin"

Probablement prise de peur, le 14 juillet 1789, la princesse renonca à ses innocents plaisirs de la broderie et de la pêche à la ligne, en abandonnant St Cloud. Alors que le comte d'Artois et ses fils quitaient la France dès la prise de la Bastille dans la nuit du 16 au 17 juillet 1789, la comtesse d'Artois gagna Turin dans l'anonymat le plus complet en août 1789. La comtesse, oubliée par son époux, négligée par ses enfants et ratatinée par les chagrins, préféra, en ses temps troublés, retrouver les siens en Savoie.

Après un voyage de deux mois, elle s’installa, en septembre 1789 à Moncalieri et n’en bougea plus : bien que son époux se montrât plein d’égards envers elle.
Elle y végéta, vivant d’une maigre pension que son père lui accordait : elle avait à peine de quoi se nourrir et se vêtir décemment. Une autre pension, accordée par le roi d'Espagne, ne suffisait pas à maintenir le train princier dans lequel la princesse était habituée à vivre.
Elle vécut ainsi dans une "quasi pauvreté"avec du tabac d’Espagne pour seul plaisir. Ses parents eux-mêmes l’oublièrent : lorsque les Français envahirent la Savoie, on omit de la prévenir de la fuite de la famille royale. Elle trouva finalement refuge en Autriche à Gratz où elle s’installa avec une dernière fidéle, une lectrice du non de Mlle de Ponceau, sa dernière amie.

Dans cet exil, elle sentait venir la mort. Elle y mourut, oubliée de tout le monde, après une longue maladie, à quarante neuf ans, le 2 juin 1804, dans cette discrétion dont elle ne s’était jamais départie, attendant ses derniers instants pour faire prévenir enfants et parents. Aussi sa mort n’importuna-t-elle personne, elle fut ensevelie au Mausoleum de la Ville où elle repose encore.

Fin
Gentilhomme de la chambre


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 08 Oct 2004 1:09 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
La vie en exil de la comtesse d'Artois est décidèment empreinte du plus grand mystère. Sans doute n'y a t-il rien d'étonnant à cela. Princesse effacée et sans personnalité, le rideau de l'histoire s'est abaissé pour elle lorsqu'elle quitta la France en septembre 1789. Pourtant Marie-Thérèse de Savoie a encore vécu quinze années... Dans une grande discrétion, je le reconnais. Les sources déja si parcimonieuses à son égard, deviennent rarissimes lorsque la princesse entame la seconde partie de sa vie. Son existence devient obscure.
Aucune autre parente de Louis XVI et de Marie-Antoinette, à l'exception peut-être d'une parente éloignée, la princesse de Conti, ne fut autant négligée des historiens et complétement gommée de la mémoire des amateurs d'histoire.
A contrario, on dispose de beaucoup de renseignements sur les exils de la soeur de la comtesse d'Artois, la comtesse de Provence au caractère si difficile, mais aussi sur Madame Royale, la duchesse d'Orléans, la duchesse de Bourbon... Faut-il pour autant renoncer à évoquer le dernier acte de la vie de l'infortunée comtesse d'Artois ? je m'y refuse car plus les recherches sont difficiles, plus je persiste dans mon projet.

Elle émigra en effet très tôt et entama son voyage à l'étranger le 6 septembre 1789. Son mari était déja parti deux mois plus tôt dans la nuit du 16 juilet sur l'ordre de Louis XVI. Je pense toutefois que son départ fut de son fait, c'est elle qui en formula le désir. Princesse craintive d'ailleurs, peu de choses la retenait en France et ses fils, les ducs d'Angoulème et de Berry, âgés respectivement de 14 et de 11 ans étaient également partis sur les instructions de leur père.

Cependant je ne partage pas l'opinion selon laquelle Marie-Thérèse serait partie dans un complet incognito. Son "insignifiance" la mettait à l'abri de la vindicte populaire et pourquoi aurait-elle été follement acclamée lors de son passage à Lyon si elle avait émigré dans l'anonymat ? Son voyage ne dura pas deux mois mais trois semaines au plus. Début octobre 1789, elle était à Turin accueillie par son père le vénérable roi de Piémont-Sardaigne Victor-Amédée III et sa nombreuse famille savoyarde.

Le château de Moncalieri, résidence d'été de la dynastie des Savoie constitua la première résidence en exil de la comtesse d'Artois, mais il ne semble pas qu'elle y vécut très longtemps. Elle ne fut pas logée au palais royal de Turin, mais dans un palais privé à Turin appartenant à la marquise de Marino.
On a dit que son sémillant mais volage époux, le comte d'Artois, eut des égards pour elle à cette époque. Geste prémédité ou retour d'une affection qu'il lui avait toujours mesurée ? Toujours est-il que le frère de Louis XVI avait intérêt à montrer des égard pour sa femme. Il vivait désormais aux dépens de son beau-père...
La discrète Marie-Thérèse avait toujours détesté la vie de cour et la représentation. A Turin, elle en fut en grande partie exemptée. La spontanéité n'était pas le fort de la famille royale de Savoie, les émigrés furent stupéfaits du comportement hiératique et guindé des princes au théatre Cadignan, l'un des rares lieux de plaisirs de la capitale du royaume.
Les fils du roi sont quasi inabordables selon le comte d'Espinshal : " Le duc de Montferrat, le duc de Genevois et le comte de Maurienne, âgés de vingt-sept, vingt-cinq et vingt trois ans, ont encore si peu vu le monde qu'à peine ils savent parler. Un signe de la tête est tout ce que l'on peut obtenir. Ils mènent une vie trés réglée et ne sortent pas encore sans leur gouverneur et un des trois ne quitte jamais les autres. "
Quelle différence avec les moeurs de Versailles ! Mais la comtesse d'Artois n'en demandait pas davantage, vivre dans la discrétion était semble-t-il son plus cher désir.

Au printemps de 1791, son époux quitte les Etats de son beau-père pour s'installer en Allemagne à Coblence. Ce ménage si disparate ne devait plus jamais se revoir. Ainsi, la vie de la princesse continua à se dérouler lentement, peut-être plus monotone encore qu'elle n'était à Versailles. On a pourtant l'esprit de famille, la comtesse d'Artois se présente souvent pour les diners ou les aprés-diners au palais. L'arrivée de la comtessse de Provence au printemps de 1792 ne semble pas avoir resserré les liens des deux soeurs et l'irritabilité de Marie-Joséphine ne va pas tarder à faire tache d'huile à la cour. La cadette, Marie-Thérèse au tempérament si placide ne fait pas parler d'elle. Séparée de ses fils en 1792, on ne connait pas avec discernement ses rapports avec ses nombreux frères et soeurs. La figure dominante de ce tableau est représenté par la princesse de Piémont, cette fameuse Clotilde de France que l'on surnommait autrefois "Gros Madame" à Versailles...

L'exil est souvent synonyme de réduction de train de vie pour les altesses. Sans doute peut-on parler de gêne en comparaison des existences de sybarites que menaient nos princes à la cour de France, mais pas de misère. Ne l'oublions pas la comtesse d'Artois est chez elle, elle est revenue dans sa patrie de naissance, c'est une princesse, une fille de roi. Victor-Amédée III ne saurait refuser la prise en charge de Marie-Thérèse et d'ailleurs la comtesse d'Artois n'est pas seule. Quelques fidèles de son ancienne et opulente maison l'ont rejointe. Le marquis de Vintimille et la marquise de Coetlogon, dame pour accompagner font partis de son entourage.
Selon Jacques Levron, c'est la comtesse d'Artois elle-même qui sollicita la poursuite des services de cette dame et Mme de Coetlogon s'empressa sans arrières-pensées afin de rejoindre sa maitresse. Des domestiques entourent Marie-Thérèse, c'est certain mais ils sont infiniment moins nombreux qu'à Versailles.
Elle touche d'ailleurs une pension de l'Espagne "en or et en argent" selon Charles Dupechez. On a avancé la somme dérisoire de quarante francs. Je n'y crois pas beaucoup car sa soeur la comtesse de Provence, également pensionnée par le roi Charles IV d'Espagne percevait 10 000 livres tournois "pour les petites dépenses de son intérieur."

Lorqu'au printemps de 1796, l'armée de Bonaparte déferla sur le Piemont, la comtesse d'Artois, apeurée, prend la fuite. Dans son innocence, peut-être pense-t-elle que l'on va l'arrêter pour l'emprisonner, pire la guiillotiner ?
Mais non Bonaparte et ses soldats ont d'autres chats à fouetter ! Le 21 avril, la défaite du général Colli ouvre la route de Turin, Marie-Thérèse quitte son refuge pour se replier à Arona. L'armistice de Cherasco, le 28 avril met fin aux hostilités mais au passage le royaume est amputé de la Savoie et du comté de Nice.
Arrivé au terme de jours éprouvants pour la dynastie, le vieux roi Victor-Amédée III veut reprendre les choses en main et se poser en maitre incontesté de sa famille. Il consent à ce que ses filles, les comtesses de Provence et d'Artois reviennent à Turin, mais sans Madame de Gourbillon pour l'ainée et sans le marquis de Vintimille pour la benjamine.

Mr de Vintimille n'est pas un homme tout à fait ordinaire, c'est un fils naturel de Louis XV au point que sa ressemblance avec son père l'a fait surnommer le "Demi-Louis". Ce batard est le chevalier d'honneur de la princesse depuis 1773. Pourquoi Victor-Amédée III demande-t-il la démission d'un des derniers fidèles de sa fille ? aucun document ne permet de l'expliquer, mais Marie-Thérèse se voit contrainte d'obéir. La fière Marie-joséphine n'obtempère pas aux ordres paternels et passe en Suisse.
Victor-Amédée III ne survit pas à la tutelle de la France et au démenbrement de son royaume, il expire bientot le 16 octobre 1796.
Son fils, Charles-Emmanuel IV monte sur un trône bien lézardé. Des heures difficles s'annoncent...

La comtesse d'Artois, qui a maintenant atteint la quarantaine, s'enterre dans l'anonymat, on ne dispose plus que de très rares renseignements. Fin 1798, le monarchie piémontaise connait ses derniers instants. Sous la tutelle sourcilleuse de la France depuis deux ans, le pays ne donne pourtant pas assez de gages au Directoire. Le 6 décembre, le Piémont est occupé, le 8, le général Grouchy somme Charles-Emmanuel IV d'abdiquer. Dialogue de sourds. Le frère de la comtesse d'artois consent à se retirer en renoncant sur le principe à la souveraineté sur le Piémont. On lui laisse celle sur la Sardaigne. Charles-Emmanuel s'empressera pourtant de demander la protection des Anglais qui cernent bientot l'ile grâce à leur escadre.

La suite demain, il est très tard... :wink:

_________________
Dominique Poulin


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 08 Oct 2004 17:09 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
Dans quelles conditions la famille royale est partie de Turin ? Fut-elle si précipitée au point que l'on oublia la comtesse d'Artois ? Est-ce la princesse qui refusa de se joindre à ses proches ? encore une fois, aucun document ne permet d'expliquer cette troublante situation. Toujours est-il que dans Turin occupé, l'armée française fut bien embarrassée de la présence de cette curieuse princesse. Le colonel Alix fut chargé d'acheminer la comtesse d'Artois à la frontière sous la protection d'une escorte de hussards.

Elle se fixa d'abord à Klagenfurt sur les bord de la Vénétie avant de se fixer à Graz en Autriche, son ultime lieu d'exil. Elle y vécut obscurément sous le nom de marquise de Maisons. De quoi vivait-elle ? il semble qu'elle continua à toucher une pension de la cour de Madrid et peut-être faut-il situer à cette époque, ce dérisoire pécule de quarante francs dont se serait contenté Marie-Thérèse.
Cette hypothèse est toutefois à lire avec prudence, car on sait que la comtesse d'Artois offrit à sa nouvelle belle-fille Madame Royale, un nécessaire de voyage en vermeil pour ses noces avec le duc d'Angoulème au printemps de 1799.
Vécut-elle ses dernières années dans l'abandon ? Certes, sa famille maternelle et sa famille d'adoption ne se soucient plus guère de l'inoffensive Marie-Thérèse, bien que l'on sache que le comte d'Artois écrivait à sa femme de temps en temps la félicitant de ses principes d'économie ! Quelques fidèles sont demeurés aux côtés de la comtesse d'Artois. Le nom de Mlle de Maisons, sa lectrice, est le plus souvent cité.

Marie-Thérèse meurt prématurément en juin 1805 à quarante-neuf ans. Sans doute n'était-elle plus que l'ombre d'elle-même. On peut penser que négligée de son infidèle mari, sans soutien auprès de ses enfants et apparemment abandonnée de sa famille maternelle, elle se replia sur elle-même souffeteuse et résignée.
Personnalité sans ressources de caractère, ballotée au gré des hommes et des événements, elle fut emportée par les vicissitudes de l'exil et les vents de l'histoire.

_________________
Dominique Poulin


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 25 Oct 2004 22:17 
Hors-ligne
Plutarque
Plutarque
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 09 Juin 2004 23:02
Message(s) : 187
Localisation : Massy (91) / Grenade (31)
Pour ceux qu'une description des appartements de la comtesse d'Artois au château de Marly, j'ai récemment découvert à la bibliothèque de mon école (donc je pense qu'on le trouve facilement dans les autres bibliothèques) un excellent ouvrage de Stéphane Castelluccio intitulé Le château de Marly sous le règne de Louis XVI (publié par la Réunion des Musées Nationaux en 1991).
dans ce livre, l'auteur fait une étude complète de chacun des apartements princiers plans à l'appui (perso je l'ai consulté au sujet de ma princesse). ce livre reprend son mémoire de recherche de troisième cycle à l'Ecole du Louvre... Voilà donc avis aux amateurs...

_________________
"Je ne me dissimule point que la Monarchie ne pourrait reprendre son éclat que par un coup de vigueur; mon frère ne le fera pas, et sûrement, je ne me permettrais pas de le lui conseiller."
29 mai 1789


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 18 Nov 2004 16:44 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
Merci pour la référence Philippe-Elisabeth. Pourtant il ne faut pas oublier que le château de Marly sous Louis XVI fut assez déserté par la Cour, les derniers en date s'échelonnèrent en 1781 et 1789 quelques semaines avant la prise de la Bastille. A ma connaissance, Marie-Antoinette avait commandé le renouvellement de son mobilier dans ses appartements au début des années 1780. Malheureusement, elle en profita très peu et cela au lendemain de la mort de son fils le premier dauphin en juin 1789.

_________________
Dominique Poulin


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 18 Nov 2004 23:06 
Hors-ligne
Plutarque
Plutarque
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 09 Juin 2004 23:02
Message(s) : 187
Localisation : Massy (91) / Grenade (31)
Effectivement, la reine avait commandé le renouvellement complet du mobilier de son appartement, mais pas seulement elle. Une campagne de renouvellement des décors et du mobilier eut lieu en 1781. La reine durant les travaux occupa les appartements de madame Elisabeth au premier étage du pavillon royal, et la princesse s'installa dans l'appartement de madame Adélaïde (qui avec sa soeur Victoire, avait déclaré qu'elle ne souhaitait plus prendre part aux voyages de Marly).
Pour le mobilier, une partie de celui de madame Elisabeth, jugé trop riche car doré, fut placé dans l'appartement du roi et dans celui de la reine au rez-de-chaussée du pavillon royal.

_________________
"Je ne me dissimule point que la Monarchie ne pourrait reprendre son éclat que par un coup de vigueur; mon frère ne le fera pas, et sûrement, je ne me permettrais pas de le lui conseiller."
29 mai 1789


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 01 Déc 2004 17:10 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
Dans l'ouvrage "Les Rois de France" aux éditions Atlas figure un portrait de la comtesse d'Artois, inédit à ma connaissance. Le peintre en question n'est pas mentionné, c'est dommage, mais je ne reconnais pas le talent de Mme Vigée-Lebrun. La princesse pose assise devant son secrétaire, la plume à la main. Elle semble toute petite... Voila pour l'information. :wink:

_________________
Dominique Poulin


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 15 Déc 2004 10:00 
Hors-ligne
Plutarque
Plutarque
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 25 Avr 2004 19:05
Message(s) : 150
Cher Dominique

Je ne connais pas le livre dont vous parlez. D'aprés la description, ne s'agit-il pas , plutot d'un portrait de la comtesse de Provence, peint au pastel par Leclerc, conservé au chateau de Sassenage
http://www.domaine-de-sassenage.com/savoir/S3-2.htm

Si ce n'est pas ça, pouvez vous mettre l'image en ligne et je pourrais vous aider à trouver l'auteur du portrait.

Gentilhomme de la chambre


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message :
Message Publié : 15 Déc 2004 20:12 
Hors-ligne
Eginhard
Eginhard
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 22 Mai 2003 16:34
Message(s) : 790
J'ai visité le site que vous m'avez conseillé. Le portrait de la comtesse de Provence qui y figure ressemble en effet un peu à celui de la comtesse d'Artois, notamment la couleur de la robe, mais je ne peux guère en dire plus tant l'image en question de l'épouse du futur Louis XVIII est réduite.

A mon avis, le portrait de Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d'Artois, illustré dans "Les Rois de France" aux éditions Atlas est différent. La pose n'est pas la même, ainsi que le décor.
Mais les deux portraits des deux soeurs comportent des similitudes, c'est la même ambiance. Les deux soeurs entraient-elles en compétition dans leurs portraits ? trève de plaisanterie, adoptons le raisonnement froid de l'historien, c'est plus sur !
Quant à afficher le portrait de la comtesse d'Artois, excusez moi du peu, je ne sais pas faire même avec des consignes sur le Net, c'est encore du charabia pour moi. La guigne. :oops: :cry:

_________________
Dominique Poulin


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 53 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 27 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB