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Ensuite, il faut faire attention aux termes, qui doivent être replacés dans leur contexte. Lorsqu'il est question de droits à "la vie, la liberté et la recherche du bonheur", de quoi parle-t-on ? Bonheur européen et bonheur américain ne sont pas nécessairement semblables au XVIIIe siècle (de même qu'aujourd'hui). Pour Bernard Cottret, la clé du bonheur en Amérique est la croissance, qu'elle soit "géographique ou économique, voire démographique et familiale", aussi peut-on se risquer à l'hypothèse d'une conception toute libérale du bonheur (Locke dans son Essai sur l'entendement humain est assez clair à ce sujet).
La signification du mot "bonheur" se prête à des interprétations différentes non seulement selon les cultures, mais selon les classes sociales, le sexe, l'âge, les tempéraments individuels etc. C'est donc un fourre-tout, et finalement, dans ce contexte particulier, une ces expressions typiques des discours révolutionnaires, exaltantes car évoquant la vision d'un avenir meilleur, mais si vagues et si vides de sens précis qu'elles ne peuvent correspondre à rien de concret économiquement ou politiquement.
Recherche du bonheur, lendemains qui chantent, on est dans le registre de la promesse politique, qui par définition doit rester dans l'imprécision.
Mais oui, on peut dire que la définition du bonheur aux EU est libérale, axée sur l'individualisme et le développement individuel, largement conçu dans sa dimension économique (l'individualisme socio-culturel n'est pas nécessairement bien perçu, il y justement une forte pression sociale à se conformer à cette norme sociale d'individualisme économique
D'accord aussi pour souligner l'influence des thèses de Locke sur la Révolution américaine.
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Pour revenir au sujet de départ, ce que l'on appelle "Révolution américaine" découle en effet (à l'origine en tout cas) d'une volonté de préserver un acquis : le tyran anglais est un tyran car il nie le droit coutumier anglais issu de la Glorieuse Révolution, selon laquelle il ne peut y avoir de taxation sans représentation, d'où les révoltes types tea party dans les années 1770, où, reprenant les principes lockéens sur la représentation, la possibilité d'insurrection etc., les colonies se voient en droit de lutter contre le roi discrédité. Ainsi pour quelle(s) liberté(s) se bat-on en 1776 ? Politique, économique, etc. ?
A l'origine de la Révolution américaine, il y a une révolte fiscale. D'après les sources auxquelles j'ai eu accès, la taxation a laquelle ont été soumises les colonies n'était pas aussi injuste qu'elles l'ont prétendu: les colons, dans leur recherche de terres nouvelles à annexer et l'extension de leurs activités commerciales, se heurtaient fréquemment à des tribus indiennes, d'où des affrontements et des massacres de colons.
Pour les protéger, le gouvernement anglais dut envoyer toujours plus de troupes, qui coutaient cher. Certes, il y avait aussi le fait que le Trésor anglais avait été fortement taxé par ses guerres européennes, guerres avec la France en particulier, mais le coût de la protection des colons était réel.
Et l'absence de représentation des colonies n'était pas totale: chaque colonie avait un parlement qui gérait les affaires de la colonie avec le gouverneur, nommé par la métropole. Bien sûr, ces parlements ne décidaient pas des impôts et tarifs, et c'était là le point de contention.
Et donc, lorsque la métropole commença à poser des exigences fiscales après avoir laissé les colonies pendant longtemps dans un "benign neglect", qui équivalait à les laisser largement gérer leurs affaires toutes seules sans grandes exigences financières, les colons l'ont mal pris.
Mais, en comptant sur la protection militaire de la métropole tout en refusant de la payer de leur poche (un des articles, le troisième, du Bill of Rights stipule que le gouvernement ne peut cantonner des soldats chez les citoyens), on peut dire qu'ils se comportaient un peu comme des adolescents qui acceptent l'argent de poche donné par leurs parents mais refusent de mettre la table quand ils le leur demandent.
Il y a une certaine exagération dans les reproches faits au roi dans la Déclaration d'indépendance, et c'était aussi un peu spécieux de revendiquer les mêmes droits coutumiers dont bénéficiaient les sujets du roi d'Angleterre, alors que les impôts payés par les colons étaient, même après qu'ils aient été augmentés, encore très inférieurs à ce qu'ils étaient en Angleterre.